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Décisions

CJCE, 3e ch., 18 janvier 1996, n° C-446/93

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SEIM - Sociedade de Exportação e Importação de Materiais Ldª

Défendeur :

Subdirector-Geral das Alfândegas

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Puissochet

Juges :

MM. Moitinho de Almeida (rapporteur), Gulmann

Avocat général :

M. Cosmas.

CJCE n° C-446/93

18 janvier 1996

LA COUR (troisième chambre),

1 Par ordonnance du 19 janvier 1993, déposée au greffe de la Cour le 19 novembre suivant, le Tribunal Tributário de Segunda Instância a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions préjudicielles sur l'interprétation du règlement (CEE) n° 1430-79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou à l'exportation (JO L 175, p. 1), tel qu'il a été modifié par le règlement (CEE) n° 3069-86 du Conseil, du 7 octobre 1986 (JO L 286, p. 1), du règlement (CEE) n° 1574-80 de la Commission, du 20 juin 1980, fixant les dispositions d'application des articles 16 et 17 du règlement (CEE) n° 1430-79 du Conseil (JO L 161, p. 3), et du règlement (CEE) n° 3799-86 de la Commission, du 12 décembre 1986, fixant les dispositions d'application des articles 4 bis, 6 bis, 11 bis et 13 du règlement (CEE) n° 1430-79 du Conseil (JO L 352, p. 19), ainsi que sur la validité de l'article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 3799-86, précité.

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant la société SEIM - Sociedade de Exportação e Importação de Materiais Ld.a (ci-après "SEIM") à l'administration des douanes portugaises à propos de la liquidation de droits de douane afférents à des importations de marchandises.

3 SEIM, partie demanderesse au principal, a acheté à une entreprise établie en Allemagne certaines marchandises qui n'ont pas été frappées de droits de douane lors de leur importation au Portugal en 1986, étant donné que les certificats d'origine EUR 1 mentionnaient la République fédérale d'Allemagne comme lieu d'origine des marchandises.

4 Ces certificats ont toutefois été invalidés ultérieurement par les autorités douanières allemandes, au motif qu'ils avaient été délivrés à tort, les marchandises n'ayant pas l'origine qui y était indiquée. Les douanes portugaises ont alors engagé une action en recouvrement a posteriori des droits de douane en cause d'un montant de 7 660 587 ESC.

5 SEIM, qui n'a bénéficié d'aucun délai de paiement, a refusé de payer ce montant et a saisi le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto d'un recours en annulation de l'acte de liquidation des droits de douane.

6 Parallèlement, SEIM a adressé à l'administration des douanes de Porto une demande ayant pour objet la transmission du cas à la Commission conformément aux dispositions du règlement (CEE) n° 1573-80 de la Commission, du 20 juin 1980, fixant les dispositions d'application de l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1697-79 du Conseil concernant le recouvrement "a posteriori" des droits à l'importation ou des droits à l'exportation qui n'ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l'obligation de payer de tels droits (JO L 161, p. 1), afin que cette institution se prononce sur la demande de ne pas procéder au recouvrement a posteriori du montant exigé. SEIM demandait en outre l'octroi, à titre de mesure provisoire, d'un sursis à l'exécution de la décision litigieuse.

7 Selon l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1697-79 du Conseil, du 24 juillet 1979 (JO L 197, p. 1), "Les autorités compétentes peuvent ne pas procéder au recouvrement a posteriori du montant des droits à l'importation ou des droits à l'exportation qui n'ont pas été perçus par suite d'une erreur des autorités compétentes elles-mêmes qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane".

8 A l'appui de ces demandes, SEIM a fait valoir en particulier qu'il y avait eu erreur de la part des autorités douanières allemandes, qui ne pouvait être décelée par la demanderesse, et qu'elle avait agi de parfaite bonne foi, de sorte qu'il était satisfait aux conditions du non-recouvrement a posteriori du montant litigieux, qui sont posées à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697-79.

9 Le 28 février 1989, la direction générale des douanes a notifié à SEIM le rejet de sa demande. Dans cette communication, les autorités portugaises ont, en substance, soutenu que l'article 5, paragraphe 2, précité, vise les erreurs commises par les autorités compétentes de l'État membre qui ont procédé à la détermination d'un montant inférieur à celui qui était dû, et non pas celles des autorités de l'État d'exportation ayant, comme en l'espèce, indûment délivré des certificats de circulation EUR 1.

