Conseil Conc., 30 novembre 2004, n° 04-D-64
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution d'appareils électrodomestiques
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de M. Fontaine, par Mme Aubert, vice-présidente, présidant la séance ainsi que MM. Flichy, Gauron, Piot, Ripotot, membres.
Le Conseil de la concurrence (Section IV),
Vu la lettre enregistrée le 6 janvier 2003, sous le n° 03/0002 F, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de pratiques relevées dans le secteur de la distribution d'appareils électrodomestiques; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions de son d'application ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu la décision n° 03-DSA-23 du 26 mai 2003 ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 20 octobre 2004 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LE SECTEUR CONCERNÉ ET LES ENTREPRISES
1. Les produits électrodomestiques comprennent les produits de petit et gros électroménager (PEM et GEM, dits " blancs " (lave-linge, cuisinières, réfrigérateurs, fours, robots, cafetières, fers, aspirateurs...), les produits " bruns " (téléviseurs, magnétoscopes, chaînes hifi, camescopes), les produits de télécommunications (téléphones, fax, alarmes) et le matériel informatique (bureautique, jeux vidéo).
1. LA CENTRALE D'ACHAT CLUB ACHAT SERVICE ET LA VENTE AU DÉTAIL DE PRODUITS ELECTRODOMESTIQUES.
2. Créée en 1986, Club Achat Service (ci-après CAS) est une société anonyme depuis mars 2000. Il existait, en juillet 2001, sept magasins de vente à l'enseigne CAS d'une surface d'environ 80 m² chacun, dont trois étaient des sociétés indépendantes (Chelles (77), Ozoir-la-Ferrière (77) et Bois Colombe (92)), deux des franchisés (Lille (59), dont la fermeture a été effective fin juillet 2001 et Versailles (78)) et deux des filiales à 100 % (Paris-Alesia (75014) et Bussy Saint-Georges (77)).
3. CAS propose aux particuliers des produits électrodomestiques en magasin, sur catalogue et sur site marchand dénommé " club-achat-service.com ", sans stock et sans exposition de matériel. Les articles (environ 5000 références) sont commandés par les clients par téléphone, télécopie, en magasin ou sur internet, et livrés avec un délai de trois à quatre jours sur les points de vente ou à domicile. Un réseau de 58 distributeurs agréés (ayant le plus souvent une activité de vidéo-club) offre à CAS un maillage de " relais-colis " nécessaires à la logistique de l'entreprise, notamment pour la vente en ligne.
4. CAS a mis son catalogue de produits sur site internet fin 1998. Les premières ventes en ligne ont été réalisées mi-1999. En 2000, la vente en ligne représentait 10 % du chiffre d'affaires de CAS, qui s'élevait, au total, à 22,32 MF (3,40 M d'euro).
5. Les ventes au détail de produits électrodomestiques sont réalisées essentiellement par le canal des magasins spécialisés, des hypermarchés, des grands magasins, des cuisinistes, et des détaillants indépendants ou en groupements.
6. S'agissant des seules ventes sur sites Internet, le principal offreur était, en 2000, Darty, qui a développé un site marchand en février 1999, avec un chiffre d'affaires réalisé sur ce segment de 40,36 MF. Ses principaux concurrents étaient : Marcopoly (chiffre d'affaires de 15,93 MF), VPC 2000 (chiffre d'affaires de 2,4 MF), CAS (chiffre d'affaires de 2,27 MF), Dray Com (chiffre d'affaires de 0,64 MF). La plupart de ces sociétés disposent de points de vente ouverts au public. Leur clientèle est domiciliée essentiellement en région parisienne. Les créations et la disparition des sites marchands sont fréquentes. Les sites pérennes sont en principe liés à la grande distribution (Auchan, Carrefour), aux magasins spécialisés (Darty, Fnac, Boulanger) ou au secteur de la vente par correspondance (La Redoute, Trois Suisses, Camif).
7. Une étude, réalisée en novembre 2001 par BEMH SA, évalue le marché de la vente au détail d'appareils électrodomestiques en région parisienne à environ 26,8 milliards de francs (4,09 milliards d'euro). Selon son directeur financier, Darty réaliserait sur cette même zone géographique un chiffre d'affaires de 6 300 MF (960,43 M d'euro), soit 23,50 % du total. Sur le marché national, la part de marché de Darty serait de 12 %, soit la troisième place derrière Auchan et Carrefour et la première des spécialistes.
