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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 20 octobre 2004, n° 03-06304

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Butagaz (SNC), Brandt

Défendeur :

Perrié Brandt Energie (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Picque, Roche

Avoués :

Me Teytaud, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Pitron, Calonne, Bourgeon.

T. com. Paris, du 14 févr. 2003

14 février 2003

Dans le cadre d'une opération de restructuration de son réseau de distribution, la société Butagaz a mis fin par courrier du 6 mai 1999 à effet du 1er décembre 1999, au mandat qui la liait avec la SNC Perrié Brandt Energie (société PBE), à laquelle ont été versés à titre d'indemnisation des conséquences de cette rupture, 220 624 euro (1 447 200 F) pour la valeur non amortie des investissements non réutilisables réalisés par le mandataire, et 1 008 770 euro (6 617 101 F) en deux versements effectués le 6 mars 2000 à hauteur de 836 459,91 euro HT et le 10 juillet 2001 pour le solde, au titre de l'indemnité minimale de résiliation fixée par l'article 12-1 du contrat à six mois de commissions brutes perçues par le mandataire.

C'est dans ces conditions que la société PBE et Georges Brandt, estimant que ces versements ne couvraient pas les préjudices subis, ont assigné le 14 février 2001 la société Butagaz devant le Tribunal de commerce de Paris, demandant outre l'allocation de 7 600 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, sa condamnation avec exécution provisoire à payer :

* à la société PBE

- 89 986,22 euro avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2000 au titre de l'apurement des comptes,

- 249 918,43 euro en principal de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en compensation du non-respect du préavis de six mois,

- 2 509 379,73 euro HT majorés d'intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1999 de "dommages-intérêts " en réparation du préjudice subi du fait de la cessation du contrat,

- 32 776,54 euro majorés d'intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1999 en remboursement de la caution ICD,

- 4 843,91 euro en remboursement de la taxe professionnelle pour les années 2000 et 2001,

* à Georges Brandt

- 548 816,46 euro en réparation de son préjudice personnel,

- 76 224,51 euro en réparation de son préjudice moral.

La société Butagaz a opposé à ces demandes une fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette action, et conclu subsidiairement au débouté des demandes de son adversaire, sollicitant 7 000 euro pour ses frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 14 février 2003, assorti de l'exécution provisoire sous réserve de la constitution d'une caution, le Tribunal de commerce de Paris a, notamment,

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Butagaz,

- dit que l'indemnité de cessation de contrat devait correspondre à 10 années de résultat de la société PBE, et condamné la société Butagaz à lui payer à ce titre, sur la base du résultat courant avant impôts de la société PBE affecté d'un coefficient multiplicateur de 10, 1 105 078,12 euro majorés d'intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1999,

- dit que la société Butagaz avait eu un comportement déloyal en laissant croire à la société PBE que son contrat serait prorogé, la privant du préavis de six mois contractuellement stipulé, et condamné la société Butagaz à lui verser 96 718 euro majorés d'intérêts au taux légal à compter du 14 février 2001,

- condamné la société Butagaz à payer à la société PBE le montant de la prime de sécurité correspondant à l'exercice 1999, soit 5 856,90 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 janvier 2000,

- débouté pour le surplus la société PBE de ses demandes,

- débouté Georges Brandt de la totalité des siennes,

- condamné la société Butagaz à payer à la société PBE 7 600 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 30 août 2004, la société Butagaz, appelante, expose notamment que :

- le reproche de non-respect du délai de préavis n'est pas fondé, sa lettre du 6 mai 1999 ayant notifié à son mandataire, sans aucune ambiguïté, la résiliation du contrat, imposée par les exigences formulées par la société PBE pour la conclusion d'un nouveau contrat qu'elle-même ne pouvait accepter, leurs réunions ultérieures n'ayant porté que sur les modalités de cessation des relations contractuelles,

