CJCE, 27 mars 1980, n° 61-79
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Amministrazione delle finanze dello Stato
Défendeur :
Denkavit italiana Srl
LA COUR,
1. Par ordonnance du 1 mars 1979 parvenue au greffe de la Cour le 13 avril suivant, le Tribunale civile e penale di Milano a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions relatives à l'interprétation des articles 13, paragraphe 2, et 92 du traité CEE en relation avec le droit pour les contribuables à obtenir la restitution de taxes nationales incompatibles avec le droit communautaire qu'ils auraient précédemment acquittées.
2. Ces questions sont libellées comme suit :
"a) la restitution des sommes perçues à titre de droits de douane (en l'espèce droits de visite sanitaire) avant qu'elles soient qualifiées par les institutions communautaires de taxes d'effet équivalant à des droits de douane et dont la charge a déjà été en son temps transférée aux acheteurs des produits importés est-elle compatible avec la réglementation communautaire, et en particulier avec la ratio même des articles 13, paragraphe 2, et 92 du traité CEE?
b) la réglementation communautaire et en particulier les articles 13, paragraphe 2, et 92 du traité CEE s'opposent-ils à ce que l'interdiction et l'abolition des taxes d'effet équivalant à des droits de douane fassent naître pour les particuliers le droit de demander la restitution des sommes qu'ils ont indûment payées à l'Etat et que, réciproquement, celui-ci a illégalement perçues à titre de taxes d'effet équivalent, après que le droit communautaire a aboli ces taxes, mais avant que les institutions communautaires les aient qualifiées de taxes d'effet équivalant à des droits de douane?"
3. Elles ont été posées à l'occasion d'un litige, introduit en 1978 et opposant la firme Denkavit Italiana à l'administration italienne des finances à propos d'un montant de 2 783 140 LIT payé par cette firme entre 1971 et 1974 à titre des taxes de visite sanitaire, conformément à l'article 32 du Testo Unico n° 1265 du 27 juillet 1934 relatif aux lois sanitaires (suppl. Ord. Alla gazz. Uff. , 9. 8. 1934, n° 186).
4. Elles concernent, en substance, l'existence et la portée de l'obligation pour les Etats membres qui ont perçu des taxes ou redevances nationales, reconnues par la suite incompatible avec le droit communautaire, de les restituer à la demande du contribuable.
5. Dans ses observations écrites, le Gouvernement italien souligne les graves inconvénients financiers qui résulteraient pour les Etats membres de l'obligation de rembourser aux opérateurs économiques des taxes et redevances nationales, perçues et acquittées dans la conviction commune qu'elles étaient conformes au droit communautaire, lorsque, après un délai parfois de plusieurs années, une interprétation du droit communautaire donnée par la Cour de justice dans le cadre de l'article 177 du traité révélerait aux autorités et aux juridictions nationales une incompatibilité qui n'était pas évidente et les amènerait, en vertu de la primauté du droit communautaire, à refuser l'application des dispositions nationales en cause.
6. Il en serait particulièrement ainsi en ce qui concerne un grand nombre de taxes - notamment de contrôle sanitaire - perçues aux frontières, dont l'effet équivalant à celui d'un droit de douane interdit par le traité ne serait apparu que progressivement dans le cadre de l'interprétation donnée par la Cour de justice à cette notion. La Commission elle-même se serait rendu compte de ce qu'il fallait des délais sensiblement plus longs que ceux originairement prévus - à savoir la fin de la période transitoire - pour déceler plus de 500 types de redevances et déterminer si elles avaient ou non le caractère de taxes d'effet équivalant à des droits de douane.
7. Le Gouvernement italien insiste également sur les différences notables qui existent d'un Etat membre à l'autre en ce qui concerne les conditions dans lesquelles des actions tendant à contester des impositions irrégulièrement réclamées ou perçues, ou à récupérer des impôts indûment payés peuvent être exercées. Ces différences seraient telles qu'elles entraîneraient à leur tour, au détriment des opérateurs économiques, " une situation de déséquilibre " tout à fait analogue à celle qui avait été créée par la perception indue.
8. Le Gouvernement italien observe enfin que les taxes indûment perçues ont, en vertu de leur nature même, été répercutées dans les prix par les opérateurs économiques qui les ont acquittées, de sorte qu'elles ont en fin de compte été supportées par les consommateurs finals. Les rembourser aux opérateurs économiques constituerait un enrichissement injustifié et se traduirait en fait par une aide.
