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Décisions

Ministre de l’Économie, 27 octobre 2004, n° ECOC0400375Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société TF1 et AB

Ministre de l’Économie n° ECOC0400375Y

27 octobre 2004

MINISTRE D'ÉTAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 2 septembre 2004, vous avez notifié l'acquisition par les deux sociétés TF1 et AB, auprès du groupe Pathé, de 80 % du capital de la société Télé Monte-Carlo (ci-après "TMC"), les 20 % restants demeurant la propriété de la Principauté monégasque. TF1 et AB acquièrent également la société Monégasque Des Ondes ("MDO") (1), filiale à 100 % de TMC. Cette opération a été formalisée par un contrat de cession signé le 6 juillet 2004.

I. - Les entreprises concernées et l'opération

Lors de la réalisation de l'opération, TF1 et AB transféreront les actions de TMC à une société commune, créée à cet effet, dont elles détiendront chacune 50 % du capital et des droits de vote. L'opération se compose donc de deux volets : d'une part, la création d'une société commune à laquelle les mères affecteront des moyens humains et matériels et, d'autre part, l'acquisition de 80 % du capital de TMC qu'elles transfèreront à la société nouvellement créée.

La société TF1 exploite une chaîne généraliste nationale hertzienne en clair sur le territoire français, édite plusieurs chaînes thématiques et contrôle conjointement (2) avec M6 le bouquet de chaînes par satellite TPS. Enfin, elle contrôle plusieurs filiales par l'intermédiaire desquelles elle exerce les activités de régie publicitaire (TF1 Publicité), de production, de commercialisation de droits audiovisuels et de films, de produits dérivés et d'exploitation de sites internet. Le chiffre d'affaires total consolidé réalisé par TF1 en 2003 a atteint 2,8 milliards d'euro, dont 2,5 milliards réalisés en France. La société TF1 est contrôlée par le groupe Bouygues, principalement actif dans les secteurs des médias, des télécoms, des services, de la construction, des routes et de l'immobilier, qui a réalisé en 2003, un chiffre d'affaires total consolidé de 22 milliards d'euro, dont 16 milliards d'euro réalisés en France.

La société AB Groupe (ci-après "AB") édite dix-neuf chaînes thématiques sur le câble et le satellite, l'une d'entre elles, RTL 9, étant également diffusée par voie hertzienne dans l'Est de la France. AB détient par ailleurs, par l'intermédiaire de plusieurs filiales, un catalogue de droits de programmes télévisés principalement composé de séries, téléfilms, documentaires et dessins animés et exerce les activités de commercialisation de produits dérivés et d'exploitation de sites web. AB est contrôlée par la société Port Noir Investment, détenue par la société de droit luxembourgeois JLC Holding, elle-même détenue par Claude Berda. Le groupe AB a réalisé en 2003 un chiffre d'affaires total consolidé de 162 millions d'euro, dont 137 millions réalisés en France.

TMC est une chaîne principalement centrée sur la diffusion de téléfilms et de séries mais elle propose également des émissions de plateaux ainsi que quelques émissions consacrées au sport, à la vie culturelle ou à la vie pratique. Elle est diffusée, par voie hertzienne, à Monaco et dans le Sud-Est de la France et, par voie analogique, sur tout le territoire national. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui la classe dans la catégorie des chaînes "thématiques généralistes", a retenu TMC pour faire partie de la Télévision numérique terrestre gratuite (ci-après "TNT"). Elle sera donc diffusée à titre gratuit sur tout le territoire national. TMC, dont le capital est détenu, avant l'opération, à 80 % par Pathé et à 20 % par la Principauté de Monaco, a réalisé en 2003 un chiffre d'affaires de [...] millions d'euro, presque exclusivement en France.

La société commune créée par TF1 et AB peut être qualifiée d'entreprise de plein exercice. En effet, si elle bénéficie de l'influence déterminante de ses sociétés fondatrices, élément indispensable à sa qualification d'entreprise "commune" , elle ne constitue pas moins "une entité économique autonome, active sur un marché en y accomplissant toutes les fonctions normalement exercées par les autres entreprises présentes sur ce marché", ce qui lui confère son caractère de "plein exercice". Cette société commune étant créée à l'occasion de l'acquisition de TMC, les entreprises concernées par l'opération notifiée sont ses sociétés mères, TF1 et AB.

