Cass. com., 7 février 1995, n° 93-12.940
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Boudier (Epoux)
Défendeur :
SCI Le Saint-Jeantais (Sté), Hôtel Saint-Jeantais (SARL), Roquetaillade
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Lacan
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
Mes Vincent, Hemery
LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Montpellier, 4 janvier 1993) que, par acte du 4 juillet 1988, les époux Boudier ont vendu à la société à responsabilité limitée "Hôtel Saint-Jeantais" un fonds de commerce d'hôtel-restaurant et, par acte séparé du même jour, à la société civile immobilière "Le Saint-Jeantais" l'immeuble où ce fonds était exploité ; qu'invoquant un avis de la Commission de sécurité postérieurement aux cessions, proposant la fermeture des deuxième et troisième étages de l'hôtel et subordonnant la poursuite de l'exploitation du reste de l'établissement à l'exécution, sous délai déterminé, d'un certain nombre de travaux de réfection et d'amélioration, les sociétés acquéreurs ont assigné les époux Boudier en résolution de ces ventes ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que les époux Boudier reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les établissements recevant du public, appartenant à la 5e catégorie définie par l'article R. 123-19 du Code de la construction et de l'habitation, ne sont pas soumis à autorisation d'ouverture ; que la cour d'appel qui a énoncé que la fermeture des deuxième et troisième étage de l'hôtel vendu par M. et Mme Boudier avait été ordonnée, en se fondant sur l'avis de la Commission de sécurité, tout en constatant que l'établissement relevait de la 5e catégorie, a méconnu la portée de l'avis de la commission, et a violé l'article R. 123-45 du Code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1641 du Code civil ; alors, d'autre part, que les époux Boudier avaient fait valoir que le montant des travaux invoqués par les acquéreurs était sans rapport avec les prescriptions de la Commission de sécurité et avec la valeur du fonds de commerce ; et que le maire avait envisagé des aides publiques ; que la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur la contestation relative au coût réel des travaux nécessaires, a violé l'article 455 du Code civil ; alors, de plus, que les juges ne doivent pas dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui leur sont soumis ; que la lettre adressée le 11 janvier 1982 par M. Boudier à M. Brousse, alors propriétaire des murs, fait état de la nécessité de faire réaliser des travaux évalués à 210 000 francs, parmi lesquels sont compris des travaux de réfection de toitures, étrangers au litige, ainsi que des travaux concernant la cuisine, qui ont été réalisés ; que la cour d'appel, qui a retenu que les travaux de conformité étaient évalués, selon les écrits de M. Boudier en 1982, à la somme de 210 000 francs, a dénaturé la lettre de M. Boudier du 11 janvier 1982 ; et alors, enfin, que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; que la cour d'appel, pour retenir l'existence d'un vice caché, s'est fondée sur l'importance des travaux de conformité à réaliser dans l'hôtel restaurant, dont la Commission de sécurité avait admis la conformité du restaurant au rez-de-chaussée et du premier étage, en prescrivant la fermeture des deuxième et troisième étage ; que la cour d'appel qui n'a pas recherché si, compte tenu des chiffres d'affaires et bénéfices annoncés lors de la vente du fonds de commerce, cette restriction d'usage était déterminante du consentement des acquéreurs, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil ;
Mais attendu que, dès lors qu'il retenait qu'eu égard à l'importance des travaux de mise en conformité préconisés par la Commission de sécurité et qui étaient indispensables à l'ouverture de l'établissement au public, le défaut dont l'immeuble était affecté le rendait impropre à sa destination, l'arrêt n'avait pas à rechercher si un tel vice avait été déterminant dans le consentement des acquéreurs, pour décider que les vendeurs seraient tenus à garantie ; qu'ainsi, hors toute dénaturation, sans avoir à répondre aux parties dans le détail de leur argumentation et abstraction faite du motif surabondant relatif aux prérogatives de la Commission de sécurité, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que les époux Boudier reprochent encore à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'acquéreur qui n'est pas en mesure de restituer la chose ne peut exercer l'action estimatoire ni demander la résolution de la vente ; que la cour d'appel qui a prononcé la résolution des ventes de l'immeuble et du fonds de commerce, sans rechercher si la restitution du fonds de commerce n'était pas impossible, du fait de l'abandon total au vendeur, en l'absence de mesure d'interdiction et, en tout état de cause, malgré la possibilité d'exploiter le restaurant et une partie de l'hôtel, et sans s'expliquer sur les dégradations causées aux biens immobiliers du fait de l'absence de précaution de l'acquéreur contre le gel, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et privé sa décision de base légale au regard des articles 1644 et 1647 du Code civil ; et alors, d'autre part, que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que la cour d'appel, qui a accueilli l'action en résolution engagée par les acquéreurs, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'ils n'avaient pas voulu interrompre l'exploitation de l'établissement peu rentable, compte tenu de leur incompétence, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'en l'état où les biens litigieux avaient été vendus, le fonds de commerce ne pouvait être exploité sans que soient réalisés les travaux de mise en conformité préconisés par la Commission de sécurité, la cour d'appel en a déduit que le fait pour les acquéreurs d'avoir cessé l'exploitation et quitté les lieux résultait directement du vice dont ce fonds était affecté ; qu'elle a ainsi écarté les conclusions des vendeurs, qui invoquaient la mauvaise foi de leur cocontractants, et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.