10 SEIM a alors introduit, devant le Tribunal Tributário de Segunda Instância, un recours en annulation de cette décision qui fait l'objet du litige au principal. Dans ce contexte, SEIM fait valoir trois motifs. En premier lieu, les conditions de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697-79, pour que les autorités compétentes ne procèdent pas au recouvrement a posteriori, seraient réunies. En deuxième lieu, eu égard au montant exigé, qui est supérieur à 2 000 écus, la décision définitive appartiendrait à la Commission en sorte que la direction générale des douanes devrait soumettre le dossier à cette institution. En troisième lieu, le même résultat pourrait être atteint en faisant appel aux dispositions de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430-79, précité.

11 Le règlement n° 1430-79 a, selon son article 1er, pour objet de déterminer les conditions auxquelles les autorités compétentes accordent le remboursement ou la remise des droits à l'importation ou à l'exportation, qui résultent de l'application de la politique agricole commune ou de l'application des dispositions du traité relatives à l'union douanière.

12 L'article 1er, paragraphe 2, sous d), définit la "remise" comme "la non-perception, en totalité ou en partie, des droits à l'importation ou des droits à l'exportation qui ont été pris en compte par l'autorité chargée de leur recouvrement mais qui n'ont pas encore été acquittés".

13 Le remboursement ou la remise des droits à l'importation peut être justifié par les motifs suivants: l'absence de dette douanière ou la détermination de son montant à un niveau supérieur à celui qui était légalement dû (section A, article 2), la déclaration des marchandises par erreur pour la libre pratique (section B, articles 3 et 4), le refus par l'importateur des marchandises défectueuses ou non conformes aux stipulations du contrat (section C, articles 5 à 9) et la situation particulière dans laquelle se trouvent les marchandises (section D, articles 10 à 12).

14 L'article 13, tel que modifié par le règlement n° 3069-86, précité, prévoit encore d'autres situations pouvant donner lieu au remboursement ou à la remise des droits à l'importation (section E). Ainsi dispose-t-il:

"1. Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l'importation dans des situations particulières, autres que celles visées aux sections A à D, qui résultent de circonstances n'impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé.

Les situations dans lesquelles il peut être fait application du premier alinéa, ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin, sont définies selon la procédure prévue à l'article 25. Le remboursement ou la remise peuvent être subordonnés à des conditions particulières.

2. Le remboursement ou la remise des droits à l'importation pour les motifs indiqués au paragraphe 1 est accordé sur demande déposée auprès du bureau de douane concerné avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date de prise en compte desdits droits par l'autorité chargée du recouvrement.

Toutefois, les autorités compétentes peuvent autoriser un dépassement de ce délai dans des cas exceptionnels dûment justifiés."

15 L'article 4 du règlement n° 3799-86, précité, qui fixe les dispositions d'application, notamment, de l'article 13 du règlement n° 1430-79, énumère, "sans préjudice d'autres situations à apprécier cas par cas", des "situations particulières" au sens de cette dernière disposition, autorisant le remboursement ou la remise des droits à l'importation (paragraphe 1), ainsi que les situations ne constituant pas, par elles-mêmes, de telles situations particulières (paragraphe 2).

16 L'article 4, précité, retient, en son paragraphe 2, sous c), comme situation ne constituant pas par elle-même une situation particulière au sens de l'article 13, précité, "la présentation, même de bonne foi, pour l'octroi d'un traitement tarifaire préférentiel en faveur de marchandises déclarées pour la libre pratique, de documents dont il est établi ultérieurement qu'ils étaient faux, falsifiés ou non valables pour l'octroi de ce traitement tarifaire préférentiel".

17 L'article 5 du règlement n° 3799-86 dispose ensuite que, lorsque les motifs invoqués à l'appui d'une demande de remise ou de remboursement correspondent aux situations prévues à l'article 4, paragraphe 1, le remboursement ou la remise du montant des droits à l'importation est accordé (paragraphe 1). En revanche, lorsque les motifs invoqués correspondent aux situations décrites à l'article 4, paragraphe 2, la demande est rejetée (paragraphe 2).

18 Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de ce même règlement:

"Lorsque l'autorité compétente d'un État membre, saisie d'une demande de remboursement ou de remise au titre de l'article 13, paragraphe 2, du règlement de base, n'est pas en mesure, par référence aux dispositions de l'article 4, de décider s'il y a lieu ou non d'accorder ce remboursement ou cette remise, elle rejette la demande si celle-ci n'est pas assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n'impliquant ni manœuvre, ni négligence manifeste de la part de l'intéressé.

