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Décisions

CJCE, 17 décembre 1970, n° 33-70

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SACE Spa

Défendeur :

Ministère des finances de la République italienne

CJCE n° 33-70

17 décembre 1970

LA COUR,

1. Attendu que, par décision du 4 juillet 1970, parvenue au greffe de la Cour le 9 juillet 1970, le président du Tribunal de Brescia a posé, en vertu de l'article 177 du traité instituant la Communauté économique européenne, deux questions relatives à l'interpretation de l'article 13 du traité CEE et de la directive 68-31 du 22 décembre 1967 (JO 1968, l 12-8) ;

2. Attendu que, par la première question, il est demande à la Cour de dire si, à la suite de l'adoption de la directive 68- 31 du 22 décembre 1967, les dispositions de l'article 13, paragraphe 2, du traité, ou, en tout état de cause, les dispositions de la directive 68-31 elle- même, sont immédiatement applicables dans l'ordre juridique interne de l'Etat italien ;

3. Que, pour le cas ou il serait répondu affirmativement à la première question, il est demande à la Cour de dire, en outre, si des droits individuels, dont les juridictions nationales doivent tenir compte, ont été créés pour les particuliers à partir du 1er juillet 1968 ;

4. Attendu que les deux questions sont étroitement liées et qu'il y a lieu de les examiner ensemble ;

5. Attendu que, selon l'article 9 du traité CEE, la Communauté est fondée sur une union douanière qui comporte notamment l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane et de toutes taxes d'effet équivalent ;

Qu'en vertu de l'article 13, paragraphe 2, du traité, les taxes d'effet équivalant à des droits de douane à l'importation, en vigueur entre les Etats membres, devaient être progressivement supprimées par eux, au cours de la période de transition, le rythme de cette suppression étant fixé par la Commission par voie de directives en s'inspirant des règles prévues à l'article 14 du traité pour les droits de douane proprement dits et des directives arrêtées à cet égard par le Conseil ;

6. Que la décision dite d'accélération n° 66-532 du Conseil du 26 juillet 1966 (JO du 21 septembre 1966, p. 2971), prise en application des articles 14 et 235 du traité, a fixé au 1er juillet 1968 la date à laquelle les droits de douane devaient, dans l'ensemble, avoir été supprimes ;

7. Que, sur la base de cette décision, la Commission a, en vertu de l'article 13, paragraphe 2, du traité, adressé le 22 décembre 1967 à la République italienne, la directive 68-31 aux termes de laquelle le droit pour services administratifs perçu en Italie sur les marchandises importées devait, pour les importations en provenance des autres Etats membres, être progressivement supprimé de façon à être totalement éliminé avant le 1er juillet 1968 ;

8. Attendu qu'il apparaît du dossier soumis à la Cour que le litige, pendant devant le juge national, concerne en particulier la question de savoir si, et dans l'affirmative, à quelle date, l'obligation faite à la République italienne d'éliminer le droit pour services administratifs produit des effets directs ;

9. Attendu que l'article 13, paragraphe 2, impose aux Etats membres l'obligation de supprimer progressivement " au cours " de la période de transition les taxes d'effet équivalant à des droits de douane à l'importation ;

Que, s'il appartenait à la Commission de décider du rythme à imprimer, au cours de la période de transition, à cette suppression, il n'en résulte pas moins, du texte même de l'article 13, que ces droits devaient, en tout état de cause, avoir été entièrement éliminés, au plus tard, au terme de ladite période ;

Qu'ainsi, à partir du terme de cette période, l'article 9 doit sortir, par lui-même, son plein effet ;

10. Attendu que les articles 9 et 13, paragraphe 2, considérés conjointement, comportent, au plus tard à partir de la fin de la période transitoire, en ce qui concerne l'ensemble des taxes d'effet équivalant à des droits de douane à l'importation, une interdiction claire et précise de percevoir lesdites taxes qui n'est assortie d'aucune réserve des Etats de subordonner sa mise en œuvre à un acte positif de droit interne ou à une intervention des institutions de la Communauté ;

Qu'elle se prête parfaitement, par sa nature même, à produire des effets directs dans les relations juridiques entre les Etats membres et leurs justiciables ;