- la cessation des activités de la société PBE pour son compte a été largement indemnisée par l'allocation d'une indemnité de résiliation fixée en application des dispositions de l'article 12-1 du contrat à six mois de rémunérations totales soit 6 617 101,70 F (1 008 770 euro) TTC à laquelle s'ajoutait une indemnité correspondant à la valeur non amortie des investissements non réutilisables soit 1 447 200 F (220 624,22 euro) TTC, sous déduction toutefois des sommes dues par le mandataire au titre de la reddition des comptes, le refus de règlement opposé par la société PBE l'ayant conduite à adresser à cette dernière les indemnités susvisées déduction faite des sommes dues par la société PBE, soit 182 138 euro HT au titre de l'indemnité d'immobilisation et 275 035 euro TTC au titre de l'indemnité de résiliation,

- le calcul de l'indemnité de résiliation, dont la société Butagaz ne conteste nullement le principe, correspond au résultat courant avant impôt (RCAI) de la société PBE qui ne justifie pas d'un préjudice supérieur à ce montant, la majeure partie de la rémunération versée au mandataire Butagaz correspondant en réalité au remboursement de coûts standard (facturation et transport) éteints du fait de la résiliation, seule la partie résiduelle de ces rémunérations constituant sa marge,

- le RCAI moyen réalisé par la société PBE au titre de ses activités de mandataire pour les années 1998, 1999 et 2000 est de 153 614 euro, l'activité de PBE exercée pour le compte de la société Camping Gaz, qui est une activité totalement distincte, et son activité de mandataire pour le territoire du Cantal déjà indemnisée par la société Butagaz, ayant été abusivement intégrées à ce calcul par l'intimée,

- la société PBE, qui n'a exposé aucun frais pour la création et le développement de son activité, ni pour sa cessation, et se prévaut d'une ancienneté de 21 ans alors qu'elle n'a été créée qu'en 1993, ne justifie d'aucun préjudice justifiant l'allocation d'une indemnité à hauteur de 10 années de marge et notamment d'aucune charge telle que des indemnités de licenciement résultant de la cessation de son activité.

Elle déclare que les autres demandes formées par la société PBE et par Georges Brandt à son encontre sont également infondées, et prie la cour

A titre principal,

- déclarer la société PBE irrecevable en son action en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du mandat signé avec Butagaz,

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société PBE des sommes complémentaires à celles qu'elle avait déjà versées à l'occasion de la résiliation de son contrat,

- le confirmer en ce qu'il a débouté Georges Brandt, qui ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui de la société PBE, de ses demandes formulées à titre personnel,

- condamner la société PBE à lui payer 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions du 23 août 2004, la société Perrié Brandt Energie (PBE), intimée, et Georges Brandt, appelant provoqué, font valoir, notamment, que :

- la résiliation du mandat confié à la société PBE pour le territoire de l'Isère est intervenue dans des conditions irrégulières, le courrier "ambigu" qui lui a été adressé le 6 mai 1999 mentionnant un autre contrat déjà résilié concernant le Cantal, et la société Butagaz l'ayant brutalement informée le 15 octobre 1999 qu'elle entendait cesser toute relation à effet du 1er décembre 1999, terme du préavis notifié le 6 mai 1999 pour un autre contrat,

- l'indemnisation qui lui a été imposée par son mandant est manifestement insuffisante, dès lors qu'il résulte des termes des contrats conclus entre la société PBE et la société Butagaz les 1er septembre 1991 et 1er septembre 1993, des dispositions d'ordre public de la loi du 25 juin 1991 applicables aux agents commerciaux et d'un usage ayant force obligatoire au sens de l'article 1135 du Code civil que l'assiette de l'indemnité due à l'agent à la cessation du contrat doit être calculée sur la totalité des rémunérations qu'il a perçues, tous les aspects de son activité, qui font l'objet d'une rémunération globale, devant être pris en compte, sauf à dénaturer l'équilibre du contrat, le montant de cette indemnité devant correspondre à vingt quatre mois de commissions brutes,

