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Décisions

Cass. crim., 7 décembre 2004, n° 03-87.767

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Valat

Avocat :

Me Copper-Royer

TGI Beauvais, ch. corr., du 6 juin 2002

6 juin 2002

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par X Pascal, Y Jean-Claude, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 3 novembre 2003, qui, pour travail dissimulé, les a condamnés, chacun, à 2 500 euro d'amende et a prononcé sur l'action civile ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 485, 486, 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué ne mentionne pas le nom des magistrats composant la cour d'appel lors du délibéré ;

"alors que la présence, au jour où l'arrêt est rendu, du président et d'un conseiller composant la cour le jour des débats ne permet pas le jeu de la présomption de régularité instituée par l'article 592 du Code de procédure pénale quand aucune mention de l'arrêt ne précise, d'une part, quel magistrat a prononcé l'arrêt et, d'autre part, que les magistrats présents à l'audience des débats ont procédé au délibéré" ;

Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les mêmes magistrats ont participé aux débats et au délibéré et que l'arrêt a été lu par l'un d'eux, en application de l'article 485 du Code de procédure pénale ; que, dès lors, le moyen manque en fait ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 111-3, 111-4, 121-3 du Code pénal, L. 120-3, L. 320, L. 324-10, L. 324- 11, L. 362-3 du Code du travail, L. 311-2, L. 311-11 du Code de la sécurité sociale, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a, sur l'action publique, déclaré Jean-Claude Y et Pascal X coupables d'exécution d'un travail dissimulé, en répression, les a condamnés chacun à une amende de 2 500 euro et, sur l'action civile, a reçu la constitution de partie civile de M. Rins ;

"aux motifs que "Jean-Luc A n'ayant travaillé pour la société Z que jusqu'en novembre 1996 et Pascal B que jusqu'au 6 janvier 1997, les agissements poursuivis à leur égard n'entrent pas dans la période visée par la prévention ;

"... (que), certes, d'autre part (...) les prévenus font valoir qu'il était expressément indiqué dans les actes litigieux qu'ils ne pouvaient être considérés comme des contrats de travail et qu'ils ne créaient aucun lien de subordination entre les parties ;

"mais ... qu'en l'espèce les sept personnes visées à la prévention et notamment Sébastien Rins (partie civile appelante) ont de façon concordante déclaré que :

"- leurs secteurs d'activité étaient déterminés par les responsables de Z ;

"- ils avaient l'obligation de nettoyer à tour de rôle les locaux ;

"- les horaires de travail étaient fixés et leur étaient imposés ;

"- les jours de repos et un système de permanence par roulement leur avaient été imposés ;

"- ils devaient assister à une réunion hebdomadaire avec les responsables de l'agence tous les vendredis matin ;

"... qu'il est établi dans ces conditions que les prévenus s'étaient réservé le pouvoir de donner des directives à leurs co-contractants, d'en contrôler l'exécution ;

"qu'ils avaient, en outre, le pouvoir de sanctionner les manquements ;

"qu'il était en effet expressément convenu que les contrats litigieux pouvaient être rompus à tout moment, sans préavis ni indemnité, en cas de faute du "mandataire" ;

"qu'ainsi est caractérisé le lien de subordination entre la société Z et les pseudo-agents commerciaux qu'elle employait sans avoir accompli les formalités prévues par l'article L. 320 du Code du travail" (arrêt attaqué, p. 4, 6, à p. 5, 1) ;

"alors qu'en vertu de l'article L. 311-11 du Code de la sécurité sociale, l'assujettissement d'un agent commercial au régime général de sécurité sociale suppose la démonstration de l'existence d'un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre ; que le délit constitué par la dissimulation d'emploi salarié à l'égard d'un agent commercial ne peut donc être constitué qu'en l'état d'un lien de subordination juridique permanente ; qu'à défaut d'avoir caractérisé cet élément constitutif du délit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 324-10 du Code du travail et L. 311 -11 du Code de la sécurité sociale ;

"qu'en l'état d'une présomption de contrat non salarié prévue par l'article L. 311-11 du Code de la sécurité sociale et d'un statut légal dont bénéficient les agents commerciaux, le lien de subordination de cet agent à l'égard d'un donneur d'ordre ne peut être caractérisé en considération des éléments de ce statut légal ; que le lien de subordination doit alors être établi sur des éléments autres que ceux correspondant aux dispositions du statut légal ; que la cour d'appel ne pouvait fonder l'existence d'un pouvoir de sanction des demandeurs, justifiant du lien de subordination, sur les seules stipulations du contrat d'agent commercial, qui reprenaient les dispositions du statut légal, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article L. 324-10 du Code du travail ;

"qu'en toute hypothèse, l'existence d'un lien de subordination résulte des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité ; que les juges doivent donc procéder à une appréciation in concreto de ces conditions, sans s'arrêter aux termes de la convention ; qu'en ne caractérisant pas, in concreto, l'existence d'un pouvoir de contrôler l'exécution des ordres et en se fondant uniquement sur les stipulations de la convention intitulée "contrat d'agent commercial" pour retenir que l'employeur disposait d'un pouvoir de sanctionner les manquements, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 324-10 du Code du travail ;

"et que le délit de travail dissimulé suppose, pour être consommé, que l'agent se soit soustrait intentionnellement aux formalités relatives à l'emploi d'un salarié ; qu'en l'état d'une présomption de contrat non salarié instaurée par l'article L. 311-11 du Code de la sécurité sociale au profit des agents commerciaux, l'élément intentionnel du délit constitué par la dissimulation d'emploi salarié doit être strictement caractérisé ; qu'en n'établissant pas l'élément moral du délit de travail dissimulé des agents commerciaux, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 121-3 du Code pénal et L. 324-10 du Code du travail" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jean-Claude Y et Pascal X, responsables d'une agence immobilière, ont été poursuivis pour travail dissimulé ; que, pour écarter leur argumentation selon laquelle ils n'avaient pas à procéder, conformément aux dispositions de l'article L. 320 du Code du travail, à une déclaration préalable à l'embauche de leurs collaborateurs qui étaient liés par un contrat d'agent commercial, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, procédant de leur appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, d'où il résulte que l'activité des collaborateurs de l'agence les plaçait dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de leur donneur d'ordre, excédant les prévisions du statut légal des agents commerciaux,la cour d'appel a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.