TPICE, 1re ch., 17 décembre 1991, n° T-8/89
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
DSM NV
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Avocat général :
M. Vesterdorf
Juges :
MM. Schintgen, Edward, Kirschner, Lenaerts
Avocats :
Mes Cath, Ottervanger.
LE TRIBUNAL (première chambre),
Les faits à l'origine du recours
1 La présente affaire concerne une décision de la Commission infligeant à quinze producteurs de polypropylène une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Le produit faisant l'objet de la décision attaquée (ci-après "décision ") est l'un des principaux polymères thermoplastiques bruts. Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs, qui le convertissent en produits finis ou semi-finis. Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d'utilisations finales. Les principales qualités de base de polypropylène ont pour noms raphia, homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère high impact et film. Les entreprises destinataires de la décision sont toutes d'importants fabricants de produits pétrochimiques.
2 Le marché du polypropylène ouest-européen est approvisionné presque exclusivement à partir d'unités de production installées en Europe. Avant 1977, ce marché était approvisionné par dix producteurs, à savoir Montedison (devenue Montepolimeri SpA, elle-même devenue ensuite Montedipe SpA), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc et Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "quatre grands "), représentant ensemble 64 % du marché, Enichem Anic SpA en Italie, Rhône-Poulenc SA en France, Alcudia en Espagne, Chemische Werke Huels et BASF AG en Allemagne et Chemie Linz AG en Autriche. A la suite de l'expiration des brevets de contrôle détenus par Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977 : Amoco et Hercules Chemicals NV en Belgique, ATO Chimie SA et Solvay et Cie SA en France, SIR en Italie, DSM NV aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne. Saga Petrokjemi AS et Cie, producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l'année 1978 et Petrofina SA en 1980. Cette arrivée de nouveaux producteurs ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes a entraîné une augmentation substantielle de la capacité de production en Europe occidentale, qui, pendant plusieurs années, n'a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande, ce qui a eu pour conséquence une faible utilisation des capacités de production, qui se serait cependant redressée progressivement entre 1977 et 1983, passant de 60 à 90 %. Selon la décision, l'offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982. Toutefois, pendant la plus grande partie de la période de référence (de 1977 à 1983), le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité, soit par des pertes substantielles en raison, notamment, de l'importance des coûts fixes et de l'augmentation du coût de la matière première, le propylène. Selon la décision (point 8), en 1983, Montepolimeri détenait 18 % du marché européen du polypropylène, Imperial Chemical Industries plc, Shell International Chemical Company Ltd et Hoechst AG en auraient détenu chacun 11 %, Hercules Chemicals NV un peu moins de 6 %, ATO Chimie SA, BASF AG, DSM NV, Chemische Werke Huels, Chemie Linz AG, Solvay et Cie SA et Saga Petrokjemi AS et Cie, de 3 à 5 % chacun et Petrofina SA environ 2 %. Le polypropylène aurait fait l'objet d'un vaste courant d'échanges entre les États membres, parce que chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque.
3 DSM NV fait partie des sept nouveaux producteurs apparus sur le marché en 1977. Sa position sur le marché du polypropylène était celle d'un producteur moyen, dont la part de marché se situait entre 3,1 et 4,8 %.
4 Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17 "), ont procédé à des vérifications simultanées dans les entreprises suivantes, productrices de polypropylène et approvisionnant le marché communautaire :
- ATO Chimie SA, actuellement Atochem (ci-après "ATO "),
- BASF AG (ci-après "BASF "),
- DSM NV (ci-après "DSM "),
- Hercules Chemicals NV (ci-après "Hercules "),
- Hoechst AG (ci-après "Hoechst "),
- Chemische Werke Huels (ci-après "Huels "),
- Imperial Chemical Industries plc (ci-après "ICI "),
- Montepolimeri SpA, actuellement Montedipe (ci-après "Monte "),
- Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "Shell "),
- Solvay et Cie SA (ci-après "Solvay "),
- BP Chimie (ci-après "BP ").
Aucune vérification n'a été effectuée chez Rhône-Poulenc SA (ci-après "Rhône-Poulenc ") ni chez Enichem Anic SpA.
5 A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 (ci-après "demandes de renseignements "), non seulement aux entreprises précitées, mais aussi aux entreprises suivantes :
- Amoco,
- Chemie Linz AG (ci-après "Linz "),
- Saga Petrokjemi AS et Cie, qui fait actuellement partie de Statoil (ci-après "Statoil "),
- Petrofina SA (ci-après "Petrofina "),
- Enichem Anic SpA (ci-après "Anic ").
Linz, entreprise établie en Autriche, a contesté la compétence de la Commission et a refusé de répondre à la demande. Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement précité, les fonctionnaires de la Commission ont ensuite procédé à des vérifications chez Anic et chez Saga Petrochemicals UK Ltd, filiale anglaise de Saga, ainsi qu'auprès des agences de vente de Linz établies au Royaume-Uni et en République fédérale d'Allemagne. Aucune demande de renseignements n'a été adressée à Rhône-Poulenc.
6 Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure qu'entre 1977 et 1983 les producteurs concernés avaient, en violation de l'article 85 du traité CEE, par une série d'initiatives de prix, fixé régulièrement des objectifs de prix et élaboré un système de contrôle annuel des volumes de vente en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou de pourcentages convenus. C'est ainsi que le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et, au cours du mois de mai 1984, elle a adressé une communication écrite des griefs aux entreprises précitées à l'exception d'Anic et de Rhône-Poulenc. Tous les destinataires y ont répondu par écrit.
7 Le 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur désigné par la Commission a réuni les conseillers juridiques des destinataires de la communication des griefs pour convenir de certaines dispositions de procédure en vue de l'audition, prévue dans le cadre de la procédure administrative, qui devait débuter le 12 novembre 1984. Lors de cette réunion, la Commission a, par ailleurs, annoncé qu'au vu de l'argumentation développée par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs, elle leur adresserait incessamment des éléments de preuve complétant ceux dont elles disposaient déjà en ce qui concerne la mise en œuvre des initiatives de prix. C'est ainsi que le 31 octobre 1984, la Commission a envoyé aux conseillers juridiques des entreprises une liasse de documents réunissant des copies des instructions de prix données par les producteurs à leurs bureaux de vente, ainsi que des tableaux résumant ces documents. Afin de garantir le respect du secret des affaires, la Commission a assorti cette communication de certaines conditions; en particulier, les documents communiqués ne devaient pas être portés à la connaissance des services commerciaux des entreprises. Les avocats de plusieurs entreprises ont refusé d'accepter lesdites conditions et ont renvoyé la documentation avant l'audition.
8 Au vu des informations fournies dans les réponses écrites à la communication des griefs, la Commission a décidé d'étendre la procédure à Anic et à Rhône-Poulenc. A cette fin, une communication des griefs semblable à celle adressée aux quinze autres entreprises leur a été envoyée le 25 octobre 1984.
9 Une première session d'auditions s'est déroulée du 12 au 20 novembre 1984. Au cours de celle-ci, toutes les entreprises ont été entendues, à l'exception de Shell (qui avait refusé de participer à toute audition), d'Anic, d'ICI et de Rhône-Poulenc (qui estimaient ne pas avoir été en mesure de préparer leur dossier).
10 Lors de cette session, plusieurs entreprises ont refusé d'aborder les points soulevés dans la documentation qui leur avait été adressée le 31 octobre 1984, faisant valoir que la Commission avait radicalement changé l'orientation de son argumentation et qu'elles devaient, à tout le moins, être mises en mesure de présenter des observations écrites. D'autres entreprises ont soutenu ne pas avoir eu assez de temps pour étudier les documents en question avant l'audition. Une lettre commune en ce sens a été adressée à la Commission le 28 novembre 1984 par les avocats de BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte, Petrofina et Solvay. Par lettre du 4 décembre 1984, Huels a déclaré se rallier au point de vue ainsi exprimé.
11 C'est pourquoi, le 29 mars 1985, la Commission a adressé aux entreprises une nouvelle série de documents, reproduisant des instructions de prix données par les entreprises à leurs bureaux de vente, accompagnés de tableaux concernant les prix, ainsi qu'un résumé des preuves ayant trait à chacune des initiatives de prix pour laquelle des documents étaient disponibles. Elle invitait les entreprises à y répondre, tant par écrit qu'au cours d'une autre session d'auditions et précisait qu'elle levait les restrictions prévues initialement concernant la communication aux services commerciaux.
12 Par une autre lettre du même jour, la Commission a répondu aux arguments avancés par les avocats, selon lesquels elle n'avait pas donné une définition juridique précise de l'entente alléguée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et elle a invité les entreprises à lui soumettre leurs observations écrites et orales.
13 Une deuxième session d'auditions s'est déroulée du 8 au 11 juillet 1985, et le 25 juillet 1985. Anic, ICI et Rhône-Poulenc y ont présenté leurs observations et les autres entreprises (à l'exception de Shell) ont commenté les points soulevés dans les deux lettres de la Commission datées du 29 mars 1985.
14 Le projet de procès-verbal des auditions, accompagné de la documentation utile, a été transmis aux membres du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après "comité consultatif ") le 19 novembre 1985 et a été envoyé aux entreprises le 25 novembre 1985. Le comité consultatif a rendu son avis lors de sa 170e réunion, les 5 et 6 décembre 1985.
15 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision litigieuse du 23 avril 1986, qui comporte le dispositif suivant :
"Article premier
Anic SpA, ATO Chemie SA (actuellement Atochem), BASF AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Huels (actuellement Huels AG), ICI plc, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co. Ltd, Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co. (actuellement fusionnée avec Statoil) ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant :
- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1982 ou au début de 1983,
- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1980;
- pour Petrofina, de 1980 jusqu'en novembre 1983 au moins,
- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins,
- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins,
- pour ATO, de 1978 au moins jusqu'à novembre 1983 au moins,
- pour BASF, DSM et Huels, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins,
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du Marché commun :
a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale;
b) ont fixé périodiquement des prix 'cible' (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;
c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d'account management' ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;
d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;
e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un 'quota' annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).
Article 2
Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés (tel que le Fides) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés; les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er :
i) Anic SpA, une amende de 750 000 écus, soit 1 103 692 500 LIT;
ii) Atochem, une amende de 1 750 000 écus, soit 11 973 325 FF;
iii) BASF AG, une amende de 2 500 000 écus, soit 5 362 225 DM;
iv) DSM NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 6 657 640 HFL;
v) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR;
vi) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 écus, soit 19 304 010 DM;
vii) Huels AG, une amende de 2 750 000 écus, soit 5 898 447,50 DM;
viii) ICI plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 UKL;
ix) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 écus, soit 1 471 590 000 LIT;
x) Montedipe, une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT;
xi) Petrofina SA, une amende de 600 000 écus, soit 26 306 100 BFR;
xii) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 écus, soit 3 420 950 FF;
xiii) Shell International Chemical Co. Ltd, une amende de 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL;
xiv) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 écus, soit 109 608 750 BFR;
xv) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS (qui englobe aujourd'hui Saga Petrokjemi), une amende de 1 000 000 écus, soit 644 797 UKL.
Articles 4 et 5
(omissis)"
16 Le 8 juillet 1986, le procès-verbal définitif des auditions contenant les corrections, les compléments et les suppressions de textes demandés par les entreprises leur a été envoyé.
La procédure
17 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 31 juillet 1986, la requérante a introduit le présent recours visant à l'annulation de la décision. Treize des quatorze autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours visant à son annulation (affaires T-1-89 à T-4-89, T-6-89, T-7-89 et T-9-89 à T-15-89).
18 La procédure écrite s'est entièrement déroulée devant la Cour.
19 Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les treize autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (ci-après "décision du Conseil du 24 octobre 1988 ").
20 En application de l'article 2, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, un avocat général a été désigné par le président du Tribunal.
21 Par lettre du 3 mai 1990, le greffier du Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, en vue de déterminer les modalités d'organisation de la procédure orale. Cette réunion a eu lieu le 28 juin 1990.
22 Par lettre du 9 juillet 1990, le greffier du Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une jonction éventuelle des affaires T-1-89 à T-4-89 et T-6-89 à T-15-89 aux fins de la procédure orale. Aucune partie n'a formulé d'objection sur ce point.
23 Par ordonnance du 25 septembre 1990, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 43 du règlement de procédure de la Cour, applicable alors mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988.
24 Par ordonnance du 15 novembre 1990, le Tribunal a statué sur les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes dans les affaires T-2-89, T-3-89, T-9-89, T-11-89, T-12-89 et T-13-89 et les a partiellement accueillies.
25 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 9 octobre et le 29 novembre 1990, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal par lettres du greffier du 19 juillet.
26 Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 10 au 15 décembre 1990.
28 L'avocat général a été entendu en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 1991.
Les conclusions des parties
29 La société DSM conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
1) annuler ou déclarer nulle, entièrement ou partiellement, la décision de la Commission du 23 mai 1986 (IV/31.149-Polypropylène) qui fait l'objet du présent recours;
2) annuler ou diminuer l'amende infligée à la requérante par cette décision;
3) ordonner toutes dispositions et mesures que la Cour (le Tribunal) jugera utiles;
4) condamner la Commission aux dépens.
La Commission, quant à elle, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours;
- condamner la requérante aux dépens.
Sur le fond
30 Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission aurait omis de lui communiquer des documents sur lesquels elle a fondé la décision (1) et en ce que, en se fondant sur des éléments de preuve insuffisants, elle aurait renversé la charge de la preuve (2); en second lieu, les griefs relatifs à l'établissement de l'infraction qui portent, d'une part, sur les constatations de fait opérées par la Commission (1) et, d'autre part, sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits (2), en ce que la Commission n'aurait pas correctement qualifié l'infraction (A), en ce qu'elle n'aurait pas correctement apprécié l'effet restrictif sur la concurrence (B) et en ce qu'elle n'aurait pas correctement apprécié l'affectation du commerce entre États membres (C); en troisième lieu, les griefs relatifs à la motivation de la décision; en quatrième lieu, les griefs relatifs à la fixation de l'amende qui ne serait adéquate ni à la durée (1) ni à la gravité (2) de l'infraction alléguée.
Sur les droits de la défense
1. Omission de communiquer des documents lors de la communication des griefs
31 La requérante fait valoir que, lors de la communication des griefs, la Commission ne lui a pas transmis des documents cités dans quatorze points de la décision et qu'elle l'a ainsi mise dans l'impossibilité de s'expliquer sur leur contenu. Il s'agirait d'un compte rendu d'un cadre de Hercules relatif à la réunion du 13 mai 1982 ((décision, point 15, sous b); voir également point 37)), d'un document prétendument découvert chez Solvay daté du 6 septembre 1977 (décision, point 16, dernier alinéa), de la réponse de Shell à la communication des griefs (décision, point 17), de deux comptes rendus de réunions internes de Shell tenues respectivement les 5 juillet 1979 (décision, point 29, deuxième alinéa) et 12 septembre 1979 (décision, point 31), d'un document interne de Solvay (décision, point 32), d'un rappel de Solvay à ses bureaux de vente du 17 juillet 1981 (décision, point 35), d'articles publiés dans la presse spécialisée à la fin de l'année 1981 (décision, point 36), d'une note interne d'ICI relative au "climat de fermeté" (décision, point 46), de documents de Shell relatifs au Royaume-Uni et à la France ainsi que d'un document de Shell intitulé "PP W. Europe-Pricing" et "Market quality report" (décision, point 49), de divers documents d'ATO, notamment d'une note interne du 28 septembre 1983 (décision, point 51), de tableaux découverts chez ICI et relatifs aux objectifs ajustés pour 1979 (décision, point 54), du compte rendu de la réunion du 10 mars 1982 établi par un cadre d'ICI (décision, point 58), d'une note non datée d'ICI destinée à préparer une réunion avec Shell prévue au mois de mai 1983 et, enfin, d'un document de travail relatif au premier trimestre de 1983 découvert chez Shell (décision, point 63).
32 A cet égard, la requérante invoque la violation de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63 "), selon lequel la Commission doit communiquer par écrit aux entreprises les griefs retenus contre elles. Ces griefs devraient être accompagnés des pièces sur lesquelles la Commission appuie ses allégations. S'il n'est pas nécessaire de communiquer l'ensemble du dossier aux entreprises concernées, lesdites entreprises devraient néanmoins être informées des éléments de fait sur lesquels sont fondés les griefs de la Commission (arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten-Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429). Si ces éléments consistent en des documents spécifiques, la Commission devrait communiquer ces documents aux entreprises ou bien, s'ils sont susceptibles d'être connus, indiquer ceux qui sont ainsi visés. En outre, l'appréciation de l'importance d'un document ou du sens de la réaction d'une entreprise face à un document devrait être laissée à cette entreprise.
33 La Commission répond que tous les documents qui concernaient la requérante et prouvaient sa participation à l'entente lui ont été communiqués avec la communication des griefs de manière parfaitement identifiable, à l'exception du compte rendu d'une réunion du 10 mars 1982 établi par un cadre d'ICI (décision, point 58). Mais ce compte rendu ne ferait que préciser le contenu d'un plan découvert chez ICI et chez Hercules (communication générale des griefs, annexe 71, ci-après "g.g. ann .") qui aurait été communiqué et, d'autre part, concernerait l'année 1982 durant laquelle la requérante aurait reconnu, dans sa requête, avoir participé à l'entente.
34 Par ailleurs, elle affirme que la requérante a pu prendre connaissance, au cours de la procédure d'accès au dossier, de certains des documents dont elle affirme qu'ils ne lui ont pas été communiqués.
35 La Commission relève encore que les documents auxquels il est fait référence aux points 46 et 54 de la décision ont été communiqués à la requérante comme annexes 35 et 55 à la communication générale des griefs.
36 Enfin, elle admet que certains documents cités dans la décision n'ont pas été communiqués à la requérante parce qu'ils ne la concerneraient pas du tout et n'auraient donc pas servi de base à la partie de la décision qui la concerne. De ce fait, ils ne présenteraient pas le moindre intérêt pour apprécier la position de la requérante dans l'entente.
37 Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que ce qui importe, ce ne sont pas les documents en tant que tels, mais les conclusions qu'en a tirées la Commission et que, si ces documents n'ont pas été mentionnés dans la communication des griefs, l'entreprise concernée a pu, à juste titre, estimer qu'ils n'avaient pas d'importance aux fins de l'affaire. En n'informant pas une entreprise que certains documents seraient utilisés dans sa décision, la Commission l'a empêchée de manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante de ces documents. Il s'ensuit que ces documents ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve valables en ce qui la concerne (arrêt du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, point 27, 107-82, Rec. p. 3151, et voir en dernier lieu l'arrêt du 3 juillet 1991, point 21, AKZO Chemie/Commission, C-62-86, Rec. p. I-0000).
38 En l'espèce, il y a lieu de relever que seuls les documents mentionnés dans les communications générale ou spécifique des griefs ou dans les lettres des 8 octobre 1984 et 29 mars 1985, ou ceux annexés à celles-ci sans y être spécifiquement mentionnés, peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire. En ce qui concerne les documents annexés aux communications des griefs mais qui n'y sont pas mentionnés, ils ne peuvent être retenus dans la décision contre la requérante que si celle-ci a pu déduire raisonnablement à partir des communications des griefs les conclusions que la Commission entendait en tirer.
39 Il résulte des considérations qui précèdent que, parmi les documents cités par la requérante, seuls la note interne d'ICI sur le "climat de fermeté" (décision, point 46) et les tableaux découverts chez ICI relatifs aux objectifs ajustés pour 1979 (décision, point 54) peuvent être retenus comme éléments de preuve à l'encontre de la requérante, puisqu'ils ont été mentionnés respectivement aux points 71 et 93 de la communication générale des griefs adressée à la requérante, dont ils constituent, en outre, les annexes 35 et 55. Les autres documents cités par la requérante ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire.
40 La question de savoir si ces derniers documents constituent un support indispensable des constatations de fait que la Commission a opérées à l'encontre de la requérante dans la décision relève de l'examen par le Tribunal du bien-fondé de ces constatations.
2. Insuffisance des éléments de preuve présentés par la Commission
41 La requérante soutient que les documents produits par la Commission ne sont pas fiables et, en particulier, que les notes d'ICI sont des intentions ou des interprétations subjectives de leurs auteurs, guidés par leurs objectifs politiques personnels au sein de leur entreprise.
