CA Paris, 5e ch. A, 20 octobre 2004, n° 03-09914
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Danordis Danjou Normandie Distribution (SAS)
Défendeur :
Butagaz (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
MM. Picque, Roche
Avoués :
Me Teytaud, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Pitron, Calonne, Bourgeon.
Dans le cadre d'une opération de restructuration de son réseau de distribution, la société Butagaz a mis fin par courrier du 26 mars 1999 à effet du 1er octobre 1999, au mandat qui la liait avec la SAS Danjou Normandie Distribution (société Danordis), à laquelle a été versée le 9 novembre 1999 à titre d'indemnisation des conséquences de cette rupture, une somme globale de 693 370,91 euro (4 548 215 F) HT (5 485 147 F TTC) comprenant à hauteur de 214 953 euro (1 410 000 F) HT l'indemnisation de la valeur non amortie des investissements non réutilisables réalisés par le mandataire, et correspondant pour le solde à l'indemnité minimale prévue par l'article 12.4 du contrat, égale à six mois de commissions brutes perçues par le mandataire.
C'est dans ces conditions que la société Danordis, estimant que ces versements ne couvraient pas les préjudices subis, a assigné le 14 février 2001 la société Butagaz devant le Tribunal de commerce de Paris, demandant sa condamnation avec exécution provisoire à lui payer :
- en réparation des préjudices résultant de la mauvaise exécution de ses obligations de mandant, une somme totale de 112 833,61 euro TTC,
- à titre d'indemnité compensatrice de la rupture de son contrat d'agent commercial, 2 325 119,63 euro de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 1999,
- les intérêts au taux légal ayant couru depuis le 30 septembre 1999 sur la somme versée le 9 novembre 1999,
- 28 970,34 euro HT en remboursement des sommes payées dans le cadre de la " convention d'agrément ICD " augmentés d'intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 1993.
La société Butagaz a opposé à ces demandes une fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette action, et conclu subsidiairement au débouté des demandes de son adversaire, demandant reconventionnellement le paiement de sommes non restituées par son ancien mandataire.
Par jugement contradictoire du 14 février 2003, le Tribunal de commerce de Paris a rejeté la fin de non- recevoir soulevée par la société Butagaz, débouté les deux sociétés de toutes leurs demandes et condamné la société Danordis aux dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 17 mars 2004, la société Danjou Normandie Distribution (Danordis) prie la cour, réformant le jugement entrepris, de :
- réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a considéré que son droit à réparation n'était pas éteint,
- rejeter l'appel incident de la société Butagaz relatif aux "prélèvements gaz au mois ",
- dire et juger que la société Butagaz n'a pas respecté ses obligations de mandant, et la condamner à lui payer une somme principale de 112 833,61 euro de dommages-intérêts en réparation des préjudices distincts des conséquences de la cessation de contrat qui en sont résultés,
- dire et juger que la société Butagaz doit réparer l'intégralité des préjudices subis par la société Danordis du fait de la cessation de son mandat et la condamner en conséquence à lui payer à titre de dommages et intérêts, 15 251 785 F HT (19 800 000 - 4 485 147) soit 2 325 119,63 euro HT,
- condamner la société Butagaz à lui payer 28 970,34 euro HT en remboursement des sommes payées dans le cadre de la " convention d'agrément ICD ",
- condamner la société Butagaz à lui payer les intérêts au taux légal des sommes précitées à compter du 30 septembre 1999 et ceux de la somme de 4 548 215 F (693 370,91 euro) HT pour la période du 30 septembre 1999 au 9 novembre 1999,
- condamner la société Butagaz à lui payer 10 000 euro pour ses frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions du 25 mai 2004, la société Butagaz, intimée, demande, à titre principal que les demandes de la société Danordis soient déclarées irrecevables pour forclusion en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce.
Subsidiairement, elle conclut à la confirmation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande en paiement relative aux "prélèvements gaz au mois ", sollicite la condamnation de la société Danordis à lui payer à ce titre 146 199,46 euro, ainsi que 15 000 euro pour ses frais irrépétibles.