En ce qu'elle entraîne la création d'une entreprise commune de plein exercice, la présente opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. - Marchés concernés

Les autorités nationales et communautaire de la concurrence distinguent le marché de la télévision gratuite de celui de la télévision payante (3). Elles affinent les contours du marché de la télévision payante (4) en définissant un marché de la commercialisation et de l'exploitation de chaînes thématiques diffusées sur la télévision à péage (5).

Les marchés connexes à la commercialisation et de l'exploitation de chaînes thématiques sont, d'une part, celui de l'acquisition des droits de diffusion, sur lequel les offreurs sont les producteurs de programmes et les demandeurs les éditeurs de chaînes et, d'autre part, celui de la publicité télévisée (6) qui met en relation les offreurs (régies publicitaires) et les demandeurs (annonceurs) d'espaces publicitaires.

S'agissant du marché de la commercialisation et de l'exploitation des chaînes thématiques, et dans la continuité de la pratique décisionnelle des autorités nationales et communautaire de la concurrence, la question de la segmentation du marché par thématique peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées (7).

En ce qui concerne le marché de l'acquisition des droits de diffusion, la Commission a opéré une distinction entre les droits relatifs au sport (i), les droits relatifs aux œuvres cinématographiques (ii) et les droits relatifs à des programmes spécifiquement édités pour une diffusion à la télévision (iii) (8). En outre, aux termes de la lettre d'autorisation de l'opération Canal Plus/UGC DA (9), le ministre distingue les programmes de stocks (films, téléfilms...) de ceux de flux (programmes d'information, magazines, jeux...). La Cour d'appel de Paris, aux termes d'un arrêt en date du 15 juin 1999, a défini un marché spécifique des droits de diffusion des films d'expression française récents sur les chaînes de télévision à péage. En tout état de cause, il n'apparaît pas nécessaire d'approfondir l'analyse de la segmentation du marché des droits de diffusion, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées.

S'agissant du marché de la publicité télévisée, la pratique décisionnelle des autorités nationales et communautaire de la concurrence reconnaît que chaque média possède des qualités propres de nature à le rendre insubstituable à un autre en termes de campagne publicitaire et que la publicité télévisée constitue donc un marché distinct par rapport à la publicité ayant pour support d'autres médias (10).

Le Conseil de la concurrence, aux termes de sa décision précitée n° 03-D-59, en date du 9 décembre 2003, relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés I Télé et Groupe Canal +, a estimé qu'"il n'y a pas lieu de distinguer entre l'espace publicitaire de la télévision payante et celui de la télévision gratuite". On constate, en effet, que les demandeurs, les offreurs et l'objet de leur transaction (les spots publicitaires) sont très généralement les mêmes sur les deux types de chaînes. Les parties ne contestent pas cette définition de marché. En tout état de cause, cette question peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées.

Aux termes de la jurisprudence communautaire et nationale (11), la dimension géographique des marchés précédemment identifiés est nationale. Les parties partagent cette position.

III. - Analyse concurrentielle

L'opération notifiée entraîne un chevauchement entre les activités des parties sur l'ensemble des marchés concernés. Le principal risque d'atteinte à la concurrence apparaît cependant sur le marché de la publicité télévisée.

