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Décisions

CA Limoges, ch. soc., 23 avril 2002, n° 2000-1435

LIMOGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Labregere

Défendeur :

Société générale d'édition et de diffusion (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leflaive

Conseillers :

M. Nervé, Mme Dubillot-Bailly

Avocat :

Me Artaud.

Cons. prud'h. Limoges, du 5 sept. 2000

5 septembre 2000

LA COUR,

La Société générale d'édition et de diffusion (SGED) a engagé le 30 novembre 1998 Philippe Labregere en qualité de "délégué ". Il était expressément prévu dans le contrat qu'il était régi par les articles L. 751-1 et suivants du Code du travail et la convention collective nationale interprofessionnelle des voyageurs représentants placiers du 3 octobre 1975 et ses avenants.

Le même jour les parties ont signé un "contrat de nomination de chef de groupe" comportant notamment les dispositions suivantes:

"Le présent contrat constitue un avenant au contrat de travail de Philippe Labregere établi à Limoges le 30 novembre 1998.

Il est précisé que les dispositions dudit contrat de travail demeurent en vigueur pour régir les relations entre la société et M. Philippe Labregere dans son activité de VRP et pour autant que son contenu ne soit pas en contradiction avec le présent avenant qui a pour objet de définir l'activité de chef de groupe que M. Philippe Labregere exercera simultanément".

Les fonctions de chef de groupe étaient définies comme suit dans le contrat:

" Former, animer, contrôler, maintenir à un bon niveau de production les délégués que la société lui demande de diriger.

Le chef de groupe a également pour rôle de maintenir au complet l'effectif de son groupe. Pour ce faire il devra, en pratiquant la cooptation, présenter à son directeur d'agence des candidats au poste de délégué à chaque fois qu'un délégué, pour quelque raison que ce soit, quittera son groupe ".

Philippe Labregere a saisi le Conseil de prud'hommes de Limoges le 24 septembre 1999 aux fins de voir dire qu'il ne dépend pas du statut des VRP mais qu'il est cadre C3C selon la classification de la convention collective de l'édition et condamner la société SGED à lui payer les sommes suivantes:

* rappel de salaires du mois de décembre 1998 au mois d'août 1999 : 74 532,38 F,

* congés payés correspondants : 7 453,23 F,

* indemnités de déplacement : 10 133,40 F,

* indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 4 000 F.

La société SGED a conclu au débouté de l'ensemble des demandes et a réclamé reconventionnellement 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 5 septembre 2000 le Conseil de prud'hommes de Limoges a débouté Philippe Labregere de ses demandes de requalification de son contrat de travail et de paiement de salaires et a en revanche fait droit à sa demande de frais de déplacement.

Philippe Labregere a relevé appel de ce jugement le 29 septembre 2000.

Par écritures soutenues oralement à l'audience il reprend les termes de ses demandes formulées en première instance en réclamant en outre 3 680,12 F de rappel de salaires et en portant à 5 000 F le montant de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il expose l'argumentation suivante au soutien de ses prétentions:

Du fait de sa nomination comme chef de groupe son travail avait une autre nature que celle de vendeur. Si l'article L. 751-2 du Code du travail permet au VRP d'avoir d'autres activités, cela n'est possible qu'à condition que l'activité de VRP soit exercée de manière effective et habituelle, les autres activités n'étant qu'accessoires. Les activités de chef de groupe telles qu'elles étaient décrites dans les articles 8 à 10 du contrat ne permettaient pas à Philippe Labregere d'effectuer une activité normale et permanente de VRP. Il n'est pas toujours exact que les commissions personnelles soient plus importantes que celles liées à l'activité de chef de groupe. D'autre part, Philippe Labregere avait négocié avec son employeur l'attribution d'une rémunération fixe de 5 000 F brut plus une commission différentielle sur la production de son groupe si celle-ci était supérieure à 230 points. Si son groupe dépassait 230 points les commissions étaient plus importantes que celles qu'il percevait en tant que représentant,

Au vu de la convention collective de l'édition à laquelle correspond le Code APE 221 mentionné sur les bulletins de salaire il peut prétendre à la qualification cadre C3, soit à une rémunération mensuelle de 14 837 F.