42 Elle ajoute que la Commission ne doit pas tenter de donner à une affaire une portée plus étendue que celle que les faits établis justifient objectivement. Elle devrait, en outre, faire application de la présomption d'innocence et du principe "in dubio pro reo ". Or, la Commission aurait tiré des conclusions générales d'incidents et de circonstances qui, placés dans leur véritable contexte, pourraient donner une image différente du comportement ou de la position de la requérante sur le marché; elle aurait prétendu que ces incidents et ces circonstances constituaient une preuve de culpabilité, se fondant ainsi sur des preuves insuffisantes, incertaines ou non concluantes. Selon la requérante, cette manière de procéder aurait abouti à un renversement de la charge de la preuve, DSM devant démontrer en général que son comportement sur le marché a été tout différent de ce que prétend la Commission ou donner une autre interprétation des faits, alors que ce serait à la Commission qu'il appartient de rendre plausible sa version des faits vis-à-vis de l'interprétation donnée par les entreprises.
43 La Commission rétorque que DSM ne donne pas de raisons de douter de la fiabilité des documents produits par la Commission.
44 La Commission considère qu'elle a attribué aux différents faits présentés, une portée qui ne dépasse pas celle qu'ils ont effectivement. Elle attire l'attention sur le fait que la preuve d'une infraction à l'article 85 du traité CEE doit nécessairement être apportée par référence au comportement de plusieurs entreprises. Elle ajoute encore que, contrairement à ce que suggère DSM, c'est à cette dernière qu'il appartient, compte tenu de l'ensemble des éléments de preuve apportés par la Commission, de démontrer que les faits de la cause peuvent recevoir une interprétation différente.
45 Enfin, de l'avis de la Commission, le grief tiré de l'atteinte au principe "in dubio pro reo" serait dépourvu de pertinence, compte tenu de l'importance des éléments de preuve figurant dans le dossier.
46 Le Tribunal relève que le contenu des comptes rendus de réunions émanant d'ICI est confirmé par différents documents, comme un certain nombre de tableaux chiffrés relatifs aux volumes de vente des différents producteurs et comme des instructions de prix correspondant, quant à leur montant et à leur date d'entrée en vigueur, aux objectifs de prix mentionnés dans lesdits comptes rendus de réunions. De la même manière, les réponses des différents producteurs aux demandes de renseignements qui leur ont été adressées par la Commission corroborent, globalement, le contenu desdits comptes rendus.
47 Par conséquent, la Commission a pu considérer que les comptes rendus de réunions découverts chez ICI reflétaient assez objectivement le contenu de réunions dont la présidence était assurée par différents membres du personnel d'ICI, ce qui accroissait la nécessité pour eux d'informer correctement du contenu des réunions ceux des membres du personnel d'ICI qui ne participaient pas à l'une ou l'autre réunion, en établissant des comptes rendus de celles-ci.
48 Dans ces circonstances, c'est à la requérante de fournir une autre explication du contenu des réunions auxquelles elle a participé, en avançant des éléments précis, comme les notes prises par les membres de son personnel au cours des réunions auxquelles ils ont participé ou le témoignage de ces personnes. Force est de constater que la requérante n'a pas avancé ni offert d'avancer de tels éléments devant le Tribunal.
49 Par ailleurs, il faut relever que la question de savoir si la Commission a tiré des conclusions trop générales des éléments de preuve disponibles, violant ainsi la présomption d'innocence et le principe "in dubio pro reo", se confond avec celle de savoir si les constatations de fait opérées par la Commission dans la décision sont étayées par les éléments de preuve qu'elle a produits. S'agissant là d'une question de fond liée à l'établissement de l'infraction, il y a lieu de l'examiner ultérieurement avec les autres questions liées à l'établissement de l'infraction.
Sur l'établissement de l'infraction
50 Selon la décision (point 80, premier alinéa), à partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, de dispositifs et de mesures arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et de contacts permanents. La décision (point 80, deuxième alinéa) ajoute que le plan d'ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accord exprès sur des points spécifiques.
51 Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, d'abord, si la Commission a établi à suffisance de droit ses constatations de fait relatives au système des réunions périodiques (A), aux initiatives de prix (B), aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix (C) et à la fixation de tonnages cibles et de quotas (D), en rendant compte de l'acte attaqué (a) et des arguments des parties (b), avant de les apprécier (c); il y a lieu de contrôler, ensuite, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits.
1. Les constatations de fait
A - Le système des réunions périodiques
a) Acte attaqué
52 La décision (points 78, quatrième alinéa, et 104, troisième alinéa) affirme que le système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène a commencé à peu près à la fin de 1977, six réunions ayant eu lieu au cours de 1978 (point 18, premier alinéa), mais qu'il n'est pas possible de préciser la date à laquelle chaque producteur a commencé à y assister. Elle relève que DSM, qui figure parmi les producteurs dont il n'est pas prouvé qu'ils ont "soutenu" l'initiative de décembre 1977, prétend ne pas savoir quand les réunions ont débuté et qu'elle admet y avoir assisté uniquement à partir de 1980.
53 Toutefois, la décision (point 105, premier et deuxième alinéas) indique que la date précise à laquelle chaque producteur a commencé à assister aux sessions plénières périodiques ne peut être établie avec certitude. La date à laquelle Anic, ATO, BASF, DSM et Huels auraient commencé à participer aux arrangements ne pourrait avoir été ultérieure à 1979, puisqu'il serait établi que ces cinq producteurs ont tous participé à la répartition du marché ou au système de quotas introduit pour la première fois au cours de cette année.
54 La décision (points 104, troisième alinéa, et 105, deuxième et quatrième alinéas) affirme, d'une part, qu'ICI a déclaré que DSM était une participante régulière aux réunions et, d'autre part, que le système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène a fonctionné au moins jusqu'à la fin septembre 1983. Elle fait grief à DSM d'avoir participé à ce système (point 18, premier et troisième alinéas).
55 Selon la décision (point 21), l'objet des réunions périodiques de producteurs de polypropylène était, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et le contrôle de leur respect par les producteurs.
b) Arguments des parties
56 La requérante fait remarquer que, selon la décision, elle aurait participé à l'entente à partir "d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 ". Elle soutient qu'en tout état de cause la Commission ne pouvait introduire une marge d'indétermination aussi grande quant au point de départ de l'infraction. Il lui appartenait de fixer avec précision ce point de départ et, si elle en était incapable, de laisser le doute profiter à la requérante.
57 Elle fait valoir que, si elle a reconnu avoir participé régulièrement à des réunions de producteurs de polypropylène à partir du 1er janvier 1981, elle a toujours nié énergiquement y avoir participé avant cette date avec une certaine régularité ou sous une forme structurée.
58 Elle soutient que, si la Commission affirme pourtant que la date à laquelle DSM a commencé à participer aux arrangements ne peut avoir été postérieure à 1979, c'est en se fondant sur des documents émanant d'ICI qui ne sont pas probants ou qui sont interprétés de manière incorrecte. Il s'agirait seulement de tableaux mentionnant des chiffres de production pour les différents producteurs.
59 La requérante ajoute, dans sa réplique, que le caractère probant de ces documents en ce qui concerne sa participation aux réunions est démenti par la mention qui y est faite d'Amoco, dont la Commission admet qu'elle n'a pas participé aux réunions. Une note du 27 février 1978 ((annexe III au mémoire en défense (ci-après "D. ann ."))) ne serait pas plus probante.
60 La Commission relève, de son côté, que DSM reconnaît avoir été présente aux réunions avec une certaine régularité après le 1er janvier 1981 et que, si elle nie y avoir participé avec une certaine régularité ou sous une forme structurée avant 1981, elle ne conteste pas y avoir participé de manière irrégulière ou occasionnelle.
61 La Commission soutient que de nombreux documents établissent la participation de la requérante aux réunions avant 1981. Il s'agirait du point 23 de la réponse de DSM à la communication des griefs où elle aurait reconnu dans des termes voilés avoir été représentée dans des réunions avant 1981; de la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g.g. ann. 8) selon laquelle DSM assistait aux réunions comme "regular participant" (" participante régulière "); des déclarations faites lors de l'assemblée générale de la "European Association of Textile polyolefines" (ci-après "EATP ") du 26 mai 1978 qui montreraient que DSM "will support the movement to get prices at a reasonable level" (" apportera son soutien à l'opération destinée à ramener les prix à un niveau raisonnable ") (g.g. ann. 7); des annexes 55 et suivantes à la communication générale des griefs qui contiendraient des données précises qui ne pourraient avoir été fournies que par DSM et, enfin, d'une note émanant de DSM, datée du 27 février 1978, dont il ressortirait que, dès ce moment, DSM respectait les accords et s'inquiétait du fait que certains de ses concurrents les observaient moins scrupuleusement.
c) Appréciation du Tribunal
62 Le Tribunal constate, à titre liminaire, que l'indication relative au début de la participation de la requérante à l'infraction, que l'article 1er de la décision situe à un moment indéterminé entre 1977 et 1979, doit être comprise, à la lumière des motifs de la décision, comme situant le début de cette participation entre le commencement et la fin de l'année 1978. En effet, il convient de relever, d'une part, que ni les communications générale et spécifique des griefs adressées à la requérante ni la décision ne formulent de grief à l'encontre de la requérante avant l'année 1978, la décision excluant même explicitement la requérante de l'initiative de prix de décembre 1977 (point 78) et, d'autre part, que le point 105, deuxième alinéa, de la décision indique que le début de cette participation ne peut avoir été ultérieur au début de l'année 1979.
63 Il y a lieu de considérer sur la base des indices que constituent, d'une part, la note interne de DSM datée du 27 février 1978 (D. ann. III), qui avait été rédigée en vue de la préparation d'une réunion du 28 février 1978 et qui cite, notamment, parmi les erreurs commises par DSM dans sa politique de prix, "clinging to agreements even when heavy violations of our partners become obvious" (" respect des accords même lorsqu'à l'évidence nos partenaires les violent gravement "), alors que le contexte de cette citation indique que les "partners" ne peuvent être les clients et les fournisseurs qui sont désignés comme tels ailleurs dans le document, et, d'autre part, les déclarations de la requérante lors de la réunion de l'EATP du 26 mai 1978 (g.g. ann. 7), selon lesquelles :
"It is our conviction that stability in supply and in pricing is most important ... Therefore we will support the move to get prices at a reasonable level. This morning we have heard some comments indicating the November initiative has not been fully carried through, nevertheless we are of the opinion that it is absolutely necessary to pursue this goal further",
(" Nous avons la ferme conviction que la stabilité de l'offre et des prix est d'une importance capitale ... C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons l'opération visant à porter les prix à un niveau raisonnable. Nous avons entendu ce matin des commentaires indiquant que l'initiative du mois de novembre n'avait pas été mise en œuvre intégralement, mais nous estimons néanmoins qu'il est absolument nécessaire de continuer à poursuivre cet objectif "),
que la requérante a participé, depuis un moment que l'on peut situer en 1978, aux réunions des "Senior Managers" (" patrons ") organisées par des producteurs de polypropylène, au cours desquelles a été développée l'idée de fixer des prix cibles comme le montre la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g.g. ann. 8) qui indique que "Generally speaking however, the concept of recommending 'Target Prices'was developed during the early meetings which took place in 1978" (" En général, l'idée de recommander des 'prix cibles'a été élaborée pendant les premières réunions, qui ont eu lieu en 1978 ").
64 En ce qui concerne la période subséquente, le Tribunal constate qu'il ressort de la réponse d'ICI à la demande de renseignements que DSM a participé régulièrement aux réunions périodiques de "patrons" et d'"experts" à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979. En effet, cette réponse classe la requérante, à la différence de deux autres producteurs, parmi les participants réguliers à ces réunions et indique, par ailleurs, que :
"By late 1978/early 1979 it was determined that the ad hoc meetings of Senior Managers should be supplemented by meetings of lower level managers with more marketing knowledge. This two-tier level of representatives became identified as (a) 'Bosses'and (b) 'Experts'".
((" Fin 1978/début 1979, il a été décidé que les réunions 'ad hoc'des 'Senior'directeurs seraient complétées par des réunions de directeurs situés à un niveau moins élevé dans la hiérarchie, mais possédant de plus amples connaissances en matière de marketing. Cette représentation à deux niveaux a bientôt été désignée comme celle des (a) 'patrons'... et des (b) 'experts'")).
65 Il convient d'observer, en outre, que la réponse d'ICI à la demande de renseignements se trouve confirmée, en premier lieu, par la réponse de la requérante à la communication des griefs, dans laquelle elle affirme certes n'avoir participé aux réunions avec une certaine régularité qu'à partir de janvier 1981, mais ne nie pas y avoir participé avant cette date et, en second lieu, par la mention, à côté du nom de la requérante dans différents tableaux retrouvés chez ICI et chez ATO (g.g. ann. 55 à 61), de ses chiffres de vente pour différents mois et différentes années. Or, la plupart des requérantes ont admis dans leurs réponses à une question écrite posée par le Tribunal qu'il n'aurait pas été possible d'établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système Fides d'échanges de données et ICI a déclaré à propos d'un de ces tableaux dans sa réponse à la demande de renseignements que "the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" (" la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes "). Il faut, toutefois, préciser que ce dernier élément ne constitue pas une preuve en soi de la participation de la requérante aux réunions, pas plus que cela n'a été le cas pour Amoco, mais qu'il vient seulement corroborer la teneur des autres éléments de preuve sur la base desquels cette participation doit être considérée comme établie, éléments qui font défaut dans le cas d'Amoco.
66 Enfin, il ressort des tableaux annexés à la réponse de la requérante à la demande de renseignements qu'elle a participé à presque toutes les réunions de producteurs dont la tenue est alléguée pendant les années 1982 et 1983.
67 Le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission a estimé, sur la base des éléments qui ont été fournis par ICI dans sa réponse à la demande de renseignements et qui ont été confirmés par de nombreux comptes rendus de réunions, que l'objet des réunions était, notamment, de fixer des objectifs de prix, d'une part, et de volumes de vente, d'autre part. En effet, on peut lire dans cette réponse les passages suivants : "'Target prices'for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule ..."; ainsi que "A number of proposals for the volume of individual producers were discussed at meetings" (" Les 'prix cibles'qui ont été proposés périodiquement par les producteurs depuis le 1er janvier 1979 pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe ..." ainsi que "Un certain nombre de propositions relatives au volume des ventes des divers producteurs ont été discutées lors des réunions ").
68 De surcroît, faisant état de l'organisation, en plus des réunions de "patrons", de réunions d'"experts" en marketing à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979, la réponse d'ICI à la demande de renseignements révèle que les discussions relatives à la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente se faisaient de plus en plus concrètes et précises, alors qu'en 1978 les "patrons" s'étaient bornés à développer le concept même des prix cibles.
69 Outre les passages précédents, on peut lire l'extrait suivant dans la réponse d'ICI à la demande de renseignements : "Only 'Bosses'and 'Experts'meetings came to be held on a monthly basis" (" Seules les réunions de 'patrons'et d''experts'avaient lieu sur une base mensuelle "). C'est à bon droit que la Commission a pu déduire de cette réponse, ainsi que de l'identité de nature et d'objet des réunions, que celles-ci s'inscrivaient dans un système de réunions périodiques.
70 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a participé aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène à partir d'un moment indéterminé situé entre 1977 et 1979 et jusqu'en septembre 1983 et que ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et qu'elles s'inscrivaient dans un système.
B - Les initiatives de prix
a) Acte attaqué
71 Selon la décision (points 28 à 51), six initiatives de prix, s'inscrivant dans un système de fixation d'objectifs de prix, ont pu être identifiées, la première allant de juillet à décembre 1979, la deuxième de janvier à mai 1981, la troisième d'août à décembre 1981, la quatrième de juin à juillet 1982, la cinquième de septembre à novembre 1982 et la sixième de juillet à novembre 1983.
72 A propos de la première de ces initiatives de prix, la Commission (décision, point 29) fait remarquer qu'elle ne possède aucun détail sur les réunions tenues ou les initiatives prévues au cours de la première partie de 1979. Le compte rendu d'une réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 indiquerait, cependant, qu'une initiative était prévue sur la base d'un prix, pour la qualité raphia, de 1,90 DM/kg à partir du 1er juillet et de 2,05 DM/kg à partir du 1er septembre. La Commission disposerait des instructions de prix de certains producteurs, parmi lesquels ne figure pas la requérante, dont il ressortirait que ces producteurs avaient donné ordre à leurs bureaux de vente d'appliquer ce niveau de prix ou son équivalent en monnaie nationale à partir du 1er septembre, et ce, pour la plupart d'entre eux, avant que la presse spécialisée n'ait annoncé la hausse prévue (décision, point 30).
73 Toutefois, en raison de difficultés à majorer les prix, les producteurs auraient décidé, au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, de reporter la date prévue pour atteindre la cible de plusieurs mois, soit au 1er décembre 1979, le nouveau plan consistant à "maintenir" pendant tout le mois d'octobre les niveaux déjà atteints, avec la possibilité d'une hausse intermédiaire en novembre, qui porterait le prix à 1,90 ou 1,95 DM/kg (décision, point 31, deux premiers alinéas).
74 Quant à la deuxième initiative de prix, la décision (point 32), si elle admet qu'aucun compte rendu des réunions de 1980 n'a été découvert, affirme que les producteurs se sont réunis au moins sept fois au cours de cette année (référence est faite au tableau 3 de la décision). Au début de l'année, la presse spécialisée aurait annoncé que les producteurs étaient favorables à une forte poussée des prix dans le courant de 1980. On aurait constaté cependant une baisse substantielle des cours du marché, qui seraient retombés au niveau de 1,20 DM/kg, voire moins encore, avant de se stabiliser à partir de septembre environ. Les instructions de prix envoyées par la requérante, ainsi que par Hoechst, Linz, Monte, Saga et ICI indiqueraient que pour rétablir le niveau des prix, des cibles ont été fixées pour décembre 1980-janvier 1981 sur la base de 1,50 DM/kg pour le raphia, 1,70 DM/kg pour l'homopolymère et 1,95 à 2,00 DM/kg pour le copolymère. Un document interne de Solvay comporterait un tableau comparant les "prix réalisés" pour octobre et novembre 1980 avec les "prix de liste" pour janvier 1981, qui s'établiraient à 1,50/1,70/2,00 DM. Initialement, il aurait été prévu d'appliquer ces niveaux à partir du 1er décembre 1980 - une réunion ayant eu lieu à Zurich du 13 au 15 octobre - mais cette initiative aurait été repoussée au 1er janvier 1981.
75 La décision (point 33) relève, ensuite, la participation de DSM à deux réunions de janvier 1981, au cours desquelles il se serait avéré nécessaire d'opérer une hausse des prix, fixée en décembre 1980 pour le 1er février 1981, sur la base de 1,75 DM/kg pour le raphia, en deux phases : l'objectif serait resté fixé à 1,75 DM/kg pour février et un objectif de 2,00 DM/kg serait introduit à partir du 1er mars "sans exception ". Un tableau des prix cibles de six grandes qualités aurait été élaboré dans six monnaies nationales. Sa mise en œuvre aurait été prévue pour les 1er février et 1er mars 1981. Les documents recueillis auprès de DSM démontreraient notamment qu'elle a pris des mesures en vue d'introduire les prix cibles fixés pour février. SUITE DES MOTIFS SOUS LE NUM.DOC : 689A0008.1
76 Selon la décision (point 34), le projet de relever les prix à 2,00 DM/kg au 1er mars ne paraît cependant pas avoir abouti. Les producteurs auraient modifié leurs perspectives et espéré atteindre le niveau de 1,75 DM/kg en mars. Une réunion des "experts", dont il ne subsiste aucun compte rendu, se serait tenue à Amsterdam le 25 mars 1981, mais immédiatement après au moins BASF, DSM, ICI, Monte et Shell auraient donné instruction de porter les objectifs de prix (ou prix "de liste ") à un niveau équivalant à 2,15 DM/kg pour le raphia, à partir du 1er mai. Hoechst aurait donné des instructions identiques pour le 1er mai, avec un retard d'environ quatre semaines sur les autres. Certains des producteurs auraient laissé à leurs bureaux de vente une certaine marge de manœuvre en leur permettant d'appliquer des prix "minimaux" ou des "minima absolus" quelque peu inférieurs aux objectifs convenus. Au cours de la première partie de 1981, les prix auraient augmenté sensiblement, mais, bien que la hausse au 1er mai ait été fortement soutenue par les producteurs, le rythme se serait ralenti. Vers le milieu de l'année, les producteurs auraient envisagé soit de stabiliser les prix, soit même de les réduire quelque peu, la demande ayant fléchi pendant l'été.