1. Les marchés de la commercialisation et de l'exploitation de chaînes thématiques et de l'acquisition de droits de diffusion

S'agissant du marché de la commercialisation et de l'exploitation des chaînes thématiques, l'opération se traduit par un chevauchement entre les activités des parties. En effet, TMC dispose actuellement d'un statut de chaîne thématique généraliste et TF1 et AB éditent plusieurs chaînes thématiques. Cependant, si l'acquisition de TMC par les sociétés TF1 et AB augmente la position de ces dernières sur le marché global, toutes thématiques confondues, elle ne modifie pas significativement la structure de la concurrence sur ce marché, composé, au 12 février 2004, de quatre-vingt-dix-sept chaînes. En outre, TF1 et AB restent confrontées à la concurrence des groupes Canal + (dix-huit chaînes thématiques), Lagardère (9 chaînes thématiques), Pathé (4 chaînes thématiques) et France Télévisions (3 chaînes thématiques et, depuis juillet 2004, RFO). En ce qui concerne plus précisément les chaînes thématiques généralistes, la concurrence est composée du groupe M6 (Téva, Paris Première et Tf6, la dernière étant éditée en commun avec TF1), du groupe Lagardère (Match TV) et de la chaîne TV5.

L'opération notifiée n'entraîne pas de risque d'atteinte à la concurrence sur le marché de la commercialisation et de l'exploitation des chaînes thématiques.

S'agissant du marché de l'acquisition de droits de diffusion, les parties présentent les parts de marché des différents opérateurs en prenant en compte, non pas les achats de programme, mais les coûts de grille des chaînes. En adoptant cette méthode, France Télévisions est largement leader (36 % des parts de marché), suivi de TF1 (y compris TPS) avec 27 % des parts de marché, de Canal + (y compris Multithématiques) avec 22,4 % puis d'AB (0,9 %). Ces données ne sont cependant pas véritablement utilisables car, d'une part, les coûts de grille des chaînes ne reflètent pas uniquement l'achat des droits de diffusion et, d'autre part, ces données concernent un "marché global de l'acquisition de droits" qui n'est pas un marché pertinent.

Si l'on s'intéresse aux positions des parties et de leurs concurrents sur les segments identifiés par la Commission (droits sportifs, œuvres cinématographiques et programmes spécifiquement édités pour une diffusion à la télévision), il convient de remarquer que l'opération n'entraîne pas de risque d'atteinte à la concurrence. En effet, aux termes des statuts de la société commune créée par AB et TF1, l'acquisition des droits de diffusion sera réalisée par le groupe AB uniquement. En ce qui concerne plus précisément les droits relatifs à des programmes spécifiquement édités pour une diffusion à la télévision, qui constituent l'essentiel du chevauchement sur le marché de l'acquisition de droits, AB est détenteur d'un catalogue de droits de programmes télévisés francophones principalement composé de téléfilms, séries, documentaires et dessins animés. TMC profitera donc de ce portefeuille. La diffusion des programmes télévisés sur TMC est cependant encadrée par le protocole conclu avec la Principauté de Monaco. En outre, sur les trois segments identifiés, AB fait face à une concurrence vive.

2. Le marché de la publicité télévisée

Les parts de marché des différents opérateurs sur le marché de la publicité télévisée peuvent être appréhendées par le biais des recettes publicitaires. Comme l'ont relevé les autorités nationales et communautaire de la concurrence, la part des recettes publicitaires dans le chiffre d'affaires des chaînes gratuites est bien plus importante que dans celui des chaînes payantes (12). En effet, une grande partie des ressources des chaînes payantes est issue des redevances d'abonnement versées par les distributeurs. Quant aux recettes publicitaires, générées par la diffusion d'un spot sur un support, en l'espèce sur une chaîne, elles dépendent de l'attractivité de ce support pour l'annonceur. L'objectif pour ce dernier étant de cibler une certaine catégorie de téléspectateurs et d'en toucher l'éventail le plus large possible, l'attractivité d'un spot publicitaire est en lien direct avec l'audience de ce spot. Les annonceurs s'intéressent ainsi à la puissance publicitaire du spot. Ils ont alors notamment recours à la notion de Gross Rating Point (GRP) c'est-à-dire au nombre moyen de contacts d'une campagne publicitaire pour 100 personnes de la cible étudiée (13). Ce nombre moyen de contacts est le reflet de l'audience du spot et donc de celle des programmes qui le précèdent et le suivent.

L'analyse des éléments précités montre que les recettes publicitaires générées par une chaîne dépendent de l'audience des programmes diffusés sur cette chaîne. Le fait pour une chaîne d'être adossée à un groupe disposant de programmes à forte audience est donc un élément à prendre en compte dans l'évaluation des recettes publicitaires futures de la chaîne.

