Cass. com., 30 novembre 2004, n° 03-10.557
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Crozat (ès qual.), Aube Automobiles (Sté)
Défendeur :
Fiat Auto France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Beaudonnet
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Defrenois, Levis
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2002), que par suite de la fusion-absorption de la société Alfa-Roméo France par la société Fiat Auto France, un nouveau contrat de vente de véhicules automobiles et de pièces de rechange "Alfa-Roméo" a été conclu le 2 janvier 1992 entre la société Fiat Auto France, distributeur de la marque, et la société Aube Automobiles, déjà concessionnaire de cette marque en vertu d'un contrat signé le 1er juin 1989 avec la société Alfa Roméo France; que le 29 juillet 1992, la société Fiat Auto France se prévalant de l'inexécution du contrat et spécialement de défauts de paiement, a, par application des dispositions contractuelles, notifié à la société Aube Automobiles sa résiliation immédiate; qu'estimant que la société Alfa Roméo France puis la société Fiat Auto France avaient, à l'occasion des relations entretenues avec la société Aube Automobiles, commis des fautes causant un préjudice aux créanciers, le liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Aube automobiles a assigné la société Fiat Auto France en réparation de ce préjudice;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil : - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts de M. Crozat agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Aube automobiles en réparation du préjudice invoqué par les créanciers, l'arrêt retient que le liquidateur n'établit pas que les aides octroyées par le concédant aient porté préjudice aux créanciers dès lors que l'état des créances au 1er juillet 1991 ne comportait ni désignation des créanciers ni éléments chiffrés sur l'état de ces créances et qu'aucun élément sur l'évolution de celles-ci entre le 1er juillet 1991 et le 24 mars 1994 n'était fourni ;
Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, sans rechercher quelle avait été l'évolution de l'état des créances entre le 1er juillet 1991, date de la cessation des paiements, et le 14 septembre 1992, date à laquelle la société Aube automobiles avait été déclarée en redressement judiciaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche : - Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil : - Attendu que pour rejeter la demande de M. Crozat tendant à la condamnation de la société Fiat auto France au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice ayant résulté, pour les créanciers, de la résiliation abusive du contrat de concession qui liait ces deux sociétés, l'arrêt retient qu'il ne rapporte pas la preuve d'une conclusion et d'une exécution de mauvaise foi du contrat du 2 janvier 1992 par la société Fiat auto France, ni de toute autre faute du concédant, les unes ou les autres de nature à faire obstacle au jeu de la clause résolutoire;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir estimé que la société Fiat auto France avait commis une faute en prenant certaines mesures pour assurer la poursuite de l'activité de son concessionnaire au moindre risque pour lui en sachant qu'il ne pourrait en assurer la pérennité et sans accomplir les diligences pour favoriser l'obtention d'un prêt à son concessionnaire malgré les difficultés de celui-ci et les promesses qu'il lui avait faites en ce sens, ce dont il résultait que la mise en œuvre d'une clause résolutoire autorisant la résiliation immédiate du contrat, sans préavis ni indemnité, en cas de défaillance du concessionnaire, avait été effectuée de mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2002, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.