CJCE, 26 février 1976, n° 52-75
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République italienne
LA COUR,
1 Attendu que, par requête déposée au greffe le 10 juin 1975, la commission a saisi la cour, en vertu de l'article 169 du traité CEE, d'un recours visant à faire constater qu'en ne mettant pas en vigueur l'ensemble des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux dispositions de la directive du conseil 70-458, du 29 septembre 1970, concernant la commercialisation des semences de légumes (JO n° L 225, p. 7; texte 66 de 1974, p. 62), dans le délai prévu à l'article 43 de cette directive, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité;
2 Attendu que le conseil, conscient de ce que les disparités existant entre les réglementations nationales concernant l'utilisation des semences de légumes constituaient un obstacle aux échanges entre les Etats membres, a, par la directive du 29 septembre 1970, entendu instaurer des règles communes comportant des exigences communes quant à la commercialisation de ces semences aussi bien entre les Etats membres que sur les marchés nationaux;
3 Que cette directive a fixé, pour la mise en œuvre des mesures nationales, un délai expirant le 1er juillet 1972;
4 Attendu que la commission fait valoir que la République italienne n'aurait pas encore adopté les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de la directive relatives :
A°) à établissement de catalogues nationaux des variétés des espèces de légumes et à la détermination des conditions d'admission des variétés à ces catalogues (articles 3 à 15 de la directive);
B°) à la classification des semences (articles 2 et 20 de la directive);
C°) aux conditions de commercialisation des semences " standard " (articles 24 à 26 de la directive);
D°) à l'élimination des restrictions à la commercialisation des semences conformes aux dispositions de la directive (article 16, paragraphe 1, et article 30);
5 Attendu que la République italienne fait observer que les règles de portée générale de la directive 70-458 auraient été introduites dans l'ordre juridique italien par la loi n° 1096, du 25 novembre 1971, portant réglementation de la production et de la commercialisation des semences, et par son règlement d'exécution, approuvé par décret du président de la République n° 1065, du 8 octobre 1973, et qu'en outre, le registre des variétés de certaines espèces horticoles aurait été institué par décret du président de la République du 26 avril 1973;
6 Que si elle admet l'inobservation du délai pour la mise en œuvre des dispositions de la directive reprises par la commission dans la requête, elle fait, cependant, valoir que ce retard serait justifié;
7 Attendu qu'à cet égard, la République italienne expose notamment que le délai prévu par l'article 43 de la directive aurait été trop court; Que la mise en œuvre des dispositions spécifiques et précises de la directive se serait révélée très complexe, de sorte que l'harmonisation des normes nationales avec ces dispositions de la directive aurait nécessité des études approfondies, de multiples consultations avec les secteurs agricoles intéressés et de très nombreuses réunions interministérielles;
8 Que la preuve du caractère inadéquat du délai résulterait du fait qu'aucun Etat membre ne serait parvenu à respecter la date du 1er juillet 1972 pour la mise en œuvre de la directive et que celle-ci ne serait intervenue, dans certains états, qu'en juin et octobre 1974;
9 Que, de toute façon, un projet de loi destiné à mettre en œuvre, dans l'ordre juridique italien, l'ensemble de la directive aurait été approuve le 3 décembre 1975 par la chambre des députés et que son approbation aurait figuré à l'ordre du jour de la session du sénat du 15 janvier 1976, seule la crise gouvernementale ayant empêché son adoption à cette date;
10 Attendu que l'exacte application d'une directive est d'autant plus importante que les mesures d'exécution sont laissées à la discrétion des Etats membres et que, faute d'atteindre dans les délais fixés les objectifs visés, de tels actes seraient privés d'efficacité; Que si, à l'égard des Etats membres destinataires, les dispositions d'une directive ont un effet non moins contraignant que celui d'une autre règle de droit communautaire, un tel effet appartient à plus forte raison aux dispositions relatives aux délais pour la mise en œuvre des mesures prévues, notamment du fait qu'au-delà de l'expiration de ces délais, la disparité des régimes appliqués dans les Etats membres pourrait engendrer des discriminations;
11 Attendu, par ailleurs, que les retards éventuels pris par d'autres Etats membres dans l'exécution des obligations imposées par une directive ne sauraient être invoqués par un Etat membre pour justifier l'inexécution, même temporaire, des obligations qui lui incombent; Qu'en effet, le traité ne s'est pas borné à créer des obligations réciproques entre les différents sujets auxquels il s'applique, mais a établi un ordre juridique nouveau qui règle les pouvoirs, droits et obligations desdits sujets, ainsi que les procédures nécessaires pour faire constater et sanctionner toute violation;
12 Que, si le délai pour la mise en œuvre d'une directive s'avère trop court, la seule voie compatible avec le droit communautaire consiste, pour l'Etat membre intéressé, à prendre, dans le cadre communautaire, les initiatives appropriées en vue d'obtenir que soit arrêtée, par l'institution communautaire compétente, la prorogation nécessaire du délai;
13 Qu'à ce propos, on peut noter qu'en l'espèce une prorogation pour la mise en œuvre de certaines dispositions de la directive a effectivement été décidée par le conseil, notamment par la directive 72-418 du 6 décembre 1972 (JO n° L 287, p. 22) et par la directive 73-438 du 11 décembre 1973 (JO n° L 356, p. 79);
14 Attendu, enfin, qu'il y a lieu de rappeler qu'au regard de l'article 169 du traité, les Etats membres sont engagés, quel que soit l'organe de l'état dont l'action est à l'origine du manquement, et qu'un Etat membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre interne pour justifier le non-respect des obligations et délais résultant des directives communautaires;
15 Attendu qu'il s'ensuit qu'en n'adoptant pas l'ensemble des dispositions nécessaires pour se conformer à la directive du conseil 70-458, concernant la commercialisation des semences de légumes, dans le délai prévu, la République italienne a manqué à une obligation qui lui incombe en vertu du traité;
Sur les dépens
16 Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens;
Que la partie défenderesse a succombé en ses moyens;
Par ces motifs,
LA COUR
Déclare et arrête:
1°) la République italienne, en n'adoptant pas, dans le délai prévu, l'ensemble des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive du conseil 70-458, du 29 septembre 1970, concernant la commercialisation des semences de légumes, a manqué à une obligation qui lui incombe en vertu du traité;
2°) la défenderesse est condamnée aux dépens.