2. LA SOCIÉTÉ CAPROFEM ET LA VENTE EN GROS DE PRODUITS ELECTRODOMESTIQUES.
8. La Centrale d'Achat des Professionnels de l'Electro-Ménager (ci-après Caprofem) est une société en nom collectif dont le capital est détenu à hauteur de 99,94 % par la SA Darty. Elle a une activité de grossiste cash and carry (" paye et emporte ") en produits électrodomestiques, avec une surface d'exposition de 2000 m².
9. Selon la déclaration du directeur de Caprofem, en date du 27 septembre 2001 : " Il est à noter que Caprofem fait vraiment du cash and carry, avec des marchandises disponibles, alors que les grossistes encadrent souvent par une assistance de vente ou d'autres services leur clientèle. Caprofem est donc en quelque sorte un " fournisseur de dépannage ". (...) Un client achète en moyenne pour 45 000 F (6 860,21 euro)/an, son employé peut venir environ 8 fois par an, nous avons donc des difficultés à le connaître réellement. (...) A plus de 95 %, les marchandises enlevées sont payées cash. Pour le restant, les délais de paiement sont généralement de 30 jours. (...) Notre vocation est de servir beaucoup de petits clients. (...) Nous avons, avec les accessoires, environ 8 000 références. Notre gamme comprend environ 60 % d'accessoires, c'est-à-dire beaucoup de références pour un CA réduit. ". Caprofem compterait, selon la même déclaration, environ 8 000 clients. Son chiffre d'affaires s'est élevé à 376,38 MF (57,38 M d'euro) en 2000.
10. Les autres grossistes et centrales d'achats en produits électrodomestiques sont au nombre d'environ 1 300 en France. Selon l'étude du XERFI, les six premières entreprises de commerce de gros en électroménager étaient, en 1999 : Brandt Commerce (6 110 MF, soit 931,46 M d'euro), Samsung Electronics France (2 307 MF, soit 351,70 M d'euro), BSH Electroménager (1 558 MF, soit 237,52 M d'euro), Philips Appareil Domestique (963 MF, soit 146,81 M d'euro), Groupe Rosières (926 MF, soit 141,17 M d'euro) et Miele (818 MF, soit 124,70 M d'euro). Le rapport d'enquête cite encore les entreprises Thuillier (chiffre d'affaires de 352,8 MF, soit 53,78 M d'euro), AMS Expert (91 MF, soit 13,87 M d'euro) et DIF (85 MF, soit 12,96 M d'euro). La distribution en gros de produits électrodomestiques est également assurée par les centrales et groupements d'achats qui s'adressent pour la plupart exclusivement à leurs adhérents ou à des détaillants affiliés sous enseigne. Les grandes surfaces ont leur propre centrale d'achat.
11. S'agissant des entreprises de " cash and carry ", outre Caprofem, on relève l'existence de Metro Cash and Carry France, comptant 49 établissements secondaires.
12. Caprofem a fourni une étude réalisée en novembre 2001 par BEMH SA, évaluant sa part de marché en région parisienne à 3,2 % des ventes en gros de produits électrodomestiques en 2000. Sur ce marché, Caprofem serait en concurrence avec 163 grossistes indépendants (hors centrales et groupements d'achats liés à un détaillant).
13. Caprofem réalise également une part de son chiffre d'affaires (17,73 % soit 66,73 millions de francs en 2000 (10,17 Millions d'euro)) auprès du public au travers des comités d'entreprises, soit 0,2 % du marché de la vente au détail.
B. LES PRATIQUES RELEVÉES
1. LES NOUVELLES CONDITIONS DE VENTE DE CAPROFEM ET LEUR MISE EN OEUVRE.
14. En juin 2000 un nouveau paragraphe, rédigé comme suit, est ajouté en tête des conditions générales de ventes de la société Caprofem : " L'accès est réservé aux professionnels distribuant des produits électrodomestiques dans un magasin de vente au détail, ou réalisant des prestations de services s'accompagnant de la distribution de ces produits, à l'exclusion de toute forme de vente à distance pratiquée en France métropolitaine (vente par téléphone, minitel ou internet, etc.) ".
15. Dans sa déclaration en date du 20 juillet 2001, la société Caprofem explique les raisons de ces nouvelles conditions de vente: " Cette exclusion est due au fait que notre site à Bobigny arrive à saturation. Nous avons des difficultés à assurer nos services et nos stocks en raison de cette saturation. Nous avons voulu mieux connaître l'évolution de la vente à distance et en ligne, avant de prendre des décisions pour y répondre. De plus les sociétés sur ce marché pouvaient présenter des difficultés financières. Nous avons préféré nous recentrer sur les traditionnels. Notre CA de 99 à 2000 a évolué de 80 MF (12,20 M d'euro), soit 30 % alors que nos clients étaient des traditionnels. A cette époque, nous pensions que la vente en ligne aurait été un marché explosif alors que nous avions des capacités limitées ".
