Livv
Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 4 mars 1987, n° 7808-85

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Omnium de la Parfumerie de luxe (SA)

Défendeur :

Nogentaise de Distribution (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remy

Conseillers :

M. Merlin, Mme Marc

Avoués :

SCP Gas, SCP Lissarrague, Dupuis

Avocats :

Mes Bloch, Jousset.

TGI Chartres, 1re ch., du 19 sept. 1985

19 septembre 1985

Faits et procédure

La société L'Omnium de la Parfumerie de luxe (Opal), faisant valoir qu'elle fabriquait et distribuait les parfums " Van Cleef et Arpels " et qu'elle vendait ses produits par contrat de distributeur agréé, et se plaignant de ce que la société Nogentaise de Distribution, gérant le centre Leclerc à Margon, qui n'avait pas la qualité de revendeur agréé de ses produits, offrait à la vente au public des produits de la marque " Van Cleef et Arpels ", l'a assignée devant de Tribunal de grande instance de Chartres aux fins de dommages et intérêts pour apposition et utilisation frauduleuse d'une marque appartenant à autrui, concurrence déloyale et publicité mensongère.

Par jugement prononcé le 19 septembre 1985 le tribunal :

- a condamné la société Nogentaise de Distribution à payer à la société Opal, 1 F de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du Code civil ;

- a fait défense à la société Nogentaise de Distribution à compter de ce jour de continuer à commercialiser les produits de parfumerie fabriqués, vendus et commercialisés par la société Opal et ce sous astreinte définitive de 5 000 F par infraction constatée, chaque infraction étant réalisée par l'offre de vente, la vente ou la détention de chaque flacon ou boite ou produit portant la marque de la demanderesse ;

- a ordonné en tant que besoin la restitution par la société Nogentaise de Distribution desdits produits qu'elle détiendrait dans ses locaux, à titre de dommages et intérêts complémentaires ;

- a débouté la société Opal de ses demandes de publication et d'exécution provisoire ;

- a débouté la société Nogentaise de Distribution de ses demandes reconventionnelles ;

- a condamné la société Nogentaise de Distribution à payer à la société Opal, 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre les dépens.

La société Opal, appelante de ce jugement, demande à la cour, en infirmant de ces chefs la décision entreprise :

- de constater que la société Nogentaise de Distribution a proposé à la vente des produits de la marque " Van Cleef et Arpels " sans avoir la qualité de distributeur agréé de la société Opal ;

- de constater que la société Nogentaise de Distribution a fait usage des marques " Van Cleef et Arpels " et " First " sans autorisation des titulaires des marques et ce en violation des dispositions de l'article 422-2 du Code pénal ;

- de constater que les agissements fautifs de la société Nogentaise de Distribution constituent des actes de publicité mensongère au sens de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 ainsi que la pratique illicite de vente à perte prévue et réprimée par l'article 1 de la loi du 2 juillet 1963 ;

- en conséquence, de condamner la société Nogentaise de Distribution à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts ;

- de confirmer pour le surplus le jugement entrepris ;

- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux choisis par elle aux frais de la société Nogentaise de Distribution sans que le coût de chaque insertion n'excède 10 000 F ;

- de condamner la société Nogentaise de Distribution au paiement de la somme de 20 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et en tous les dépens.

La société Nogentaise de Distribution, intimée, qui relève appel incident, demande à la cour :

Vu l'article 50 de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945,

- de déclarer nuls les contrats dits " de distributeur agréé " conclus par la société Opal ;

- de les déclarer inopposables à la société Nogentaise de Distribution ;

- de déclarer abusif le refus opposé par la société Opal à la société Nogentaise de Distribution de vendre ses produits ;

- de la décharger des condamnations prononcées contre elle, en principal, intérêts et frais ;

- de condamner la société Opal à lui restituer les sommes qu'elle aurait pu percevoir en vertu de l'exécution provisoire, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement ;

- d'ordonner la restitution des produits saisis ;

- de condamner la société Opal à lui rembourser les sommes versées à titre de dépens, et de frais irrépétibles d'un montant de 20 000 F ;

- de condamner la société Opal à payer à la société Nogentaise de Distribution la somme de 20 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR,