Dans tous les autres cas, elle transmet le cas à la Commission pour être réglé conformément à la procédure prévue aux articles 7 à 10..."

19 Enfin, l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1574-80, précité, qui fixe les dispositions d'application des articles 16 et 17 du règlement n° 1430-79, relatifs à la procédure qui doit être suivie pour introduire une demande de remboursement ou de remise, prévoit:

"Lorsqu'elle est en possession de tous les éléments nécessaires, l'autorité de décision statue sur la demande dans les meilleurs délais et fait connaître sa décision par écrit au demandeur."

20 Dans son ordonnance de renvoi, le Tribunal Tributário de Segunda Instância observe d'emblée qu'il doit trancher une question préalable relative à sa propre compétence. En effet, le droit portugais distingue le contentieux administratif douanier, qui est constitué par les recours contre les actes administratifs relatifs à des questions fiscales douanières et qui relève de la compétence du Tribunal Tributário de Segunda Instância, du contentieux fiscal douanier, qui est constitué par les recours introduits contre les actes de liquidation de recettes fiscales douanières et qui relève de la compétence des Tribunais Fiscais Aduaneiros. Dans ce contexte, le tribunal de renvoi se demande en particulier si l'acte attaqué, qui, en application de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1574-80, rejette la demande de remise des droits de douane, fait application de normes fiscales matérielles ou de normes fiscales procédurales ou administratives. Il se demande également si cette décision est prise par l'administration douanière dans l'exercice de sa fonction fiscale ou de sa fonction administrative.

21 Le juge a quo se demande ensuite si, pour que l'on soit en présence d'une demande de "remise" de droits à l'importation, il suffit que, comme l'énonce l'article 1er, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1430-79, les droits liquidés n'aient "pas encore été acquittés" ou s'il faut en outre que le non-paiement s'explique par l'octroi d'un délai de paiement.

22 La juridiction de renvoi se demande en outre si le principe de l'inquisitoire, qui, en droit administratif portugais, régit la procédure administrative gracieuse, est applicable en matière de remise de droits à l'importation. Si tel est le cas, la partie demanderesse dans le litige au principal devait simplement indiquer avec précision les arguments de fait plaidant en faveur de l'octroi de la remise, tandis que l'autorité nationale devait apprécier ces faits sous l'angle qui était le plus correct du point de vue du droit douanier, à savoir en l'espèce comme une demande au titre de l'article 13 du règlement n° 1430-79.

23 Enfin, la juridiction nationale doute de la validité de l'article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 3799-86, dans la mesure où il limiterait les cas où, conformément à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430-79, la remise peut être accordée au-delà de ce qui est nécessaire pour la sauvegarde d'autres droits ou intérêts communautairement protégés.

24 Compte tenu de ces doutes, le Tribunal Tributário de Segunda Instância a décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice se soit prononcée à titre préjudiciel sur les questions suivantes:

"a) Compte tenu des considérations développées au chapitre II de la présente demande de décision préjudicielle et eu égard au système des actions en recouvrement a posteriori prévu par le règlement (CEE) n° 1697-79 du Conseil, du 24 juillet 1979, ainsi qu'au système de remise des droits déjà liquidés mais pas encore acquittés établi dans le règlement (CEE) n° 1430-79 du Conseil, du 2 juillet 1979, il y a lieu de se demander si la décision de l'autorité douanière nationale qui, prise sur la base de l'article 7, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1574-80 de la Commission, du 20 juin 1980, est défavorable à une demande de remise de paiement de droits, applique des normes fiscales matérielles ou des normes de droit administratif communautaire, ou encore si elle est prise dans l'exercice de la fonction fiscale du service douanier ou dans l'exercice de la fonction administrative proprement dite. Quelle est la nature juridique de cette décision?

b) La notion de droits qui n'ont pas encore été acquittés, visée à l'article 1er, paragraphe 2, sous d), du règlement (CEE) n° 1430-79, doit-elle être interprétée restrictivement comme se référant à des droits dont le paiement a été différé?

c) L'intéressée ayant invoqué des faits susceptibles d'entrer dans la catégorie juridique des situations particulières qui résultent de circonstances n'impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de sa part [article 13, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1430-79, dans la version du règlement (CEE) n° 3069-86 du Conseil], l'autorité douanière nationale était-elle tenue, en vertu de l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3799-86 de la Commission, du 12 décembre 1986, d'apprécier la demande de remise de droits à l'importation dans l'optique de la clause générale d'équité contenue à l'article 13, paragraphe 1, précité?

d) L'article 4, point 2, sous c), du règlement (CEE) n° 3799-86, du 12 décembre 1986, n'est-il pas invalide pour avoir violé l'article 13, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1430-79 en restreignant les cas particuliers où il peut être procédé à la remise des droits de douane au-delà de ce qui était nécessaire pour sauvegarder d'autres intérêts communautaires?"