16. Dans deux courriers, datés respectivement du 4 octobre 2000 et du 12 décembre 2000, le directeur commercial de la société Caprofem affirme que le responsable de la société CAS a été averti, lors d'une réunion du 15 mars 2000, de la décision de la société Caprofem de ne plus livrer les entreprises de vente à distance. Il ajoute que CAS a demandé un délai jusqu'à fin août, puis, au cours d'une nouvelle entrevue, un report de ce délai au 31 décembre 2000. Ce délai lui a été accordé. La société CAS confirme avoir été avertie de cette décision en mars 2000 mais soutient qu'elle a alors considéré qu'elle n'entrait pas dans la catégorie de revendeurs visés par la décision de la société Caprofem, puisqu'elle réalisait l'essentiel de ses ventes en magasin. Elle a cependant entrepris de diversifier ses approvisionnements à compter de cette date.
17. Par un courrier en date du 15 janvier 2001, la société Caprofem indique à la société CAS que son compte serait définitivement clôturé au 31 mars 2001. Le 19 mars 2001 et afin d'assurer la continuité des relations commerciales entre les deux sociétés, la société CAS a informé la société Caprofem de la cessation, le 30 mars 2001, de son activité de vente en ligne de produits. Arrêtée effectivement le 27 mars, cette activité a été reprise ensuite par la société CAS le 20 avril 2001.
18. Le 28 mars 2001, la société Caprofem a clôturé le compte-client de la société CAS et refusé, le même jour, de livrer une commande de la société CAS que celle-ci proposait de payer par chèque. La société Caprofem a expliqué cette attitude le 27 septembre 2001 : " La Sfac ayant baissé l'encours de CAS à 500 000 francs en janvier 2001, nous avons demandé à CAS de payer par chèque (...) Nous avons essayé de trouver une solution aux problèmes de paiement de CAS, nous avons proposé le paiement par chèque de banque. Ce système étant lourd, nous avons demandé un virement de CAS qui n'a pas été effectué ".
19. D'autres clients de la société Caprofem ont également été concernés par ces nouvelles conditions de vente. Majoritairement, ils ont été prévenus oralement, la société Caprofem ne pouvant produire que deux courriers adressés aux sociétés Galeries Cardinet et Dray Plus. Selon la liste communiquée par la société Caprofem le 24 octobre 2001, sur huit mille comptes, huit clients ont été rayés de sa clientèle entre le 23 juin 2000 et le 15 décembre 2001, dont VPC 2000, Dray Sold, et Marcopoly. Il a également été relevé dans le cadre de l'enquête qu'une ouverture de compte avait été refusée à plusieurs demandeurs pratiquant la vente sur Internet en 2000 et 2001 (E. Biznext, CDiscount.com, I Bazar, Negosurf.com, Père-Noël.fr, Cityjeux.com, Shopping, Letsbuyit.com, CLSUT.com, CLUST.com, Allocine Television).
20. La société Com'line dont la clientèle est essentiellement composée de salariés agissant par l'intermédiaire de leur comité d'entreprise, qui achètent soit par l'intermédiaire du comité d'entreprise, soit lors d'expositions spécifiques, soit par téléphone, a continué à être livrée par la société Caprofem qui a estimé que l'activité de cette entreprise de vente à distance par téléphone et dépourvue de site internet était compatible avec les nouvelles conditions de vente. Le montant des achats de Com'line auprès de la société Caprofem en 2000 la place au quatrième rang des clients les plus importants.
21. Depuis septembre 2001, la société Caprofem fait remplir aux professionnels demandant l'ouverture d'un compte-client un questionnaire sur leur activité de vente à distance. En cas de réponse positive, l'ouverture du compte est refusée. Ainsi, entre le 15 mars et le 10 octobre 2001, sept sociétés se sont vu refuser l'ouverture d'un compte-client en raison de leur activité de vente par correspondance.
2. LES DÉLAIS DE PAIEMENT ACCORDÉS PAR CAPROFEM.
22. Selon les termes des conditions générales de vente portées sur les factures éditées par la société Caprofem, les marchandises sont payées à l'enlèvement. Ainsi, le directeur de Caprofem estime dans sa déclaration du 27 septembre 2001 qu' " à plus de 95 %, les marchandises enlevées sont payées cash ". Toutefois, des délais de paiement sont accordés pour une moyenne de l'ordre de 30 jours.
