CJCE, 13 mars 1985, n° 93-84
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République française
LA COUR,
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 avril 1984, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité CEE, un recours visant à faire constater que la République française, en ne se conformant pas, dans le délai imparti, à la décision 83-313 de la Commission, du 8 février 1983, relative à une aide au maintien de l'emploi maritime octroyée par le Gouvernement français aux entreprises de pêche ( JO L 169, p. 32 ), a manqué à une obligation qui lui incombe en vertu du traité.
2. D'après les considérants de cette décision, l'aide litigieuse consistait, en pratique, en une subvention de 0,105 FF, par litre de gazole consomme, accordée à toutes les entreprises de pêche. Le Gouvernement français aurait précisé que la référence au carburant n'était utilisée qu'à titre de critère d'octroi, mais que l'aide devait être considérée comme une aide au maintien de l'emploi. Elle aurait pour objectif de pallier les conséquences sur les armements de l'augmentation spectaculaire des coûts d'exploitation, de la raréfaction des captures et du redéploiement des efforts de pêche.
3. Les mêmes considérants relèvent qu'il s'est avéré que cette aide était régulièrement accordée en France depuis 1974, que son octroi en 1974 et 1975 avait été autorisé par la Commission et que cette dernière n'avait pas soulevé d'objections à son renouvellement en 1977. Toutefois, la Commission a décidé, en 1980, d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité estimant que l'aide n'était plus, à l'époque, une aide transitoire, mais bien une aide au fonctionnement sans réelle contrepartie des bénéficiaires et que son octroi avait un effet direct important sur les échanges entre les Etats membres. Au cours de cette procédure, en décembre 1981, la Commission, ayant appris que le Gouvernement français avait décidé de doubler l'aide en cause à compter de juillet 1981, a demandé confirmation à ce gouvernement, qui a confirmé ces informations et notifié, dans le cadre de l'article 93, paragraphe 3, du traité, la prorogation et le doublement de l'aide en cause pour 1982. A l'égard de cette aide également, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2.
4. A la suite des procédures susindiquées, la Commission, par la décision 83-313, a déclaré : que l'aide en question, telle qu'octroyée en France de 1979 a 1982, était incompatible avec le Marché commun aux termes de l'article 92 du traité ; que, dès lors, une telle aide ne devait plus être accordée ; et que la République française, destinataire de la décision, devait informer la Commission des mesures prises pour s'y conformer dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, notification intervenue le 5 avril 1983.
5. Le Gouvernement français, après avoir demandé et obtenu un délai supplémentaire pour informer la Commission des mesures prises, lui a fait savoir que l'instauration de l'aide aurait contribué à de profonds changements structurels dans le secteur de la pêche, qu'elle n'aurait, en outre, pas gêné les échanges des produits de la mer entre les Etats membres et, enfin, qu'elle ne constituerait aucunement une distorsion de la concurrence.
6. Après avoir reçu cette réponse, la Commission a fait savoir au Gouvernement français que les informations fournies n'étaient pas de nature à modifier sa position et que, dans ces conditions, la décision prise restait entièrement valable. La Commission a demandé de lui communiquer dans un délai de quatre semaines les mesures prises pour se conformer à la décision. Le Gouvernement français n'ayant pas réagi, la Commission a intenté le présent recours.
7. Dans son mémoire en défense, le Gouvernement français considère que la Commission n'a pas apporté la démonstration que l'aide litigieuse affecte les échanges entre la France et les autres Etats membres ou fausse, ou menace de fausser, la concurrence à l'intérieur de la Communauté. L'aide n'aurait, au contraire, pas eu d'effets la rendant incompatible avec l'article 92, paragraphe 1, du traité.
8. La Commission soutient que cette défense revient à remettre en cause la légalité de la décision 83-313, alors que le Gouvernement français à laissé s'écouler le délai de deux mois à partir de la date de notification, tel que prévu à l'article 173 du traité, sans contester, par la voie ouverte par cet article, la légalité de la décision.
9. Le point de vue exprimé par la Commission doit être accueilli. Aux termes de l'article 189 du traité, une décision est obligatoire en tous ses éléments pour le destinataire qu'elle désigne. Le Gouvernement français n'a pas attaqué en temps utile la décision 83-313 et, comme la Cour l'a expliqué dans son arrêt du 12 octobre 1978 (Commission/Belgique, 156-77, Rec. 1978, p. 1881), il ne peut donc plus, dans le cadre de la présente procédure, mettre en cause les appréciations de fait et de droit sur lesquelles la Commission a fondé sa décision.
10. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les arguments avances par le gouvernement défendeur, il y a donc lieu de constater que la République française, en ne se conformant pas, dans le délai imparti, à la décision 83-313 de la Commission, du 8 février 1983, relative à une aide au maintien de l'emploi maritime octroyée par le Gouvernement français aux entreprises de pêche, a manqué à une obligation qui lui incombe en vertu du traité.
Sur les dépens
11. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La partie défenderesse ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
Déclare et arrête :
1) la République française, en ne se conformant pas, dans le délai imparti, à la décision 83-313 de la Commission, du 8 février 1983, relative à une aide au maintien de l'emploi maritime octroyée par le Gouvernement français aux entreprises de pêche, a manqué à une obligation qui lui incombe en vertu du traité.
2) la République française est condamnée aux dépens.