Les parts de marché des différents opérateurs sur le marché de la publicité télévisée

La société TF1 a été condamnée, le 13 février 2001 par le Conseil de la concurrence, pour abus de position dominante sur le marché de la publicité télévisée. Sa part de marché atteignait alors 50,4 %. Le Conseil avait sanctionné TF1 Publicité, notamment en raison de sa politique de remises, dans la mesure où celles-ci constituaient une exploitation abusive de sa position dominante.

Le tableau qui suit présente les parts de marché des différents opérateurs sur le marché de la publicité télévisée en 2003, et en distinguant les chaînes gratuites et les chaînes payantes :

<emplacement tableau>

Avant l'opération, TMC réalise, sur le territoire national, une audience de 1 %, qui la place dans la moyenne haute des chaînes thématiques. Ses recettes publicitaires s'élèvent à [...] millions d'euro soit 3,5 % du segment de la publicité télévisée sur chaînes payantes. Sur la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, sur laquelle elle est diffusée en hertzien, TMC réalise une audience qui atteint 3 à 4 % en journée et 5 à 6 % en soirée. Ses recettes publicitaires locales s'élèvent à [...] million d'euro.

Le renforcement de la position dominante de TF1 sur le marché de la publicité télévisée

L'audience et les recettes publicitaires actuelles de TMC n'étant pas particulièrement importantes, l'opération se traduirait, dans le contexte actuel, par une addition minimale et un renforcement de la position dominante de TF1 limité mais certain.

L'impact de l'opération notifiée doit cependant être analysé en prenant en compte les évolutions imminentes du marché de la publicité télévisée. D'une part, la mise en place de la TNT va entraîner un changement de statut de TMC. Cette dernière va en effet être transformée en chaîne gratuite diffusée sur tout le territoire national. D'autre part, le marché de la publicité télévisée, aujourd'hui saturé, connaîtra encore une augmentation de la demande sous l'effet de son ouverture au secteur de la grande distribution ; en parallèle, le développement de la TNT augmentera le nombre d'espaces publicitaires disponibles.

L'acquisition de TMC n'est, dans ce contexte, pas secondaire. Elle permet à TF1 de bénéficier de cette augmentation du nombre d'espaces publicitaires et d'éviter qu'un concurrent ne le fasse en acquérant TMC. Cette dernière est, parmi les chaînes thématiques sélectionnées par le CSA pour faire partie de la TNT gratuite (14), la plus attractive pour les annonceurs. En effet, les autres chaînes sélectionnées sont soit créées pour l'occasion (NT1, Direct 8) et ne jouissent donc d'aucune notoriété, soit très ciblées (M6 Music, i-MCM, NRJ TV). TMC, connue et généraliste, dispose donc d'une puissance publicitaire plus importante que celle de ses concurrentes et représente pour TF1 un poids futur bien plus important que son poids actuel.

Au-delà de l'impact de son changement de statut, TMC conférerait un avantage concurrentiel significatif à TF1 et entraînerait ultérieurement un renforcement notable de sa position dominante.

Tout d'abord, elle sera adossée à TF1. Or, de manière générale, les chaînes intégrées dans la régie TF1 connaissent une très forte augmentation de leurs recettes publicitaires dès leur reprise. Cette augmentation des recettes publicitaires est notamment due aux couplages tarifaires que TF1 Publicité met en place entre les différentes chaînes dont elle assure la régie ([...], le Conseil de la concurrence ayant interdit à TF1, aux termes de sa décision précitée, de réaliser des couplages entre chaînes gratuites et chaînes payantes) (15).

L'acquisition de TMC permettrait ainsi à TF1 d'ajouter une chaîne généraliste connue à ses couplages.

En outre, en acquérant TMC, TF1 va pouvoir jouir d'un effet de gamme sans précédent sur la télévision gratuite, qui se traduit par un renforcement de sa position dominante sur le marché de la publicité télévisée.