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

25 Selon le Gouvernement portugais, les questions préjudicielles sont irrecevables. Le Tribunal Tributário de Segunda Instância, en considérant que la décision attaquée a la nature d'un refus de remise des droits à l'importation, aurait méconnu le libellé de la demande de SEIM de même que celui de la décision attaquée. La juridiction aurait ainsi confondu les concepts de non-recouvrement a posteriori des droits d'importation et de remise des droits à l'importation, lesquels sont distincts et sont soumis à des régimes différents.

26 En effet, selon le Gouvernement portugais, la décision attaquée est en réalité une décision défavorable à une demande de non-recouvrement a posteriori des droits à l'importation litigieux et non à une demande de remise de ces droits. C'est ainsi que cette décision a uniquement tenu compte de la base légale correspondante, à savoir le règlement n° 1697-79, précité. En raison de cette erreur de qualification, les questions préjudicielles n'auraient pas de relation directe avec le litige que cette juridiction est appelée à trancher.

27 Cette argumentation ne saurait être retenue.

28 Conformément à la jurisprudence de la Cour, l'article 177 du traité, basé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, ne permet pas à celle-ci de censurer les motifs de l'ordonnance de renvoi. En conséquence, le rejet d'une demande formée par une juridiction nationale n'est possible que s'il apparaît, de manière manifeste, que l'interprétation du droit communautaire ou l'examen de la validité d'une règle communautaire, demandés par cette juridiction, n'ont aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige principal (voir, notamment, arrêt du 16 juin 1981, Salonia, 126-80, Rec. p. 1563, point 6).

29 Or, il ressort de l'ordonnance de renvoi que, même si, de façon formelle, SEIM n'a pas demandé la remise des droits de douane litigieux, c'est de cette façon que la direction générale des douanes portugaises a analysé la demande de renvoi du dossier de recouvrement a posteriori à la Commission pour que celle-ci prenne une décision de non-recouvrement et c'est sur le fondement de cette qualification qu'elle a statué dans un sens défavorable à SEIM. La juridiction de renvoi en conclut que la requête de SEIM doit être traitée comme une demande de remise des droits à l'importation.

30 Dans ces conditions, l'évocation de la réglementation communautaire relative à la remise des droits à l'importation n'apparaît pas comme étant manifestement erronée. Il appartient donc à la Cour d'examiner les questions qui lui sont posées.

Sur le fond

Sur la première question

31 Tant le Gouvernement portugais que la Commission estiment que le problème de qualification soulevé par cette question concerne le seul droit interne et échappe dès lors à la compétence de la Cour saisie à titre préjudiciel.

32 A cet égard, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 9 juillet 1985, Bozetti, 179-84, Rec. p. 2301, point 17), il appartient à l'ordre juridique de chaque État membre de désigner la juridiction compétente pour trancher les litiges qui mettent en cause des droits individuels, dérivés de l'ordre juridique communautaire, étant entendu cependant que les États membres portent la responsabilité d'assurer, dans chaque cas, une protection effective à ces droits. Sous cette réserve, il n'appartient pas à la Cour d'intervenir dans la solution des problèmes de compétence que peut soulever, au plan de l'organisation judiciaire nationale, la qualification de certaines situations juridiques fondées sur le droit communautaire.

33 Toutefois, selon le même arrêt, point 18, la Cour est compétente pour indiquer au juge national les éléments du droit communautaire qui peuvent concourir à la solution du problème de compétence qui se pose à lui.

34 Il convient de relever à ce sujet que, en vertu de l'article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 2144-87 du Conseil, du 13 juillet 1987, relatif à la dette douanière (JO L 201, p. 15), applicable en l'espèce au principal, la "dette douanière" s'éteint notamment "par le paiement du montant des droits à l'importation ou des droits à l'exportation afférents à la marchandise en question ou, le cas échéant, par la remise de ce montant en application des dispositions communautaires en vigueur". La décision relative à une demande de remise porte donc directement sur l'obligation d'une personne physique ou morale de payer le montant des droits à l'importation applicables en vertu des dispositions en vigueur aux marchandises passibles de tels droits.