- il y a lieu de tenir compte, en l'espèce, de la spécificité de la situation de la société PBE, la société Butagaz lui ayant imposé depuis 1993 outre une mono-activité de mandataire pour son compte qui l'a fragilisée, ainsi que la reprise de l'activité exercée dans le territoire de l'Isère par la société Sadam à un coût global de 9 363 000 F HT, et ayant rompu leurs relations alors qu'elle venait de signer le 17 mars 1999 un nouveau contrat, son comportement déloyal ayant empêché la reconversion de son mandataire, ces difficultés encore aggravées par la clause de non-concurrence de 24 mois souscrite par la société PBE ayant conduit à l'anéantissement total de son activité, ces éléments justifiant que l'indemnité de résiliation soit portée à dix années du montant de référence retenu par le tribunal,

- le résultat courant avant impôt (RCAI) soit 193 435 euro retenu par le tribunal, qui est tiré des comptes de la société PBE pour la période 1995/1998, est toutefois inexact, les données pertinentes devant être prises dans les bilans clos à fin février 1998, 1999 et 2000 dont il convient de retraiter le résultat en tenant compte d'éléments ponctuels, exceptionnels ou extérieurs, ces retraitements conduisant à la détermination d'un RCAI moyen annuel pour la période considérée de 380 709,50 euro, l'indemnité due à la société PBE devant être portée à 3 807 095 euro, qui correspond à 24 mois de commissions brutes soit 3 345 839,64 euro, un tel montant étant au demeurant largement inférieur à la valeur d'entreprise de la société, estimée à 7 317 552,83 euro "sur la base d'un FER de 15 parfaitement courant dans le secteur d'activité concerné ".

Ils demandent à la cour de :

- confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a considéré que le droit à réparation de la société PBE n'est pas éteint, et condamné la société Butagaz à lui payer, au titre de l'apurement des comptes, 5 856,90 euro majorés d'intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2000,

- l'infirmer pour le surplus et condamner la société Butagaz à payer à la société PBE :

* au titre de l'apurement des comptes, la somme principale de 77 129,32 euro majorée des intérêts au taux légal depuis le 24 janvier 2000 date de la mise en demeure,

* à titre de dommages-intérêts en compensation du non-respect du préavis de résiliation de six mois prévu au contrat, 243 918,43 euro en principal majorés d'intérêts au taux légal à compter de l'assignation, subsidiairement dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement qui a pris en compte le résultat courant avant impôts pour calculer le préjudice subi par la concluante et non pas l'excédent brut d'exploitation, de rectifier le RCAI retenu par le tribunal et de condamner la société Butagaz à payer à la société PBE 190 354,75 euro majorés d'intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

* à titre de dommages-intérêts en réparation intégrale du préjudice subi par la société PBE du fait de la cessation de son activité de mandataire Butagaz, 2 970 635,09 euro (3 807 095 - 836 459,91) HT, majorés des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1999,

* en remboursement des sommes versées par la SNC PBE au titre de la caution ICD, la somme de 32 776,54 euro en principal, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1999,

* en remboursement de la taxe professionnelle relative à son activité de mandataire Butagaz pour les années 2000 et 2001, après un dégrèvement partiel obtenu de l'administration fiscale, la somme de 4 843,91 euro,

- condamner la société Butagaz à payer à Georges Brandt à titre de dommages-intérêts, 548 816 euro en réparation de son préjudice matériel, et 76 224,05 euro en réparation de son préjudice moral,

- condamner la société Butagaz au paiement de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de la société PBE

Considérant que la société Butagaz soulève une fin de non-recevoir tirée de l'inobservation des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en ce que la société PBE n'a engagé son action au fond que le 14 février 2001, alors que le contrat résilié le 6 mai 1999 avec un préavis de six mois, avait pris fin le 1er décembre 1999, et soutient que " le délai de prescription institué par cet article ", n'a pu être interrompu par l'assignation en référé du 22 novembre 1999 qui avait un tout autre objet, aucun acte interruptif n'étant intervenu dans le délai prévu par la loi;

Mais considérant que les dispositions susvisées ne sont assorties d'aucun formalisme particulier; que la société PBE a satisfait à la loi dans le délai prévu par l'article susvisé notamment par son courrier du 8 décembre 1999 notifiant à la société Butagaz son désaccord sur les conditions d'indemnisation proposées par cette dernière, précisant qu'elle "recevra ces règlements sous toutes réserves de la réparation intégrale des préjudices subis dans le cadre de l'exécution et de la cessation du contrat... " ;que dès lors ce texte n'a plus lieu de trouver application, la prescription de droit commun étant applicable;qu'au demeurant, seule la demande concernant l'indemnité de cessation de contrat réclamée par le mandataire est mentionnée par les dispositions de l'article susvisé, les autres demandes formées par la société Rousselot ayant des fondements différents;