Le fait pour TF1 de disposer de deux chaînes gratuites généralistes constituerait cet effet de gamme. Ce dernier entraînerait une augmentation de l'audience des chaînes du groupe TF1, la chaîne TF1 réalisant déjà 90 % des meilleures audiences, et donc un "effet de levier" important sur le marché publicitaire. Il existe en effet, comme exposé ci-dessus, un lien très fort entre l'audience et les recettes publicitaires. Les annonceurs seront en l'espèce particulièrement intéressés par la possibilité de diffuser leurs publicités sur TF1 et TMC et donc de toucher, au même moment, un nombre beaucoup plus large de téléspectateurs. Cette attractivité de TMC devrait être renforcée par le fait que, sur la TNT gratuite, destinée à terme à remplacer la télévision analogique, seul TF1 possèderait, après l'opération, deux chaînes généralistes (16). En outre, sur la TNT payante, les deux chaînes thématiques appartenant à TF1 et sélectionnées par le CSA font partie des chaînes thématiques réalisant les audiences les plus fortes : LCI et Eurosport. La position de TF1 sur la TNT payante et gratuite sera donc particulièrement importante en termes d'audience et de recettes publicitaires.

En conséquence, l'opération notifiée, en renforçant la position dominante de TF1 sur le marché de la publicité télévisée, est susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce dernier.

Les parties ont toutefois, conformément à l'article L. 430-5 II du Code de commerce, proposé des engagements par lettres dont il a été accusé réception le 6 et le 7 octobre puis par lettre dont il a été accusé réception le 27 octobre, qui se substitue à la première. TF1 et AB se sont engagés à ce que la régie des espaces publicitaires de la société anonyme de droit monégasque Télé Monte-Carlo (TMC) soit exploitée de façon autonome, directement au sein de la société TMC, par l'intermédiaire d'une filiale de TMC ou par l'intermédiaire d'une société tierce capitalistiquement indépendante de TF1.

Cet engagement aura pour effet d'empêcher l'apport des recettes publicitaires générées par TMC à la régie publicitaire de TF1 et ainsi de participer à écarter le risque de renforcement de la position dominante de TF1 sur le marché de la publicité télévisée.

D'autre part, les parties se sont engagées à supprimer les dispositions du pacte d'actionnaire les liant aux termes desquelles la politique générale de tarification des écrans publicitaires et des conditions générales de vente de la publicité diffusée sur TMC fait l'objet de décisions prises en commun par des représentants de TF1 et AB réunis en conseil d'administration. Elles se sont également engagées à ce que la commercialisation des espaces publicitaires de TMC (tant en ce qui concerne les conditions générales de vente et les conditions commerciales que les personnels recrutés) soit totalement indépendante de la société TF1 Publicité et donc de toute chaîne dont elle assure la régie ou toute régie dont TF1 détiendrait le contrôle exclusif au sens de l'article L. 430-1, III, du Code de commerce.

En outre, TF1 et AB se sont engagées à ce qu'aucune commercialisation d'espaces publicitaires ne soit effectuée en couplage avec la chaîne TF1, cet engagement se traduisant notamment par l'absence de toute remise couplée entre l'achat d'espaces publicitaires sur la chaîne TF1 et sur la chaîne TMC.

Ces engagements auront pour effet d'empêcher tout lien entre la politique commerciale publicitaire développée par la régie actuelle ou future de TF1 et celle développée par la régie publicitaire de TMC. Ces dispositions permettent, notamment à travers l'interdiction des couplages, d'écarter l'effet de gamme identifié qui aurait pour conséquence un renforcement de la position dominante de TF1 sur le marché de la publicité télévisée.

L'ensemble des engagements précités a été proposé pour une durée de [...] ans reconduite tacitement et à l'issue de laquelle les parties se sont engagées à revenir devant le ministre, ce dernier pouvant décider, en fonction de la situation concurrentielle du marché concerné, d'y mettre fin.