9. Ces considérations conduisent le Gouvernement italien à la conclusion qu'il y a lieu de reconnaître l'existence d'un principe général de droit communautaire, selon lequel la restitution de sommes perçues au titre de droits reconnus comme ayant un effet équivalant à des droits de douane ne peut être admise que pour des montants qui sont perçus postérieurement à l'arrêt de la Cour de justice qui a qualifié le type de taxe en question comme constituant une taxe d'effet équivalent. La nécessité d'un principe de cette nature aurait d'ailleurs été reconnue par la Cour de justice dans son arrêt du 8 avril 1976 (aff. 43-75, Defrenne/Sabena, recueil 1975, p. 455), et il conduirait à considérer que le droit du particulier de ne pas payer la taxe d'effet équivalent et l'obligation pour l'Etat défaillant de restituer celle-ci après qu'elle a été perçue ne correspondent pas nécessairement.
10. Selon Denkavit Italiana par contre, l'effet direct de l'interdiction de percevoir des taxes d'effet équivalant à des droits de douane édictée par l'article 13, paragraphe 2, du traité impliquerait que cet effet se réalise, avec les droits qui en découlent pour les particuliers, à compter de la date qui était prévue dans cette disposition pour l'abolition de ces taxes, quel que soit par ailleurs le moment ou l'incompatibilité de la taxe concernée avec le droit communautaire est ou a été judiciairement constatée, que ce soit par la Cour de justice dans le cadre d'une procédure de manquement d'Etat au sens de l'article 169 du traité ou par les juridictions nationales à la suite d'une interprétation dans le cadre de l'article 177 de la portée de la disposition communautaire en cause.
Cet effet direct impliquerait même des conséquences plus radicales, en ce sens que toute disposition du droit national qui exclurait ou limiterait l'exercice en justice des droits que les justiciables tiennent des dispositions du droit communautaire directement applicables devrait être elle-même considérée comme incompatible avec la disposition communautaire concernée.
11. Les questions posées, qui sont étroitement liées entre elles, concernent la portée de deux dispositions du traité : l'article 13, paragraphe 2, et l'article 92. Elles visent à savoir quel est l'effet de ces dispositions sur le droit des justiciables de réclamer le remboursement de taxes nationales et sur l'obligation corrélative de l'Etat membre de les rembourser dans l'hypothèse ou seraient réalisées ensemble ou séparément deux conditions précisées par la juridiction nationale à savoir : a) lorsque le caractère de taxe d'effet équivalant à des droits de douane à l'importation de ces taxes nationales et, par conséquent, leur incompatibilité avec l'interdiction de l'article 13, paragraphe 2, n'ont été constatés, après la fin de la période transitoire, qu'à la suite d'une interprétation donnée par la Cour de justice dans le cadre de l'article 177 du traité ; b) lorsque l'opérateur économique qui a acquitté lesdites taxes a transféré la charge de celles-ci aux acheteurs des produits importés.
12. Avant d'examiner la réponse qu'il y a lieu de donner aux questions posées, il convient d'observer que l'incompatibilité d'une taxe nationale déterminée avec le droit communautaire et l'interdiction corrélative de la percevoir dans un cas particulier n'est pas édictée par la Cour de justice statuant en vertu de l'article 177 du traité CEE. Dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée par cette disposition, c'est aux juridictions nationales qu'il appartient, en appliquant la règle fondamentale de la primauté du droit communautaire, d'assurer, à l'occasion des litiges dont les intéressés les saisissent, la sauvegarde des droits que les justiciables tirent, en vertu du traité même, de l'effet direct de l'interdiction des taxes d'effet équivalant à des droits de douane. C'est compte tenu de cette circonstance qu'il y a lieu de répondre aux questions posées.
En ce qui concerne l'article 13, paragraphe 2, du traité
13. L'article 13, paragraphe 2, du traité dispose que " les taxes d'effet équivalant à des droits de douane à l'importation, en vigueur entre les Etats membres, sont progressivement supprimées par eux au cours de la période de transition. La Commission fixe, par voie de directives, le rythme de cette suppression. Elle s'inspire des règles prévues à l'article 14, paragraphes 2 et 3, ainsi que des directives arrêtées par le Conseil en application de ce paragraphe 2'.