Considérant qu'en vertu de contrats de licence de marque, la société Omnium de la Parfumerie de luxe dite " Opal ", dispose du droit d'utilisation et d'exploitation exclusives de la marque déposée " Van Cleef et Arpels " pour la fabrication et la commercialisation des parfums, eaux de toilette et eaux de cologne parfumées ; que pour la commercialisation de ses produits la société Opal a recours à un réseau de détaillants agréés ; qu'il résulte d'un procès-verbal de constat dressé le 12 juin 1985 par Maître Chaumier à la requête de la société Opal que le centre distributeur Leclerc à Margon, exploité par la société Nogentaise de Distribution, offrait à la vente des parfums, notamment un parfum " First de Van Cleef et Arpels Paris " et une eau de toilette " First de Van Cleef et Arpels Paris " au prix respectif de 150 à 157 F et avec la mention sur l'emballage du deuxième article " cet article ne peut être vendu que par les dépositaires agréés par " Van Cleef et Arpels " ; que la société Nogentaise de Distribution ne critique pas ces constatations et se prévaut d'un autre constat effectué à son initiative par le même huissier, le 15 juin 1985, qui à cette date a constaté que plus aucun parfum de luxe ne se trouvait en vente à l'intérieur du magasin et que les stocks situés à côté du magasin ne contenaient aucun produit provenant de grands parfumeurs ;

I - Sur l'usage non autorisé de la marque

Considérant que la société Opal soutient que la société Nogentaise de Distribution a contrevenu aux dispositions de l'article 422-2 du Code pénal pour avoir fait usage sans autorisation de sa marque car, selon elle, ce texte réprime non seulement l'usage de la marque contrefaite en imitée mais encore l'usage, lorsqu'il n'est pas autorisé, de la marque authentique ;

Mais considérant qu'il est de principe que la loi pénale est d'interprétation stricte et qu'en règle générale, les détaillants bénéficient de l'autorisation implicite d'utiliser la marque du fabriquant ;qu'au surplus, il est nécessaire de lire l'article 422-2 du Code pénal en son entier et de ne pas s'arrêter comme le fait la société Opal aux premiers mots incriminant " ceux qui aurait fait usage d'une marque sans autorisation de l'intéressé... " en les dissociant de la suite " même avec l'adjonction des mots tels que " formule, façon, système, imitation, genre " qui en éclaire la portée " ; qu'il résulte manifestement de la lecture complète de cet article qu'il vise ceux qui utilisent une marque de renom et son pouvoir attractif pour promouvoir la vente de produits similaires de marques différentes en entretenant une certaine confusion entre les produits ; qu'en revanche la simple vente de produits authentiques sous l'emballage prévu par le fabricant et revêtu de sa marque ne suffit pas à caractériser l'infraction aux dispositions de l'article 422-2 du Code pénal ;que dès lors, à défaut d'établir que la société Nogentaise de Distribution s'est livrée à des agissements parasitaires, a organisé une dérive des ventes ou pratiqué la marque d'appel, la société Opal n'est pas fondée à prétendre qu'elle a contrevenu à l'article 422-2 du Code pénal en se bornant à vendre des produits authentiques de sa marque sans en modifier la présentation ;

II - Sur la publicité mensongère

Considérant que la société Opal estime également que la société Nogentaise de Distribution s'est livrée à une publicité mensongère en vendant des produits de la marque " Van Cleef et Arpels " qui portent en caractères lisibles la mention suivante : " cet article ne peut être vendu que par des dépositaires agréés " Van Cleef et Arpels " ; qu'elle s'appuie sur les dispositions de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 interdisant toute publicité comportant sous quelque forme que se soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur notamment sur " les qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires " ;

Mais considérant qu'en dehors du fait que la mention litigieuse ne figurait que sur l'un des articles vendus, il n'est pas établi que le message publicitaire incriminé ait pu toucher le public du centre Leclerc concerné ; qu'en effet, si le message publicitaire peut avoir pour support l'emballage du produit, il convient d'observer qu'en l'espèce la mention litigieuse, selon l'exemplaire d'emballage versé aux débats par la société Opal, est écrite en caractères assez peu apparents dans la partie postérieure de cet emballage qui n'est pas visible si l'article est présenté normalement, comme on peut vraisemblablement le supposer, debout et non pas à l'envers, sur la tranche ou couché ;qu'en tout état de cause, il ne résulte pas des constatations de l'huissier que les produits incriminés qui se trouvaient dans une vitrine, dont il n'est pas précisé si elle était ouverte étaient accessibles au public, et que le message incriminé ait pu être vu des clients avant leur décision d'achat et ainsi les induire en erreur ; que dès lors, le délit de publicité mensongère reproché à la société Nogentaise de Distribution n'est pas constitué.