Les frais de déplacement étaient payés, que la production de 70 points soit ou non atteinte. Philippe Labregere a établi des fiches de frais pour 21 106,86 F et ne s'est vu rembourser que 10 973,46 F et il lui reste donc dû 10 133,40 F. Cette somme n'aurait dû faire l'objet de retenues pour charges sociales.

Par écritures soutenues oralement à l'audience la société SGED conclut à la confirmation du jugement sauf à débouter Philippe Labregere de sa demande de 10 133,40 F au titre de frais de déplacement et réclame 1 525 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle expose l'argumentation suivante au soutien de ses prétentions :

L'article 3 de l'avenant au contrat de travail relatif aux fonctions de chef de groupe de Philippe Labregere précise qu'il devra réaliser chaque mois une production personnelle et l'article 9 précise que cette production doit être d'au moins 60 points, alors que le quota des autres délégués est de 90 points. Sa production devait donc être nécessairement habituelle puisqu'il fallait qu'elle corresponde aux deux tiers de la production d'un délégué. Du mois de décembre 1998 au mois de septembre 1999 Philippe Labregere a encadré un à six délégués et trois en moyenne. Il ressort également des courriers échangés que la prospection était bien son activité principale. Les parties ont la faculté d'étendre l'application de la convention collective des VRP à toute l'activité du salarié.

Le contrat subordonnait le remboursement des frais de déplacement à une production mensuelle supérieure à 70 points.

Attendu que l'article L. 751-2 du Code du travail maintient l'application du statut de VRP aux salariés qui ont une autre activité pour le compte d'un ou de plusieurs employeurs pourvu que l'activité de représentation soit effective et habituelle;

Attendu que, d'après l'annexe I au contrat de travail initial, le délégué s'engageait à réaliser un minimum de ventes correspondant à une rémunération de 90 points, le contrat précisant le nombre de points auquel correspondait chaque titre vendu;

Attendu qu'aux termes de l'article 9 du contrat de chef de groupe Philippe Labregere s'engageait à réaliser chaque mois 60 points de production personnelle et 260 points réalisés par les délégués du groupe;

Que l'article 12 lui faisait obligation de réaliser 25 argumentations par semaine, soit à titre personnel soit au titre des actes de formation avec ses délégués;

Que Philippe Labregere était donc tenu d'avoir une activité de représentation habituelle, la confrontation des documents contractuels permettant de conclure qu'elle devait représenter au moins les deux tiers de l'activité de représentation de tout autre délégué;

Attendu que, face à des dispositions contractuelles dépourvues d'ambiguïté Philippe Labregere ne démontre pas qu'il consacrait la majeure partie de son activité au travail de chef de groupe;

Que les comptes-rendus d'actes de formation qu'il verse aux débats sont inopérants dans la mesure où il n'établit pas à combien de temps correspondait une activité exclusive de prospection personnelle; Que, dans ces conditions, il ne peut pas prétendre à la requalification de son contrat de travail ;

Attendu qu'au vu des pièces produites le conseil de prud'hommes s'est fondé sur une argumentation pertinente que la cour adopte pour faire droit à la demande au titre des frais de déplacement;

Attendu que Philippe Labregere fonde sa demande en paiement de la somme de 3 680,12 F sur l'insuffisance de réponse à son courrier du 15 mars 2001, qui concerne, comme il l'indique lui-même, douze points en litige qui n'ont pas été discutés devant la cour;

Qu'il ne peut donc pas être fait droit à cette demande ;

Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu de confirmer le jugement et de condamner l'appelant aux dépens;

Que, cependant, il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de l'intimée ses frais irrépétibles supportés devant la cour;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi; Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Limoges en date du 5 septembre 2000 en toutes ses dispositions; Déclare les parties mal fondées en leurs prétentions contraires ou plus amples et les en déboute; Condamne Philippe Labregere aux dépens d'appel.