23. Cette règle varie suivant les clients : une mention relative au délai de paiement est ainsi portée en tête de leur facture. Ces délais vont ainsi du paiement à la réception de la facture, au paiement à 90 jours. En ce qui concerne la société CAS, le délai de paiement qui lui a été initialement accordé était de 30 jours ; il a atteint 90 jours en janvier 2001 avant d'être ramené, le 23 mars de la même année, au paiement comptant en raison, principalement, de la modification de la garantie d'encours de la société CAS décidée par la SFAC.
24. La société CAS décrit ainsi l'évolution de ses conditions de paiement : " Caprofem est assurée auprès de la SFAC qui garantit 95 % du montant de la créance, moyennant un pourcentage sur le chiffre d'affaires de Caprofem. La SFAC garantissait un plafond d'encours pour CAS auprès de Caprofem. Cependant Caprofem acceptait un encours de CAS supérieur au montant accordé par la SFAC. (...) La SFAC a mis CAS en recouvrement, et tous les autres fournisseurs ont reçu de la SFAC un arrêt de garantie de la SFAC. Les autres fournisseurs ont diminué le montant des encours de manière drastique (...). CAS n'a jamais avant janvier 2001 payé les factures au comptant, il y a toujours eu un encours sans délai de paiement défini. Il n'y a jamais eu d'écrit sur ce sujet. Il n'y avait qu'un montant maximum d'encours qui a évolué au gré des négociations. Ainsi quand j'ai commencé à payer cash, les factures les plus récentes ont été réglées par mes paiements, mais ces paiements auraient dû être affectés aux factures les plus anciennes pour assurer l'ensemble des règlements progressivement ".
25. Dans sa lettre en date du 15 janvier 2001 adressée à la société CAS, le directeur commercial de Caprofem indique: " S'agissant de l'encours, nous vous rappelons que vous avez bénéficié d'une facilité de paiement correspondant à environ 30 jours de chiffre d'affaires. Cette limite est aujourd'hui très largement dépassée, puisque votre encours actuel représente environ 90 jours de chiffre d'affaires. Nous n'avons évidemment pas vocation à vous consentir de tels délais de règlement. Nous souhaitons en conséquence que l'encours soit très rapidement ramené à 500 000 francs (76 224,51 euro), c'est-à-dire à 30 jours. Nous vous prions de prendre contact avec nous afin de convenir d'un échéancier ". Par lettre du 28 février 2001, la société CAS a présenté une proposition d'échéancier qui a été acceptée par la société Caprofem. Toutefois, par un courrier de la SFAC en date du 9 mars 2001, la société CAS a été mise en demeure de régler à la société Caprofem la somme de 1 539 864,24 francs (234 750,79 euro) sous huit jours. La société Caprofem, par courrier du 23 mars 2001, a exigé alors le paiement de l'intégralité de l'encours et demandé que le paiement des produits enlevés soit fait par virement bancaire ou chèque de banque. Ces conditions de paiement ont été appliquées dès le 28 mars 2001, date à laquelle la livraison de produits a été refusée à un employé de la société CAS présentant un chèque pour le paiement. Selon le courrier du 12 avril 2001 de la société Caprofem, cet échéancier n'a pas été respecté par la société CAS. Un montant de 1 470 000 francs (224 100,06 euro) demeurerait à régler.
26. Sur la base de ces constatations, une proposition de non lieu a été établie par le rapporteur et transmise le 25 juin 2004 au ministre de l'économie et des finances.
II. Discussion
27. L'article L. 464-6 du Code de commerce dispose : " Lorsque aucune pratique de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché n'est établie, le Conseil de la concurrence peut décider, après que l'auteur de la saisine et le commissaire du Gouvernement ont été mis à même de consulter le dossier et de faire valoir leurs observations, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure ".
28. Dans sa communication relative aux accord d'importance mineure en date du 22 décembre 2001, la Commission précise que lorsqu'un accord est passé entre des entreprises qui ne sont des concurrents existants ou potentiels sur aucun marché, il ne restreint pas sensiblement la concurrence au sens de l'article 81-1 du traité si la part de marché détenue par chacune des parties à l'accord ne dépasse pas 15 %. L'application de ce seuil " de minimis " est, cependant, remise en cause si les accords concernés contiennent une des restrictions caractérisées énumérées au considérant 11 de la communication, c'est-à-dire, notamment, celles qui imposent des prix de revente, celles qui instituent des protections territoriales absolues ou celles qui restreignent les livraisons croisées entre distributeurs. Cette communication constitue un guide d'analyse utile pour l'appréciation, en droit national, des effets sur la concurrence des accords verticaux conclus entre un fournisseur et des distributeurs, et ce même si le droit communautaire n'est pas applicable en l'espèce.