Que la fin de non-recevoir soulevée par la société Butagaz ne peut qu'être écartée;

Sur le fond

Considérant que la restructuration de son activité commerciale, décidée à la fin des années 1990 pour des raisons de réduction de ses coûts de distribution, a amené la société Butagaz à réduire de moitié le nombre de ses mandataires en résiliant 35 des mandats confiés à ses agents commerciaux et à sous-traiter le transport de ses produits à des sociétés spécialisées; que la société PBE, qui avait repris en 1993 l'activité de mandataire Butagaz exercée par la SA Perrié Brandt dans le Cantal depuis 1978, était titulaire de deux mandats qui lui avaient été confiés, le premier le 1er juillet 1993 pour le territoire de l'Isère dans lequel elle succédait à la société Sadam, le second le 1er septembre 1993 pour le territoire du Cantal; que le second de ces deux contrats a été résilié en plein accord entre les parties le 19 mai 1998 à effet rétroactif du 31 mars 1998 moyennant diverses indemnités versées au mandataire (indemnité totale de 878 332,31 euro HT soit 328 963 euro au titre de la cessation des relations contractuelles et 381 097 euro au titre de la valeur non amortie des investissements immobiliers), la société PBE ayant de son côté expressément renoncé à engager toute action au titre des relations ayant existé avec Butagaz en exécution de ce mandat; que le litige porté devant la cour concerne la résiliation du premier mandat qui concernait le territoire de l'Isère, intervenue par courrier du 6 mai 1999 avec un préavis contractuel de six mois et une échéance ultime fixée au 1er décembre 1999; Que les parties s'opposent sur les conditions dans lesquelles est intervenue la résiliation de ce contrat et sur la réparation des conséquences de cette rupture;

Sur le non-respect du délai de préavis reproché à la société Butagaz

Considérant que la société PBE fait valoir que la société Butagaz a eu envers elle une attitude déloyale et ambiguë, en lui adressant le 6 mai 1999 un courrier de résiliation visant le contrat déjà résilié et comme tel erroné, à effet du 1er décembre 1999, alors qu'un nouveau contrat déjà signé par Butagaz était en cours de négociations entre elles deux, et en lui laissant croire que les négociations concernant ce nouveau contrat étaient toujours en cours jusqu'au 15 octobre 1999, date à laquelle l'intimée a été brutalement informée que son mandat prenait fin à la date initialement fixée dans le courrier du 6 mai 1999;

Mais considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que le nouveau contrat proposé le 17 mars 1999 par la société Butagaz à la société PBE a été rejeté en l'état par cette dernière en des termes particulièrement nets ; que la société PBE écrivait en effet le 6 avril 1999 que "le contrat ne pourra être définitif qu'après validation communes de toutes les annexes, des quantitatifs tonnages et points de vente (...) ainsi que des modifications d'articles ", ajoutant qu'il lui "semblait nécessaire avant tout engagement définitif de bien analyser les modalités de reprise de secteur, les conséquences sociales et financières et la prise en charge des procédures et des coûts... ", précisant que son courrier " constituait une annexe au contrat présenté et conditionnait l'accord sur les termes du contrat précité " ; qu'il est constant que ces conditions qui portaient sur des éléments essentiels de la convention n'ont pas été acceptées par la société Butagaz, l'accord des volontés des deux parties n'ayant pu se former;

Que si le courrier de résiliation notifié le 6 mai 1999 par la société Butagaz à la société PBE mentionne par erreur en référence " résiliation du contrat de mandat du 1er septembre 1993 " alors que cette date était celle du mandat concernant le Cantal résilié un an auparavant, la société PBE ne pouvait se méprendre sur la portée de cette notification, la société Butagaz faisant expressément référence à son " courrier du 6 avril 1999 comportant différentes réserves et conditions préalables à tout engagement de [sa] part sur les termes du projet de contrat ", et prenant acte de l'échec des négociations dont elle rappelait la poursuite " depuis plusieurs mois";