Sur ce,
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de la société Danordis
Considérant que la société Butagaz soulève une fin de non-recevoir tirée de l'inobservation des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en ce que la société Danordis n'a engagé son action au fond que le 14 février 2001, alors que le contrat résilié le 26 mars 1999 avec un préavis de six mois, avait pris fin le 1er octobre 1999;
Mais considérant que les dispositions susvisées ne sont assorties d'aucun formalisme particulier; qu'il est constant que la société Danordis a satisfait à la loi dans le délai prévu par l'article susvisé par son courrier du 8 octobre 1999 notifiant à la société Butagaz son désaccord sur les conditions d'indemnisation proposées par cette dernière, qui " ne couvrira en aucune manière les rémunérations, préjudices et coûts relatifs à la cessation du contrat" ;que la facture adressée à la société Butagaz par la société Danordis pour obtenir le versement de cette indemnité minimale mentionne expressément qu'il s'agit "d'un acompte à valoir (...) sans renonciation à la procédure au fond à venir "; qu'au demeurant, seule la demande concernant l'indemnité de cessation de contrat réclamée par le mandataire est mentionnée par les dispositions de l'article susvisé, les autres demandes formées par la société Danordis ayant des fondements différents;
Que la fin de non-recevoir soulevée par la société Butagaz ne peut qu'être écartée;
Sur le fond
Considérant que la société Danordis reproche aux premiers juges d'avoir méconnu les termes des contrats qu'elle a conclus avec la société Butagaz les 1er septembre 1991 et 1er septembre 1993, et ignoré les dispositions d'ordre public de la loi du 25 juin 1991 applicables aux agents commerciaux en la privant de la part d'indemnité compensatrice correspondant aux commissions perçues au titre de ses activités administratives, de stockage et de logistique, complémentaires de ses missions de prospection commerciale, alors que la période de six mois stipulée au contrat ne constitue qu'un minimum sans rapport avec le préjudice subi, qu'il résulte d'un usage ayant force obligatoire au sens de l'article 1135 du Code civil que l'indemnité due à l'agent à la cessation du contrat est égale à deux ans de commissions, et que l'assiette de cette indemnité doit être calculée sur la totalité des rémunérations perçues par le mandataire, tous les aspects de son activité, qui font l'objet d'une rémunération globale, devant être pris en compte, sauf à dénaturer l'équilibre du contrat;
Qu'elle soutient qu'en l'espèce, le montant de cette indemnité calculé " sur la base de la rentabilité normative évaluée par le cabinet KPMG, qui correspond à un PER de 11,5 parfaitement courant dans le secteur d'activité concerné" doit être porté à deux années de commissions brutes soit 3 018 490,54 euro (19 800 000 F) HT, et ce en raison :
- de l'ancienneté de l'activité de mandataire de Butagaz de la famille Danjou poursuivie depuis 67 ans ainsi que de la contribution qu'elle a apportée au développement de la clientèle et des parts de marché de son mandant,
- de l'importance du " résultat économique annuel normatif de son activité " tel qu'établi par la société KPMG après retraitement de son résultat d'exploitation, qui est de l'ordre de 1 730 000 F et reflète la " rentabilité réelle " de la société, le résultat courant avant impôt pris en considération par le tribunal de commerce n'ayant aucun caractère pertinent,
- du préjudice spécifique résultant de la dépréciation annuelle de l'élément incorporel constitué par l'indemnité de résiliation de 2 000 000 F versée par la société Danordis en 1991 à la société Etablissements Danjou afin d'indemniser ses actionnaires de la perte de l'activité Butagaz, le montant moyen de cet amortissement s'élevant à 217 000 F (33 081,44 euro),
- du différentiel de rémunération existant entre la société Danordis et d'autres mandataires, au détriment de la première,
- de l'existence d'une clause de non-concurrence lui interdisant d'exercer des activités similaires pendant une période de deux ans à compter de la cessation du contrat, aggravant ainsi les conséquences de sa résiliation alors qu'elle-même exerçait une mono-activité de distribution de pétrole liquéfié pour le compte de son mandant et que la rupture du contrat a entraîné l'anéantissement total de son activité,
- enfin de la fiscalité applicable à l'indemnité de résiliation qui se trouvera amputée de 36,66 %;