77 En ce qui concerne la troisième initiative de prix, la décision (point 35) affirme qu'en juin 1981 Shell et ICI auraient déjà envisagé une nouvelle initiative de prix pour septembre/octobre 1981, alors que la hausse des prix du premier trimestre aurait marqué un ralentissement. Shell, ICI et Monte se seraient rencontrées le 15 juin 1981 afin de discuter des méthodes à suivre pour majorer les prix sur le marché. Quelques jours après cette réunion, ICI et Shell auraient donné toutes deux instruction à leurs bureaux de vente de préparer le marché à une hausse substantielle en septembre, axée sur un nouveau prix de 2,30 DM/kg pour le raphia. Solvay aurait rappelé également à son bureau de vente du Benelux, le 17 juillet 1981, la nécessité d'aviser les clients d'une hausse substantielle au 1er septembre, dont le montant aurait été décidé au cours de la dernière semaine de juillet, alors qu'une réunion d'experts aurait été prévue pour le 28 juillet 1981. Le projet initial axé sur un prix de 2,30 DM/kg en septembre 1981 aurait été revu probablement à cette réunion; le niveau pour août aurait été ramené à 2,00 DM/kg pour le raphia. Celui de septembre aurait dû être de 2,20 DM/kg. Une note manuscrite recueillie chez Hercules et datée du 29 juillet 1981 (c'est-à-dire le lendemain de la réunion, à laquelle Hercules n'a sans doute pas assisté) citerait ces prix, qualifiés d'"officiels" pour août et septembre, et se référerait en termes voilés à la source de l'information. De nouvelles réunions auraient eu lieu à Genève le 4 août et à Vienne le 21 août 1981. A la suite de ces sessions, les producteurs auraient envoyé de nouvelles instructions fixant l'objectif à 2,30 DM/kg pour le 1er octobre. BASF, DSM, Hoechst, ICI, Monte et Shell auraient donné des instructions presque identiques en vue d'appliquer ces prix en septembre et en octobre.
78 Selon la décision (point 36), le nouveau projet aurait prévu pour les mois de septembre et d'octobre 1981 le relèvement des prix à un "prix de base" de 2,20 à 2,30 DM/kg pour le raphia. Un document de Shell indiquerait qu'une étape supplémentaire, portant le prix à 2,50 DM/kg au 1er novembre, aurait été discutée, mais qu'il y aurait été renoncé par la suite. Les rapports des divers producteurs indiqueraient que les prix auraient augmenté en septembre et que l'initiative se serait poursuivie en octobre 1981, les prix réalisés sur le marché se situant aux alentours de 2,00 à 2,10 DM/kg pour le raphia. Une note de Hercules montrerait qu'en décembre 1981 la cible de 2,30 DM/kg aurait été révisée à la baisse et fixée à un niveau plus réaliste de 2,15 DM/kg, mais cette note ajoute que "grâce à la détermination de tous, les prix auraient atteint 2,05 DM/kg, soit le montant le plus proche jamais atteint par rapport aux objectifs publiés (sic !)". A la fin de l'année 1981, la presse spécialisée aurait relevé sur le marché du polypropylène des prix de 1,95 à 2,10 DM/kg pour le raphia, soit quelque 20 pfennigs de moins que les objectifs de prix des producteurs. Quant aux capacités, elles auraient été utilisées à concurrence de 80 %, pourcentage jugé "sain ".
79 La quatrième initiative de prix de juin-juillet 1982 se serait inscrite dans le contexte d'un retour du marché à l'équilibre entre l'offre et la demande. Cette initiative aurait été décidée à la réunion de producteurs du 13 mai 1982, à laquelle aurait participé DSM et au cours de laquelle un tableau détaillé des objectifs de prix au 1er juin aurait été élaboré pour différentes qualités de polypropylène, dans diverses monnaies nationales (2,00 DM/kg pour le raphia) (décision, points 37 à 39, premier alinéa).
80 La réunion du 13 mai 1982 aurait été suivie d'instructions de prix émanant de ATO, BASF, Hoechst, Hercules, Huels, ICI, Linz, Monte et Shell, correspondant, sous réserve de quelques exceptions mineures, aux prix cibles définis lors de la réunion (décision, point 39, deuxième alinéa). La décision (point 39, troisième alinéa) reconnaît que si l'on ne dispose pas, pour juin, d'instructions de prix pour DSM, un rapport établi par la requérante sur ses ventes fait référence à un projet de hausse pour juin, en espérant sa réussite. Lors de la réunion du 9 juin 1982, les producteurs n'auraient pu annoncer que des hausses modestes.
81 Selon la décision (point 40), la requérante aurait également participé à la cinquième initiative de prix de septembre-novembre 1982 décidée lors de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 et visant à atteindre un prix de 2,00 DM/kg le 1er septembre et de 2,10 DM/kg le 1er octobre, dans la mesure où elle aurait été présente à la plupart, sinon à toutes les réunions tenues entre juillet et novembre 1982 au cours desquelles cette initiative a été organisée et contrôlée (décision, point 45). Lors de la réunion du 20 août 1982, la hausse prévue pour le 1er septembre aurait été reportée au 1er octobre et cette décision aurait été confirmée lors de la réunion du 2 septembre 1982 (décision, point 41).
82 A la suite des réunions des 20 août et 2 septembre 1982, ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Shell auraient donné des instructions de prix conformes au prix cible défini au cours de ces réunions (décision, point 43).
83 Selon la décision (point 44), à la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle aurait participé la requérante, un examen des mesures prises pour atteindre l'objectif fixé précédemment aurait été opéré et les entreprises auraient exprimé dans l'ensemble leur soutien à une proposition visant à relever le prix à 2,10 DM/kg pour novembre-décembre 1982. Cette hausse aurait été confirmée lors de la réunion du 6 octobre 1982.
84 A la suite de la réunion du 6 octobre 1982, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte, Shell et Saga auraient donné des instructions de prix appliquant la hausse décidée (décision, point 44, deuxième alinéa).
85 A l'instar de ATO, BASF, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Saga, la requérante aurait fourni à la Commission des instructions de prix adressées à ses bureaux de vente locaux, qui correspondraient non seulement entre elles pour ce qui est des montants et des délais, mais correspondraient également au tableau de prix cibles joint au compte rendu d'ICI de la réunion des "experts" du 2 septembre 1982 (décision, point 45, deuxième alinéa).
86 La réunion de décembre 1982 aurait, selon la décision (point 46, deuxième alinéa), abouti à un accord, selon lequel le niveau prévu pour novembre-décembre devrait être introduit pour la fin janvier 1983.
87 D'après la décision (point 47), la requérante aurait, enfin, participé à la sixième initiative de prix de juillet-novembre 1983. En effet, au cours de la réunion du 3 mai 1983, il aurait été convenu que les producteurs s'efforceraient d'appliquer un prix cible de 2,00 DM/kg en juin 1983. Toutefois, lors de la réunion du 20 mai 1983, l'objectif précédemment défini aurait été reporté à septembre et un objectif intermédiaire aurait été fixé pour le 1er juillet (1,85 DM/kg). Ensuite, lors d'une réunion du 1er juin 1983, les producteurs présents, dont DSM, auraient réaffirmé leur entière détermination à appliquer la hausse de 1,85 DM/kg. A cette occasion, il aurait été convenu que Shell prendrait l'initiative publiquement dans une revue professionnelle spécialisée, European Chemical News (ci-après "ECN ").
88 La décision (point 49) relève qu'après la réunion du 20 mai 1983, ICI, DSM, BASF, Hoechst, Linz, Shell, Hercules, ATO, Petrofina et Solvay ont donné instruction à leurs bureaux de vente d'appliquer au 1er juillet un tarif de 1,85 DM/kg pour le raphia. Elle ajoute que les instructions de prix retrouvées chez ATO et Petrofina ne sont que partielles, mais qu'elles confirment que ces sociétés ont relevé leur niveau de prix, avec un certain retard dans le cas de Petrofina et de Solvay. La décision conclut qu'il est ainsi démontré qu'à l'exception de Huels, pour qui la Commission n'a pas retrouvé trace d'instructions pour juillet 1983, tous les producteurs qui avaient participé aux réunions ou s'étaient engagés à soutenir la nouvelle cible de 1,85 DM/kg, ont donné des instructions visant à faire appliquer le nouveau prix.
89 La décision (point 50) relève, par ailleurs, que d'autres réunions ont eu lieu les 16 juin, 6 et 21 juillet, 10 et 23 août ainsi que les 5, 15 et 29 septembre 1983, auxquelles tous les participants habituels ont pris part. A la fin juillet et au début août 1983, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Solvay, Monte et Saga auraient envoyé à leurs divers bureaux nationaux de vente des instructions applicables au 1er septembre, basées sur un prix de 2,00 DM/kg pour le raphia, tandis qu'une note interne de Shell du 11 août, relative à ses prix au Royaume-Uni, indiquerait que sa filiale au Royaume-Uni travaillait à "promouvoir" des prix de base applicables au 1er septembre, conformes aux objectifs fixés par les autres producteurs. Dès la fin du mois, cependant, Shell aurait donné instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni de différer la hausse complète jusqu'à ce que les autres producteurs aient atteint le niveau de base souhaité. La décision précise que, sous réserve d'exceptions mineures, ces instructions sont identiques par qualité et par devise.
90 Selon la décision (point 50, dernier alinéa), les instructions recueillies auprès des producteurs révèlent qu'il a été décidé ultérieurement de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base d'un prix de 2,10 DM/kg au 1er octobre pour le raphia, et d'un relèvement à 2,25 DM/kg le 1er novembre. La décision (point 51, premier alinéa) relève encore que BASF, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Solvay ont toutes envoyé à leurs bureaux de vente des instructions fixant des prix identiques pour les mois d'octobre et de novembre, Hercules fixant dans un premier temps des prix légèrement inférieurs. Elle relève que DSM affirme n'avoir envoyé aucune instruction de prix pour octobre ou novembre, mais constate que ses "prix de liste" n'en étaient pas moins identiques, par qualité et par devise, à ceux de tous les autres producteurs.
91 La décision (point 51, troisième alinéa) relève qu'une note interne recueillie chez ATO, et datée du 28 septembre 1983, comporterait un tableau intitulé "Rappel du prix de cota (sic)", donnant pour différents pays les prix applicables en septembre et en octobre pour les trois principales qualités de polypropylène, prix identiques à ceux de BASF, DSM, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Solvay. Au cours de la vérification effectuée chez ATO en octobre 1983, les représentants de l'entreprise auraient confirmé que ces prix avaient été communiqués aux bureaux de vente.
92 Selon la décision (point 105, quatrième alinéa), quelle que soit la date de la dernière réunion, l'infraction a duré jusqu'en novembre 1983, dans la mesure où l'accord a continué à produire ses effets au moins jusqu'à ce moment, novembre étant le dernier mois pour lequel on sait que des objectifs de prix ont été convenus et que des instructions de prix ont été données.
93 La décision conclut (point 51, dernier alinéa) en relevant qu'à la fin de 1983, selon la presse spécialisée, les prix du polypropylène se sont raffermis, le prix du raphia sur le marché atteignant 2,08 DM à 2,15 DM/kg (pour un objectif cité de 2,25 DM/kg).
b) Arguments des parties
94 La requérante soutient que le grief essentiel formulé par la Commission à l'encontre des entreprises destinataires de la décision serait la conclusion en 1977 d'un accord sur des prix planchers, qui devaient être révisés périodiquement, accord qui se serait par la suite concrétisé en six périodes individualisables à travers des "initiatives de prix ". La Commission désignerait cet ensemble par les termes "accord-cadre" et "sous-accords ". Par conséquent, la requérante estime que, si le Tribunal devait rejeter ce grief fondamental, cela devrait entraîner l'annulation totale ou partielle de la décision et des amendes.
95 La requérante, qui reconnaît avoir participé aux réunions avec une certaine régularité depuis janvier 1981, nie formellement que ces réunions ont eu lieu dans le cadre d'un arrangement structuré ou a fortiori dans le cadre d'un accord sur les prix planchers.
96 Elle affirme n'avoir jamais souscrit à aucun engagement et ne s'être jamais sentie liée, juridiquement ou moralement, par les discussions qu'elle a eues au cours des réunions. Elle ne se serait, a fortiori, jamais laissé guider par le résultat de ces réunions pour déterminer sa politique commerciale. Celle-ci aurait été, au contraire, marquée par l'adoption d'une position systématiquement agressive, comme le montrerait l'augmentation de sa part de marché. Face à ces éléments, la Commission, à qui incomberait pourtant la charge de la preuve, se limiterait à des observations générales qui ne démontreraient nullement que DSM aurait accordé sa volonté avec celle des autres entreprises. En outre, la requérante déclare ne pas comprendre le raisonnement par lequel la Commission cherche à démontrer l'existence d'un engagement de facto. La Commission serait donc en défaut de prouver la participation de DSM à un accord de prix.
97 La requérante estime que sa politique interne en matière de prix ne justifie pas la conclusion de la Commission sur ce point et se réfère à cet égard aux prix de vente qu'elle a pratiqués sur le marché.
98 Elle souligne qu'en ce qui la concerne il convient de distinguer quatre types de prix : les prix cibles, qui sont les prix auxquels la société aspire; les "prix de liste", qui sont les prix indiqués aux bureaux de vente en principe chaque mois et pour chaque produit; les prix planchers, communiqués aux bureaux de vente en même temps que les prix de liste, qui déterminent la marge de négociation indépendante de ces bureaux et, enfin, les prix de vente effectifs.
99 La requérante produit des graphiques portant sur différentes qualités de polypropylène et différents marchés dont il ressortirait, en premier lieu, que les prix de liste n'ont jamais coïncidé avec les prix cibles; en second lieu, qu'il y a toujours eu des différences substantielles (de plus de 20 % en moyenne) entre les prix de liste et les prix planchers; en troisième lieu, que lors des négociations de prix, ce sont les prix planchers et non pas les prix cibles qui servaient de point de référence; et, enfin, que les bureaux de vente ont toujours disposé d'une marge assez large pour déroger aux prix planchers lors de la fixation des prix de vente. Ainsi, se trouverait réfutée, sur le plan des faits, la thèse de base de la Commission, selon laquelle les réunions avaient une influence effective sur le comportement commercial de DSM, aucun lien entre l'objet des réunions et les prix pratiqués sur le marché ni aucun parallélisme entre les divers prix pratiqués par les entreprises sur le marché n'ayant pu être démontrés. La requérante souligne que la Commission a elle-même reconnu au point 73 de la décision qu'"il se peut même que le prix ait été déterminé, dans une large mesure, par les conditions de l'offre et de la demande ".
100 La requérante s'attache ensuite à démontrer qu'elle n'a pas participé aux différentes initiatives de prix.
101 En ce qui concerne l'initiative de juillet-décembre 1979, la requérante ne serait pas mentionnée dans la décision, puisqu'elle nie toute participation aux infractions avant le 1er janvier 1981.
102 Quant à celle de janvier-mai 1981, elle expose que les instructions de prix de DSM (annexes 6 et 7 à la requête, ci-après "R. ann .") sur lesquelles se fonde la Commission n'établissaient pas la volonté de DSM de s'aligner sur des prix cibles, puisque, en réalité, ce seraient les prix du marché qui auraient servi de base à la négociation des prix avec les clients. Ces instructions montreraient que les prix indiqués par la Commission ont simplement été employés comme "lignes directrices" pour les produits correspondants, mais qu'il ne s'agissait pas de prix minimaux, lesquels seraient également mentionnés dans ses instructions de prix et seraient, d'ailleurs, sensiblement inférieurs. La Commission n'aurait donc pas interprété correctement les instructions de prix de DSM.
103 Quant à l'initiative d'août-décembre 1981, la requérante fait valoir que les prix indiqués dans ses instructions de prix s'écartent nettement de ceux qui auraient été fixés comme prix cibles et des instructions données par d'autres producteurs. Ce qui a été dit pour la période antérieure demeurerait valable pour cette période aussi.
104 En ce qui concerne celle de juin-juillet 1982, elle affirme que, contrairement à ce qu'indique la Commission dans la décision (point 39) et dans ses mémoires déposés devant le Tribunal, l'instruction de prix de DSM pour juin 1982 était la note communiquée par DSM à la Commission en annexe 43 à sa réponse à la communication des griefs. Cette instruction de prix, qui avait été donnée avant la réunion au cours de laquelle un prétendu prix cible aurait été convenu et qui aurait été ignorée par la Commission, accuserait elle aussi un écart par rapport aux soi-disant prix cibles mis en avant par la Commission. Dans sa réplique, la requérante fait encore valoir que le document du 13 juillet 1982 émanant de DSM, qui constitue l'annexe 9 à la communication spécifique des griefs qui lui a été adressée (ci-après, "ann. g. DSM ") et que la Commission identifie comme étant l'instruction de prix donnée par la requérante pour juin 1982, ne peut être cette instruction en raison de sa date, un projet de hausse pour juin n'ayant évidemment pas pu être rédigé en juillet.
105 Quant à l'initiative de septembre-novembre 1982, la requérante se réfère aux explications données pour la période allant de janvier à mai 1981. Elle ajoute que, si elle a indiqué à ses bureaux de vente que les prix planchers devaient être utilisés avec précaution, c'était uniquement pour contrecarrer la tendance de ses bureaux à descendre encore au-dessous des prix planchers.
106 En ce qui concerne celle de juillet-novembre 1983, enfin, la requérante établit une distinction entre le début et la fin de cette période. En ce qui concerne le début de cette période, elle expose que l'instruction de prix, datée du 25 mai 1983, à laquelle la Commission se réfère (R. ann. 11) et qui semble être parallèle à d'autres instructions, doit être appréciée dans le contexte d'un marché en hausse dans lequel la requérante ne pouvait rester en arrière-plan. En ce qui concerne la fin de cette période, il n'y aurait pas eu d'instruction écrite concernant les prix planchers, comme le montrerait un télex envoyé aux bureaux de vente le 2 août 1983 (R. ann. 12) qui indique que des instructions complémentaires pour les prix planchers doivent suivre.
107 La requérante conclut que la Commission se borne à dénoncer une intention interne à l'entreprise, alors que les règles de la concurrence viseraient à protéger la structure concurrentielle et non pas à sanctionner des intentions internes qui n'auraient pas eu d'effet sur cette structure concurrentielle par le truchement d'attitudes commerciales concrètes. En réalité, la Commission innoverait en disant que l'intention commune d'adopter un comportement parallèle serait déjà punissable en soi.
108 La Commission relève, de son côté, que divers éléments, comme les instructions de prix de la requérante qui concordent avec celles données par d'autres producteurs tant par leur montant que par leur date d'entrée en vigueur (annexe à la lettre de la Commission du 29 mars 1985, ci-après "ann. lettre du 29 mars 1985 "), permettent indéniablement de conclure que DSM a pris part à l'exécution d'un plan convenu avec ces autres producteurs. La Commission est convaincue que, de facto, DSM s'est réellement sentie tenue d'exécuter les accords conclus dans le cadre de l'entente, comme l'attesteraient ses instructions de prix. Vu cette participation concrète à l'entente, pas plus l'idée que se faisait la requérante de son engagement que son comportement agressif sur le marché ne devraient être pris en considération. Il serait également indifférent de savoir si les "décisions" prises dans le cadre de l'entente ont été soumises à un contrôle ou si DSM n'a calqué sa conduite en matière de prix sur celle des autres que d'une manière limitée.
109 La Commission note encore que, contrairement à ce que soutient DSM, il existe des données montrant que les entreprises engagées dans l'entente, dont DSM, ont fixé des prix cibles pour chaque État membre de la Communauté.
110 Selon la Commission, DSM prétend démontrer qu'il est faux de croire que les discussions qui ont eu lieu lors des réunions auraient pu avoir une incidence sur le fonctionnement du marché ou sur la détermination de la politique commerciale interne de l'entreprise. D'après la Commission, ce grief est dépourvu de pertinence, puisque l'élément essentiel résiderait dans le fait que, après avoir convenu des prix cibles lors des réunions, tous les producteurs, y compris DSM, auraient invité leurs services de vente à réaliser les niveaux de prix convenus, les prix cibles servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. A cet égard, le tableau 9 de la décision montrerait le lien qui existait indéniablement entre les prix réalisés sur le marché et l'objet des accords.