Que la société PBE, qui affirme que ces négociations se sont poursuivies après ce courrier de résiliation, n'en apporte pas la preuve, sa convocation à une réunion générale des mandataires Butagaz tenue le 31 août 1999 ne pouvant en tenir lieu, pas plus que les courriers émanant de l'intimée, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même ; qu'enfin les pièces qu'elle verse aux débats constituées par des attestations de certains de ses salariés qui déclarent n'avoir pas été informés du transfert du mandat et par le courrier électronique d'un transporteur s'inquiétant le 23 novembre 1999 de l'absence de consignes transmises par la société Butagaz pour le transfert d'activité, sont insuffisantes à constituer cette preuve;

Qu'il y a lieu dès lors de constater que la déloyauté reprochée à la société Butagaz n'est pas établie, et de rejeter les demandes formées par la société PBE sur ce fondement;

Sur la demande tendant à l'augmentation de l'indemnité de cessation du contrat

Considérant que la société Butagaz a confié à la société PBE, suivant contrat-type du 1er juillet 1991 assorti d'une clause d'exclusivité sur le territoire défini en annexe à ce contrat et pour une durée indéterminée, "mandat de la représenter auprès de la clientèle Butagaz située sur le territoire " et " à cet effet ... d'assurer la promotion, la distribution et la vente des produits... le stockage des bouteilles ainsi que le suivi commercial des emballages propriété du mandant (bouteilles et citernes)"; que ce mandat, confié à la société PBE en qualité d'agent indépendant pour souscrire des contrats de vente au nom et pour le compte de la société Butagaz, et résilié par cette dernière par courrier recommandé du 6 mai 1999 est un contrat d'agence commerciale régi par les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, ce que les parties ne contestent pas ;que les activités accessoires au mandat, telles que la facturation, le transport et la livraison des produits, la gestion des stocks et le suivi des emballages moyennant le versement de commissions forfaitaires prévues par l'article 5-2 du contrat " en rémunération de cette activité logistique et administrative de livraison et de suivi commercial ", qui s'apparentent davantage à une activité de distributeur mais sont étroitement liées au mandat confié par Butagaz à ses agents, ne sont pas de nature à modifier la qualification du contrat;

Que selon son article 12.1, "En cas de résiliation du contrat non motivée par une faute du mandataire, résultant notamment de l'inexécution de l'une des dispositions du contrat, le mandataire aura droit, compte tenu de l'ancienneté de ses relations commerciales avec le mandant, sous réserve d'avoir contribué de façon significative au développement de l'activité du mandant, à une indemnité compensatrice du préjudice subi, qui ne saurait être inférieure à six mois de la rémunération totale calculée sur la base de la moyenne des douze derniers mois, et le cas échéant, au remboursement de la valeur non amortie des investissements non réutilisables qu'il aura effectués pour l'exécution, du contrat, sur la recommandation du mandant";

Que ces clauses, qui prévoient une indemnité de résiliation minimale égale aux rémunérations totales versées à l'agent pendant une période de six mois, tout en mentionnant expressément son droit à la réparation intégrale du préjudice subi du fait de la cessation du contrat, ne sont pas contraires aux dispositions impératives de l'article L. 134-12 du Code de commerce, qui disposent qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice réparant le préjudice causé par la cessation des relations avec le commettant et non pas à une indemnité calculée au regard de la clientèle apportée ou développée,conformément au choix laissé aux Etats membres par la directive n° 86-653 du Conseil des Communautés européennes dans son article 17;