14. Selon une jurisprudence constante de la Cour exprimée notamment dans ses arrêts du 19 juin 1973 (aff. 77-72, Capolongo, recueil 1973, p. 611), du 18 juin 1975 (aff. 94-74, Igav, recueil 1975, p. 699) et du 5 février 1976 (aff. 87-75, Bresciani, recueil 1976, p. 129), l'article 13, paragraphe 2, comporte, au plus tard à partir de la fin de la période de transition, c'est-à-dire à partir du 1 janvier 1970, en ce qui concerne l'ensemble des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, une interdiction précise et inconditionnelle de percevoir lesdites taxes, de sorte que cette disposition se prête parfaitement, par sa nature même, à produire des effets directs dans les relations juridiques entre les Etats membres et leurs justiciables. Ainsi que la Cour l'a déclaré dans son arrêt du 9 mars 1978 (aff. 106-77, administration des finances/Simmenthal, recueil 1978, p. 643), les règles du droit communautaire doivent déployer la plénitude de leurs effets d'une manière uniforme dans tous les Etats membres à partir de leur entrée en vigueur et pendant toute la durée de leur validité.
15. L'article 177 du traité dispose que la Cour de justice est compétente pour statuer à titre préjudiciel, notamment sur l'interprétation du traité et des actes pris par les institutions. Cette compétence a pour objet d'assurer une interprétation et une application uniformes du droit communautaire, et en particulier des dispositions ayant effet direct par les juridictions nationales.
16. L'interprétation que, dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 177, la Cour de justice donne d'une règle du droit communautaire, éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle, telle qu'elle doit ou aurait du être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite règle se trouvent réunies.
17. Ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour de justice, ainsi qu'elle l'a reconnu dans son arrêt du 8 avril 1976 (aff. 43-75, Defrenne/Sabena, recueil 1976, p. 455), pourrait, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, en tenant compte des troubles graves que son arrêt pourrait entraîner pour le passé dans les relations juridiques établies de bonne foi, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer la disposition ainsi interprétée en vue de remettre en cause ces relations juridiques.
18. Pareille limitation ne saurait toutefois être admise que dans l'arrêt même qui statue sur l'interprétation sollicitée. L'exigence fondamentale d'une application uniforme et générale du droit communautaire implique qu'il appartient à la seule Cour de justice de décider des limitations intratemporelles à apporter à l'interprétation qu'elle donne.
19. Les conditions nécessaires pour de telles limitations ne sont pas réunies lorsque le litige dont est saisie la juridiction nationale résulte de l'interdiction de percevoir des taxes nationales d'effet équivalant à des droits de douane à l'importation, alors que la portée générale de cette interdiction et son caractère absolu avaient été reconnus par la Cour de justice des 1962, c'est-à-dire avant la fin de la période de transition, dans son arrêt du 14 décembre 1962 (aff. Jtes 2 et 3-62, Commission/Grand-Duche de Luxembourg et Royaume de Belgique, recueil 1962, p. 814). Dans cet arrêt, la Cour a déclaré que " la notion de taxe d'effet équivalant à un droit de douane, loin d'apparaître comme une exception à la règle générale d'interdiction des droits de douane, se présente, au contraire, comme son complément nécessaire, permettant de rendre efficace cette interdiction ".
20. De même, dans son arrêt du 16 juin 1966 (aff. Jtes 52-55-65 République fédérale d'Allemagne/Commission, recueil 1966, p. 227), la Cour a écarté l'argument que des redevances administratives constituant la contrepartie d'une prestation particulière de l'administration pourrait échapper à la notion de taxe d'effet équivalent. Dans son arrêt du 10 décembre 1968 (aff. 7-68, Commission/République italienne, recueil 1968, p. 617), la Cour a confirmé cette même interprétation à propos des taxes sur des œuvres d'art italiennes et, dans son arrêt du 1 juillet 1969 (aff. 24-68, Commission/République italienne, recueil 1969 p. 193), à propos de droits de statistique. Enfin, dans son arrêt du même jour (aff. Jtes 2-3-69, Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders, recueil 1969, p. 211), la Cour a déclaré que la notion de taxe d'effet équivalent visée aux articles 9 et 12 du traité CEE comprend toute charge pécuniaire, autre qu'un droit de douane proprement dit, frappant en raison du franchissement de la frontière les marchandises circulant à l'intérieur de la Communauté, pour autant qu'elle n'est pas admise par des dispositions spécifiques du traité, sans qu'il y ait lieu par ailleurs de tenir compte de ce que la redevance en question avait des objectifs caractérisés de sécurité sociale.