Que, dès lors, à partir de la fin de la période transitoire, ces dispositions engendrent, pour les particuliers, en ce qui concerne l'ensemble des taxes d'effet équivalent qu'elles visent, des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder ;

11. Attendu que l'article 13, paragraphe 2, donnait competence à la Commission pour fixer, avant la fin de la période transitoire, la suppression des taxes d'effet équivalent qu'elle désignerait et dont, par voie de directives, elle ordonnerait l'élimination " au cours " de ladite période ;

Que la Commission, faisant usage de cette competence, a, à la suite de la décision d'accélération 66-532, fixe par la directive 68-31, au 1er juillet 1968, la date à laquelle la taxe susdite devait avoir été entièrement éliminée ;

12. Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la question du président du Tribunal de Brescia, en tant qu'elle concerne l'effet direct de l'obligation relative à l'élimination de la taxe italienne pour services administratifs, vise, en réalité, l'effet combine des articles 9 et 13, paragraphe 2 du traité, de la décision 66-532 et de la directive 68-31 ;

13. Attendu que l'effet de la directive 68-31 doit être apprécie à la lumière de l'ensemble de ces dispositions ;

Qu'a cette fin, il convient de considérer non seulement la forme de l'acte en cause, mais encore sa substance ainsi que sa fonction dans le système du traité ;

14. Attendu que la fixation, par la Commission, en application de la décision 66-532, d'une date antérieure à la fin de la période transitoire n'a modifie, à aucun égard, la nature de l'obligation faite aux Etats membres par les articles 9 et 13, paragraphe 2 ;

Que cette obligation se prête donc à produire des effets directs, comme elle les aurait produits à la fin de la période transitoire ;

15. Que la directive 68-31, dont l'objet est de fixer à un Etat membre une date limite pour l'exécution d'une obligation communautaire, n'intéresse pas seulement les rapports entre la Commission et cet Etat, mais entraîne aussi des conséquences juridiques dont peuvent se prévaloir, et les autres Etats membres eux-mêmes intéressés à son exécution, et les particuliers lorsque, par sa nature même, la disposition qui édicte cette obligation est directement applicable comme il en est des articles 9 et 13 du traité ;

16. Que cette interpretation s'impose d'autant plus que, par arrêt de la Cour du 18 novembre 1970, il a été constaté que la République italienne avait manque aux obligations qui lui incombent en vertu du traité en continuant de percevoir la taxe dont s'agit après le 1er juillet 1968 ;

17. Attendu que, par le fait de la notification de la directive en langue italienne, les intérêts du destinataire des obligations définies par l'acte-en l'occurrence l'Etat italien-sont pleinement sauvegardes ;

18. Attendu que l'obligation d'éliminer le droit pour services administratifs, contenue dans la directive 68-31 de la Commission du 22 décembre 1967, combinée avec les articles 9 et 13, paragraphe 2, du traité ainsi qu'avec la décision du conseil, n°66-532, produit des effets directs dans les relations entre l'Etat membre, destinataire de la directive, et ses justiciables et engendre, en leur faveur, à partir du 1er juillet 1968, des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder ;

Sur les dépens

19. Attendu que les frais exposés par la Commission des Communautés européennes et par le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, qui ont soumis leurs observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement et que la procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulève devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens ;

par ces motifs,

la Cour,

Statuant sur les questions qu'elle a soumises par le président du Tribunal De Brescia, conformément à l'ordonnance rendue par cette juridiction le 4 juillet 1970, dit pour droit :

1) l'article 13, paragraphe 2, du traité CEE engendre, à partir de la fin de la période de transition en ce qui concerne l'ensemble des taxes d'effet équivalant à des droits de douane à l'importation, des droits en faveur des particuliers que les juridictions internes doivent sauvegarder ;

2) l'obligation d'éliminer le droit pour services administratifs contenue dans la directive n°68- 31 du Conseil du 22 décembre 1967, combinée avec les articles 9 et 13, paragraphe 2, du traité ainsi qu'avec la décision du Conseil n°66-532 produit des effets directs dans les relations entre l'Etat membre, destinataire de la directive, et ses justiciables et engendre en leur faveur, à partir du 1er juillet 1968, des droits que les juridictions internes doivent sauvegarder.