Enfin, TF1 et AB Groupe se sont engagés à ne pas modifier les stipulations du pacte d'actionnaires les liant selon lesquelles la "centrale d'achat des programmes" est une prestation rendue par AB Groupe. Cet engagement, proposé pour une durée de [...] ans à l'issue de laquelle les parties rendront compte au ministre, aura pour effet d'éviter que, par l'intermédiaire de la programmation de TMC, TF1 puisse développer un effet de gamme entre ses chaînes gratuites et ainsi faire jouer un effet de levier sur le marché de la publicité télévisée, ce qui se traduirait par un renforcement de sa position dominante sur ce marché.

L'ensemble des engagements proposés par les parties permettent de remédier aux atteintes à la concurrence identifiées.

En conséquence, sous réserve du respect de ces engagements, qui font partie intégrante de cette décision, je vous informe que j'autorise l'opération notifiée.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.

(1) Avant l'opération, MDO a la mission de producteur délégué des émissions diffusées par TMC. MDO est propriétaire des droits diffusés à l'antenne de TMC.

(2) Le ministre a reconnu, aux termes de la lettre d'autorisation de l'opération M6/TPS, en date du 12 septembre 2002 et publiée au BOCCRF n° 4 en date du 31 mars 2003, que " les droits de veto dont dispose M6 la mettent en mesure d'exercer, conjointement avec TF1, une influence déterminante sur TPS" .

(3) Voir notamment les décisions du Conseil de la concurrence n° 03-D-59 du 9 décembre 2003 et n° 98-D-70 du 24 novembre 1998, la lettre précitée d'autorisation de l'opération M6/TPS en date du 12 septembre 2002 et les décisions de la Commission européenne IV/36.237 TPS du 3 mars 1999 et IV/36.539 British Interactive Broadcasting du 15 septembre 1999.

(4) Voir la décision de la Commission européenne n° 1999-242-CE en date du 3 mars 1999 et la décision précitée du Conseil de la concurrence n° 03-D-59 du 9 décembre 2003 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés ITélé et Groupe Canal Plus.

(5) Les chaînes thématiques qui, au 12 février 2004, sont au nombre de quatre-vingt-dix-sept, représentent aujourd'hui 13 % de l'ensemble du secteur de la télévision payante (source : CSA).

(6) Voir les décisions de la Commission européenne IV/M.553/RTL/Veronica/Endemol en date du 20 septembre 1995 et la décision du Conseil de la concurrence n° 99-D-85 en date du 22 décembre 1999 relative à des pratiques de la société TF1 dans le secteur de la production, de l'édition et de la publicité des vidéogrammes.

(7) Pour certaines thématiques, le Conseil de la concurrence, cependant, n'exclut pas la possibilité que ce marché "comporte des segments de marché ou des sous-marchés, plus étroits, en fonction des thématiques offertes". Le Conseil se réfère à la communication de la Commission européenne en date du 15 septembre 1999, aux termes de laquelle sont distinguées les chaînes thématiques de sport et celles de cinéma. Le Conseil distingue également les chaînes thématiques d'information générale : voir la décision n° 03-D-59 du 9 décembre 2003 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés ITélé et Groupe Canal Plus.

(8) Voir les décisions de la Commission européenne M.2876 Newscorp/Telepiu du 2 avril 2003, JV 57 TF1-M6/TPS du 30 avril 2002 et M.2050 Vivendi/Canal +/Seagram du 13 octobre 2000.

(9) Lettre d'autorisation de l'opération Canal Plus/UGC DA, en date du 7 octobre 1996, et publiée au BOCCRF du 5 décembre 1996.

(10) Voir les décisions précitées ainsi que celle du Conseil de la concurrence en date du 18 juin 1996 (n° 96-D-44).

(11) Décision de la Commission européenne n° IV/36.237 TPS en date du 3 mars 1999. Décision précitée de la Commission européenne IV/M.553 RTL/Veronica/Endemol en date du 20 septembre 1995.

(12) Bien que la part des recettes publicitaires dans le chiffre des chaînes thématiques ait tendance à augmenter, ces dernières ne génèrent actuellement que 15 % du total des recettes publicitaires télévisées.

(13) Le GRP permet de mesurer la pression publicitaire d'un plan média. Le coût GRP est le rapport entre le coût et le taux de pénétration d'un écran ou d'une insertion publicitaire.