III - Sur la vente à perte

Considérant que la société Opal reproche également à la société Nogentaise de Distribution d'avoir vendu les produits de sa marque à un prix inférieur au tarif auquel elle cède ses produits à ses revendeurs, soit 192,80 F (TVA 33,33 % comprise) pour le parfum et 189,40 F (TVA 33,33 % comprise) pour l'eau de toilette ;

Mais considérant que l'on ignore auprès de quel fournisseur la société Nogentaise de Distribution s'est approvisionnée, ni quel a été le prix d'achat consenti par son fournisseur ; que les tarifs pratiqués, TVA comprise par la société Opal à ses revendeurs, en France, ne peuvent donc être comparés avec ceux d'autres fournisseurs provenant éventuellement du marché européen qui sont peut-être les auteurs de la revente à perte ; qu'en l'état l'infraction de vente à perte reprochée à la société Nogentaise de Distribution n'est donc pas établie ; qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui n'a pas retenu à l'encontre de la société Nogentaise de Distribution les infractions prévues à l'article 422 du Code pénal, l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 et de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963 ;

IV - Sur l'application de l'article 1382 du Code civil et la licéité du réseau de distribution sélective mis en place par la société Opal

Considérant qu'il est de principe admis tant en droit interne qu'en droit communautaire que les contrats de distribution sélective sont licites et peuvent avoir pour effet de rendre juridiquement indisponible à l'égard des tiers la marchandise que vend le fabricant aux distributeurs qu'il a agréés ; que toutefois, la licéité de la distribution sélective est soumise à certaines conditions : choix des détaillants en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, sans discrimination et sans limitation quantitative injustifiée, possibilité pour le distributeur de vendre d'autres produits concurrents, contrats n'aboutissant pas, même de manière indirecte, à limiter la liberté du revendeur de fixer lui-même comme il l'entend le prix de vente du produit mais au contraire à assurer, par les obligations réciproques que s'imposent les co-contractants un meilleur service au consommateur, spécialement dans le commerce de produits requérant une haute technicité ou dans celui d'articles de marque ou de luxe ;

Considérant que la société Nogentaise de Distribution ne conteste pas la licéité de principe de la distribution sélective mais qu'elle estime que le contrat-type utilisé par la société Opal ne réunit pas les conditions nécessaires pour rendre licite le système de distribution sélective qu'elle a mis en place ; qu'à cet égard, elle fait valoir que les quelques contrats versés aux débats, dont deux sont antérieurs au constat du 12 juin 1985, n'apportent pas la preuve que la société Opal utilise le système de distribution sélective de manière générale, que l'examen de ces contrats révèle, d'après elle, un déséquilibre entre les obligations du distributeurs et celle du fabricant en faveur de ce dernier ; que d'ailleurs la société Opal s'est vu infliger une lourde peine d'amende à la suite d'infractions constatées par la Commission de la concurrence ; que les critères dans les contrats types, en raison de leur caractère vague et subjectif ne satisfont pas, à son avis, aux exigences de qualité objective requise pour leur validité et que ces contrats n'assurent pas un meilleur service au consommateur mais, au contraire en limitant la liberté pour le revendeur de fixer son prix de vente portent atteinte au libre jeu de la concurrence en infraction avec les dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;