35 Il y a lieu, dès lors, de répondre à la première question que la décision de l'autorité douanière nationale, prise en application de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1574-80, porte directement sur l'obligation d'une personne physique ou morale de payer le montant des droits à l'importation applicables en vertu des dispositions en vigueur aux marchandises passibles de tels droits. Il appartient à la juridiction nationale de tirer les conséquences de cette constatation en vue de déterminer sa compétence en la matière.

Sur la deuxième question

36 Selon le libellé même de l'article 1er, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1430-79, la "remise" consiste dans "la non-perception, en totalité ou en partie, des droits à l'importation ou des droits à l'exportation qui ont été pris en compte par l'autorité chargée de leur recouvrement mais qui n'ont pas encore été acquittés". Rien ne permet de déduire de cette disposition que le bénéfice d'une remise soit soumis à la condition supplémentaire que l'intéressé ait obtenu au préalable un délai de paiement en ce qui concerne lesdits droits.

37 Cette interprétation est corroborée par l'article 13, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 1430-79 qui, dans sa version du règlement n° 3069-86, applicable en l'espèce au principal, subordonne le bénéfice du remboursement ou de la remise, pour les motifs indiqués au paragraphe 1 de cette disposition, au seul dépôt auprès du bureau de douane concerné de la demande afférente "avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date de prise en compte desdits droits par l'autorité chargée du recouvrement".

38 A cet égard, il ne pourrait être objecté que le deuxième considérant du règlement n° 1430-79 évoque la situation, réglée à l'article 2 de ce règlement, dans laquelle le montant des droits à l'importation qui a été payé ou dont "le paiement a été différé" est supérieur à celui qui est légalement dû. Ainsi que la Commission l'a d'ailleurs observé à juste titre, cette expression se réfère uniquement à une situation prévue par la directive 78-453-CEE du Conseil, du 22 mai 1978, concernant l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives au report du paiement des droits à l'importation ou des droits à l'exportation (JO L 146, p. 19), laquelle n'empêche pas l'instauration par le législateur communautaire d'un régime autonome concernant la remise et le remboursement des droits à l'importation ou à l'exportation.

39 Il y a dès lors lieu de répondre à la deuxième question préjudicielle que la notion de "droits qui n'ont pas encore été acquittés", figurant à l'article 1er, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 1430-79, ne se réfère pas uniquement à des droits dont le paiement a été différé.

Sur la quatrième question

40 Par cette question, le juge de renvoi demande si l'article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 3799-86 est valide dès lors qu'il restreint au-delà de ce qui est nécessaire la clause générale d'équité figurant à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430-79, modifié.

41 Selon la jurisprudence de la Cour, l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430-79 constitue une clause générale d'équité destinée à couvrir les situations autres que celles qui étaient le plus couramment constatées dans la pratique et qui pouvaient, au moment de l'adoption du règlement, faire l'objet d'une réglementation particulière (voir, notamment, arrêt du 12 mars 1987, Cerealmangimi et Italgrani/Commission, 244-85 et 245-85, Rec. p. 1303, point 10).

42 Ce paragraphe habilite, en son deuxième alinéa, la Commission à déterminer les situations et les conditions dans lesquelles il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l'importation, autres que celles visées aux sections A à D, qui résultent de circonstances n'impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé.

43 C'est ainsi que l'article 4 du règlement n° 3799-86 définit, en son paragraphe 1, des situations particulières résultant de circonstances n'impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l'intéressé, qui donnent lieu au remboursement ou à la remise sollicités, et, en son paragraphe 2, des situations qui, par elles-mêmes, ne constituent pas un motif suffisant pour permettre aux autorités compétentes des États membres d'octroyer la remise ou le remboursement.

44 S'agissant en particulier de la situation visée à l'article 4, paragraphe 2, sous c), il y a lieu de rappeler que, dans l'arrêt du 13 novembre 1984, Van Gend & Loos (98-83 et 230-83, Rec. p. 3763, point 13), la Cour a admis que les contrôles a posteriori seraient en grande partie privés de leur utilité si l'utilisation de faux certificats pouvait, à elle seule, justifier l'octroi d'une remise.

45 Comme la Commission l'a relevé à juste titre, la solution contraire pourrait décourager le zèle des opérateurs économiques et faire supporter par le Trésor public un risque qui incombe principalement aux agents économiques.