Qu'elle demande, en tout état de cause, l'allocation d'intérêts moratoires sur l'indemnité minimale qui lui a été versée avec retard le 9 novembre 1999 alors qu'elle était exigible dès le 30 septembre 1999;
Que la société Danordis ajoute qu'elle est fondée à réclamer à son mandant diverses autres sommes:
- 112 833,61 euro (740 140 F) HT au titre du manque à gagner supporté pour la période 1992/1999 du fait du nouveau système de rémunération mis en place par le contrat-type signé entre les parties le 1er juillet 1991, et de la violation par la société Butagaz de son engagement d'actualisation des éléments de rémunération " en fonction des indices officiels et de l'activité du mandataire " ainsi que précisé sur la Charte accompagnant le contrat de mandat, l'actualisation unilatérale et arbitraire pratiquée par le mandant l'ayant privée d'une rémunération actualisée contrairement aux engagements pris,
- 28 970,34 euro (190 033 F) TTC correspondant aux cotisations qu'elle a versées au titre de la convention d'agrément emportant adhésion à une assurance caution souscrite auprès de la société Internationale de caution pour le développement (ICD), conformément à l'article 7- II du contrat de mandat, dès lors qu'un courrier circulaire du 9 janvier 1995 de la société Butagaz mentionnait que " le montant des cotisations sera intégralement reversé aux adhérents mandataires " ;
Qu'elle demande enfin le rejet de la demande en paiement de 146 199,46 euro tardivement formée par la société Butagaz au titre des "prélèvements gaz au mois ", la reddition définitive des comptes étant intervenue entre les parties le 9 novembre 1999;
Que la société Butagaz réplique que la restructuration de son activité commerciale, décidée à la fin des années 1990 pour des raisons de réduction de ses coûts de distribution, l'a amenée à réduire de moitié le nombre de ses mandataires en résiliant 35 des mandats confiés à ses agents commerciaux et à sous-traiter le transport de ses produits à des sociétés spécialisées, le contrat conclu avec la société Danordis ayant été résilié par courrier du 26 mars 1999 avec un préavis contractuel de six mois et une échéance ultime fixée au 1er octobre 1999;
Qu'elle ajoute que :
- la cessation des activités de la société Danordis pour son compte a été largement indemnisée par l'allocation d'une indemnité de résiliation, dont elle ne conteste nullement le principe, fixée à six mois de rémunérations totales soit 693 370,91 euro (4 548 215 F) HT (5 485 147 F TTC) comprenant à hauteur de 214 953 euro (1 410 000 F) HT l'indemnisation de la valeur non amortie des investissements non réutilisables réalisés par le mandataire, cette indemnité correspondant au résultat courant avant impôt de la société Danordis qui ne justifie pas d'un préjudice supérieur à ce montant, la demande de l'appelante tendant à l'allocation d'intérêts moratoires sur le montant de l'indemnité de cessation de contrat versée le 3 novembre 1999 n'étant pas davantage fondée,
- la société Danordis, qui n'a exposé aucun frais pour la création et le développement de son activité, ni pour sa cessation, ne justifie d'aucun préjudice justifiant l'allocation d'une indemnité supérieure et notamment d'aucune charge telle que des indemnités de licenciement résultant de la cessation de son activité, l'usage qu'elle invoque, qui ne résulte d'aucune disposition légale et n'a aucun caractère impératif, ayant été écarté par le contrat conclu entre elles deux,
- la majeure partie de la rémunération versée à la société Danordis correspond en réalité au remboursement de coûts standard (facturation et transport) éteints du fait de la résiliation, seule la partie résiduelle de ces rémunérations constituant sa marge,
- la clause de non-concurrence ne constitue en aucun cas une cause d'aggravation du préjudice subi par l'appelante dès lors qu'elle s'impose de plein droit à l'agent à l'issue du contrat et que les dispositions de l'article L. 134-4 du Code de commerce n'exigent pour sa validité aucune contrepartie financière, une telle contrepartie n'ayant pas davantage été stipulée dans le mandat indépendamment de ses dispositions relatives à l'indemnité due en cas de cessation du contrat;
Qu'elle déclare que les autres demandes formées par la société Danordis à son encontre sont également infondées, en ce que :