Qu'ainsi la société PBE n'est pas fondée à invoquer la perte de la clientèle créée ou développée pour le compte de son commettant ainsi que celle de sa part de marché, alors que l'agent commercial ne peut revendiquer aucun droit ni sur la clientèle apportée à son mandant, ni sur les produits dont la distribution lui a été confiée ;qu'à cet égard, sa demande d'une indemnisation calculée sur la base d'un " price earning ratio " (PER) utilisé en matière de transmission d'entreprises et fondé sur la valorisation du fonds de commerce et celle de la clientèle cédée, ne peut qu'être rejetée ; que la société PBE doit toutefois être intégralement indemnisée du préjudice lié à la rupture du contrat, ce préjudice, dont il appartient à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve, pouvant résulter de la perte des commissions antérieurement perçues par l'agent et par suite de la privation du bénéfice attendu de la poursuite de son activité, ainsi que, le cas échéant, des dépenses occasionnées par la cessation de cette dernière telles que des coûts de licenciement ou la perte d'investissements non amortis et non réutilisables d'ailleurs prévue par le contrat, cette compensation devant permettre à l'agent évincé de retrouver un niveau d'activité qu'il a perdu du fait de cette rupture;

Considérant que pour déterminer le montant de ce préjudice, il y a lieu de prendre en compte, en l'espèce, la totalité des activités exercées par l'agent pour le compte de son commettant et de retenir le revenu global qu'il en retirait, dès lors que les fonctions logistique et administrative confiées à la société PBE étaient nécessairement liées à son activité principale de prospection commerciale pour le compte de la société Butagaz;

Qu'il y a lieu, compte tenu de l'ancienneté des relations poursuivies entre la société Butagaz et la société PBE constituée en 1993 pour reprendre l'activité de mandataire antérieurement exercée par la SA Perrié Brandt depuis 1978, du caractère quasi-exclusif de l'activité exercée par la société PBE pour le compte de la société Butagaz, son activité de distribution des produits Camping Gaz entrant pour 6 % dans son chiffre d'affaires, et de l'importance de la contribution apportée par cet agent au développement des parts de marché de son mandant dans la région considérée, compte tenu aussi de la clause de non-concurrence insérée à l'article 7-1 du contrat, qui n'a pu qu'aggraver les difficultés rencontrées par l'agent pour développer une nouvelle activité, de porter à deux années de commissions le montant de l'indemnité due par la société Butagaz à son agent au titre de la cessation du contrat;

Mais considérant qu'il n'est pas possible, en l'espèce, de prendre en compte la totalité des sommes versées à la société PBE qui comprennent pour une part prédominante des sommes forfaitaires intitulées " rémunérations " ou " commissions " versées en réalité au titre de la prise en charge par le mandant des coûts d'exploitation de son agent qui se sont éteints du fait de la résiliation du contrat, sauf à englober dans cette indemnité un élément extérieur au préjudice subi;

Que selon l'article 5 du contrat et son annexe 2 à laquelle il renvoie, la rémunération versée à l'agent comprend en effet les cinq postes suivants:

1- un forfait de frais fixes versé mensuellement, incluant la couverture par le commettant de coûts réputés fixes (frais de fonctionnement, frais immobiliers, frais informatiques, frais de cariste et de chariot, coûts d'encadrement, partie fixe des coûts commerciaux conditionnés et des coûts administratifs),

2- des commissions à la livraison, proportionnelles aux quantités livrées, destinées à rémunérer l'activité logistique (stockage, transport, livraison et tâches administratives correspondantes),

3- des commissions rémunérant la création de nouveaux clients et le suivi commercial des clients,

4- une rémunération complémentaire destinée à couvrir l'ensemble des charges d'exploitation contractuellement convenues entre la société Butagaz et son mandataire, qui ne sont pas couvertes par les commissions précédentes,