111 Par ailleurs, la Commission soutient que la collusion existe même si les prix cibles n'ont pas toujours été réalisés sur le marché. En outre, la Commission fait remarquer qu'il y a eu indubitablement un parallélisme entre les instructions de prix données par les différents producteurs, comme le montrerait le tableau 7 de la décision.
112 Selon la Commission, l'affirmation de DSM, qui prétend que les discussions sur les prix portaient uniquement sur les prix du marché, les prix planchers étant utilisés comme une sorte de "piège", ne peut être prise au sérieux, car elle impliquerait que, durant des années, les prix cibles auraient été fixés inutilement, que les services de vente ne devaient pas y prêter attention et que les acheteurs ne devaient pas s'en soucier.
113 En ce qui concerne la participation de la requérante aux diverses initiatives de prix, la Commission expose, pour celle de juillet-décembre 1979, que, s'il est vrai que le nom de DSM n'apparaît pas à cet égard dans la décision, sa participation à la collusion pendant cette période serait établie par d'autres documents démontrant sa participation aux réunions, comme la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g.g. ann. 8), les tableaux relatifs aux quotas (g.g. ann. 55 à 60), la note interne de la requérante du 27 février 1978 (D. ann. III) ou ses déclarations à la réunion de l'EATP du 26 mai 1978 (g.g. ann. 7).
114 Quant à l'initiative de janvier-mai 1981, elle relève que les documents fournis par DSM elle-même montrent que les cibles servaient de base à la négociation des prix avec les clients et confirment la simultanéité et l'uniformité de celles-ci par comparaison avec celles d'autres producteurs. La référence que fait DSM aux prix planchers serait sans objet ainsi qu'il a été indiqué précédemment.
115 Quant à celle d'août-décembre 1981, la Commission affirme que les prix de liste mentionnés dans les instructions de prix de DSM seraient identiques aux prix cibles convenus, mentionnés dans la décision. La Commission renvoie pour le surplus à ce qu'elle a dit pour la période précédente.
116 Quant à l'initiative de juin-juillet 1982, elle relève que le document que DSM présente comme étant son instruction de prix pour juin 1982 est daté du 18 mars 1982 et ne mentionne aucun prix pour juin (ann. 43, réponse DSM à la communication des griefs). La Commission aurait donc pu l'écarter et retenir en revanche, pour établir la participation de la requérante à cette initiative de prix, un rapport de vente établi par la société le 13 juillet 1982 suite à la réunion d'experts du 13 mai 1982 (ann. 9, g. DSM).
117 Quant à celle de septembre-novembre 1982, la Commission invoque des arguments analogues à ceux qui ont été mis en avant pour l'initiative de janvier-mai 1981.
118 Quant à l'initiative de juillet-novembre 1983, compte tenu des éléments de preuve dont elle disposerait, la Commission considère que l'argument de DSM relatif à une exploitation optimale des possibilités d'un marché en hausse n'est pas convaincant. La Commission rappelle notamment qu'il est établi que les prix de DSM pour septembre 1983 étaient identiques, pour toutes les qualités et dans toutes les monnaies, à ceux de tous les autres producteurs (ann. I, lettre du 29 mars 1985).
119 La Commission conclut que l'intention commune d'adopter des comportements parallèles a été indéniablement mise en œuvre à travers les initiatives de prix qu'elle a identifiées et dont le tableau 9 de la décision montre qu'elles ont eu une influence sur le marché.
c) Appréciation du Tribunal
120 Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, qu'aucun grief n'ayant été retenu à l'encontre de la requérante avant l'année 1978, la décision n'allègue pas qu'elle ait participé à l'accord sur les prix planchers conclu à la mi-1977 ni qu'elle ait pris part à l'initiative de prix de décembre 1977 (point 78, quatrième alinéa, note 1).
121 Le Tribunal constate que les comptes rendus des réunions périodiques de producteurs de polypropylène montrent que les producteurs qui ont participé à ces réunions y ont convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision. Ainsi, on peut lire dans le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g.g. ann. 24):
"everyone felt that there was a very good opportunity to get a price rise through before the holidays + after some debate settled on DM 2.00 from 1st June (UK 14th June). Individual country figures are shown in the attached table ."
(" tout le monde pensait qu'il y avait une très bonne occasion d'obtenir une augmentation des prix avant les vacances. + fixation (après débat) à 2 DM à partir du 1er juin (14 juin pour le Royaume-Uni). Les chiffres par pays sont indiqués dans le tableau joint .")
122 Dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que la requérante a participé à ces réunions, celle-ci ne peut affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y ont été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d'indices de nature à corroborer cette affirmation. En effet, en l'absence de tels indices, il n'y a aucune raison de penser que la requérante n'aurait pas souscrit à ces initiatives, à la différence des autres participants aux réunions.
123 A cet égard, il y a lieu de relever que, pour démontrer qu'elle n'aurait pas souscrit, lors des réunions périodiques de producteurs de polypropylène, aux initiatives de prix convenues, la requérante a fait valoir qu'elle n'a aucunement tenu compte des résultats des réunions pour déterminer son comportement sur le marché en matière de prix, comme le montrerait sa politique de prix agressive sur le marché. Elle fait, d'ailleurs, remarquer que la Commission aurait interprété de manière erronée ses instructions de prix en omettant de tenir compte de l'existence de quatre types de prix intervenant dans le processus de fixation des prix de DSM.
124 Cette argumentation ne peut être retenue comme indice pour corroborer l'affirmation de la requérante, selon laquelle elle n'aurait pas souscrit aux initiatives de prix convenues. En effet, le Tribunal considère que, même si cette argumentation était étayée en fait, elle ne serait pas de nature à infirmer la participation de la requérante à la fixation d'objectifs de prix lors des réunions, mais tendrait tout au plus à démontrer que la requérante n'a pas mis en œuvre le résultat de ces réunions. La décision n'affirme, d'ailleurs, nullement que la requérante a pratiqué des prix correspondant toujours aux objectifs de prix convenus lors des réunions, ce qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre par la requérante du résultat des réunions pour établir sa participation à la fixation de ces objectifs de prix.
125 Dans ce même contexte, il convient de relever que la Commission ne conteste pas un audit effectué par un cabinet d'experts-comptables indépendant, Coopers et Lybrand (ci-après "audit Coopers et Lybrand ") tendant à démontrer qu'il existait des divergences considérables entre les prix effectivement pratiqués et les prix cibles. Toutefois, il importe de faire remarquer que les analyses auxquelles les producteurs se sont livrés eux-mêmes, lors des réunions des 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, pour contrôler l'effet de leurs initiatives de prix sur les prix pratiqués sur le marché semblent indiquer qu'ils considéraient leurs résultats comme étant globalement positifs (g.g. ann. 30 à 33).
126 En tout état de cause, le Tribunal constate que la mise en œuvre par la requérante du résultat des réunions a été plus réelle qu'elle ne le prétend. En effet, l'existence de quatre types de prix chez la requérante suppose qu'ils interviennent tous dans le processus de fixation des prix demandés aux clients. A cet égard, il importe de relever, d'une part, qu'une lecture des instructions de prix envoyées par la requérante à ses bureaux de vente montre que le "target price" (" prix cible ") correspond presque toujours au "list price" (" prix de liste ") et qu'ils sont les uns et les autres un peu plus élevés que les "Rock bottoms" (" prix planchers ") qui "have to be used with care by each product manager or area sales manager at certain specific accounts (for instance certain key customers)" ((" qui doivent être utilisés avec circonspection par chaque responsable-produit ou chaque chef des ventes locales pour certains comptes spécifiques (par exemple, pour certains clients clés)")) et, d'autre part, que les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient repris - dans les instructions de prix de DSM - comme prix cibles et comme prix de liste, même si les bureaux de vente pouvaient s'en départir exceptionnellement en ayant recours aux prix planchers. A cet égard, il faut observer que, lorsqu'elle explique pourquoi elle avait indiqué à ses bureaux de vente que les prix planchers devaient être utilisés avec précaution, la requérante n'est pas convaincante, car si l'on se reporte au texte même de ces instructions de prix, celui-ci indique, non pas que l'on ne peut descendre sous ces prix qu'avec précaution, mais bien que l'on ne peut les utiliser qu'avec circonspection.
127 Ainsi, malgré les différents types de prix de la requérante, celle-ci s'est employée, dans la mesure du possible et selon sa propre technique de fixation des prix, à répercuter vers ses bureaux de vente, et donc vers ses clients, les objectifs de prix définis au cours des réunions.
128 Il faut examiner ensuite les indices spécifiques présentés par la requérante pour démontrer qu'elle n'aurait pas participé aux différentes initiatives de prix.
129 En ce qui concerne la participation de la requérante à l'initiative de prix de juillet-décembre 1979, il convient, d'une part, de relever que la décision (point 29) allègue que des réunions de producteurs se sont tenues durant la première moitié de l'année 1979 même si elle n'a pas pu identifier les lieux et dates et, d'autre part, de rappeler que le Tribunal a constaté que la Commission a établi à suffisance de droit la participation de la requérante à ces réunions. Il résulte, en outre, des instructions de prix concordantes données par ATO, BASF, Hoechst, ICI, Linz et Shell que l'initiative destinée à atteindre 2,05 DM/kg le 1er septembre 1979 avait été décidée et annoncée fin juillet. L'existence de cette initiative et son report au 1er décembre 1979 sont établis par le compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g.g. ann. 12), dans lequel on peut lire : "2.05 remains the target. Clearly 2.05 not achievable in Oct ., not in Nov. Plan now is 2.05 on 1/12" (" 2,05 reste la cible. Manifestement, il n'est pas possible de réaliser 2,05 en octobre, ni en novembre. Projet actuel : 2,05 le 1er décembre ").
130 Il s'ensuit que la Commission a établi à suffisance de droit que la hausse de prix de septembre 1979 était le résultat de la fixation d'objectifs de prix par la requérante et d'autres producteurs pour la période allant de juillet à décembre 1979.
131 Par ailleurs, le Tribunal constate qu'en participant aux réunions de l'année 1980 et à celles de janvier 1981, au cours desquelles l'initiative de prix du début de l'année 1981 a été décidée, organisée et contrôlée et que, en donnant des instructions de prix correspondant aux objectifs de prix définis au cours de ces réunions, la requérante a pris part à cette initiative de prix et qu'elle ne peut pas se prévaloir du fait que, dans ses instructions de prix, les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient utilisés comme prix de liste et non comme prix minimaux.
132 De la même manière, le Tribunal constate qu'en participant aux réunions au cours desquelles l'initiative d'août-décembre 1981 a été décidée, organisée et contrôlée et en donnant des instructions de prix correspondant à celles données pour la même période par d'autres producteurs, la requérante a participé à cette initiative de prix.
133 Quant à l'initiative de juin-juillet 1982, le Tribunal constate qu'il résulte du compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g.g. ann. 24) que cette initiative a été décidée lors de cette réunion, à laquelle participait la requérante. Quant à la question de savoir si la requérante a fourni à la Commission son instruction de prix pour juin 1982, comme elle le prétend, force est de constater qu'il ressort de l'examen du document produit par la requérante (annexe 43 à la réponse de DSM à la communication des griefs), intitulé "Price list Stamylan P./April/May/June" (" liste de prix du Stamylan P./avril/mai/juin "), daté du 18 mars 1982, que, malgré son intitulé, celui-ci ne prévoit pas de prix cibles pour juin 1982, dans la mesure où, à côté de la colonne relative au mois de juin, il est inscrit : "In case of need to be discussed with marketing Stamylan P ." (" En cas de besoin, à discuter en même temps que la commercialisation du Stamylan P ."). Par conséquent, il ne s'agit pas de l'instruction de prix de la requérante pour juin 1982, laquelle n'a donc pas été donnée avant la réunion du 13 mai 1982 au cours de laquelle un objectif de prix pour juin avait été convenu.
134 Quant aux initiatives de septembre-novembre 1982 et de juillet-novembre 1983, le Tribunal relève que la participation de la requérante à ces initiatives résulte de sa participation aux réunions au cours desquelles ces initiatives de prix ont été décidées, organisées et contrôlées, ainsi que de la concordance des instructions de prix données par la requérante avec les objectifs de prix définis au cours de ces réunions et avec celles données par d'autres producteurs.
135 En ce qui concerne la dernière initiative de prix, il convient de relever que la requérante ne conteste pas que ses instructions de prix concordent avec celles des autres producteurs et qu'elle ne peut expliquer cette concordance par le fait que le marché était en hausse, dans la mesure où, si ce contexte peut expliquer qu'elle ait donné des instructions de prix à la hausse, cela ne peut pas expliquer que les hausses prévues par les différents producteurs soient d'un même montant. Par ailleurs, en ce qui concerne le mois de septembre, force est de constater que la liste des prix que la requérante avait établie le 2 août 1983 (R. ann. 12) et qui devait entrer en vigueur le 1er septembre 1983, prévoit des prix identiques à ceux des autres producteurs pour toutes les qualités dans toutes les monnaies. S'il est vrai que l'on ne dispose pas des instructions de prix de la requérante pour les mois d'octobre et de novembre 1983, il est permis de déduire sa participation à la fin de l'initiative de prix en cause de sa participation aux réunions au cours desquelles cette initiative a été décidée et organisée.
136 Il faut ajouter que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g.g. ann. 8), dans laquelle on peut lire que "'Target prices'for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule ..." (" Les 'prix cibles') qui ont été proposés périodiquement depuis le 1er janvier 1979 par les producteurs pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe ..."), que ces initiatives s'inscrivaient dans un système de fixation d'objectifs de prix.
137 En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante.
138 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnées dans la décision et que celles-ci s'inscrivaient dans un système.
C - Les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix
a) Acte attaqué
139 La décision ((article 1er, sous c), et point 27; voir aussi point 42)) fait grief à la requérante d'avoir convenu avec les autres producteurs de diverses mesures visant à faciliter l'application des objectifs de prix, comme des limitations temporaires de la production, des échanges d'informations détaillées sur ses livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin septembre 1982, un système d'"account management" ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers.
140 En ce qui concerne le système d'"account management" dont la forme plus tardive et plus raffinée remontant à décembre 1982 est connue sous le nom d'"account leadership", la requérante, comme tous les producteurs, aurait été nommée coordinateur ou "leader" d'au moins un gros client, dont elle aurait été chargée de coordonner secrètement les rapports avec ses fournisseurs. En application de ce système, des clients auraient été identifiés en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni et un "coordinateur" aurait été désigné pour chacun d'eux. En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système aurait été proposée et aurait prévu la désignation d'un chef de file (" leader ") chargé d'orienter, de négocier, d'organiser les mouvements de prix. Les autres producteurs, qui traitaient régulièrement avec les clients, étaient connus sous le nom de "contenders" et coopéraient avec l'"account leader", lorsqu'ils faisaient offre au client en question. Pour "protéger" l'"account leader" et les "contenders", tout autre producteur contacté par le client aurait été amené à faire offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée. En dépit des affirmations d'ICI, selon lesquelles le plan se serait écroulé après quelques mois seulement d'une application partielle et inefficace, la décision affirme que le compte rendu complet de la réunion tenue le 3 mai 1983 indiquerait qu'à cette époque, le cas de divers clients aurait été examiné en détail, de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ces clients et les volumes livrés ou en commande.
141 La décision (point 20) fait également grief à DSM d'avoir assisté à des réunions locales qui étaient consacrées à la mise en œuvre au niveau national des mesures convenues au cours des réunions plénières.
b) Arguments des parties
142 La requérante soutient que les documents sur lesquels la Commission se fonde pour affirmer qu'elle a participé au système d'"account leadership" permettent tout au plus de conclure qu'il a été question de ce mécanisme au cours des discussions. En revanche, ils ne permettraient pas de prouver qu'il a été adopté et mis en œuvre, et encore moins que DSM y a participé.
143 La Commission considère comme avérées l'existence d'un système d'"account management" ou d'"account leadership" ainsi que la participation de DSM à ce système. Celle-ci ressortirait de la teneur des discussions qui ont eu lieu lors d'une réunion du 2 septembre 1982 (g.g. ann. 29) à laquelle DSM aurait pris part, discussions au terme desquelles ce système aurait fait l'objet d'un accord général (" generally agreed "). La mise en œuvre de ce système aurait également été examinée lors d'une réunion du 3 mai 1983 (g.g. ann. 38).
c) Appréciation du Tribunal
144 Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'interpréter le point 27 de la décision à la lumière du point 26, deuxième alinéa, non comme faisant grief à chacun des producteurs de s'être engagé individuellement à prendre toutes les mesures qui y sont mentionnées, mais bien comme faisant grief à chacun de ces producteurs d'avoir à divers moments lors des réunions adopté avec les autres producteurs un ensemble de mesures, mentionnées dans la décision, destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l'offre de polypropylène, ensemble dont l'exécution, en ses diverses mesures, était répartie de commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique.
145 Force est de constater qu'en participant aux réunions au cours desquelles cet ensemble de mesures a été adopté ((notamment celles des 13 mai, 2 et 21 septembre 1982 (g.g. ann. 24, 29, 30))), la requérante a souscrit à celui-ci, puisqu'elle n'avance aucun indice de nature à établir le contraire. A cet égard, l'adoption du système d'"account leadership" ressort du passage suivant du compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982 :
"about the dangers of everyone quoting exactly DM 2.00 A .'s point was accepted but rather than go below DM 2.00 it was suggested & generally agreed that others than the major producers at individual accounts should quote a few pfs higher. Whilst customer tourism was clearly to be avoided for the next month or two it was accepted that it would be very difficult for companies to refuse to quote at all when, as was likely, customers tried to avoid paying higher prices to the regular suppliers. In such cases producers would quote but at above the mimimum levels for October ."
(" la remarque d'A. à propos des risques qui existeraient si tout le monde proposait exactement 2,00 DM a été acceptée; toutefois au lieu de descendre au-dessous de 2,00 DM, on a avancé l'idée - qui a été acceptée par tous - que des producteurs autres que les principaux fournisseurs d'un client donné devraient proposer un prix dépassant ce prix de quelques pfennigs. Tout en décidant clairement d'éviter toute nouvelle prospection pendant le mois ou les deux mois suivants, on a admis qu'il serait très difficile aux entreprises d'exiger de présenter des offres, si, comme c'était probable, les clients essayaient d'éviter les prix plus élevés des fournisseurs réguliers. Dans ce cas, les producteurs devaient faire une offre, mais à un niveau supérieur aux niveaux minimum d'octobre .")
De même, lors de la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle participait la requérante, il a été déclaré : "In support of the move, BASF, Hercules and Hoechst said they would be taking plant off line temporarily" (" Pour appuyer l'action, BASF, Hercules et Hoechst ont dit qu'elles mettraient une de leurs installations temporairement hors circuit ") et à celle du 13 mai 1982, Fina a dit : "Plant will be shut down for 20 days in August" (" L'usine sera fermée pendant 20 jours en août ").
146 En ce qui concerne l'"account leadership", le Tribunal constate que la requérante a participé aux trois réunions (celles du 2 septembre 1982, du 2 décembre 1982 et du 3 mai 1983) au cours desquelles ce système a fait l'objet de discussions entre producteurs (g.g. ann. 29, 33 et 38). Au cours des réunions des 2 décembre 1982 (g.g. ann. 33) et 3 mai 1983 (g.g. ann. 38), les producteurs de polypropylène ont procédé à un examen de la mise en œuvre de ce système dont l'adoption a été convenue le 2 septembre 1982 (g.g. ann. 29) et ils ont, à cette occasion, échangé des informations relatives à leurs clients.
147 Par ailleurs, le Tribunal constate, d'une part, que la requérante a énuméré, dans sa réponse à la demande de renseignements, les nombreuses réunions locales auxquelles elle a pris part en 1982 et en 1983 et, d'autre part, que l'objet de ces réunions est attesté par les comptes rendus des réunions des 12 août et 2 novembre 1982 (g.g. ann. 27 et 32) qui montrent que ces réunions étaient destinées à assurer au niveau local l'application d'une initiative de prix particulière.
148 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision.
D - Tonnages cibles et quotas
a) Acte attaqué
149 Selon la décision (point 31, troisième alinéa), "la nécessité d'un système rigoureux de quotas (aurait été) reconnue" au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, dont le compte rendu mentionnerait un projet proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année.
150 La décision (point 52) relève encore que divers projets de répartition du marché avaient déjà été appliqués avant le mois d'août 1982. Si chaque producteur s'était vu allouer un pourcentage du volume total estimé des commandes, il n'aurait, cependant, existé aucune limitation systématique préalable de la production globale. Aussi les estimations du marché total auraient-elles été revues régulièrement et les ventes de chaque producteur, exprimées en tonnages, ajustées pour correspondre au pourcentage autorisé.