- l'actualisation réclamée par la société Danordis sur la rémunération qu'elle a perçue entre 1992 et 1999 n'est pas fondée, cette rémunération destinée selon l'article 5-4 du contrat à couvrir l'ensemble des charges d'exploitation contractuelles et non pas à assurer un revenu au mandataire, ayant fait l'objet d'accords annuels formalisés par des avenants au contrat signés par la société Danordis qui a manifesté son accord sur ces modifications,
- la perte du droit à réversion de la provision de stabilité en cas de cessation du contrat d'assurance-caution souscrit auprès de la société ICD n'est qu'une conséquence librement acceptée par la société Danordis des conventions qu'elle a conclues, la réversion de cette provision n'étant contractuellement prévue qu'en cas de résiliation du contrat d'assurance-caution, étant précisé qu'en tout état de cause la prime perçue par ICD est versée par la société Butagaz et remboursée à cette dernière par les mandataires aux termes du contrat;
Que la société Butagaz déclare enfin que la société Danordis ne lui a pas restitué les sommes qu'elle a perçues au titre des "prélèvements gaz au mois" effectués auprès des clients de Butagaz bénéficiant d'un système d'abonnement forfaitaire, seule une fraction du solde créditeur des comptes de ces clients ayant été transmise à la société Rastello, mandataire repreneur, et demande la condamnation de la société Danordis à lui régler à ce titre 146 199,46 euro (959 005,60 F);
Sur la demande tendant à l'augmentation de l'indemnité de cessation du contrat
Considérant que la société Butagaz a confié à la société Danordis, en dernier lieu suivant contrat-type du 1er septembre 1991 assorti d'une clause d'exclusivité sur le territoire défini en annexe à ce contrat et pour une durée indéterminée, "mandat de la représenter auprès de la clientèle Butagaz située sur le territoire " et " à cet effet ... d'assurer la promotion, la distribution et la vente des produits... le stockage des bouteilles ainsi que le suivi commercial des emballages propriété du mandant (bouteilles et citernes) " ; que ce mandat, confié à la société Danordis en qualité d'agent indépendant pour souscrire des contrats de vente au nom et pour le compte de la société Butagaz et résilié par cette dernière par courrier recommandé du 10 juin 1999 est un contrat d'agence commerciale régi par les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, ce que les parties ne contestent pas ;que les activités accessoires au mandat, telles que la facturation, le transport et la livraison des produits, la gestion des stocks et le suivi des emballages moyennant le versement de commissions forfaitaires prévues par l'article 5-2 du contrat "en rémunération de cette activité logistique et administrative de livraison et de suivi commercial ", qui s'apparentent davantage à une activité de distributeur mais sont étroitement liées au mandat confié par Butagaz à ses agents, ne sont pas de nature à modifier la qualification du contrat;
Que selon son article 12.1, "En cas de résiliation du contrat non motivée par une faute du mandataire, résultant notamment de l'inexécution de l'une des dispositions du contrat, le mandataire aura droit, compte tenu de l'ancienneté de ses relations commerciales avec le mandant, sous réserve d'avoir contribué de façon significative au développement de l'activité du mandant, à une indemnité compensatrice du préjudice subi, qui ne saurait être inférieure à six mois de la rémunération totale calculée sur la base de la moyenne des douze derniers mois, et le cas échéant, au remboursement de la valeur non amortie des investissements non réutilisables qu'il aura effectués pour l'exécution, du contrat, sur la recommandation du mandant";
Que ces clauses, qui prévoient une indemnité de résiliation minimale égale aux rémunérations totales versées à l'agent pendant une période de six mois, tout en mentionnant expressément son droit à la réparation intégrale du préjudice subi du fait de la cessation du contrat, ne sont pas contraires aux dispositions impératives de l'article L. 134-12 du Code de commerce, qui disposent qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice réparant le préjudice causé par la cessation des relations avec le commettant et non pas à une indemnité calculée au regard de la clientèle apportée ou développée, conformément au choix laissé aux Etats membres par la directive n° 86-653 du Conseil des Communautés européennes dans son article 17;