21. Il résulte de cette jurisprudence constante que tant les Etats membres que les opérateurs économiques intéressés étaient, dès avant la fin de la période de transition, c'est-à-dire des avant le moment ou l'interdiction aurait, en vertu de l'article 13, paragraphe 2, du traité CEE, un effet général et inconditionnel, suffisamment informés de la portée de cette interdiction pour qu'il n'y ait pas lieu d'en restreindre la portée, en tout cas pour la période postérieure au 1 janvier 1970.
22. Il importe toutefois d'observer que, lorsque la conséquence d'une règle de droit communautaire - tel l'article 13, paragraphe 2, du traité - est d'interdire, avec les effets ci-dessus décrits, la perception de taxes ou redevances nationales, la garantie des droits que l'effet direct de pareille interdiction accordé aux justiciables n'exige pas nécessairement une règle uniforme et commune aux Etats membres des conditions de forme et de fond à l'observation desquelles la contestation ou la récupération de ces taxes est subordonnée.
23. Il ressort d'un rapprochement comparatif des systèmes nationaux que le problème de la contestation de taxes illégalement réclamées ou de la restitution de taxes indûment payées est résolu de différentes manières dans les divers Etats membres et même, à l'intérieur d'un même état, selon les divers types d'impôts et taxes en cause. Dans certains cas, les contestations ou demandes de ce genre sont soumises par la loi à des conditions précises de forme et de délai en ce qui concerne tant les réclamations adressées à l'administration fiscale que les recours juridictionnels. C'est en vue du fonctionnement de tels mécanismes de recours que, dans ses arrêts Rewe et Comet du 16 décembre 1976 (affaires 33 et 45-76, recueil 1976, p. 1989 et 2043), la Cour a reconnu la compatibilité avec le droit communautaire de la fixation de délais raisonnables de recours dans l'intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le contribuable et l'administration concernés.
24. Dans d'autres cas, les recours en remboursement de taxes indûment payées doivent être portés devant les juridictions ordinaires, sous forme notamment d'actions pour la restitution de l'indû. Ces recours sont ouverts pendant des délais plus ou moins longs, dans certains cas pendant le délai de prescription de droit commun, de manière que les Etats membres en cause peuvent se trouver devant des réclamations cumulées d'une importance considérable en cas de constatation d'une incompatibilité entre certaines dispositions fiscales nationales et les exigences du droit communautaire.
25. Il résulte des arrêts du 16 décembre 1976 (Rewe et Comet, précités) que, par application du principe de coopération énoncé à l'article 5 du traité CEE, il incombe aux juridictions des Etats membres d'assurer la protection juridique découlant pour les justiciables de l'effet direct des dispositions du droit communautaire. En l'absence de réglementation communautaire en matière de contestation ou de récupération de taxes nationales illégalement réclamées ou indûment perçues, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire, étant entendu que ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne et qu'en aucun cas elles ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder.
26. Il y a lieu de préciser à cet égard que la protection des droits garantis en la matière par l'ordre juridique communautaire n'exige pas d'accorder une restitution de taxes indûment perçues dans des conditions qui entraîneraient un enrichissement injustifié des ayants droit. Rien ne s'oppose donc, du point de vue du droit communautaire, à ce que les juridictions nationales tiennent compte, conformément à leur droit national, du fait que des taxes indûment perçues ont pu être incorporées dans les prix de l'entreprise redevable de la taxe et répercutées sur les acheteurs.
27. Le Gouvernement italien a attiré l'attention sur les limites qui peuvent légitimement être apportées à l'exercice du droit de contester des impositions illégales ou d'en réclamer le remboursement et sur la distinction qui, a cet égard, est faite par les législations nationales entre les conditions relatives au refus de paiement d'un impôt ou à la contestation de sa perception et celles relatives à la récupération d'impositions déjà antérieurement acquittées. Ces considérations doivent toutefois, s'agissant d'impositions nationales et dans l'état actuel du droit communautaire, trouver leur réalisation dans le cadre des législations nationales, compte tenu des limites ci-dessus indiquées.