5- une contribution à l'effort de productivité, constituée par la prise en charge dégressive dans le temps par la société Butagaz sous forme de commissions mensuelles, de l'écart entre les coûts effectivement supportés par le mandataire et les coûts standard nationaux;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'à l'exception du troisième poste de cette rémunération, les sommes perçues par la société PBE étaient destinées au moins en partie à couvrir les frais et charges exposés au titre de l'exécution de son mandat; que la société Butagaz déclare sans être contredite que les rémunérations versées à son mandataire, soit un montant annuel de commissions brutes de 2 017 540 euro d'après les écritures de la société PBE, concernaient pour 56 % la fonction transport et pour seulement 24 % la fonction de développement commercial ; que les premiers juges ont fait dès lors une juste appréciation de la situation particulière du mandataire Butagaz, en prenant pour base de la détermination du préjudice subi par la société PBE la marge réalisée par cette dernière, soit la moyenne sur trois exercices du résultat courant avant impôt inscrit dans ses comptes, qui retrace la totalité des produits et des charges liés à l'exploitation du mandat Butagaz ; que les parties ne forment aucune critique de principe contre ce critère, seuls le choix de la période de référence, l'exclusion ou l'ajout de tel ou tel élément de calcul faisant l'objet de discussions ; qu'il est justement relevé par les premiers juges que la société PBE ne saurait exciper d'aucun préjudice exceptionnel tenant au coût de la reprise en 1993 du mandat exploité par la société Sadam, les investissements réalisés pour cette reprise qui ont été soit amortis soit passés en charge ayant été dans les deux cas pris en compte au titre de la rémunération versée par le mandant ;

Que toutefois la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a porté le calcul de cette indemnité à dix fois le montant de la marge annuelle réalisée par le mandataire, ce coefficient devant être fixé à deux ainsi qu'il a été dit ci-avant ; que dès lors les contestations développées par les parties sur le chiffrage exact du RCAI réalisé par le mandataire sont inopérantes, l'indemnité de cessation de contrat effectivement versée par la société Butagaz à son mandataire, soit une somme totale de 1 008 770 euro dont la société PBE admet dans ses écritures avoir reçu le solde le 10 juillet 2001, étant dans tous les cas supérieure à celle qui serait résultée de l'évaluation même la plus haute du RCAI qu'elle a réalisé, soit 380 709,50 euro annuels d'après le chiffrage proposé par la société PBE dans ses dernières écritures ; qu'il n'y a pas lieu d'augmenter le montant de cette indemnité "pour tenir compte du régime fiscal qui lui est applicable ", les revenus perçus par la société PBE, qui constituent l'assiette de cette indemnité, étant également fiscalisés;

Sur les autres demandes de la société PBE

* sur les demandes au titre de l'apurement des comptes

Considérant que la société PBE demande, en premier lieu, la condamnation de la société Butagaz à lui payer 5 856,90 euro au titre de la prime de sécurité exigible pour l'année 1999 ; qu'il sera fait droit à cette demande, les premiers juges ayant justement observé que la société Butagaz ne pouvait se prévaloir de la cessation du contrat un mois avant la fin de l'année civile pour se dispenser de cette obligation, sans justifier d'aucun incident susceptible d'affecter son paiement;

Que la société PBE sollicite, en second lieu, le paiement du stock d'emballages restitué à son mandant sans contrepartie ; que c'est toutefois par de justes motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont rejeté cette demande, observant que les emballages sont la propriété de la société Butagaz, ce que ne conteste d'ailleurs pas l'intimée;

Que la demande de la société PBE portant sur le paiement des matériels informatiques repris par le mandataire repreneur la société Solygaz sera également rejetée, la facture établie par ses soins ainsi qu'une " attestation " irrégulière en la forme selon laquelle ces matériels ont été repris par la société Solygaz, qu'elle verse aux débats, étant insuffisantes à établir que ces équipements auraient été transférés chez le mandataire repreneur et n'auraient pas été payés, alors que la société Butagaz produit copie d'un accord conclu entre les sociétés Solygaz, Butagaz et PBE le 24 novembre 1999 non contesté par l'intimée et aux termes duquel certains matériels, notamment informatiques, sont mis à disposition de la société Solygaz par la société PBE moyennant une rémunération mensuelle globale et définitive de 90 000 F HT;

Que c'est encore par de justes motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont rejeté, faute de preuve, la demande de la société PBE concernant 40 contrats qu'elle soutient avoir conclus avec de nouveaux clients et transférés à son successeur avant qu'elle n'ait perçu les primes correspondantes;

* sur la demande de distribution des sommes composant le fonds de caution collective ICD