Qu'ainsi la société Danordis n'est pas fondée à invoquer la perte de la clientèle créée ou développée pour le compte de son commettant ainsi que celle de sa part de marché, alors que l'agent commercial ne peut revendiquer aucun droit ni sur la clientèle apportée à son mandant, ni sur les produits dont la distribution lui a été confiée;qu'à cet égard, sa demande d'une indemnisation calculée sur la base d'un "price earning ratio " (PER) utilisé en matière de transmission d'entreprises et fondé sur la valorisation du fonds de commerce et celle de la clientèle cédée, ne peut qu'être rejetée; que la société Danordis doit toutefois être intégralement indemnisée du préjudice lié à la rupture du contrat, ce préjudice, dont il appartient à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve, pouvant résulter de la perte des commissions antérieurement perçues par l'agent et par suite de la privation du bénéfice attendu de la poursuite de son activité, ainsi que, le cas échéant, des dépenses occasionnées par la cessation de cette dernière telles que des coûts de licenciement ou la perte d'investissements non amortis et non réutilisables d'ailleurs prévue par le contrat, cette compensation devant permettre à l'agent évincé de retrouver un niveau d'activité qu'il a perdu du fait de cette rupture;
Considérant que pour déterminer le montant de ce préjudice, il y a lieu de prendre en compte, en l'espèce, la totalité des activités exercées par l'agent pour le compte de son commettant et de retenir le revenu global qu'il en retirait, dès lors que les fonctions logistique et administrative confiées à la société Danordis étaient nécessairement liées à son activité principale de prospection commerciale pour le compte de la société Butagaz;
Considérant que, compte tenu de l'ancienneté des relations poursuivies entre la société Butagaz et la société Danordis, du caractère exclusif de l'activité exercée par la société Danordis pour le compte de la société Butagaz et de l'importance de la contribution apportée par cet agent au développement des parts de marché de son mandant dans la région considérée, compte tenu aussi de la clause de non-concurrence insérée à l'article 7-1 du contrat, qui n'a pu qu'aggraver les difficultés rencontrées par l'agent pour développer une nouvelle activité, il ne peut qu'être faire droit à la demande de l'appelante tendant à ce que soit portée à deux années de commissions le montant de l'indemnité due par la société Butagaz à son agent au titre de la cessation du contrat;
Mais considérant qu'il n'est pas possible, en l'espèce, de prendre en compte la totalité des sommes versées à la société Danordis qui comprennent pour une part prédominante des sommes forfaitaires intitulées "rémunérations" ou " commissions" versées en réalité au titre de la prise en charge par le mandant des coûts d'exploitation de son agent qui se sont éteints du fait de la résiliation du contrat, sauf à englober dans cette indemnité un élément extérieur au préjudice subi;
Que selon l'article 5 du contrat et son annexe 2 à laquelle il renvoie, la rémunération versée à l'agent comprend en effet les cinq postes suivants:
1- un forfait de frais fixes versé mensuellement, incluant la couverture par le commettant de coûts réputés fixes (frais de fonctionnement, frais immobiliers, frais informatiques, frais de cariste et de chariot, coûts d'encadrement, partie fixe des coûts commerciaux conditionnés et des coûts administratifs),
2- des commissions à la livraison, proportionnelles aux quantités livrées, destinées à rémunérer l'activité logistique (stockage, transport, livraison et tâches administratives correspondantes),
3- des commissions rémunérant la création de nouveaux clients et le suivi commercial des clients,
4- une rémunération complémentaire destinée à couvrir l'ensemble des charges d'exploitation contractuellement convenues entre la société Butagaz et son mandataire, qui ne sont pas couvertes par les commissions précédentes,