151 Des objectifs en matière de volume (exprimés en tonnes) auraient été fixés pour 1979; ils se seraient basés au moins partiellement sur les ventes réalisées au cours des trois années antérieures. Des tableaux découverts chez ICI indiqueraient l'"objectif ajusté" par producteur pour 1979, comparé au tonnage réellement vendu au cours de cette période en Europe occidentale (décision, point 54).
152 A la fin de février 1980, les producteurs auraient convenu d'objectifs de volumes pour 1980, exprimés cette fois encore en tonnages, sur la base d'un marché annuel estimé à 1 390 000 tonnes au total. Selon la décision (point 55), des tableaux indiquant les "objectifs convenus" afférents à chaque producteur pour 1980 auraient été découverts chez ATO et chez ICI. Cette première estimation du marché global se révélant trop optimiste, le quota de chaque producteur aurait dû être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement. Sauf pour ICI et DSM, les ventes réalisées correspondraient grosso modo à leur cible, cette dernière qui s'opposait "à tout engagement de réduire son objectif initial" aurait excédé sensiblement son quota (46 100 tonnes vendues, pour un objectif de 38 400 tonnes).
153 Selon la décision (point 56), la répartition du marché pour 1981 aurait fait l'objet de négociations longues et complexes. Lors des réunions de janvier 1981, il aurait été convenu, à titre de mesure temporaire, que pour aider à réaliser l'initiative de prix de février-mars, chaque producteur réduirait ses ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'"objectif" de 1980. En attendant qu'un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur aurait communiqué à la réunion le tonnage qu'il espérait vendre en 1981. Toutefois, l'addition de ces "ambitions" aurait excédé largement les prévisions de la demande totale. En dépit de plusieurs formules de compromis avancées par Shell et par ICI, aucun accord de quota définitif n'aurait pu être conclu pour 1981. Comme mesure provisoire, les producteurs se seraient assigné à chacun le même quota théorique que l'année précédente et auraient rendu compte des ventes réalisées chaque mois, au cours de la réunion. En conséquence, les ventes réalisées auraient été vérifiées à la lumière d'une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980 (décision, point 57). SUITE DES MOTIFS SOUS LE NUM.DOC : 689A0008.2
154 La décision (point 58) expose que, pour 1982, les producteurs ont soumis des propositions de quotas complexes, où ils ont tenté de concilier des facteurs divergents, tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles. Le marché total à répartir aurait été estimé à 1 450 000 tonnes. Certains producteurs auraient soumis des plans détaillés de répartition du marché, d'autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnages. Lors de la réunion du 10 mars 1982, Monte et ICI auraient tenté d'aboutir à un accord. La décision (point 58, dernier alinéa) relève cependant que, comme en 1981, aucun accord définitif n'aurait pu être atteint et que, pendant le premier semestre de l'année, les ventes mensuelles de chaque producteur auraient été communiquées lors des réunions et comparées au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente. Selon la décision (point 59), lors de la réunion d'août 1982, les pourparlers en vue d'arriver à un accord sur les quotas pour 1983 auraient été poursuivis et ICI aurait procédé avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales, consacrées au nouveau système. Toutefois, en attendant l'introduction d'un tel système de quotas, les producteurs auraient été invités à limiter leurs ventes mensuelles, pendant le second semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun d'entre eux pendant les six premiers mois de l'année 1982. Ainsi, en 1982, les parts de marché des producteurs de taille moyenne, comme ATO, auraient atteint un certain équilibre (qualifié par ATO de "quasi-consensus ") et seraient restées stables par rapport aux années antérieures, pour la plupart des producteurs, la seule exception étant DSM, qui aurait poursuivi sa progression au rythme de 0,5 % l'an.
155 D'après la décision (point 60), pour 1983, ICI aurait invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage du marché qu'il conviendrait d'attribuer à chacun des autres. Ainsi, Monte, Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay, de même que les producteurs allemands par le truchement de BASF, auraient fait parvenir des propositions détaillées. Après cela, ces diverses propositions auraient été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui aurait été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur. Ces opérations auraient permis à ICI de proposer des lignes directrices pour un nouvel accord-cadre pour 1983. Ces propositions auraient été discutées lors des réunions de novembre et de décembre 1982. Une proposition limitée dans un premier temps au premier trimestre de l'année aurait été discutée lors de la réunion du 2 décembre 1982. Le compte rendu de cette réunion établi par ICI indiquerait que ATO, DSM, Hoechst, Huels, ICI, Monte et Solvay, de même que Hercules auraient trouvé "acceptable" le quota qui leur aurait été attribué (décision, point 63). Ces informations seraient corroborées par le résumé d'un entretien téléphonique d'ICI avec Hercules, daté du 3 décembre 1982.
156 La décision (point 63, troisième alinéa) affirme qu'un document découvert chez Shell confirmerait qu'un accord est intervenu, dans la mesure où cette entreprise se serait efforcée de ne pas dépasser son quota. Ce document confirmerait également qu'un système de régulation des volumes aurait continué à être appliqué pendant le deuxième trimestre de 1983, dans la mesure où, afin de maintenir sa part de marché aux alentours de 11 % durant le deuxième trimestre, les sociétés nationales de vente du groupe Shell auraient reçu l'ordre de réduire leurs ventes. L'existence de cet accord serait confirmée par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 qui, bien que ne mentionnant pas de quotas, relaterait un échange d'informations ayant eu lieu entre les experts sur les tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent, ce qui semblerait indiquer qu'un système de quotas était appliqué (décision, point 64).
b) Arguments des parties
157 La requérante note qu'il ne ressort pas clairement de la décision si, et dans quelle mesure, la Commission considère qu'un système de quotas a véritablement été instauré. Il apparaît, toutefois, à DSM que la Commission inclinerait à penser que tel n'est pas le cas et que son grief se trouverait limité au fait que les producteurs auraient présenté, lors des réunions, des rapports sur les quantités vendues par chacun d'eux le mois précédent, ainsi que l'indiqueraient les points 52 et 53 de la décision.
158 La requérante conteste, en tout état de cause, qu'un système de quotas ait été instauré entre les entreprises concernées et ajoute que, si un tel système a été instauré, il resterait encore à démontrer que DSM y a été impliquée et qu'elle s'est considérée comme liée juridiquement ou moralement par ce système. Selon DSM, la Commission reconnaîtrait et soulignerait elle-même, aux points 55 et 59 de la décision, que tel n'était pas le cas.
159 Elle ajoute que les variations dans les parts de marché des différents producteurs, ainsi que l'augmentation de sa propre part de marché démentent aussi bien l'existence de pareil accord que sa propre participation à un tel accord.
160 Pour l'année 1979, la requérante relève que le texte de la décision n'indique en rien que DSM ait été ou ait pu être impliquée dans un système de quotas. D'ailleurs, selon DSM, aucune infraction ne peut lui être reprochée pour la période antérieure au 1er janvier 1981 puisque, avant cette date, elle ne participait pas aux réunions avec régularité. Le tableau produit par la Commission, dans lequel figurent des données relatives aux chiffres de production et de vente ainsi que des "objectifs" (g.g. ann. 55), ne permettrait pas d'impliquer la requérante, dès lors que ce document aurait une provenance et un but inconnus et qu'il serait susceptible d'une autre interprétation que celle qui lui est donnée par la Commission. En outre, le fait qu'y figurent Amoco et d'autres producteurs qui n'ont pas été impliqués dans la procédure, diminuerait encore la force probante de ce document.
161 Pour l'année 1980, la requérante soutient que les documents fournis par la Commission (g.g. ann. 56 à 61) n'apportent aucune preuve de l'implication de DSM pour les raisons qui viennent d'être expliquées. Un compte rendu de deux réunions de janvier 1981 (g.g. ann. 17) irait même en sens contraire, puisque non seulement il traduirait l'attitude hostile de DSM à l'égard d'un système de quotas, mais il indiquerait également que les discussions en matière de quotas n'ont jamais dépassé le stade des propositions.
162 Pour l'année 1981, la requérante expose qu'il ressort de la décision elle-même (point 57, deuxième alinéa) qu'aucun accord de quotas définitif n'a pu être réalisé. Elle ajoute que, contrairement à ce que indique la Commission sur la base de documents inconnus de DSM, les producteurs n'ont pas non plus arrêté de "mesures provisoires" pour pouvoir exercer un contrôle sur les ventes effectives.
163 Pour l'année 1982, elle admet que des discussions relatives aux quotas ont eu lieu, mais soutient qu'aucun accord sur un tel système n'a pu être réalisé. En outre, DSM aurait poursuivi sa progression en termes de part de marché, ainsi que l'a constaté la décision (point 59, troisième alinéa).
164 Pour l'année 1983, la requérante fait valoir que la Commission se fonde sur des suppositions et non sur des preuves pour dénoncer l'existence d'un système de quotas. En réalité, si un échange d'informations sur les tonnages vendus par chaque producteur a eu lieu, il aurait eu pour objet, non de vérifier le respect d'un système de quotas, mais d'augmenter la transparence du marché.
165 La Commission, de son côté, fait valoir que, contrairement à ce que affirme DSM, la décision donne en ses points 54 et suivants un aperçu général du système de quotas appliqué durant un certain nombre d'années et auquel DSM se serait trouvé liée.
166 Pour l'année 1979, elle expose que la participation de la requérante à un accord de quotas ressort d'un tableau non daté, intitulé "Producers'Sales to West Europe" (" Ventes des producteurs en Europe occidentale "), retrouvé chez ICI (g.g. ann. 55), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978, ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques "1979 actual" (" chiffres effectifs de 1979 ") et "revised target 79" (" objectif révisé "). En effet, les données précises comprises dans ce document seraient de celles qui ne sont pas connues des concurrents dans une situation de concurrence "normale" et supposeraient donc la participation de DSM à son élaboration.
167 Pour l'année 1980, la Commission expose encore que la participation de DSM à l'entente ressort clairement des documents dont elle dispose. Il s'agit en premier lieu d'un tableau daté du 26 février 1980, intitulé "Polypropylene - Sales target 1980 (kt)" ((" Polypropylène - Objectif de ventes 1980 (kt)")), découvert chez ATO (g.g. ann. 60), qui compare pour tous les producteurs d'Europe occidentale, des "1980 target" (" objectif 1980 "), des "opening suggestions" (" suggestions de départ "), "proposed adjustments" (" ajustements proposés "), "agreed targets" (" objectifs convenus "). Ce document montrerait le processus d'élaboration des quotas. Il s'agit en second lieu d'un tableau, trouvé à la fois chez ATO et chez ICI (g.g. ann. 59 et 61) comparant, pour tous les producteurs, leurs ventes en termes de tonnages et de parts de marché dans les rubriques suivantes : "1979 actual", "1980 target" (" objectif 1980 "), "(1980) actual" et "1981 aspirations" (" aspirations 1981 "). La Commission fait valoir que, dans sa réponse à la demande de renseignements (g.g. ann. 8), ICI a déclaré à propos de ce document que "the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" (" la source dont proviennent les chiffres du tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes "). Les propos contenus dans le compte rendu de deux réunions de janvier 1981 (g.g. ann. 17), suivant lesquels "DSM disputed any undertaking to cut back from their original target" (" DSM s'est opposée à toute tentative de réduction de son objectif initial ") importeraient peu, car même si le terme "target" avait comme signification "ambition interne", le fait de rendre publiques des ambitions internes serait incompatible avec l'article 85 du traité CEE.
168 La Commission reconnaît qu'aucun accord de quotas n'a pu être conclu pour 1981. Toutefois, elle estime que des mesures provisoires ont été prises. Ainsi, la Commission expose qu'il résulte du compte rendu des réunions susmentionnées de janvier 1981 que les producteurs comparaient leurs performances réelles avec les cibles définies, et d'un tableau découvert chez ICI (g.g. ann. 65), mais émanant d'un producteur italien, que les producteurs comparaient leurs ventes pour l'année 1981 avec celles de l'année précédente. Elle en déduit que des mesures provisoires ont été prises pour 1981, à défaut d'accord général de répartition des volumes de vente pour cette année. Cela serait encore confirmé par d'autres documents (g.g. ann. 66 à 68).
169 La Commission soutient que, pour 1982, différents documents émanant de Monte et d'ICI (g.g. ann. 69 à 71) attestent que des propositions de quotas ont été formulées par ces producteurs, mais qu'elles n'ont pas pu aboutir.
170 Elle expose qu'il résulte des tableaux joints aux comptes rendus des réunions des 9 juin 1982 et 20 août 1982 (g.g. ann. 25 et 28) que, durant le premier semestre de 1982, les producteurs comparaient leurs ventes mensuelles avec celles réalisées en 1981. Elle ajoute, pour le second semestre, qu'il ressort du second de ces comptes rendus que les producteurs ont été invités à limiter leurs ventes mensuelles au niveau de celles du premier semestre. Il résulterait des tableaux annexés aux comptes rendus des réunions des 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982 (g.g. ann. 31 à 33) que les producteurs ont comparé les ventes du second semestre avec celles du premier.
171 La Commission poursuit en affirmant qu'elle dispose des ambitions et des propositions exprimées à la demande d'ICI par différents producteurs, pour eux-mêmes et pour les autres producteurs, et communiquées à ICI (g.g. ann. 74 à 76 et 78 à 84) en vue de conclure un accord de quotas pour 1983. Selon la Commission, ces propositions ont été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui a été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur. Le document résultant de ce traitement aurait été commenté dans une note interne d'ICI, intitulée "Polypropylene Framework" (" Schéma pour le polypropylène ") (g.g. ann. 87). A ces documents, la Commission ajoute une note interne d'ICI intitulée "Polypropylene framework 1983" (" Schéma pour le polypropylène 1983 ") (g.g. ann. 86), dans laquelle cette dernière décrit les grandes lignes d'un futur accord sur les quotas. Elle affirme que le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g.g. ann. 33) montre que les experts ont examiné une proposition de quotas limitée au premier trimestre de 1983.
172 Enfin, la Commission fait valoir qu'il ressort du document interne recueilli chez Shell (g.g. ann. 90) qu'un accord de quotas a été conclu pour le deuxième trimestre de 1983. En effet, selon ce document, Shell aurait ordonné à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes en vue de respecter le quota qui lui avait été attribué. A cela, la Commission ajoute que le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g.g. ann. 40) montre que des échanges d'informations sur les volumes de vente au mois de mai ont eu lieu à cette réunion.
173 Par ailleurs, la Commission s'insurge contre les affirmations de la requérante selon lesquelles les échanges d'informations entre producteurs et l'augmentation de la transparence du marché qui en serait résultée auraient eu un effet bénéfique. En réalité, l'échange d'informations aurait été la conséquence de la concertation menée en vue d'arriver à une fixation de quotas et l'objet de cet échange d'informations n'aurait pas été d'augmenter la transparence du marché, mais bien de contrôler le respect d'un accord de quotas. La Commission relève que DSM ne conteste ni avoir été associée étroitement à cette concertation, ni avoir fait à ICI des propositions de quotas, comme celle reprise en annexe 79 à la communication générale des griefs, ni avoir jugé les propositions de quotas de novembre et décembre 1982 acceptables pour elle.
c) Appréciation du Tribunal
174 Il y a lieu de rappeler que la requérante a participé régulièrement aux réunions de producteurs de polypropylène au cours desquelles les discussions relatives aux volumes de vente des différents producteurs ont eu lieu et des informations à ce sujet ont été échangées.
175 Il convient de relever, parallèlement à la participation de DSM aux réunions, que son nom figure dans différents tableaux dont le contenu indique clairement qu'ils étaient destinés à la définition d'objectifs de volumes de vente (g.g. ann. 55 et s .). Or, la plupart des requérantes ont admis dans leurs réponses à une question écrite posée par le Tribunal qu'il n'aurait pas été possible d'établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système Fides. ICI a, d'ailleurs, déclaré à propos d'un de ces tableaux dans sa réponse à la demande de renseignements (g.g. ann. 8) que "the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" (" la source dont proviennent les chiffres du tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes "). La Commission était donc en droit de considérer que le contenu de ces tableaux, en ce qui la concerne, avait été fourni par DSM dans le cadre des réunions auxquelles elle participait.
176 La terminologie utilisée dans les différents documents relatifs aux années 1979 et 1980 produits par la Commission ((comme "revised target" (" objectif révisé "), "opening suggestions" (" suggestions de départ "), "proposed adjustments" (" ajustements proposés "), "agreed targets" (" objectifs convenus "))) permet de conclure que des concours de volontés entre les producteurs sont intervenus.
177 En ce qui concerne plus particulièrement l'année 1979, il convient de relever sur la base de l'ensemble du compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g.g. ann. 12) et sur la base du tableau non daté, saisi chez ICI (g.g. ann. 55), intitulé "Producers'Sales to West Europe" (" Ventes des producteurs en Europe occidentale "), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale, les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978 ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques "1979 actual" (" chiffres effectifs de 1979 "), "revised target" et "79", que la nécessité de rendre le système de quotas convenu pour l'année 1979 plus rigoureux pour les trois derniers mois de cette année a été reconnue lors de cette réunion. En effet, le terme "tight" (" strict "), lu en combinaison avec la limitation à 80 % de 1/12 des ventes annuelles prévues, indique que le régime initialement envisagé pour l'année 1979 devait être rendu plus rigoureux pour ces trois derniers mois. Cette interprétation du compte rendu est corroborée par le tableau susmentionné, parce que celui-ci contient, sous le titre "79" dans la dernière colonne à droite de la colonne intitulée "revised target", des chiffres qui doivent correspondre aux quotas initialement fixés. Ceux-ci ont dû être révisés dans un sens plus rigoureux parce qu'ils avaient été établis sur la base d'un marché évalué de manière trop optimiste, comme cela a également été le cas en 1980. Ces constatations ne sont pas infirmées par la référence, contenue au point 31, troisième alinéa, de la décision, à un projet "proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année ". En effet, cette référence, lue en combinaison avec le point 54 de la décision, doit être comprise en ce sens que des objectifs de volumes de vente avaient déjà été définis initialement pour les ventes mensuelles des huit premiers mois de l'année 1979.
178 En ce qui concerne l'année 1980, le Tribunal constate que la fixation d'objectifs de volumes de vente pour l'ensemble de l'année ressort du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez ATO (g.g. ann. 60) et comportant une colonne "agreed targets 1980" (" objectifs convenus 1980 ") ainsi que du compte rendu des réunions de janvier 1981 (g.g. ann. 17) au cours desquelles des producteurs, parmi lesquels figure la requérante, ont comparé les quantités effectivement vendues (" Actual kt ") aux objectifs fixés (" Target kt "). En outre, ces documents se trouvent confirmés par un tableau daté du 8 octobre 1980 (g.g. ann. 57), comparant deux colonnes dont l'une reprend la "1980 Nameplate Capacity" (" capacité nominale ") et l'autre le "1980 Quota" pour les différents producteurs. A cet égard, il importe de relever que le fait que DSM ait, lors des deux réunions de janvier 1981, "disputed any undertaking to cut back from their original target" (" s'est opposée à toute tentative de réduction de sa cible initiale ") n'est pas de nature à infirmer la fixation d'un objectif pour l'année 1980 et la participation de la requérante à celle-ci, puisqu'il existait un "original target" auquel la requérante adhérait entièrement.
179 Par ailleurs, il y a lieu d'observer que, contrairement aux affirmations de la requérante, la provenance des documents retenus par la Commission pour établir sa participation à la fixation d'objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980 est connue, puisqu'ils ont été découverts chez ICI ou chez ATO (g.g. ann. 12, 55 à 61). En outre, il n'est pas nécessaire que l'auteur de chaque document ait été identifié et que la méthode d'élaboration de chaque document ait été décrite pour que la Commission puisse retenir des documents contre une entreprise donnée, à tout le moins lorsque ceux-ci font partie d'un vaste ensemble de documents qui s'inscrivent dans le contexte de réunions dont il est établi qu'elles avaient notamment pour objet de définir des objectifs de prix et de volumes de vente.