29. En séance, le commissaire du Gouvernement a fait valoir que le refus de livrer les entreprises commercialisant les produits électrodomestiques sur Internet devait être analysé comme une restriction caractérisée concernant le territoire dans lequel l'acheteur peut vendre les biens contractuels, visée au considérant 11, point 2b) de la communication précitée. Il s'est notamment référé au point 51 de la communication de la Commission relative aux lignes directrices sur les restrictions verticales (2000- C 291-01) qui énonce : " Chaque distributeur doit être libre de recourir à Internet pour faire de la publicité ou pour vendre ses produits. Une restriction à l'utilisation d'Internet par les distributeurs ne serait compatible avec le règlement d'exemption par catégorie que dans la mesure où la promotion ou les ventes via Internet entraînent la réalisation de ventes actives vers les territoires exclusifs ou aux clientèles exclusives d'autres distributeurs (...). L'interdiction catégorique de vendre sur Internet ou sur catalogue n'est admissible que si elle est objectivement justifiée. Quoi qu'il en soit, le fournisseur ne peut se réserver les ventes ou la publicité sur Internet.".
30. Au cas d'espèce, la société Caprofem n'assurerait, selon le rapport d'enquête fourni à l'appui de la saisine, que 3,2 % des ventes en gros d'appareils électrodomestiques en région parisienne. Il ne ressort d'aucun autre élément au dossier que le marché pertinent pour l'analyse des pratiques dénoncées devrait être limité à une catégorie de produits ou à une zone de marché plus restreinte ou que la société Caprofem détiendrait, sur un marché pertinent autrement défini, une part de marché plus importante. Compte tenu de cette faible part de marché, les restrictions imposées par Caprofem dans ses conditions générales de vente ne peuvent restreindre sensiblement la capacité des entreprises désirant proposer des produits électrodomestiques en ligne à s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs, pour les mêmes produits que ceux commercialisés par Caprofem. La clause dénoncée ne peut être analysée comme empêchant la vente sur Internet de ces produits.
31. Il n'existe, par ailleurs, au dossier aucun élément de nature à démontrer que ce refus de livrer les sites de vente en ligne soit à relier à l'ouverture d'un site de vente par Internet, en février 1999, par la société Darty, maison mère de Caprofem, et que Darty aurait de fait tenté, grâce à ce refus, de se réserver la vente des produits concernés par Internet. Compte tenu de la latitude, déjà mentionnée ci-dessus, pour les entreprises concurrentes de Darty sur la vente en ligne de produits électrodomestiques d'acquérir les mêmes produits auprès d'autres fournisseurs, une telle tentative aurait, en tout état de cause, été vouée à l'échec.
32. En ce qui concerne la société Com'line, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'effectue pas de prospection par téléphone, qu'elle ne peut être jointe de cette façon par un client potentiel et ne peut donc être considérée comme pratiquant la vente à distance. La poursuite par Caprofem de ses relations commerciales avec cette société ne constitue pas une pratique discriminatoire. Au surplus, le Conseil a déjà eu l'occasion de noter, dans la décision 03-D-60 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Cartier, que l'application discriminatoire de critères de sélection des accords verticaux n'empêche pas de faire bénéficier ces accords de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 2790-1999 du 22 décembre 1999. De la même façon, une telle application discriminatoire par un fournisseur détenant moins de 15 % du marché ne peut, aux termes de la communication précitée sur les accords d'importance mineure, avoir un effet anticoncurrentiel sensible. Il en est ainsi, en l'espèce, des différences relevées en ce qui concerne les délais de paiement ou les remises accordées par Caprofem à ses clients.
33. Enfin, il ressort du rapport d'enquête que le retour à une application stricte des conditions générales de vente en matière de délais de paiement à la société CAS résulte principalement de la modification des garanties d'encours par la SFAC à la suite des difficultés de paiement rencontrées par CAS.
34. Au total, aucune des pratiques dénoncées par la saisine ne constitue l'une des restrictions caractérisées définies par la Commission dans sa communication relative aux accords d'importance mineure en date du 22 décembre 2001. En conséquence, s'agissant de pratiques mettant en jeu des sociétés non concurrentes, opérant à un niveau différent de la chaîne de distribution, et la société Caprofem n'ayant réalisé, en 2000, que 3,2 % des ventes en gros de produits électrodomestiques en région parisienne, ces pratiques n'ont pu restreindre sensiblement la concurrence au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
35. Il convient, en conséquence, de faire application des dispositions de l'article L. 464-6 du Code du commerce.
Décision
Article unique : Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.