5- une contribution à l'effort de productivité, constituée par la prise en charge dégressive dans le temps par la société Butagaz sous forme de commissions mensuelles, de l'écart entre les coûts effectivement supportés par le mandataire et les coûts standard nationaux;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'à l'exception du troisième poste de cette rémunération, les sommes perçues par la société Danordis étaient destinées au moins en partie à couvrir les frais et charges exposés au titre de l'exécution de son mandat ; que la société Butagaz déclare sans être contredite que les rémunérations versées à son mandataire, qui se sont élevées au total à 10 960 541,19 F (1 670 923 euro) TTC pour l'année 1998, concernaient pour 49 % la fonction transport et pour seulement 31 % la fonction de développement commercial ; que les premiers juges ont fait dès lors une juste appréciation de la situation particulière du mandataire Butagaz, en prenant pour base de la détermination du préjudice subi par la société Danordis la marge réalisée par cette dernière, soit le résultat courant avant impôt inscrit dans ses comptes, qui retrace la totalité des produits et des charges liés à l'exploitation du mandat Butagaz ; que c'est encore justement que la décision attaquée a pris en compte, au cas d'espèce, les charges financières résultant de l'amortissement de l'indemnité de 2 000 000 F versée par la société Danordis à la société Etablissements Danjou en 1991 lors de la reprise de l'activité de mandataire Butagaz, la dépréciation annuelle de cet élément incorporel s'élevant en moyenne à 217 000 F;
Que c'est dès lors par de justes motifs, que la cour adopte, que les premiers juges ont ajouté cet élément de préjudice au RCAI moyen réalisé par la société Danordis au cours des trois derniers exercices soit 46 051 euro, et chiffré à 80 000 euro l'assiette de fixation de l'indemnité de cessation du contrat;
Considérant que la somme déjà versée à la société Danordis par la société Butagaz, soit 693 370,91 euro HT comprenant à hauteur de 214 953 euro HT l'indemnisation de la valeur non amortie des investissements non réutilisables réalisés par le mandataire est largement supérieure à cette somme cumulée sur deux ans soit 160 000 euro ; qu'il n'y a pas lieu d'augmenter le montant de cette indemnité "pour tenir compte du régime fiscal qui lui est applicable ", les revenus perçus par la société Danordis, qui constituent l'assiette de cette indemnité, étant également fiscalisés;
Que la demande de la société Danordis tendant à ce que lui soient alloués des intérêts moratoires sur l'indemnité de cessation de contrat versée le 9 novembre 1999 alors qu'elle était due dès le 30 septembre 1999, sera rejetée, le délai apporté à ce règlement ne pouvant être reproché à la société Butagaz dès lors que son mandataire s'était lui-même abstenu de s'acquitter des sommes dues au titre de la reddition de comptes en dépit des demandes du mandant;
Sur les autres demandes de la société Danordis
* sur la violation des engagements pris par la société Butagaz d'assurer à ses mandataires un résultat minimum annuel garanti actualisé
Considérant que la société Danordis fait valoir qu'elle n'a pas perçu la rémunération complémentaire prévue par la Charte accompagnant le contrat du 1er septembre 1991, par laquelle la société Butagaz lui garantissait contractuellement une rémunération équivalente à celle de l'aunée 1989, année de référence, actualisée chaque année ; qu'elle demande à ce titre une indemnité de 112 833,61 euro correspondant à l'écart entre cette rémunération garantie actualisée et les fonds effectivement versés par la société Butagaz pour la période 1992/1999;
Mais considérant qu'il résulte de l'article 5-4 du contrat de mandat que cette rémunération fixée d'un commun accord était destinée à couvrir l'ensemble des charges d'exploitation contractuelles non citées dans d'autres postes de cet article et non pas à assurer un revenu au mandataire ; que l'actualisation réclamée par la société Danordis sur la rémunération qu'elle a perçue entre 1991 et 1999 n'est pas fondée, chacun des éléments constituant sa rémunération ayant fait l'objet d'accords annuels formalisés par des avenants au contrat signés par l'appelante qui a manifesté son accord sur ces modifications, l'inexécution par la société Butagaz de ses obligations contractuelles, invoquée par l'agent seulement après la résiliation du contrat, n'étant pas établie;
* sur la demande de distribution des sommes composant le fonds de caution collective ICD
Considérant que la société Danordis se fonde sur le courrier circulaire du 9 janvier 1995, par lequel la société Butagaz faisait savoir à ses mandataires que le montant des cotisations versées à ce système d'assurance, capitalisé et producteur d'intérêts, serait "entièrement reversé aux adhérents mandataires ", pour réclamer le remboursement de la totalité de ses cotisations versées depuis le 26 décembre 1993 date de son adhésion à cette convention;