46 Toutefois, lorsque la demande fondée sur l'ignorance de l'intéressé du fait que les documents présentés étaient faux, falsifiés ou invalides est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n'impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de sa part, cette demande est, conformément à l'article 6 du règlement n° 3799-86, transmise à la Commission pour que celle-ci statue.

47 Dans ces conditions, l'article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 3799-86 ne saurait être considéré comme restreignant au-delà de ce qui est nécessaire la clause générale d'équité figurant à l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430-79.

48 Il y a lieu dès lors de répondre que l'examen de la question n'a révélé aucun élément de nature à mettre en cause la validité de l'article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 3799-86.

Sur la troisième question

49 Par la troisième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si, lorsque, dans une demande visant en réalité à la remise de droits à l'importation, l'intéressé invoque des faits susceptibles de constituer une situation particulière au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430-79, sans toutefois mentionner expressément cette disposition, cette omission empêche l'autorité douanière nationale d'apprécier la demande au regard de ladite disposition.

50 Le Gouvernement portugais fait valoir à cet égard que l'application de l'article 13 dépend, conformément au paragraphe 2 de cet article dans sa version résultant du règlement n° 3069-86, précité, de la demande formulée et des justifications fournies par l'intéressé. L'autorité douanière ne serait donc pas autorisée à procéder à une requalification de la demande.

51 Cette argumentation ne saurait pas être accueillie.

52 En effet, si l'octroi d'une remise au titre de l'article 13 nécessite l'introduction d'une demande par l'intéressé auprès de l'autorité compétente et si le règlement n° 1430-79 prévoit que les autorités compétentes ne peuvent accorder d'office la remise que dans les cas prévus à l'article 2, ces dispositions n'empêchent pas ces autorités de s'assurer, dans tous les cas, que les circonstances alléguées ne relèvent pas de l'une quelconque des hypothèses visées par la réglementation en cause.

53 Il est vrai que les articles 5, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, du règlement n° 3799-86, relatifs aux compétences des autorités nationales et de la Commission pour apprécier les demandes de remise ou de remboursement, se réfèrent, respectivement, à "la demande visée à l'article 13, paragraphe 2 du règlement" et à la "demande de remboursement ou de remise au titre [du même article]...". Ces dispositions ne sauraient toutefois être interprétées comme s'opposant à ce que les autorités nationales examinent si les raisons de fait exposées dans toute demande de remise ne correspondent pas à une situation relevant de l'article 13, paragraphe 1, de ce règlement et à ce qu'elles accordent, le cas échéant, la remise des droits à l'importation en cause.

54 Il convient dès lors de répondre à la troisième question que, lorsque, dans une demande visant en réalité à la remise de droits à l'importation, l'intéressé invoque des faits susceptibles de constituer une situation particulière au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430-79, sans toutefois mentionner expressément cette disposition, cette omission n'empêche pas l'autorité douanière nationale d'apprécier la demande au regard de ladite disposition.

Sur les dépens

55 Les frais exposés par le Gouvernement portugais et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (troisième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal Tributário de Segunda Instância, par ordonnance du 19 janvier 1993, dit pour droit:

1) La décision de l'autorité douanière nationale, prise en application de l'article 7, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1574-80 de la Commission, du 20 juin 1980, fixant les dispositions d'application des articles 16 et 17 du règlement (CEE) n° 1430-79 du Conseil, porte directement sur l'obligation d'une personne physique ou morale de payer le montant des droits à l'importation applicables en vertu des dispositions en vigueur aux marchandises passibles de tels droits. Il appartient à la juridiction nationale de tirer les conséquences de cette constatation en vue de déterminer sa compétence en la matière.

2) La notion de "droits qui n'ont pas encore été acquittés", figurant à l'article 1er, paragraphe 2, sous d), du règlement (CEE) n° 1430-79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l'importation ou à l'exportation, ne se réfère pas uniquement à des droits dont le paiement a été différé.

3) L'examen de la quatrième question n'a révélé aucun élément de nature à mettre en cause la validité de l'article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement (CEE) n° 3799-86 de la Commission, du 12 décembre 1986, fixant les dispositions d'application des articles 4 bis, 6 bis, 11 bis et 13 du règlement (CEE) n° 1430-79 du Conseil.

4) Lorsque, dans une demande visant en réalité à la remise de droits à l'importation, l'intéressé invoque des faits susceptibles de constituer une situation particulière au sens de l'article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1430-79, précité, sans toutefois mentionner expressément cette disposition, cette omission n'empêche pas l'autorité douanière nationale d'apprécier la demande au regard de ladite disposition.