CJCE, 5e ch., 2 mai 1996, n° C-253/95
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République fédérale d'Allemagne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Edward
Juges :
MM. Puissochet, Jann (rapporteur), Sevón, Wathelet
Avocat général :
M. La Pergola.
LA COUR (cinquième chambre),
1 Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 20 juillet 1995, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE, un recours visant à faire constater que, en n'adoptant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 92-50-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1, ci-après la "directive"), et, subsidiairement, en ne l'informant pas immédiatement des mesures prises, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l'article 189, troisième alinéa, du traité CE et de l'article 44, paragraphe 1, de ladite directive.
2 Selon l'article 44, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive avant le 1er juillet 1993 et en informer immédiatement la Commission.
3 N'ayant pas reçu communication des dispositions adoptées par la République fédérale d'Allemagne pour se conformer à la directive, la Commission a, le 9 août 1993, mis le gouvernement allemand en demeure de présenter ses observations dans un délai de deux mois.
4 Le 5 novembre 1993, le gouvernement allemand a fait savoir à la Commission que les travaux de transposition de la directive étaient en cours et a joint à sa réponse le projet de la deuxième loi portant modification du Haushaltsgrundsaetzegesetz (loi-cadre sur le budget). Le 27 décembre 1993, la Commission a été informée que cette loi avait été votée le 26 novembre 1993. Ce texte, qui, selon le gouvernement allemand, visait à transposer toutes les directives existant dans le domaine des marchés publics, devait entrer en vigueur le 1er janvier 1994.
5 Le 7 février 1994, le gouvernement allemand a par ailleurs transmis à la Commission deux projets de règlements portant application de la loi-cadre sur le budget.
6 Enfin, le 7 avril 1994, sur demande de la Commission, la République fédérale d'Allemagne a adressé à cette dernière le texte définitif de la Verordnung ueber die Vergabebestimmungen fuer oeffentliche Auftraege (règlement relatif aux passations de marchés publics) ainsi que celui de la Verordnung ueber das Nachpruefungsverfahren fuer oeffentliche Auftraege (règlement sur la vérification). Ces deux règlements étaient entrés en vigueur le 1er mars 1994.
7 L'examen de ces dispositions ayant révélé que les mesures nécessaires pour garantir l'application de la directive sur les marchés publics de services n'avaient pas été prises, la Commission a, le 4 août 1994, adressé au gouvernement allemand un avis motivé l'invitant à prendre les mesures requises pour s'y conformer dans un délai de deux mois.
8 Par lettre du 29 septembre 1994, le gouvernement allemand a fait valoir que le règlement relatif aux passations de marchés publics, pris sur la base de la deuxième loi portant modification de la loi-cadre sur le budget, qui visait à transposer toutes les directives de la Communauté européenne dans le domaine de la passation des marchés publics, était entré en vigueur le 1er mars 1994 pour les marchés de fournitures et de travaux, et que la procédure législative visant à l'étendre aux marchés de services était en cours. Le gouvernement allemand s'est en outre engagé à transmettre à la Commission le règlement modifié immédiatement après son adoption.
9 N'ayant reçu aucune autre information, la Commission a intenté le présent recours.
10 Le gouvernement allemand ne conteste pas le manquement. Il fait toutefois valoir que, immédiatement après l'expiration du délai de transposition de la directive, le ministère fédéral de l'Économie a signalé aux pouvoirs adjudicateurs en cause que, à compter du 1er juillet 1993, elle était directement applicable à la passation des marchés de services.
11 Le gouvernement allemand ajoute que les travaux visant à apporter les modifications législatives nécessaires pour la transposition de la directive sont en cours. Il invoque à cet égard le projet de modification de la Verdingungsordnung fuer Leistungen (régime applicable à la passation des marchés de livraison) ainsi que le projet visant à remplacer la Verdingungsordnung fuer die Vergabe freiberuflicher Leistungen (régime applicable à la passation des marchés portant sur les services des professions libérales). De même, un projet de modification du règlement relatif aux passations de marchés publics qui confère aux deux régimes précités la qualité de règles juridiques contraignantes serait sur le point d'être soumis au gouvernement fédéral. L'approbation des Laender n'aurait toutefois pas encore été recueillie.
12 En premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre interne pour justifier l'inobservation des obligations et délais prescrits par une directive (voir, notamment, arrêt du 6 juillet 1995, Commission/Grèce, C-259-94, Rec. p. I-1947, point 5).
13 En second lieu, il découle de l'article 189, troisième alinéa, du traité que l'exécution des directives communautaires doit être assurée par des mesures d'application appropriées, prises par les États membres. Ce n'est que dans des circonstances particulières, notamment dans le cas où un État membre a omis de prendre les mesures d'exécution requises, ou adopté des mesures non conformes à une directive, que la Cour a reconnu le droit, pour les justiciables, d'invoquer en justice une directive à l'encontre d'un État membre défaillant. Cette garantie minimale, découlant du caractère contraignant de l'obligation imposée aux États membres par l'effet des directives, en vertu de l'article 189, troisième alinéa du traité, ne saurait servir de justification à un État membre pour se dispenser de prendre, en temps utile, des mesures adéquates à l'objet de chaque directive (voir, notamment, arrêt du 11 août 1995, Commission/Allemagne, C-433-93, Rec. p. I-2303, point 24). L'argument du gouvernement allemand tiré de l'effet direct de la directive ne peut donc pas non plus être accueilli.
14 La transposition de la directive n'ayant pas été réalisée dans le délai fixé, il y a lieu de considérer comme fondé le recours intenté à cet égard par la Commission.
15 Il convient, par conséquent, de constater que, en n'adoptant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de son article 44, paragraphe 1.
Sur les dépens
16 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission a conclu à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne aux dépens. Celle-ci ayant succombé en sa défense, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
Déclare et arrête:
1) En n'adoptant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 92-50-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 44, paragraphe 1, de ladite directive.
2) La République fédérale d'Allemagne est condamnée aux dépens.