28. Il y a donc lieu de répondre aux questions relatives à l'interprétation de l'article 13, paragraphe 2 :
A) que l'effet direct de l'article 13, paragraphe 2, du traité implique que les administrations et les juridictions des Etats membres peuvent, depuis la fin de la période de transition, être saisies, selon le cas, de recours dirigés contre des taxes nationales ayant un effet équivalant à des droits de douane ou de demandes de remboursement de telles taxes, même pour la période antérieure au moment où cette qualification résulte d'une interprétation donnée par la Cour de justice dans le cadre de l'article 177 du traité ;
B) qu'il appartient toutefois à l'ordre juridique de chaque Etat membre de déterminer les conditions permettant aux contribuables de contester ces impositions ou d'en réclamer le remboursement, pourvu que ces conditions ne soient pas moins favorables que celles qui concernent des recours semblables de nature interne et qu'elles ne rendent pas pratiquement impossible l'exercice des droits confères par l'ordre juridique communautaire ;
C) que rien ne s'oppose, du point de vue du droit communautaire, à ce que les juridictions nationales tiennent compte, conformément à leur droit national, du fait que des taxes indûment perçues ont pu être incorporées dans les prix de l'entreprise redevable de la taxe et répercutées sur les acheteurs.
En ce qui concerne l'article 92 du traité
29. En visant dans ses questions l'article 92 du traité, la juridiction nationale demande en substance si une récupération par les opérateurs économiques de taxes nationales indûment perçues dans les conditions que cette juridiction a décrites ne devrait pas être considérée comme une aide au sens de l'article 92 du traité et être dès lors incompatible avec le droit communautaire.
30. Selon l'article 92, paragraphe 1, " sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure ou elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ".
31. Cette disposition vise ainsi les décisions des Etats membres par lesquelles ces derniers, en vue de la poursuite d'objectifs économiques et sociaux qui leur sont propres, mettent, par des décisions unilatérales et autonomes à la disposition des entreprises ou d'autres sujets de droit, des ressources ou leur procurent des avantages destinés à favoriser la réalisation des objectifs économiques ou sociaux recherches. Elle ne s'applique pas à une obligation de payer ou de restituer des sommes qui trouve sa cause dans la circonstance que ces sommes n'étaient pas dues par celui qui les a payées. Il en découle qu'un système fiscal national, qui permet à un contribuable de contester ou de réclamer le remboursement d'un impôt, ne constitue pas une aide au sens de l'article 92 du traité. La possibilité ou l'impossibilité de récupérer un impôt à raison de cette circonstance relève en effet des particularités des législations nationales en matière de récupération de l'indû, notamment dans le domaine fiscal.
32. Il y a donc lieu de répondre aux questions relatives à l'interprétation de l'article 92 du traité que l'obligation pour l'administration d'un Etat membre de restituer aux contribuables qui en font la demande, conformément au droit national, des taxes ou redevances qui n'étaient pas dûes à raison de leur incompatibilité avec le droit communautaire, ne constitue pas une aide au sens de l'article 92 du traité CEE.
Sur les dépens
33. Les frais exposés par les Gouvernements danois et italien et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet de remboursement. La procédure revêtant à l'égard des parties au principal le caractère d'un incident soulève devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur les questions a elle soumises par le Tribunale Civile e Penale di Milano, par ordonnance du 1 mars 1979, enregistrée à la Cour le 13 avril 1979, dit pour droit :
1. A) l'effet direct de l'article 13, paragraphe 2, du traité CEE implique que les administrations et les juridictions des Etats membres peuvent, depuis la fin de la période de transition, être saisies, selon le cas, de recours dirigés contre des taxes nationales ayant un effet équivalant à des droits de douane ou de demandes de remboursement de telles taxes, même pour la période antérieure au moment où cette qualification résulte d'une interprétation donnée par la Cour de justice dans le cadre de l'article 177 du traité.
B) Il appartient à l'ordre juridique de chaque Etat membre de déterminer les conditions permettant aux contribuables de contester ces impositions ou d'en réclamer le remboursement, pourvu que ces conditions ne soient pas moins favorables que celles qui concernent des recours semblables de nature interne et qu'elles ne rendent pas pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.
C) Rien ne s'oppose, du point de vue du droit communautaire, à ce que les juridictions nationales tiennent compte, conformément à leur droit national, du fait que des taxes indûment perçues ont pu être incorporées dans les prix de l'entreprise redevable de la taxe et répercutées sur les acheteurs.
2. L'obligation pour l'administration d'un Etat membre de restituer aux contribuables qui en font la demande, conformément au droit national, des taxes ou redevances qui n'étaient pas dûes à raison de leur incompatibilité avec le droit communautaire, ne constitue pas une aide au sens de l'article 92 du traité CEE.