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Décisions

CA Besançon, ch. corr., 23 novembre 2000, n° 978

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Franche-comté consommateurs, UFCB

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Waultier (Conseiller faisant fonction de)

Substitut général :

M. Bonin

Conseillers :

MM. Perron, Colson

Avocats :

Mes Saget, Jechoux, Party, Chas

TGI Besançon, ch. corr., du 14 janv. 200…

14 janvier 2000

LA COUR,

Par déclarations en date du 20 janvier 2000, 24 janvier 2000 et 26 janvier 2000 M. V Jean-Pierre, le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Besançon, Mme Lacroix, Mme Menga, ont régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 14 janvier 2000 par le Tribunal correctionnel de Besançon qui a :

Sur l'action pénale :

Déclaré M. V Jean-Pierre à la peine d'amende de 80 000 F,

Ordonné aux frais du condamné la publication par extrait de la présente décision dans l'Est Républicain,

Dit que le coût de ces publications ne devra pas dépasser la somme de 2 500 F.

Sur l'action civile :

Reçu Mmes Menga Christine, Lacroix Michèle, l'Association Franche-Comté Consommateurs, UFCB en leurs constitutions de parties civiles,

Déclaré M. V Jean-Pierre responsable du préjudice subi par Mmes Menga Christine, Lacroix Michèle, Association Franche-Comté Consommateurs et l'UFCB,

Condamné M. V Jean-Pierre à payer à :

- Mme Menga la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts,

- Mme Lacroix la somme de 2 000 F à titre de dommages-intérêts, et 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- l'Association Franche-Comté Consommateurs la somme de 2 000 F à titre de dommages-intérêts, et 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- l'UFCB la somme de 2 000 F à titre de dommages-intérêts et la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

1° - Procédure et prétentions des parties

Régulièrement cité à personne, présent et assisté de son avocat, M. V conteste les faits reprochés et sollicite sa relaxe.

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement,

L'association Franche-Comté Consommateurs régulièrement citée à personne, représentée par son avocat, sollicite la confirmation de la décision déférée et l'allocation de la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

L'UFCB, régulièrement citée à personne, représentée par son avocat, sollicite la confirmation de la décision déférée et l'allocation de la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

Mme Michèle Lacroix, appelante, régulièrement citée à personne, représentée par son avocat, demande la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts, celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et d'ordonner l'exécution provisoire,

Mme Christine Menga, appelante, régulièrement citée à personne, représentées par son avocat, demande la somme de 329 500 F à titre de dommages-intérêts.

2° - Prévention

V Jean-Pierre est prévenu d'avoir à :

- Besançon, courant 1997 et 1998, effectué une publicité d'un bien ou d un service comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'envoi prochain d'un chèque de 69 500 F, sur la mystérieuse gagnante de 100 000 F dans le Doubs, en l'espèce la victime, Mme Menga Christine, sur la réception d'un chèque de 80 000 F en cas de détention du Code 4447, sur la détention d'un titre spécial gagnant n° 125797 ouvrant droit à 80 000 F de gain,

Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1, L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation,

- Poulley les Vignes, courant mai 1997, effectué une publicité d'un bien ou d'un service comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'existence d'un bulletin unique gagnant ouvrant droit à un gain de 20 000 F,

Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1, L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

3° - Discussion

Sur l'action publique

Le 16 février 1998, Mme Michèle Lacroix portait plainte pour publicité mensongère à l'encontre de la société X. Elle expliquait qu'elle avait reçu au mois de mai 1997 une publicité de la société X, mentionnant qu'elle avait gagné la somme de 20 000 F si elle avait les 6 bons numéros et le bulletin unique gagnant.

Ayant ces 6 numéros et le bulletin, Mme Lacroix déclarait qu'elle avait pensé avoir gagné et avoir demandé son gain, mais précisait-elle la société X l'avait informée que tel n'était pas le cas, que le bulletin unique gagnant comportait en effet, la mention "bulletin de jeu à la supercagnotte de printemps 97" et non la simple mention "bulletin de jeu" figurant sur le bulletin de Mme Lacroix.

Mme Lacroix faisait observer que c'était un "moyen subtil de tromper les gens".

De la même manière, Mme Christine Menga qui avait reçu de cette même société des courriers et des publicités, aux termes desquels, elle avait pensé avoir gagné des sommes substantielles (69 500 F, 100 000 F, 35 000 F) déposait également plainte pour publicité mensongère.

M. V, Président Directeur Général de la société Z était entendu. Il précisait que la société X était une société de vente par correspondance de produits diététiques et de compléments alimentaires, et indiquait qu'il respectait les règles du Code de la consommation, que tous les jeux de X fonctionnaient selon la règle du prétirage ; que celui-ci était effectué par un huissier qui tirait au sort parmi tous les documents expédiés, et avant le dépôt postal de ceux-ci ; le ou les numéros gagnants uniques du prix ; que cet huissier était chargé personnellement de poster le numéro gagnant, pour s'assurer que le gagnant potentiel recevait bien ce document, pour participer dans les délais au jeu et recevoir son prix.

M. V faisait observer que les critères de rédaction de ces jeux devaient être attractifs, mais être suffisamment clairs pour être compris par des consommateurs dotés d'une intelligence et d'une capacité de compréhension moyenne ; que compte-tenu de l'usage extrêmement développé de ces jeux, un tel consommateur ne pouvait décemment ignorer le caractère aléatoire du gain et qu'il lui suffisait de lire le règlement qui figurait in extenso dans les documents publicitaires pour connaître les conditions du jeu.

M. V estimait que la demande du consommateur qui isolait des mots ou des expressions n'était pas saine, et observait que le fait que Mme Menga ait patiemment accumulé sur plusieurs mois 6 jeux différents représentant 8 versions démontrait le côté calculateur de cette dame qui tentait d'utiliser la justice pour arriver à ses fins.