180 Ces constatations ne sont pas infirmées par le fait que la Commission n'a pas opéré les mêmes constatations à la charge d'Amoco dont le nom figure également dans les tableaux susmentionnés. Le cas d'Amoco se distingue de celui de la requérante, en ce que cette entreprise n'a pas participé aux réunions de producteurs qui avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de volumes de vente. La Commission pouvait, par conséquent, estimer que les chiffres repris dans les différents tableaux concernant Amoco étaient seulement des estimations en gros de sa position, opérées par les autres producteurs en l'absence de données individualisées communiquées par cette entreprise. La réponse d'ICI à la demande de renseignements confirme, d'ailleurs, cette conclusion puisque l'on peut y lire que "However figures for Amoco/Hercules ... would have been estimated from industry figures generally available from FIDES" (" Néanmoins, les chiffres indiqués pour Amoco/Hercules ... devraient correspondre à des estimations fondées sur des chiffres relatifs à l'ensemble de la branche, accessibles à tous par le système Fides ").
181 Pour l'année 1981, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année et d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs "ambitions" et, dans l'attente d'un tel accord, d'avoir convenu, à titre de mesure temporaire, de réduire leurs ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'"objectif" convenu pour 1980 pendant les mois de février et de mars 1981, de s'être assigné pour le reste de l'année le même quota théorique que l'année précédente, d'avoir chaque mois, lors des réunions, donné connaissance de leurs ventes, et, enfin, d'avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné.
182 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication de leurs "ambitions" au cours de ces négociations sont attestées par différents éléments de preuve, comme des tableaux reprenant, pour chaque producteur, ses chiffres "actual" et ses "targets" pour les années 1979 et 1980, ainsi que ses "aspirations" pour 1981 (g.g. ann. 59 et 61); un tableau rédigé en italien (g.g. ann. 62) reprenant, pour chaque producteur, son quota pour 1980, les propositions d'autres producteurs quant au quota qu'il faut lui attribuer pour 1981 et ses propres "ambitions" pour 1981 ainsi qu'une note interne d'ICI (g.g. ann. 63) décrivant l'évolution de ces négociations dans laquelle on peut lire :
"Taking the various alternatives discussed at yesterday's meeting we would prefer to limit the volume to be shared to no more than the market is expected to reach in 1981, say 1.35 million tonnes. Although there has been no further discussion with Shell, the four majors could set the lead by accepting a reduction in their 1980 target market share of about 0.35 % provided the more ambitious smaller producers such as Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR also tempered their demands. Provided the majors are in agreement the anomalies could probably be best handled by individual discussions at Senior level, if possible before the meeting in Zurich ."
(" Parmi les diverses solutions discutées pendant la réunion d'hier, nous préférerions que le volume à partager soit limité à un volume ne dépassant pas le marché qu'on escompte atteindre en 1981, soit 1,35 million de tonnes. Bien qu'il n'y ait pas eu d'autres discussions avec Shell, les quatre grands pourraient donner l'exemple en acceptant une réduction d'environ O,35 % de leur objectif de part de marché 1980 à condition que les plus ambitieux des producteurs moins importants, tels que Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR tempèrent aussi leurs exigences. A condition que les grands soient d'accord, la meilleure façon de traiter les anomalies consisterait certainement à les discuter individuellement au niveau des patrons', si possible avant la réunion de Zurich .")
Ce document est accompagné d'une proposition de compromis chiffrée, comparant le résultat obtenu pour chacun par rapport à 1980 ("% of 1980 target ").
183 L'adoption de mesures temporaires consistant en une réduction des ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'objectif convenu l'année précédente pendant les mois de février et de mars 1981 résulte du compte rendu des réunions de janvier 1981, dans lequel on peut lire :
"In the meantime (février-mars) monthly volume would be restricted to 1/12 of 85 % of the 1980 target with a freeze on customers ."
((" Dans l'intervalle (février/mars) le volume mensuel serait réduit à 1/12 de 85 % de l'objectif 1980 avec un gel des clients ."))
184 Le fait que les producteurs se sont assigné, pour le reste de l'année, le même quota théorique que l'année précédente et ont vérifié si les ventes respectaient ce quota, en s'échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes, est établi par la combinaison de trois documents. Il s'agit, tout d'abord, d'un tableau daté du 21 décembre 1981 (g.g. ann. 67), reprenant pour chaque producteur ses ventes ventilées par mois, dont les trois dernières colonnes relatives aux mois de novembre et de décembre ainsi qu'au total annuel ont été ajoutées à la main. Il s'agit, ensuite, d'un tableau non daté, rédigé en italien, intitulé "Scarti per società" (" écarts ventilés par société ") et découvert chez ICI (g.g. ann. 65), qui compare pour chaque producteur pour la période janvier-décembre 1981 les chiffres de vente "actual" avec les chiffres "theoretic" (" théoriques "). Il s'agit, enfin, d'un tableau non daté, découvert chez ICI (g.g. ann. 68), comparant pour chaque producteur pour la période janvier-novembre 1981 les chiffres de vente et les parts de marché avec ceux de 1979 et de 1980, et ce en opérant une projection pour la fin de l'année.
185 En effet, le premier tableau montre que les producteurs ont échangé les chiffres de leurs ventes mensuelles. Lorsqu'il est combiné avec les comparaisons entre ces chiffres et ceux réalisés en 1980 - comparaisons qui ont été effectuées dans les deux autres tableaux, portant sur la même période - un tel échange d'informations, qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires, corrobore les conclusions auxquelles est parvenue la décision.
186 La participation de la requérante à ces différentes activités résulte, d'une part, de sa participation aux réunions au cours desquelles ces actions ont eu lieu et notamment aux réunions de janvier 1981 et, d'autre part, de la mention de son nom dans les différents documents susmentionnés. Dans ces documents figurent, d'ailleurs, des chiffres dont il convient de rappeler qu'ICI a déclaré dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal - à laquelle d'autres requérantes font référence dans leur propre réponse - qu'il n'aurait pas été possible de les établir sur la base des statistiques du système Fides.
187 Pour l'année 1982, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année; d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions en matière de tonnages; d'avoir, à défaut d'accord définitif, communiqué lors des réunions leurs chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente et de s'être, pendant le second semestre, efforcés de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année.
188 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'instaurer un régime de quotas et la communication, dans ce cadre, de leurs ambitions sont attestées, en premier lieu, par un document intitulé "Scheme for discussions 'quota system 1982'" (" Schéma de discussion d'un système de quotas 1982 ") (g.g. ann. 69), dans lequel figure, pour l'ensemble des destinataires de la décision, à l'exception de Hercules, le tonnage auquel chacun estimait avoir droit et, en outre, pour certains (tous sauf Anic, Linz, Petrofina, Shell et Solvay), le tonnage qui, d'après eux, devrait être attribué aux autres producteurs; en second lieu, par une note d'ICI intitulée "Polypropylene 1982, Guidelines" (" Polypropylène 1982, lignes directrices ") (g.g. ann. 70, a), dans laquelle ICI analyse les négociations en cours; en troisième lieu, par un tableau daté du 17 février 1982 (g.g. ann. 70, b), dans lequel différentes propositions de répartition des ventes sont comparées - dont l'une, intitulée "ICI Original Scheme" (" Schéma initial ICI "), fait l'objet, dans un autre tableau, manuscrit, d'adaptations mineures par Monte dans une colonne intitulée "Milliavacca 27/1/82" (il s'agit du nom d'un employé de Monte) (g.g. ann. 70, c) - et, en dernier lieu, par un tableau rédigé en italien (g.g. ann. 71) qui constitue une proposition complexe (décrite au point 58, troisième alinéa, in fine, de la décision).
189 Les mesures prises pour le premier semestre sont établies par le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g.g. ann. 24), dans lequel on peut lire notamment :
"To support the move a number of other actions are needed a) limit sales volume to some agreed prop. of normal sales ."
((" A titre de soutien, un certain nombre d'autres mesures sont nécessaires a) limiter le volume des ventes à une certaine prop.(ortion) convenue des ventes normales ."))
L'exécution de ces mesures est attestée par le compte rendu de la réunion du 9 juin 1982 (g.g. ann. 25) auquel est joint un tableau reprenant pour chaque producteur le chiffre "actual" de ses ventes pour les mois de janvier à avril 1982, comparé avec un chiffre "theoretical based on 1981 av(erage) market share" (" théorique calculé sur la base de la part de marché moyenne de 1981 "), ainsi que par le compte rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 (g.g. ann. 26) en ce qui concerne la période janvier-mai 1982 et par celui du 20 août 1982 (g.g. ann. 28) en ce qui concerne la période janvier-juillet 1982.
190 Les mesures prises pour le second semestre sont prouvées par le compte rendu de la réunion du 6 octobre 1982 (g.g. ann. 31), dans lequel on peut lire, d'une part, "In October this would also mean restraining sales to the Jan/June achieved market share of a market estimated at 100 kt" (" En octobre, cela impliquerait aussi de limiter les ventes à la part réalisée pendant la période janvier/juin sur un marché estimé à 100 Kt ") et, d'autre part, "Performance against target in September was reviewed" (" Les résultats atteints par rapport à l'objectif en septembre ont fait l'objet d'un examen "). A ce compte rendu est joint un tableau, intitulé "September provisional sales versus target ((based on Jan-June market share applied to demand est(-imated) at 120 Kt))" ((" Ventes prévisionnelles de septembre par rapport à l'objectif (calculé sur la base de la part de marché janvier/juin appliquée à une demande estimée à 120 Kt)")). Le maintien de ces mesures est confirmé par le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g.g. ann. 33) auquel est joint un tableau comparant, pour le mois de novembre 1982, les ventes "Actual" (" effectives ") avec les chiffres "Theoretical" (" théoriques "), calculés à partir de "J-June % of 125 Kt" (" j-juin pourcentage de 125 kt ").
191 Le Tribunal constate que, en ce qui concerne l'année 1981 ainsi que les deux semestres de l'année 1982, c'est à bon droit que la Commission a déduit de la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques, de la mise en œuvre d'un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure, que ce système avait été adopté par les participants aux réunions.
192 Pour l'année 1983, le Tribunal constate qu'il résulte des documents produits par la Commission (g.g. ann. 33 et 74 à 87) qu'à la fin de l'année 1982 et au début de l'année 1983, les producteurs de polypropylène ont discuté d'un régime de quotas portant sur l'année 1983, que la requérante a participé aux réunions au cours desquelles ces discussions ont eu lieu, qu'elle a fourni à cette occasion des données relatives à ses ventes, que, dans le tableau 2 joint au compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982, la mention "acceptable" figure à côté du quota mis en regard du nom de la requérante et, enfin, qu'il résulte d'une note d'ICI intitulée "DSM - proposal, 1983" (" DSM - proposition, 1983 ") (g.g. ann. 79) que la requérante a formulé une proposition de répartition du marché entre les différents producteurs exprimée en tonnages qui est reprise dans le tableau de synthèse rédigé par ICI (g.g. ann. 85, p. 2), convertie en termes de parts de marché.
193 Il s'ensuit que la requérante a participé aux négociations en vue de parvenir à un régime de quotas pour l'année 1983.
194 Quant à la question de savoir si ces négociations ont effectivement abouti en ce qui concerne les deux premiers trimestres de l'année 1983, comme l'affirme la décision (points 63, troisième alinéa, et 64), le Tribunal relève qu'il résulte du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g.g. ann. 40) que la requérante a indiqué au cours de cette réunion les chiffres de ses ventes pour le mois de mai, tout comme neuf autres entreprises. On peut lire, par ailleurs, dans le compte rendu d'une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983 (g.g. ann. 90) que :
"... and would lead to a market share of approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11 %. Accordingly the following reduced sales targets were set and agreed by the integrated companies ."
("... et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l'objectif Shell convenu, de 11 %. C'est pourquoi les objectifs de ventes suivants, plus réduits, ont été fixés et convenus par les sociétés du groupe .")
Les nouveaux tonnages sont communiqués, après quoi il est noté que :
"this would be 11.2 Pct of a market of 395 kt. The situation will be monitored carefully and any change from this agreed plan would need to be discussed beforehand with the other PIMS members ."
(" cela représenterait 11,2 % d'un marché de 395 kt. La situation sera attentivement suivie et tout écart par rapport à ce qui a été ainsi convenu devra faire préalablement l'objet d'une discussion avec les autres membres du PIMS .")
195 A cet égard, le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la combinaison de ces deux documents que les négociations entre les producteurs avaient conduit à l'instauration d'un régime de quotas. En effet, la note interne du groupe Shell montre que cette entreprise demandait à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes, non pour voir diminuer le volume global des ventes du groupe Shell, mais pour limiter à 11 % la part de marché globale de ce groupe. Une telle limitation exprimée en termes de part de marché ne peut s'expliquer que dans le cadre d'un régime de quotas. En outre, le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 constitue un indice supplémentaire de l'existence d'un tel régime, car un échange d'informations relatives aux ventes mensuelles des différents producteurs a pour but premier de contrôler le respect des engagements pris.
196 Il convient de relever, enfin, que le chiffre de 11 %, comme part de marché pour Shell, figure non seulement dans la note interne de Shell, mais également dans deux autres documents, à savoir, d'une part, une note interne d'ICI dans laquelle cette dernière relève que Shell propose ce chiffre pour elle-même, pour Hoechst et pour ICI (g.g. ann. 87) et, d'autre part, le compte rendu rédigé par ICI d'une réunion du 29 novembre 1982, entre ICI et Shell, durant laquelle la proposition précédente a été rappelée (g.g. ann. 99).
197 L'argument de la requérante tiré de l'augmentation de sa part de marché, des variations de celles des autres producteurs et du dépassement des prétendus quotas n'est pas de nature à infirmer sa participation à la fixation d'objectifs de volumes de vente constatée dans la décision. En effet, la décision a fait grief aux producteurs, non d'avoir respecté les quotas qu'ils s'étaient impartis, mais seulement de les avoir convenus. En outre, la décision elle-même (point 59, dernier alinéa) a souligné la progression de DSM en termes de parts de marché et en a donc tenu compte.
198 Il faut ajouter qu'en raison de l'identité d'objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente - à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l'excès d'offre - c'est à bon droit que la Commission a pu déduire que celles-ci s'inscrivaient dans un système de quotas.
199 En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante.
200 Il y a lieu de conclure, au vu des considérations qui précèdent, que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés qui portaient sur les objectifs de volumes de vente pour les années 1979, 1980 et la première moitié de l'année 1983 et sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982 mentionnés dans la décision et qui s'inscrivaient dans un système de quotas.
2. L'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE
A - Qualification juridique
a) Acte attaqué
201 Selon la décision (point 81, premier alinéa), l'ensemble de plans et d'arrangements arrêtés dans le cadre du système des réunions périodiques et institutionnalisées a constitué un "accord" unique et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1.
202 En l'espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur le marché du polypropylène, auraient participé à un accord-cadre qui se serait traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques (décision, point 81, troisième alinéa).
203 La décision (point 82, premier alinéa) poursuit que, dans l'exécution détaillée du plan d'ensemble, un accord exprès a été réalisé sur de nombreux points, comme les initiatives individuelles en matière de prix et les plans annuels de quotas. Parfois, sans doute, les producteurs ne seraient pas parvenus à un consensus sur un projet définitif, comme dans le cas des quotas pour 1981 et 1982. Toutefois, le fait qu'ils ont arrêté des mesures destinées à combler le vide, y compris l'échange d'informations et la comparaison des ventes mensuelles avec les résultats atteints au cours d'une période de référence antérieure, supposerait non seulement un accord exprès sur l'élaboration et l'application de pareilles mesures, mais indiquerait aussi l'existence d'un accord implicite visant à maintenir, dans toute la mesure du possible, les positions respectives des producteurs.
204 La conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent ne serait aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'ont pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une "initiative" auraient pris plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur d'y avoir participé (décision, point 83, premier alinéa).
205 Selon la décision (point 86, premier alinéa), la mise en œuvre de l'entente, du fait qu'elle s'appuyait sur un plan commun et détaillé, a constitué un "accord" au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
206 La décision (point 86, deuxième alinéa) affirme que la notion d'"accord" et celle de "pratique concertée" sont distinctes, mais qu'il arrive que la collusion présente des éléments de l'une et l'autre forme de coopération illicite.
207 La notion de "pratique concertée" viserait une forme de coordination entre entreprises qui, sans l'avoir poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substituent sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (décision, point 86, troisième alinéa).
208 Selon la décision (point 87, premier alinéa), en développant une notion de pratique concertée distincte, le traité visait à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 85, paragraphe 1, en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude envisagée par chacun, afin qu'il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière (voir l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. p. 619).
209 La Cour aurait soutenu, dans son arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663), que les critères de coordination et de coopération définis par sa jurisprudence, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'opposerait cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles ayant pour objet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé ou que l'on envisage d'adopter soi-même sur le marché (décision, point 87, deuxième alinéa). Un tel comportement pourrait tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, en tant que "pratique concertée", même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial (décision, point 87, troisième alinéa, première phrase).
210 En outre, la décision (point 87, troisième alinéa, troisième phrase) relève que, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n'aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. A certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre de l'accord d'ensemble pourraient donc revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée (décision, point 87, troisième alinéa, cinquième phrase).
211 L'importance de la notion de pratique concertée ne résulterait donc pas, selon la décision (point 87, quatrième alinéa), tant de la distinction entre une telle pratique et un "accord" que de la distinction entre une collusion qui relève de l'article 85, paragraphe 1, et d'un simple comportement parallèle, en l'absence de tout élément de concertation. Peu importerait, dès lors, la forme précise que le comportement collusoire a revêtu en l'occurrence.
212 La décision (point 88, premier et deuxième alinéas) constate que la plupart des producteurs ont prétendu, au cours de la procédure administrative, que leur comportement dans le cadre de soi-disant "initiatives de prix" ne résultait d'aucun "accord" au sens de l'article 85 (voir décision, point 82) et qu'il ne prouve pas davantage l'existence d'une pratique concertée, cette notion supposant des "actes manifestés" sur le marché; or, ceux-ci feraient totalement défaut en l'occurrence, aucune liste de prix et aucun prix cible n'ayant jamais été communiqué aux clients. La décision rejette cet argument, car s'il était nécessaire, en l'espèce, de s'appuyer sur l'existence d'une pratique concertée, l'obligation pour les participants de prendre certaines mesures pour réaliser leur objectif commun serait pleinement établie. Les diverses initiatives en matière de prix seraient consignées dans les documents. Il serait également hors de doute que les divers producteurs ont agi parallèlement pour les mettre en œuvre. Les mesures prises par les producteurs, tant individuellement que collectivement, ressortiraient des documents : comptes rendus de réunions, notes internes, instructions et circulaires aux bureaux de vente et lettres aux clients. Il importerait peu qu'ils aient ou non "publié" des listes de prix. Les instructions de prix en soi fourniraient non seulement la meilleure preuve possible de l'action menée par chaque producteur pour réaliser l'objectif commun, mais aussi, par leur contenu et leur chronologie, la preuve d'une collusion.
b) Arguments des parties
213 La requérante estime que la Commission n'était pas en droit d'introduire, pour la première fois dans son mémoire en défense, la notion de "collusion", étrangère au traité CEE et empruntée au droit américain. Au demeurant, la notion de "conspiracy" (collusion) resterait soumise, sur le plan conceptuel et sur le plan de l'administration de la preuve, à la même subdivision que celle utilisée en droit communautaire. C'est pourquoi la Commission ne pourrait pas fusionner les notions d'"accord" et de "pratique concertée" en vue d'éviter de préciser la qualification à appliquer.
214 Elle souligne que la différence entre "accord" et "pratique concertée" n'est pas seulement une différence de qualification, mais qu'elle a également des implications pratiques au niveau de la preuve. En effet, dans le cas de l'accord, il n'y aurait en principe pas lieu d'en considérer les conséquences concrètes. Par contre, dans le cas de la pratique concertée, il faudrait prouver tant un comportement déterminé qu'un lien entre ce comportement et un plan établi à l'avance, afin que l'intention commune apparaisse in concreto. Dans ce contexte, l'absence d'effet concret sur le marché des comportements et des arrangements allégués par la Commission serait particulièrement importante. Or, de l'avis de la requérante, la Commission n'aurait pas précisé si elle visait un accord ou une pratique concertée, empêchant ainsi les entreprises de savoir ce qui leur est concrètement reproché et donc, de se défendre.
215 Selon la requérante, l'accord supposerait un engagement reposant sur un accord de volontés entre entreprises en vue de réglementer leur comportement sur le marché. Pour en apporter la preuve, il conviendrait de prouver : la volonté des parties, l'existence d'un accord à ce propos, l'acceptation d'un certain engagement à cet égard et l'extériorisation de cet accord dans un comportement sur le marché. La pratique concertée impliquerait, quant à elle, non seulement une coordination, mais également un comportement manifesté sur le marché.