Considérant que la société PBE se fonde sur le courrier circulaire du 9 janvier 1995, par lequel la société Butagaz faisait savoir à ses mandataires que le montant des cotisations versées à ce système d'assurance caution, capitalisé et producteur d'intérêts, serait "entièrement reversé aux adhérents mandataires ", pour réclamer le remboursement de la totalité de ses cotisations soit 32 776,64 euro (215 000 F) TTC;

Mais considérant que selon l'article 7 du contrat d'agence commerciale intitulé " Garanties ", "Le mandataire constitue une garantie correspondant au montant du matériel confié par le mandant... pour 10 % minimum, cette garantie est constituée en première ligne soit par caution bancaire, soit par dépôt de titres en compte de banque bloqué par le mandataire... En seconde ligne, le mandataire autorise le mandant à souscrire une assurance caution devant couvrir le solde. Le montant de la prime correspondante sera remboursé par le mandataire au prorata des ventes qu'il aura réalisées par rapport au total national";

Que la convention d'agrément Butagaz/mandataires signée entre la société Butagaz et chacun de ses mandataires prévoit dans son article 3 que le solde excédentaire du compte de résultat de cette assurance caution servira à l'alimentation d'une provision de stabilité; que selon l'article 4 de cette convention, "En cas de cessation ou de résiliation de la convention de caution, Butagaz distribuera aux mandataires les fonds composant la provision de stabilité ... ", étant précisé (article 8 de la convention) que le mandataire perdra tous ses droits au titre de la convention de caution et de la présente convention notamment " en cas de résiliation du contrat de mandat... ou cessation de toutes relations entre les parties au contrat de mandat pour quelque raison que ce soit" ; qu'en tout état de cause, la réversion de la provision n'est contractuellement prévue qu'en cas de résiliation ou de cessation du contrat d'assurance-caution, l'appelante ne justifiant pas de cette résiliation, qui constitue la condition d'ouverture du droit à réversion;

* sur les demandes au titre de la taxe professionnelle

Considérant que la société PBE demande le remboursement de la taxe professionnelle relative à son activité de mandataire Butagaz pour les années 2000 et 2001, et fait valoir qu'elle a obtenu un dégrèvement partiel obtenu de l'administration fiscale;

Considérant que la société Butagaz ne conteste pas avoir pris l'engagement de rembourser à la société PBE la taxe professionnelle relative à l'activité Butagaz pour les années 2000 et 2001 ; qu'il est justifié par la société PBE d'un dégrèvement partiel obtenu auprès de l'administration fiscale pour l'année 2000, soit 230 925 F sur un montant total de 277 109 F;

Qu'il y a lieu, infirmant sur ce point la décision entreprise, de faire droit à la demande de la société PBE qui rappelle que la société Butagaz remboursait habituellement 94,8 % de la taxe professionnelle de son mandataire, et demande la condamnation de l'appelante à lui payer (277 109 x 94,8 %) - 230 925 = 31 774 F soit 4 843,92 euro;

Sur les demandes de Georges Brandt

Considérant que c'est par de justes motifs que la Cour adopte, que les premiers juges ont rejeté les demandes formées par Georges Brandt à titre personnel aux fins d'indemnisation de son préjudice matériel et moral ; qu'il sera seulement ajouté que l'intéressé auquel incombe la charge de la preuve d'une faute de la société Butagaz, n'en justifie pas, pas plus que d'un préjudice quelconque subi à titre personnel;

Considérant qu'il convient de confirmer partiellement la décision entreprise;

Qu'il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles d'appel, les dépens étant partagés par moitié;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme, Au fond, Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Butagaz, dit que le droit à indemnité de la société PBE n'était pas éteint, accueilli la demande de la société PBE relative à la prime de sécurité, rejeté ses autres demandes au titre de l'apurement des comptes et des cotisations versées dans le cadre de l'assurance caution ICD, et débouté Georges Brandt de toutes ses demandes, L'infirme pour le surplus, Et réformant, Déboute la société PBE de ses demandes au titre du préavis de résiliation et de l'indemnité de cessation du contrat, Condamne la société Butagaz à lui payer 4 843,92 euro au titre du remboursement partiel de la taxe professionnelle concernant l'exercice 2000, Rejette toute autre demande, Condamne in solidum la société PBE et Georges Brandt aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Teytaud, avoué.