Enfin, M. V précisait en apportant des documents en ce sens, qu'il y avait des gagnants, et que les sommes non versées étaient remises en jeu ou données à une association reconnue d'utilité publique.

A l'audience correctionnelle, M. V a précisé que sa société allait au de là de la loi Neiertz, en appelant l'attention du consommateur par la mention "lisez attentivement", figurant sur un document qui lui était envoyé.

Sur ce

L'article L. 121-1 du Code de la consommation prévoit qu'est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur l'existence d'un bien qui fait l'objet d'une publicité.

S'agissant du cas particulier des loteries publicitaires, dont l'existence est reconnue par la loi, (article L. 121-36 du Code de la consommation), il est manifeste que si le principe de la relation commerciale peut comporter une démarche séductrice de la part du vendeur, l'habilité rédactionnelle, la force de persuasion du message publicitaire ne doivent pas, pour autant, induire en erreur un client normalement attentif et avisé, sur le contenu exact de la publicité qui lui est adressée, ni circonvenu sa vigilance, en recourant à des procédés contestables et trompeurs.

Au cas particulier, s'agissant des jeux visés dans les deux préventions, M. V allègue que l'envoi des documents publicitaires, qui comporte le règlement du jeu, au verso même du message publicitaire, et un avertissement "à lire attentivement" qui permet au consommateur de comprendre la règle du jeu, et de réaliser que le gain reste hypothétique, mais force est de constater que ces documents n'enlèvent pas au message publicitaire incriminé son caractère mensonger.

Le règlement et l'avertissement visent bien en effet "le gagnant potentiel", mais le message qui est adressé, nominativement à un consommateur est ni clair et affirmatif.

Ainsi, concernant le jeu opération "Trésor Royal" version tampon gagnant", il est indiqué "c'est une certitude à 100 % vérifiée, Mme Menga recevra un chèque de 65 000 F, directement chez elle en recommandé".

A la lecture d'une tel message, Mme Menga pouvait en conséquence penser qu'elle n'était pas une gagnante potentielle, mais la gagnante du jeu.

Il en est de même pour le jeu "Allocation spéciale 100 000 F" version "département gagnant" qui laisse apparaître les phrases suivantes : "nous avons enfin trouvé la mystérieuse gagnante des 100 000 F dans le Doubs, il s'agit de Mme Christine Menga et plus loin "ce n'est pas une plaisanterie ! Vous aviez bien été sélectionnée lors d'une de nos remises de prix et le cas échéant nous allons avoir besoin de votre photo ! ... et, "nous attendons la remise du chèque pour prendre la photo !"

Les termes employés ne laissent pas place au doute, et Mme Menga a été induite en erreur par ces affirmations.

Les mêmes indications trompeuses sont employées dans le jeu "opération l'année en fête" version "titre spécial 125797" à l'occasion de laquelle Mme Menga a reçu un message publicitaire l'informant "qu'elle était sûre de recevoir un chèque de 80 000 F en retournant sans attendre le "titre spécial n° 1257987" déclaré gagnant par l'huissier, et que la société X avait le plaisir de lui confirmer officiellement cette information.

Enfin les mêmes informations peuvent être faites pour la seconde infraction reprochée à M. V, s'agissant du jeu "opération super cagnotte" dont la victime est Mme L-GAY.

Le message qu'elle a reçu est également trompeur, par ses fausses allégations, sur la recherche à Pouilley les Vignes, de la gagnante des 20 000 F, qui possède le bulletin unique et les bons numéros.

La décision des premiers juges sera donc confirmée sur la culpabilité.

Quant à la peine, compte tenu d'une précédente condamnation pour des faits similaires en 1995, il y a lieu de l'aggraver.

Sur l'action civile

Le préjudice de Franche-Comté Consommateurs et de l'UFCB a été parfaitement déterminé par les premiers juges dès lors la cour confirme la décision déférée, et alloue à Franche-Comté Consommateurs et à Y la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le préjudice de Mme Lacroix, au vu des justificatifs produits, doit être évalué à la somme de 5 000 F, dès lors la cour réforme la décision en ce sens et alloue en outre à Mme L la somme de 4 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le préjudice de Mme Menga, au vu des justificatifs produits, doit être évalué à la somme de 15 000 F ; dès lors la cour réforme la décision en ce sens et accorde à Mme M l'aide juridictionnelle provisoire.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Déclare les appels recevables, Sur l'action publique Confirme le jugement sur la déclaration de culpabilité et sur la publication, Mais le réformant sur l'application de la loi, condamne M. V à la peine de cent mille F (100 000 F) d'amende, Constate que Jean-Pierre V est redevable d'un droit fixe de procédure de huit cents F (800 F) auquel est assujetti le présent arrêt Sur l'action civile Confirme le jugement déféré pour l'Association Franche-Comté Consommateurs et l'UFCB, y ajoutant, condamne M. V Jean-Pierre à payer à l'Association Franche-Comté Consommateurs la somme de mille cinq cents F (1 500 F) et à l'UFCB la somme de mille cinq cents F (1 500 F) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Réformant la décision déférée, Condamne M. V Jean-Pierre à payer à Mme Lacroix la somme de cinq mille F (5 000 F) à titre de dommages-intérêts outre celle de quatre mille F (4 000 F) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, tant de première instance que d'appel, Condamne M. V Jean-Pierre à payer à Mme Menga la somme de quinze mille F (15 000 F) à titre de dommages-intérêts, Accorde à Mme Menga l'aide juridictionnelle provisoire, Condamne M. V Jean-Pierre aux dépens de l'instance civile.