216 En l'espèce, l'intérêt de la question de la qualification et de la définition de l'infraction résiderait dans le fait que la Commission n'aurait apporté la preuve de la participation de la requérante ni à un accord ni à une pratique concertée si l'on considère que celle-ci suppose l'adoption effective d'un comportement coordonné sur le marché. Pour la requérante, la définition de la notion de "pratique concertée" s'avère donc d'une importance particulière. Cette importance serait encore accrue dans la mesure où ce serait la première fois que cette question se pose dans ces termes devant le juge communautaire. En effet, dans les espèces soumises jusqu'alors à la Cour, le comportement sur le marché n'était pas contesté dans sa matérialité et il s'agissait seulement de savoir s'il suffisait à faire présumer une concertation.
217 Selon la Commission, par contre, la question de savoir si une collusion ou une entente doit être qualifiée juridiquement d'accord ou de pratique concertée au sens de l'article 85 du traité CEE ou si cette collusion comporte des éléments de l'un et de l'autre, revêt une importance négligeable. En effet, la Commission expose que les termes "accord" et "pratique concertée" englobent les différents types d'arrangements par lesquels des concurrents, au lieu de déterminer en toute indépendance leur ligne de conduite concurrentielle future, s'imposent mutuellement une limitation de leur liberté d'action sur le marché à partir de contacts directs ou indirects entre eux.
218 La Commission soutient que l'utilisation des différents termes dans l'article 85 a pour objet d'interdire toute la gamme d'arrangements collusoires et non de préciser un traitement différent pour chacun d'eux. Par conséquent, la question de savoir où tracer une ligne de démarcation entre des termes qui ont pour objectif d'appréhender l'ensemble des comportements interdits serait sans pertinence. La ratio legis de l'introduction dans l'article 85 de la notion de "pratique concertée" consisterait à viser, à côté des accords, des types de collusion qui ne reflètent qu'une forme de coordination de fait ou une coopération pratique et qui sont néanmoins susceptibles de fausser la concurrence (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, 48-69, précité, points 64 à 66).
219 Elle fait valoir qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 décembre 1975, points 173 et 174, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73) qu'il s'agit de s'opposer à toute prise de contact, directe ou indirecte, entre des opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché. L'existence d'une pratique concertée se situerait donc déjà au niveau du contact entre concurrents, préalable à tout comportement de leur part sur le marché. SUITE DES MOTIFS SOUS LE NUM.DOC : 689A0008.3
220 Pour la Commission, il y a pratique concertée dès qu'il y a concertation ayant pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises les unes par rapport aux autres, et ce même si aucun comportement effectif n'a été constaté sur le marché. Selon la Commission, le débat porte en fait sur le sens du mot "pratique ". Elle s'oppose à la thèse avancée par la requérante, selon laquelle ce mot a le sens étroit de "comportement sur le marché ". Ce mot pourrait, de l'avis de la Commission, couvrir le simple fait de participer à des contacts pour autant que ceux-ci aient pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises.
221 Elle ajoute que, si l'on exigeait les deux éléments - concertation et comportement sur le marché - pour qu'il y ait pratique concertée, comme le fait la requérante, cela conduirait à laisser hors du champ d'application de l'article 85, toute une gamme de pratiques qui ont pour objet, mais pas nécessairement pour effet, de fausser la concurrence sur le Marché commun. On aboutirait ainsi à neutraliser une partie de la portée de l'article 85. En outre, la thèse de la requérante ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour relative à la notion de pratique concertée (arrêts du 14 juillet 1972, 48-69, précité, point 66; du 16 décembre 1975, point 26, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité, et du 14 juillet 1981, Zuechner, point 14, 172-80, Rec. p. 2021). Si cette jurisprudence mentionne chaque fois des pratiques sur le marché, ce ne serait pas comme élément constitutif de l'infraction, comme le soutient la requérante, mais bien comme élément de fait à partir duquel la concertation peut être induite. Selon cette jurisprudence, aucun comportement effectif sur le marché ne serait requis. Seule serait requise une prise de contact entre opérateurs économiques, caractéristique de leur renoncement à leur nécessaire autonomie. La jurisprudence américaine relative au Sherman Act irait également dans ce sens.
222 Pour la Commission, il n'est donc pas besoin, pour qu'il y ait infraction à l'article 85, que les entreprises aient mis en pratique ce sur quoi elles se sont concertées. Ce qui est répréhensible au sens de l'article 85, paragraphe 1, existerait pleinement dès que l'intention de substituer une coopération aux risques de la concurrence se trouve matérialisée dans une concertation, sans que nécessairement il y ait, après coup, des comportements sur le marché pouvant être constatés. Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, il serait parfaitement concevable qu'une pratique concertée ait un objet anticoncurrentiel sans avoir d'effet anticoncurrentiel.
223 La Commission en déduit, au niveau de la preuve, que l'accord et la pratique concertée peuvent être prouvés à l'aide de preuves directes et indirectes. En l'espèce, elle n'aurait pas eu besoin de recourir à des preuves indirectes, comme le parallélisme de comportement sur le marché, puisqu'elle disposait des éléments de preuve directe de la collusion que sont, notamment, les comptes rendus de réunions.
224 La Commission conclut en soulignant qu'elle était en droit de qualifier l'infraction constatée en l'espèce, à titre principal, d'accord et, à titre subsidiaire et en tant que de besoin, de pratique concertée.
c) Appréciation du Tribunal
225 Il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission a qualifié chaque élément de fait retenu à l'encontre de la requérante soit d'accord, soit de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. En effet, il résulte d'une lecture combinée des points 80, deuxième alinéa, 81, troisième alinéa, et 82, premier alinéa, de la décision que la Commission a qualifié, à titre principal, d'"accord" chacun de ces différents éléments.
226 De la même manière, il résulte d'une lecture combinée des points 86, deuxième et troisième alinéas, 87, troisième alinéa, et 88 de la décision que la Commission a qualifié, à titre subsidiaire, de "pratiques concertées" les éléments de l'infraction lorsque ceux-ci, soit ne permettaient pas de conclure que les parties s'étaient entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales; soit ne permettaient pas d'établir, en raison du caractère complexe de l'entente, que certains producteurs avaient exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. Ainsi, la décision conclut qu'à certains égards la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre d'un accord d'ensemble peuvent revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée.
227 Le Tribunal constate que, dès lors qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir les arrêts du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, point 112, 41-69, Rec. p. 661, et du 29 octobre 1980, Heintz van Landewyck/Commission, point 86, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125), la Commission était en droit de qualifier d'accords au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les concours de volontés intervenus entre la requérante et d'autres producteurs de polypropylène qu'elle a établis à suffisance de droit et qui portaient sur des initiatives de prix, des mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix, des objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980 et pour la première moitié de l'année 1983, ainsi que sur des mesures de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982.
228 En outre, c'est à bon droit que la Commission, ayant établi à suffisance de droit que les effets des initiatives de prix ont continué jusqu'en novembre 1983, a considéré que l'infraction s'est poursuivie jusqu'en novembre 1983 au moins. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'article 85 est également applicable aux accords qui ont cessé d'être en vigueur, mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle (arrêt du 3 juillet 1985, Binon, point 17, 243-83, Rec. p. 2015).
229 En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu'elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de tenir soi-même sur le marché (arrêt du 16 décembre 1975, points 173 et 174, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité).
230 En l'espèce, la requérante a participé à des réunions ayant pour objet la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, réunions au cours desquelles étaient échangées entre concurrents des informations sur les prix qu'ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, sur les prix qu'ils envisageaient de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu'ils jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente ou sur l'identité de leurs clients. Par sa participation à ces réunions, elle a pris part, avec ses concurrents, à une concertation ayant pour objet d'influencer leur comportement sur le marché et de dévoiler le comportement que chaque producteur envisageait d'adopter lui-même sur le marché.
231 Ainsi, la requérante a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais elle a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. De même, ses concurrents ont nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations que leur a dévoilées la requérante sur le comportement qu'elle avait décidé ou qu'elle envisageait d'adopter elle-même sur le marché, pour déterminer la politique qu'ils entendaient suivre sur le marché.
232 Il s'ensuit que c'est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier, à titre subsidiaire, de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE les réunions périodiques de producteurs de polypropylène, auxquelles a participé la requérante à partir d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en septembre 1983.
233 Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique, qualifiée à l'article 1er de la décision d'"un accord et une pratique concertée", le Tribunal rappelle que les différentes pratiques concertées observées et les différents accords conclus s'inscrivaient, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d'objectifs de prix et de quotas.
234 Il faut souligner que ces systèmes s'inscrivaient dans une série d'efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène. Il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. En effet, la requérante a pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.
235 Il importe de relever que la Commission était, en outre, en droit de qualifier cette infraction unique d'"un accord et une pratique concertée", dans la mesure où cette infraction comportait à la fois des éléments devant être qualifiés d'"accords" et des éléments devant être qualifiés de "pratiques concertées ". En effet, face à une infraction complexe, la double qualification opérée par la Commission à l'article 1er de la décision doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d'accords et d'autres de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe.
236 Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté.
B - Effet restrictif sur la concurrence
a) Acte attaqué
237 La décision (point 90, premier et deuxième alinéas) relève que, pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, il n'est pas absolument nécessaire, compte tenu de l'objet manifestement anticoncurrentiel de l'accord, de démontrer un effet contraire à la concurrence. Toutefois, en l'espèce, tout indiquerait que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence.
b) Arguments des parties
238 La requérante soutient que, pour qu'il y ait infraction au traité CEE, il est nécessaire que le comportement des entreprises porte atteinte au jeu de la concurrence et qu'il ait donc un effet sur le marché. Par conséquent, la Commission aurait l'obligation d'analyser le marché et la structure de la concurrence, ce qu'elle n'aurait pas fait en l'espèce. Ce serait pour se soustraire à cette obligation que la Commission soutient que même de simples intentions ou tentatives de recourir aux comportements incriminés tombent sous le coup des règles du traité CEE. Ce faisant, elle introduirait une forme de "Gesinnungsstrafrecht" (" droit sanctionnant le délit d'opinion "), étrangère au droit communautaire, qui ne correspondrait absolument pas aux infractions dénoncées à l'article 1er de la décision.
239 La Commission répond que l'objet anticoncurrentiel des accords et pratiques concertées qui constituent l'infraction est, en tout cas, établi et qu'il n'est dès lors pas nécessaire d'établir que ceux-ci ont eu un effet anticoncurrentiel. Pour le surplus, elle renvoie au texte de la décision.
c) Appréciation du Tribunal
240 Le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante tend à démontrer que sa participation aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène ne tombait pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, dans la mesure où son comportement concurrentiel sur le marché attesterait que cette participation était dépourvue tant d'objet que d'effet anticoncurrentiel.
241 L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE interdit comme étant incompatibles avec le Marché commun tous accords entre entreprises ou pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
242 Le Tribunal rappelle qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission que les réunions périodiques auxquelles la requérante a participé avec des concurrents avaient pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du Marché commun, notamment par la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et que, par conséquent, sa participation à ces réunions n'était pas dépourvue d'objet anticoncurrentiel au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
243 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
C - Affectation du commerce entre États membres
a) Acte attaqué
244 La décision affirme (point 93, premier alinéa) que l'accord entre les producteurs était susceptible d'avoir un effet sensible sur les échanges entre États membres.
245 En l'espèce, le caractère universel des arrangements collusoires, qui recouvraient pratiquement l'ensemble des ventes d'un produit industriel de première importance à travers toute la Communauté (et dans d'autres pays d'Europe occidentale), aurait été susceptible en soi de détourner les échanges des circuits qui se seraient formés en l'absence de pareil accord (décision, point 93, troisième alinéa). Selon la décision (point 93, quatrième alinéa), la fixation de prix à un niveau artificiel par voie d'accord, plutôt qu'en laissant au marché le soin de trouver son propre équilibre, aurait altéré la structure de la concurrence dans l'ensemble de la Communauté. Les entreprises auraient été déchargées de la nécessité immédiate de réagir aux forces du marché et de s'attaquer au problème de surcapacités dont elles avaient constaté l'existence.
246 La décision (point 94) relève que les prix cibles fixés par État membre, discutés à fond aux réunions nationales même s'il fallait tenir compte dans une certaine mesure de la situation locale, ont nécessairement altéré le schéma des échanges et réduit les écarts de prix liés à l'efficacité plus ou moins grande des producteurs. Le système de l'"account leadership", en orientant la clientèle vers certains producteurs nommément désignés aurait encore aggravé l'effet des arrangements en matière de prix. La Commission admet que, en fixant des quotas ou des cibles, les producteurs n'ont pas ventilé les attributions de volumes par État membre ou par région. Toutefois, l'existence même d'un quota ou d'une cible contribuerait à restreindre les possibilités ouvertes à un producteur.
b) Arguments des parties
247 La requérante expose que, pour qu'il y ait infraction au traité CEE, le comportement des entreprises doit exercer une influence, directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur le courant d'échanges entre États membres. La Commission n'aurait pas établi par une analyse économique du marché et de la structure de la concurrence que cette condition se trouvait remplie.
248 La Commission répond qu'elle pouvait conclure que le commerce interétatique et la structure de la concurrence ont été affectés, dans la mesure où l'entente avait nécessairement détourné les échanges commerciaux des circuits qui se seraient formés en son absence (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, point 172, 209-78 à 215-78 et 218-78, précité).
c) Appréciation du Tribunal
249 Il y a lieu de relever que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission n'avait pas l'obligation de démontrer, par une analyse économique du marché et de la structure de la concurrence, que le comportement effectif des producteurs de polypropylène avait eu un effet sensible sur les échanges entre États membres. En effet, l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, requiert seulement que les accords et les pratiques concertées restrictifs de la concurrence soient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. A cet égard, force est de constater que les restrictions de concurrence constatées étaient susceptibles de détourner les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue (voir arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, point 172, 209-78 à 215-78 et 218-78, précité).
250 Il s'ensuit que la Commission a établi à suffisance de droit, aux points 93 et 94 de sa décision, que l'infraction, à laquelle a participé la requérante, était susceptible d'affecter le commerce entre États membres.
251 Le grief doit, dès lors, être rejeté.
3. Conclusion
252 Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des griefs de la requérante relatifs aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, opérées par la Commission dans l'acte attaqué, doivent être rejetés.
Sur la motivation
253 La requérante soutient qu'elle avait fourni à la Commission de nombreux documents et arguments de nature à donner un éclairage différent aux faits établis par la Commission et à substituer une autre explication des faits à celle retenue par la décision (voir arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, point 16, 29-83 et 30-83, Rec. p. 1679). La Commission ne pouvait se dispenser de répondre à tous ces éléments, sauf à entacher la décision d'insuffisance de motivation ou à renverser la charge de la preuve. Sur ce dernier point, la requérante fait encore remarquer qu'il n'existe aucune preuve directe de la participation de DSM aux faits incriminés par la Commission.
254 Selon la requérante, la décision serait constituée principalement de considérations et affirmations générales. Elle ne contiendrait ni analyse précise ou réfutation des arguments des entreprises ni argumentation pleinement cohérente. Cela vaudrait notamment pour les arguments individuels de la requérante, comme ceux relatifs aux initiatives de prix, aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix et au parallélisme des instructions de prix. Cette présentation générale serait destinée à masquer l'absence de validité et la contradiction intrinsèque des constatations de fait, des présomptions et des raisonnements utilisés par la Commission.
255 La Commission répond que ni l'article 190 du traité CEE ni aucun principe du droit de la procédure ne l'obligent à insérer dans une décision collective des faits et arguments supplémentaires concernant une requérante particulière au motif que celle-ci aurait substitué sa propre vision de son comportement sur le marché à celle contenue dans la communication des griefs. La Commission devrait indiquer clairement, dans la décision, les faits et les thèses juridiques sur lesquels la constatation de l'infraction repose. Elle devrait également exposer le raisonnement qu'elle a suivi pour aboutir au dispositif. En l'espèce, la Commission estime qu'elle a satisfait à ces obligations. En revanche, elle estime qu'elle n'était pas tenue d'examiner, dans la décision, toutes les thèses et tous les documents présentés par la requérante (arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie/Commission, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831).
256 La Commission se défend, en outre, d'avoir renversé la charge de la preuve et considère, au contraire, qu'elle a appuyé la décision sur des éléments de preuve nombreux et accablants.
257 Le Tribunal rappelle qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour (voir notamment les arrêts du 29 octobre 1980, point 66, 209-78 à 215-78 et 218-78, précité, et du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie/Commission, point 88, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831) que si, en vertu de l'article 190 du traité CEE, la Commission est tenue de motiver ses décisions, en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative. Il s'ensuit que la Commission n'est pas tenue de répondre à ceux de ces points qui lui semblent dénués de toute pertinence.
258 A cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il résulte des appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction à l'encontre de la requérante que les documents et les arguments que celle-ci a présentés ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux constatations de fait opérées par la Commission. Cela vaut en particulier pour les documents et arguments ayant trait aux initiatives de prix, aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix et au parallélisme des instructions de prix.
259 Il s'ensuit, d'une part, que la motivation de la décision est suffisante pour étayer l'existence de l'infraction retenue à l'encontre de la requérante et, d'autre part, que la Commission ayant établi à suffisance de droit les faits sur la base desquels elle a constaté cette infraction, elle n'a pas renversé la charge de la preuve au détriment de la requérante. Par ailleurs, le Tribunal n'a relevé aucune contradiction intrinsèque dans ces constatations de fait.
260 Par conséquent, le grief doit être rejeté.
Sur l'amende
261 La requérante reproche à la décision d'avoir violé l'article 15 du règlement n° 17 en n'ayant pas adéquatement apprécié la durée et la gravité de l'infraction retenue à son encontre.
1. La durée de l'infraction
262 La requérante répète que le point de départ de sa participation à l'infraction alléguée ne pouvait pas être antérieur au 1er janvier 1981 et que ce serait, par conséquent, à tort que la Commission le fixe à une date comprise entre 1977 et 1979. En outre, elle relève que chacune des pratiques incriminées par l'article 1er de la décision doit être considérée comme une infraction distincte et que, par conséquent, la Commission aurait dû établir la durée de chaque infraction particulière dont elle a retenu l'existence.
263 La Commission considère que c'est à juste titre qu'elle a fixé le point de départ de la participation de DSM à l'infraction à une date située entre 1977 et 1979. Toutefois, elle indique qu'elle a tenu compte du fait que l'infraction n'a existé sous ses formes les plus graves que depuis la fin de l'année 1978 ou le début de l'année 1979.
264 Par ailleurs, la Commission ajoute que les comportements mis à la charge des entreprises n'ont pas à être considérés comme des infractions distinctes, puisque l'ensemble des systèmes et des réglementations mis au point dans le contexte des réunions périodiques et institutionnalisées se définit comme une seule infraction continue aux règles de la concurrence.
265 Le Tribunal rappelle qu'il a constaté que la Commission a correctement apprécié la période pendant laquelle la requérante a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et que c'est à bon droit que la Commission a considéré qu'il s'agissait d'une infraction unique.
266 Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté.
2. La gravité de l'infraction
A - Le caractère unique de l'infraction et le rôle limité de la requérante
267 La requérante conteste la définition de l'infraction retenue par la Commission selon laquelle cette infraction serait caractérisée par un ensemble de systèmes et de réglementations mis au point dans le contexte de réunions périodiques et institutionnalisées. L'approche globale de la Commission qui refuse d'individualiser chacune des infractions retenues contre les entreprises serait incompatible avec l'économie du traité CEE, la jurisprudence de la Cour (arrêts du 8 novembre 1983, IAZ/Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, et du 10 décembre 1985, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, précité), la pratique suivie par la Commission dans ses décisions antérieures, ainsi qu'avec le dispositif de l'acte attaqué.
268 La requérante précise, en ce qui concerne l'économie du traité CEE, que si l'article 85, paragraphe 1, énumère sous a) à e) un certain nombre d'exemples d'infractions à cet article, c'est pour montrer qu'une infraction n'est pas l'autre.
269 Elle fait valoir, en ce qui concerne la pratique de la Commission, que celle-ci montre que, dans une même affaire, une amende peut être infligée pour certaines infractions et pas pour d'autres.