Mais considérant qu'il ne suffit pas d'affirmer des généralités pour démontrer que les contrats en cause ne répondent pas aux critères de validité définis par la jurisprudence nationale et communautaire ; qu'à cet égard, il est symptomatique de souligner qu'au soutien de sa démonstration, insuffisamment appliquée au contrat-type en cause, la société Nogentaise de Distribution se borne à citer uniquement le seul article 2-2 dudit contrat pour dire que ce texte ne contient aucune indication relative aux qualités objectives mais fait en revanche interdiction au distributeur agréé de vendre des produits susceptibles de déprécier par leur voisinage l'image de marque des parfums " Van Cleef et Arpels " ; qu'en outre, la société Nogentaise de Distribution ne peut sans contradiction affirmer que la société Opal n'administre pas la preuve de la généralité de son système de distribution sélective alors que, dans d'autres passages de ses écritures, elle déclare " en l'espèce et d'une manière générale, les fabricants de parfums de prestige ne vendent leurs produits qu'à des distributeurs agréés avec lesquels ils concluent des contrats dits de distribution sélective " (conclusions du 3 juillet 1986 page 3) ou encore " il est avéré que les (sic) sociétés intimées ont conclu avec des détaillants un certain nombre de contrats dits de distributeur agréé, selon un modèle type " (conclusions du 18 décembre 1986 page 4) : qu'en toute hypothèse, il est de notoriété publique que les grands parfumeurs, dont la société Opal avec la marque " Van Cleef et Arpels " fait partie, commercialisent leurs produits par un réseau de distribution sélective ainsi d'ailleurs que cette dernière en justifie par la production de 5 contrats types de distributeur agréé, année 1985, et 3 autres de l'année 1986 pour le seul département d'Eure-et-Loire dans lequel la société Nogentaise de Distribution exploite son centre Leclerc, ainsi que par la production de diverses décisions judiciaires où il est fait état de contrats identiques dans d'autres départements ;

Considérant au surplus, que la décision du ministre des Finances et de l'Economie du 26 décembre 1984 infligeant une peine d'amende à la société des Parfums " Van Cleef et Arpels ", suite à un avis de la Commission de la concurrence, a été prise pour participation à des actions concertées ou à des ententes tacites visant les activités d'un distributeur qui pratiquait d'importants rabais ; que cet avis ne remet pas en cause la licéité du contrat-type de distribution sélective des produits de parfumerie et ses conditions générales de vente élaborées par la FFIPPBT et spécialement celui utilisé par la société Opal qui ne fait l'objet d'aucune critique particulière ; qu'il se borne à enjoindre à la FFIPPBT de modifier certaines clauses de ce contrat-type, l'une relative à l'utilisation publicitaire d'une marque ou de la référence de ses produits à l'extérieur du point de vente objet du contrat, et l'autre, concernant l'interdiction faite au distributeur agréé de vendre les produits aux autres distributeurs agréés de la marque sur le territoire national tout en autorisant la vente à des négociants de la CEE membre du réseau ; que d'ailleurs, la première clause incriminée ne figure plus sur le contrat-type de la société Opal pour l'année 1985, et que la seconde supprimée sur les contrats de l'année 1986 ne concerne pas la société Nogentaise de Distribution qui n'est pas distributeur agrée ;

Considérant également que l'examen du contrat-type et des conditions générales de vente de la société Opal pour l'année 1985 fait apparaître que cette société sanctionne ses détaillants suivant des critères qualificatifs suffisamment objectifs, clairs et précis ; qu'il en est ainsi des clauses du contrat exigeant du distributeur que la vente des produits ait lieu dans un cadre approprié, un environnement valorisant correspondant au prestige de la marque, de celles lui interdisant la vente de tous autres produits susceptibles de la déprécier par leur voisinage ; d'autres lui imposant une qualification professionnelle en parfumerie, un service de conseil suffisant et de vendre des produits toujours en parfait état de fraîcheur et de conservation ; qu'il n'est pas douteux que ces obligations, ajoutées à celles du fabricant qui doit lui livrer le matériel publicitaire approprié, reprendre les produits défectueux et le stock en fin de contrat ainsi qu'à faire respecter son système de distribution dans les conditions qu'elle fixe dans son contrat, tendent à assurer à la clientèle un accueil, une qualité de service et de présentation la meilleure possible et en harmonie avec le prestige du produit vendu ;

Considérant en outre, que la présence de 5 distributeurs agréés par la société Opal dans le département d'Eure-et-Loire exclut la possibilité de lui faire grief d'une limitation injustifiée du nombre de ses distributeurs ou d'une discrimination qu'en tout état de cause la société Nogentaise de Distribution, qui n'a d'ailleurs jamais sollicité son agrément, ne démontre pas ;