(14) A la date de rédaction de cette lettre d'autorisation, le Conseil d'Etat a annulé six autorisations accordées au groupe Canal +.

(15) Dans les faits, les chaînes thématiques bénéficient de la notoriété et de l'audience de la chaîne gratuite TF1 et des chaînes thématiques plus connues.

(16) Il convient de remarquer que le groupe France Télévision détient également deux chaînes gratuites généralistes mais que ces dernières sont soumises à des dispositions plus strictes en matière de diffusion publicitaire.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret des affaires" , en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR AB ET TF1

Les engagements proposés par AB et TF1 sont les suivants :

1. TF1 et AB Groupe s'engagent à ce que la régie des espaces publicitaires de la société anonyme de droit monégasque Télé Monte-Carlo (TMC) soit exploitée de façon autonome, directement au sein de la Société TMC, par l'intermédiaire d'une filiale de TMC, ou par l'intermédiaire d'une société tierce capitalistiquement indépendante de la société TF1.

Dans ce cadre, TF1 et AB Groupe s'engagent à modifier, à la date de la réalisation de l'opération, la convention du 6 juillet 2004 comme suit :

(i) à l'article 3.3 :

en supprimant des décisions prises en commun en conseils d'administration, le paragraphe 3.3.iv relatif à la politique générale de tarification des écrans publicitaires et des conditions générales de vente de la publicité ;

en ajoutant au paragraphe 3.3.xiii relatif à la signature ou à la modification du contrat de régie, que le vote commun ne portera pas sur la politique générale de tarification des écrans publicitaires et des conditions générales de vente de la publicité.

(ii) à retirer de l'annexe 5 les dispositions selon lesquelles la "régie de publicité nationale et locale" est une prestation rendue par TF1 ;

2. Dans le cadre de l'engagement visé au paragraphe 1 ci-dessus, TF1 et AB Groupe garantiront que la commercialisation des espaces publicitaires de TMC sera totalement indépendante de la société TF1 Publicité et donc de toute chaîne exploitée par cette régie ou toute autre régie dont TF1 détiendrait le contrôle exclusif au sens du contrôle des concentrations, tel que visé à l'article L. 430-1, III, du Code de commerce :

(i) en ce qui concerne les conditions générales de vente et les conditions commerciales ;

(ii) et en ce qui concerne les personnels, qui seront recrutés sur le marché extérieur, étant précisé que dans ce cas ils seront employés directement par TMC ou par une filiale de cette société ;

Dans ce cadre, TF1 et AB Groupe s'engagent à faire parvenir annuellement aux services de la DGCCRF les conditions générales de vente des espaces publicitaires de TMC telles que publiées et communiquées au marché ;

3. Aucune commercialisation d'espaces publicitaires ne sera effectuée en couplage avec la chaîne TF1, cet engagement se traduisant notamment par l'absence de toute remise couplée entre l'achat d'espaces publicitaires sur la chaîne TF1 et sur la chaîne TMC ;

4. Les engagements fermes qui figurent aux paragraphes 1 à 3 sont proposés pour une durée de [...] ans à compter de la date de réalisation de l'opération. Ils sont renouvelables tacitement pour des périodes de [...] ans. Avant la fin de chaque période de [...] ans, ils seront réexaminés par la DGCCRF, en fonction de la situation concurrentielle du marché. La DGCCRF pourra décider d'y mettre fin ;

5. TF1 et AB Groupe s'engagent à ne pas modifier les stipulations de l'annexe 5 de la convention du 6 juillet 2004 selon lesquelles la "centrale d'achat des programmes" est une prestation rendue par AB Groupe, sauf à en avoir reçu l'accord préalable et formel du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.

Cet engagement est proposé pour une durée de [...] ans à compter de la date de réalisation de l'opération, après quoi il prendra fin.

Par ailleurs, à l'issue de cette période de [...] ans, TF1 et AB Groupe informeront les services de la DGCCRF des modalités selon lesquelles cet engagement a été mis en œuvre.