270 En ce qui concerne le dispositif de la décision, la requérante expose que, sous a) à e) inclus, il énumère plusieurs délits distincts qui ne se recouvraient pas l'un l'autre. La Commission elle-même estimerait donc qu'il s'agit là d'infractions distinctes. Quant à la fixation du montant des amendes, admettre la conception de la Commission, à savoir qu'une seule amende doit être infligée pour un complexe de faits et de circonstances, impliquerait, selon la requérante, qu'une discussion à ce sujet est par avance vide de sens. En effet, l'ensemble subsisterait, même s'il s'avère que pour partie il n'est pas prouvé ou qu'il n'est pas susceptible de sanction, ce qui empêcherait toute réduction de l'amende.
271 Par ailleurs, la requérante souligne son rôle limité, en ce qu'elle aurait pris part aux réunions avec régularité assez tardivement. Son attitude lors des réunions aurait été, en général, plutôt passive. Son comportement sur le marché aurait toujours été caractérisé par une indépendance totale. Il n'apparaîtrait pourtant pas que la décision ait tenu compte de ces éléments à décharge.
272 La Commission répond qu'elle a indiqué soigneusement, à l'article 1er de la décision, les éléments constitutifs de l'infraction retenue à l'encontre de la requérante. Toutefois, elle n'était pas tenue, pour justifier le montant de l'amende, d'examiner séparément la gravité de chacun de ces éléments liés entre eux, même s'il ressort de la jurisprudence de la Cour et des décisions antérieures de la Commission que la nature de l'infraction est un des facteurs présidant à la fixation des amendes.
273 Elle ajoute que la requérante présente cette affaire comme si celle-ci portait sur une série de comportements individuels et autonomes qui n'auraient pas ou guère de rapport entre eux ou qui auraient coïncidé uniquement par hasard. Les éléments de preuve feraient apparaître que les comportements de chacune des entreprises seraient des facettes d'un ensemble plus vaste et seraient reliés entre eux par une trame de réunions périodiques. La question essentielle serait celle de savoir si DSM a fait partie de l'entente et non pas celle de savoir si DSM a de temps en temps été absente à une réunion ou s'est de temps à autre écartée de ce qui avait été convenu au cours d'une réunion.
274 En outre, la Commission souligne la gravité particulière de l'infraction constatée à l'encontre de la requérante.
275 Le Tribunal relève que, en ce qui concerne la fixation des amendes, le caractère unique de l'infraction établie à suffisance de droit par la Commission n'a pas pour effet de vider de sa substance le critère du rôle joué par la requérante dans l'infraction. En effet, s'il avait été constaté que la requérante n'avait pas participé à l'un ou l'autre aspect de l'infraction unique, celle-ci aurait perdu de sa gravité et l'amende aurait dû être réduite à ce titre.
276 Or, force est de constater qu'il résulte des appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction, que la Commission a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l'infraction pendant toute la durée de la participation de celle-ci à cette infraction. C'est donc à bon droit que la Commission s'est basée sur ce rôle en vue du calcul de l'amende à infliger à la requérante.
277 Par conséquent, le grief doit être rejeté.
B - L'absence d'individualisation des critères de fixation des amendes
278 La requérante soutient que l'amende qui a été prononcée contre elle, considérée à la fois en elle-même et par rapport aux amendes infligées aux autres entreprises, a été fixée de manière incontrôlable. En dépit des demandes répétées adressées à la Commission afin qu'elle fasse connaître la clé de fixation des amendes, celle-ci n'aurait pas motivé ses choix. De ce fait, il ne serait pas possible de déterminer le poids respectif des différents facteurs pris en compte pour la fixation du montant de l'amende en tant que tel ni de savoir si, et dans quelle mesure, la Commission a tenu compte de circonstances particulières.
279 La requérante soutient en particulier que, pour fixer le montant de l'amende qu'elle lui a infligée, la Commission n'a pas tenu compte des arguments qu'elle avait avancés à propos de son implication individuelle.
280 La Commission répond que les amendes sont amplement et suffisamment motivées dans la décision. Elle relève qu'elle a agi conformément à sa politique bien établie - et aux principes énoncés par la Cour en matière d'amendes - en infligeant des sanctions dans la présente affaire. Elle souligne que, dès 1979, elle s'est engagée dans une politique consistant à faire respecter les règles de concurrence en infligeant des sanctions plus lourdes, en particulier pour les catégories d'infractions bien établies en droit de la concurrence et pour les infractions particulièrement graves, comme c'est le cas en l'espèce, de manière notamment à accroître l'effet dissuasif des sanctions. Cette politique aurait été approuvée par la Cour (arrêt du 7 juin 1983, Pioneer/Commission, points 106 et 109, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825), qui aurait également admis, à plusieurs reprises, que la fixation des sanctions implique l'appréciation d'un ensemble complexe de facteurs (arrêts du 7 juin 1983, point 120, 100-80 à 103-80, précité, et du 8 novembre 1983, point 52, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, précité).
281 La Commission serait particulièrement qualifiée pour se livrer à une telle appréciation qui ne pourrait être sanctionnée qu'en cas d'erreur significative de fait ou de droit. En outre, la Cour aurait confirmé que la Commission peut porter un jugement différent, selon les affaires, sur les sanctions qu'elle juge nécessaires, même si les affaires en question comportent des situations comparables (arrêt de la Cour du 12 juillet 1979, BMW Belgium/Commission, point 53, 32-78, 36-78 à 82-78, Rec. p. 2435, et arrêt du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, points 111 et suivants, 322-81, Rec. p. 3461).
282 Le Tribunal constate que, pour déterminer le montant de l'amende infligée à la requérante, la Commission a, d'une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision (point 108 de la décision) et a, d'autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (point 109 de la décision).
283 Le Tribunal considère que les critères repris au point 108 de la décision justifient amplement le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision. A cet égard, il convient de souligner spécialement le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et en particulier sous a), b) et c), que n'ignoraient pas les producteurs de polypropylène, qui agissaient de propos délibéré et dans le plus grand secret.
284 Le Tribunal considère également que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants en vue d'arriver à une pondération équitable des amendes infligées à chaque entreprise.
285 En ce qui concerne les deux premiers critères, mentionnés au point 109 de la décision, que sont le rôle joué par chacune des entreprises dans les arrangements collusoires ainsi que le laps de temps pendant lequel elles ont participé à l'infraction, il y a lieu de rappeler que les motifs relatifs à la détermination du montant de l'amende devant être interprétés à la lumière de l'ensemble des motifs de la décision, la Commission a suffisamment individualisé à l'égard de la requérante la prise en compte de ces critères.
286 En ce qui concerne les deux derniers critères que constituent les livraisons respectives des différents producteurs de polypropylène dans la Communauté ainsi que le chiffre d'affaires total de chacune des entreprises, le Tribunal constate, sur la base des chiffres qu'il a demandés à la Commission et dont la requérante n'a pas contesté l'exactitude, que ces critères n'ont pas été appliqués de façon inéquitable lors de la détermination de l'amende infligée à la requérante par rapport aux amendes infligées à d'autres producteurs.
287 Le Tribunal constate, par ailleurs, qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission en vue de l'établissement de l'infraction, que les différents arguments auxquels la requérante fait grief à la Commission de n'avoir pas répondu manquent de fondement dans les faits.
288 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
C - La prise en compte des effets de l'infraction
289 La requérante soutient que les pratiques alléguées n'ont eu aucun effet sur le marché. Ainsi que le reconnaîtrait, d'ailleurs, la Commission (décision, point 73), les prix du marché auraient été déterminés, au cours de la période litigieuse, "dans une large mesure par les conditions de l'offre et de la demande ". Les études réalisées par plusieurs entreprises montreraient que l'évolution du marché aurait été la même en l'absence des accords allégués. Selon la jurisprudence de la Cour (arrêts du 13 juillet 1966, 56-64 et 58-64, précité, et du 14 juillet 1981, 172-80, précité), ce point devrait être pris en considération pour apprécier les restrictions de la concurrence. La thèse de la Commission selon laquelle elle ne serait pas obligée, pour fixer l'amende, de tenir compte de l'effet des arrangements collusoires, ne trouverait d'appui ni dans la jurisprudence de la Cour (arrêts du 15 juillet 1970, 41-69, précité; du 16 décembre 1975, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité, et du 10 décembre 1985, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, précité) ni dans la pratique de la Commission relative à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
290 La Commission répond que, compte tenu des preuves directes et écrasantes du comportement des producteurs, il n'y avait pas de raison de se livrer à une analyse plus approfondie du marché.
291 Elle ajoute que, pour évaluer le montant des amendes, elle a tenu compte du fait que les initiatives de prix n'ont généralement pas atteint pleinement leur but (décision, point 108), alors qu'elle n'était pas tenue de le faire, puisque non seulement les ententes qui ont pour effet de faire obstacle à la concurrence, mais aussi celles qui ont un tel objet devraient être sanctionnées au titre de l'article 85.
292 Le Tribunal constate que la Commission a distingué deux types d'effets de l'infraction. Le premier consiste dans le fait que, après avoir convenu des prix cibles au cours des réunions, les producteurs ont tous invité leurs services de vente à réaliser ce niveau de prix, les "cibles" servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. Cela a permis à la Commission de conclure qu'en l'espèce tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence (décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90). Le second consiste dans le fait que l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixés au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix, tel qu'il ressort des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs (décision, point 74, sixième alinéa).
293 Il y a lieu de relever que le premier type d'effets a été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir des nombreuses instructions de prix données par les différents producteurs, instructions qui concordent entre elles ainsi qu'avec les objectifs de prix fixés lors des réunions, lesquelles étaient manifestement destinées à servir de base pour négocier les prix avec les clients.
294 En ce qui concerne le second type d'effets, il y a lieu de relever, d'une part, que la Commission n'avait pas de raison de douter de l'exactitude des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions (voir notamment les comptes rendus des réunions des 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, g.g. ann. 30 à 33), qui montrent que les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient dans une large mesure traduits sur le marché, et, d'autre part, que si l'audit Coopers et Lybrand ainsi que les études économiques réalisées à la demande de certains producteurs devaient permettre d'établir le caractère erroné des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions, cette constatation ne serait pas de nature à conduire à une réduction de l'amende, dans la mesure où la Commission a indiqué au point 108, dernier tiret, de la décision, qu'elle s'était fondée, pour modérer le montant des peines, sur le fait que les initiatives de prix n'avaient généralement pas atteint pleinement leur but et qu'il n'existait, finalement, aucune mesure de contrainte susceptible d'assurer le respect des quotas ou d'autres arrangements.
295 Les motifs de la décision relatifs à la détermination du montant des amendes devant être lus à la lumière des autres motifs de la décision, il convient de considérer que la Commission a, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d'effets et qu'elle a tenu compte du caractère limité du second type d'effets. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d'effets pour modérer le montant des amendes aurait été insuffisante.
296 Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.
D - La prise en compte insuffisante du contexte économique de crise
297 La requérante expose que la Commission n'a pas tenu compte de la situation de crise manifeste dans laquelle se trouvait l'industrie du polypropylène ni des pertes substantielles que cette crise a entraînées. Elle soutient, et la Commission l'admettrait, que cette crise n'était pas une crise structurelle, comme le montrerait le fait qu'en 1983 la demande et l'offre sur le marché du polypropylène se seraient progressivement rééquilibrées à un prix qui permettait d'exploiter les capacités à un taux moyen raisonnable. La solution à cette crise ne devait donc pas être recherchée dans une diminution structurelle des capacités de production existantes. Or, telle aurait pourtant été la seule solution proposée par la Commission lors des discussions qu'elle a eues avec l'industrie du polypropylène pour résoudre cette crise. En n'effectuant pas une analyse plus fouillée du marché et en n'indiquant donc pas quelles options pouvaient être envisagées dans le cadre d'une discussion ultérieure, la Commission n'aurait pas laissé suffisamment de possibilités aux entreprises pour résoudre les problèmes créés par la situation du marché.
298 La requérante ajoute que, dans certaines circonstances, il a été permis et même parfois imposé aux entreprises, d'adopter des mesures temporaires restreignant la concurrence en vue d'accompagner le processus d'adaptation de l'industrie concernée aux circonstances changeantes du marché. En l'espèce, le défaut pour les autorités communautaires de poser un "diagnostic" et de proposer un "remède" pour un secteur industriel connaissant une situation de crise n'aurait laissé aux "patients" concernés guère d'autre choix que celui d'envisager certaines formes d'"entraide personnelle" ou de "palliatifs ".
299 A cet égard, elle relève que certaines formes de contacts et d'échanges d'informations en vue de résoudre des situations de crise ne peuvent être considérées a priori comme interdites lorsqu'elles ont pour objet de trouver des solutions aux problèmes qui surgissent, notamment, lorsque le secteur concerné est touché par une situation de crise manifeste. Personne n'aurait intérêt à l'érosion durable d'un secteur économique par suite d'une concurrence ruineuse. La requérante se réfère, sur ce point, d'une part, aux articles 57 et 58 du traité CECA et, d'autre part, à la communication relative aux accords, décisions et pratiques concertées concernant la coopération entre entreprises, publiée par la Commission, le 29 juillet 1968 (JO C 75), qui serait applicable en l'espèce, puisque l'échange d'informations n'aurait pas conduit à une limitation de la liberté d'action des entreprises ni à une coordination, expresse ou sous la forme de pratiques concertées, de leur comportement sur le marché.
300 La requérante considère que la Commission aurait dû tenir compte de la situation de crise, au moins à titre de circonstance atténuante.
301 La Commission répond qu'elle a admis, pour modérer le montant des amendes, que les entreprises concernées ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation de leur secteur du polypropylène pendant une très longue période, bien qu'elle considère qu'elle n'avait pas l'obligation d'en tenir compte.
302 La Commission souligne encore que, pour échapper à la condamnation, les entreprises ne sauraient se prévaloir ni de restrictions de concurrence temporaires approuvées par la Commission dans d'autres secteurs ni du fait qu'elles auraient été contraintes à une "auto-assistance" en raison du refus de la Commission d'autoriser une "entente de crise ". Les entreprises concernées auraient pu, le cas échéant, notifier d'éventuelles "mesures de crise", mais elles ne l'ont pas fait, ce qui leur vaut aujourd'hui d'être condamnées pour collusion prolongée et clandestine.
303 La Commission fait encore observer que les règles en vigueur en ce qui concerne l'échange d'informations n'ont pas à être appliquées à d'autres cas que ceux qu'elles visent. Il en serait notamment ainsi pour la communication de la Commission de 1968 dont se prévaut la requérante. Cette communication concernerait uniquement les petites et moyennes entreprises et, de surcroît, ne s'appliquerait pas à une collusion qui, comme celle de l'espèce, dépasserait largement les limites d'un échange d'informations autorisé.
304 Le Tribunal constate que la Commission a indiqué explicitement au point 108, dernier tiret, de la décision qu'elle a tenu compte du fait que les entreprises ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation de leur secteur du polypropylène pendant une très longue période, ce qui démontre non seulement que la Commission a tenu compte des pertes, mais également qu'elle a, de ce fait, tenu compte des conditions économiques défavorables du secteur (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, 322-81, précité, points 111 et suivants) en vue de déterminer, eu égard également aux autres critères mentionnés au point 108, le niveau général des amendes.
305 Par ailleurs, le fait que, dans des affaires précédentes, la Commission avait estimé qu'au vu des circonstances de fait il y avait lieu de tenir compte de la situation de crise dans laquelle se trouvait le secteur économique en cause, ne saurait la contraindre à tenir compte de la même façon d'une telle situation dans la présente espèce, dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que les entreprises auxquelles la décision est adressée ont commis une infraction particulièrement grave aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
306 Il convient d'ajouter que la référence faite par la requérante aux décisions antérieures de la Commission est dépourvue de pertinence dans la mesure où celles-ci portaient sur l'exemption d'une entente dite "de crise" au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE. Or, en l'espèce, l'infraction constatée n'avait fait l'objet d'aucune demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE.
307 Le Tribunal considère encore qu'en l'absence d'une intervention de la Commission les entreprises ne peuvent se prévaloir de règles du droit communautaire qui requièrent, pour leur application, l'intervention de la Commission et qui, en outre, concernent un secteur économique déterminé, comme c'est le cas des articles 57 et 58 du traité CECA.
308 En ce qui concerne la communication de la Commission relative aux accords, décisions et pratiques concertées concernant la coopération entre entreprises, il importe de souligner que cette communication précise en son point II que "les accords dont le seul but est de procurer en commun les informations dont les différentes entreprises ont besoin pour déterminer de manière autonome et indépendante leur comportement futur sur le marché ou de recourir individuellement à un organisme consultatif commun n'ont pas pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. Mais si la liberté d'action des entreprises est limitée ou si le comportement sur le marché est coordonné expressément ou par voie de pratiques concertées, il peut y avoir une restriction de la concurrence ". Or, force est de constater qu'il résulte des appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction que, parmi les éléments constitutifs de celle-ci, se trouvent des accords de prix et de quotas, interdits par l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et qui ne peuvent, par conséquent, bénéficier de ladite communication.
309 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
E - La violation des principes d'équité, de proportionnalité et d'égalité
310 La requérante expose que la décision contient une violation des principes d'équité, de proportionnalité et d'égalité à son égard puisque des entreprises comparables ou similaires se seraient vu infliger des amendes d'un montant sensiblement différent. Se livrant à une analyse des critères dont la Commission aurait tenu compte au point 109 de la décision pour la fixation des amendes et la détermination de leurs poids relatifs, la requérante conclut que deux entreprises (Linz et Saga) ont eu des amendes beaucoup plus légères que celles infligées aux autres entreprises se trouvant dans la même situation au regard desdits critères. Cette différence ne serait pas expliquée dans la décision.
311 La Commission répond que Linz et Saga sont toutes deux établies en dehors de la Communauté, que la plupart de leurs livraisons ont eu lieu en dehors de celle-ci et que, bien que l'entente se soit étendue à toute l'Europe occidentale, la Commission s'est basée, pour la fixation de l'amende, sur les livraisons de polypropylène des différents producteurs dans la Communauté, c'est-à-dire, sur les effets de l'entente sur le territoire du Marché commun (décision, tableau 2).
312 Le Tribunal constate que le grief formulé par la requérante constitue une critique du rapport entre, d'une part, le montant de l'amende qui lui a été infligée et, d'autre part, le montant des amendes infligées à Linz et à Saga.
313 A cet égard, il suffit de constater que la requérante n'a pas été en mesure de contredire la réponse de la Commission à son argument, que la différence entre les montants cités résulte d'une application des critères mentionnés au premier alinéa du point 109 de la décision et, en particulier, du troisième de ces critères, qui vise les livraisons respectives de polypropylène dans la Communauté de chacune des entreprises auxquelles est adressée la décision. A cet égard, le Tribunal rappelle que la requérante n'a pas contesté l'exactitude des données chiffrées relatives à ces livraisons fournies par la Commission durant la procédure devant le Tribunal et il constate que, au vu de ces données chiffrées, la requérante n'a pas avancé d'éléments concrets établissant que les principes d'équité, de proportionnalité et d'égalité avaient été violés à son détriment par rapport à Linz et à Saga.
314 Par conséquent, ce grief doit être rejeté.
F - L'absence d'infraction antérieure
315 La requérante affirme qu'à la différence d'autres entreprises impliquées dans la présente affaire elle n'a jamais, dans le passé, été impliquée dans une procédure d'application du droit de la concurrence engagée par la Commission. Celle-ci aurait dû tenir compte de cet élément à titre de circonstance atténuante.
316 La Commission rétorque que les éléments invoqués par DSM en ce qui concerne l'absence d'infraction antérieure ne donnent pas droit à une réduction de l'amende .
317 Le Tribunal considère que le fait que la Commission a déjà constaté, par le passé, qu'une entreprise avait enfreint les règles de la concurrence et l'a, le cas échéant, sanctionnée à ce titre, peut être retenu comme circonstance aggravante contre cette entreprise, mais que l'absence d'infraction antérieure constitue une circonstance normale dont la Commission n'a pas à tenir compte comme circonstance atténuante, d'autant plus qu'en l'espèce on se trouve en présence d'une infraction particulièrement patente à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
318 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
319 Il résulte de tout ce qui précède que l'amende infligée à la requérante est adéquate à la durée et à la gravité de la violation des règles de concurrence communautaires constatée à l'encontre de la requérante.
Sur les dépens
320 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre),
Déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante est condamnée aux dépens.