Considérant, enfin, qu'il n'apparaît pas que le système de distribution sélective mis en place par la société Opal ait fait échec de manière directe ou indirecte à la liberté du prix de revente par les détaillants ; qu'en effet, le tarif " France " des parfums Van Cleef et Arpels en vigueur au 1er mars 1985 ne prévoit aucun prix de vente imposé mais seulement un prix de vente indicatif ; que la société Nogentaise de distribution n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'en pratique ces prix indicatifs se sont transformés en prix respectés par l'ensemble des distributeurs à la suite d'une entente généralisée entre eux et la société Opal ; qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de faire droit à la demande de la société Nogentaise de Distribution en vue de faire déclarer illicites ou en tout cas inopposables les contrats de distribution sélective de la société Opal, et déclarer abusif le refus de vente que cette dernière lui aurait opposé et dont elle ne justifie pas ;

Considérant en revanche, que la société Nogentaise de Distribution en vendant dans son établissement, après s'être approvisionnée sur un marché parallèle des produits de la société Opal alors, d'une part, qu'elle n'avait pas la qualité de distributeur agréé qu'elle n'a d'ailleurs jamais sollicité, et, d'autre part, qu'elle n'ignorait pas en sa qualité de professionnel parfaitement informé des différents systèmes de distribution et en raison même des indications mentionnées sur les produits, que ces derniers ne pouvaient être vendus que par des membres du réseau de distribution sélective mis en place par le fabricant, a commis une faute et un acte de concurrence contraire à la loyauté commerciale telle qu'elle résulte d'usages professionnels établis dont la licéité est reconnue ; qu'à cet égard, la société Nogentaise de Distribution n'est pas fondée à soutenir qu'il ne peut y avoir en l'espèce, concurrence déloyale à défaut de similitude d'activité entre la société Opal fabricant qui vend à des détaillants et elle-même qui vend à des particuliers ; qu'en effet, la concurrence fautive peut être retenue quelle que soit la position des deux sociétés commerciales dans le circuit économique ; qu'il est manifeste qu'en vendant des produits de la société Opal en dehors du réseau de distribution sélective mis en place par cette dernière, la société Nogentaise de Distribution désorganise ce réseau, porte atteinte au prestige d'une marque dont les produits sont commercialisés exclusivement dans un cadre approprié, discrédite ou du moins met en difficulté la société Opal dans des rapports avec ses détaillants agréés, qui peuvent trouver prétexte à remettre en cause les contrats conclus avec elle et lui cause ainsi un préjudice en relation directe avec son comportement fautif ;

Considérant qu'il n'est pas établi que les agissements de la société Nogentaise de Distribution aient causé un préjudice matériel important à la société Opal ; qu'en effet, la société Nogentaise de Distribution a rapidement cessé, dès l'intervention de la société Opal, la vente des produits incriminés qui n'a pu porter sur de grandes quantités ; qu'en revanche, l'atteinte au réseau de distribution sélective et au prestige de la marque ont occasionné à la société Opal un préjudice moral non négligeable insuffisamment réparé par la somme de 1 F allouée par les premiers juges ; qu'il apparaît équitable tout en confirmant les mesures de restitution des produits et d'interdiction de leur commercialisation, de condamner la société Nogentaise de Distribution à payer à la société Opal la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts et d'autoriser la publication de l'arrêt à intervenir dans 3 journaux à titre de complément de dommages et intérêts.

Considérant qu'il apparaît inéquitable de laisser à la société Opal la charge des frais non taxables qu'elle a engagés, qu'il convient de lui allouer en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme de 5 000 F qu'elle justifie avoir remboursée ;

Considérant que la société Nogentaise de Distribution qui succombe dans son appel incident et pour partie sur l'appel principal doit être condamnée aux dépens d'appel ce qui rend irrecevable sa demande présentée en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit la société Opal en son appel principal et la société Nogentaise de Distribution en son appel incident ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt ; Le réformant pour le surplus et y ajoutant ; Condamne la société Nogentaise de Distribution à payer à la société Opal la somme de 20 000 F (vingt mille francs) à titre de dommages et intérêts ; Autorise la société Opal à publier le présent arrêt aux frais de la société Nogentaise de Distribution dans trois journaux, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 10 000 F (dix mille francs) ; Condamne la société Nogentaise de Distribution à payer à la société Opal la somme de 5 000 F (cinq mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes les demandes de la société Nogentaise de Distribution et déclare irrecevable celle fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP d'avoués Gas, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.