Mais considérant que selon l'article 7 du contrat d'agence commerciale intitulé " Garanties ", "Le mandataire constitue une garantie correspondant au montant du matériel confié par le mandant... pour 10 % minimum, cette garantie est constituée en première ligne soit par caution bancaire, soit par dépôt de titres en compte de banque bloqué par le mandataire... En seconde ligne, le mandataire autorise le mandant à souscrire une assurance caution devant couvrir le solde. Le montant de la prime correspondante sera remboursé par le mandataire au prorata des ventes qu 'il aura réalisées par rapport au total national";
Que la convention d'agrément Butagaz/mandataires signée entre la société Butagaz et chacun de ses mandataires prévoit dans son article 3 que le solde excédentaire du compte de résultat de cette assurance caution servira à l'alimentation d'une provision de stabilité; que selon l'article 4 de cette convention, "En cas de cessation ou de résiliation de la convention de caution, Butagaz distribuera aux mandataires les fonds composant la provision de stabilité ... ", étant précisé (article 8 de la convention) que le mandataire perdra tous ses droits au titre de la convention de caution et de la présente convention notamment " en cas de résiliation du contrat de mandat... ou cessation de toutes relations entre les parties au contrat de mandat pour quelque raison que ce soit" ; qu'en tout état de cause, la réversion de la provision n'est contractuellement prévue qu'en cas de résiliation ou de cessation du contrat d'assurance-caution, l'appelante ne justifiant pas de cette résiliation, qui constitue la condition d' ouverture du droit à réversion;
Sur la demande incidente de la société Butagaz au titre des "prélèvements Gaz au mois "
Considérant que la société Butagaz déclare que son ancien mandataire ne lui a pas reversé les sommes directement perçues auprès des clients titulaires d'abonnements forfaitaires, la reddition des comptes n'ayant pas été effectuée en dépit de ses demandes, et sollicite la condamnation de la société Danordis à lui verser le solde des montants créditeurs des comptes des clients concernés, soit 146 199,46 euro;
Considérant que cette demande est justifiée par les pièces versées aux débats, la société Butagaz ayant demandé à son mandataire, dès le 20 août 1999, de procéder aux diverses opérations de transfert du mandat, parmi lesquelles était expressément mentionné le reversement au mandataire repreneur du montant du solde créditeur des comptes clients "gaz au mois ", et rappelé à la société Danordis, par un nouveau courrier du 28 septembre 1999, l'obligation de transférer le solde créditeur des comptes chez le mandataire repreneur, dont la société Butagaz ignorait à l'évidence le montant puisqu'elle notait dans ce courrier que ce solde était " vraisemblablement" créditeur au 30 septembre 1999 ; qu'il convient de souligner que selon les explications fournies par l'intimée, non contredites par l'appelante, le transfert des sommes perçues par le mandataire pour le compte de Butagaz intervenait en principe une fois par an, la régularisation des comptes s'effectuant en juin;
Que la société Butagaz justifie du montant du solde créditeur de ces comptes, qui s'est élevé à 155 444,09 euro, la société Danordis ayant finalement réglé une partie de cette somme soit 9 244,62 euro à la société Rastello qui reprenait ses activités de mandataire; que la société Danordis à laquelle incombait la tenue des comptes considérés, n'apporte aucun élément de nature à démentir les relevés produits par l'intimée ; que la société Butagaz, qui était personnellement créancière des sommes perçues par la société Danordis pour son compte, établit son intérêt à agir et le bien fondé de sa prétention, sa demande de transfert du solde des comptes à la société Rastello mandataire repreneur, qui constituait une indication de paiement au sens de l'article 1277 du Code civil, n'ayant pu opérer novation;
Considérant qu'il convient de confirmer partiellement la décision entreprise;
Qu'il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles d'appel;
Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme, Au fond, Confirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande incidente de la société Butagaz, Et réformant de ce seul chef, Condamne la société Danordis à payer à la société Butagaz 146 199,46 euro au titre des "prélèvements gaz au mois " perçus par la société Danordis pour son compte, Y ajoutant, Déboute la société Danordis de toutes ses demandes, Condamne la société Danordis aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Teytaud, avoué.