Cass. crim., 30 novembre 2004, n° 04-83.749
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Chaumont
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi forme par X Nicolas, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 25 mai 2004, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à deux cents jours-amende de cinquante euro et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 111-3 du Code pénal, L. 121-1 du Code de la consommation, 1134 du Code civil, 3 de l'arrêté n° 77-105 P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;
"aux motifs que les faits, tels qu'ils ressortent du dossier de la procédure, sont les suivants : alertés par une fédération de professionnels de l'ameublement et une association de consommateurs sur les pratiques commerciales du magasin à l'enseigne "Y" exploité depuis début septembre 2002 par Nicolas X à Parçay-Meslay (37), les agents de la DDCCRF d'Indre-et-Loire constataient lors d'un contrôle effectué le 8 octobre 2002 que les prix affichés faisaient apparaître des coefficients multiplicateurs (prix de vente TTC/prix d'achat HT) variant de 6,28 à 8,49 alors que les coefficients réellement appliqués à la vente se situaient, remises déduites, dans une fourchette de 2,06 à 4,16; que, sur trente clients contactés par la DDCCRF, vingt-trois questionnaires étaient retournés qui venaient confirmer les déclarations de deux couples de consommateurs préalablement recueillies par procès-verbal; qu'il en ressortait que l'ensemble de la clientèle, qui était attirée dans le point de vente par voie de "phoning" et de "mailing" au prétexte d'un cadeau à y retirer, était pris en charge sur place par des vendeurs qui, pour conclure la vente d'un salon, leur annonçaient qu'ils étaient les gagnants d'un prix obtenu par tirage au sort et leur proposaient une cascade de remises à divers titres, outre la possibilité de reprise de leur ancien salon; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que, sur les bons de commandes exploités correspondant à 61 transactions réalisées en à peine cinq semaines d'exploitation, le niveau moyen des remises accordées s'est établi à 52,3 % tandis que pour le quart d'entre eux se révélait un taux supérieur à 59 % tout en laissant à la société exploitante une marge confortable sur les produits vendus puisque le coefficient multiplicateur moyen après remises s'élevait à 3,12 ; que, sauf à envisager que l'ensemble des distributeurs de meubles se livre à des pratiques de cette nature, les prix de référence ne pouvaient avoir de réalité économique véritable pour autoriser des rabais d'une telle importance sans mettre en péril la rentabilité et la viabilité de l'entreprise; que les clients interrogés, tous heureux gagnants du "1er prix" ou du "2e prix" obtenu par un hypothétique "tirage au sort" et tous bénéficiaires de rabais aux intitulés aussi variés que fantaisistes, témoignent du caractère systématique de ces remises prétendument "personnalisées", par rapport à un prix de référence artificiellement majoré, comme résultant de l'application d'un coefficient multiplicateur supérieur à celui en usage dans la profession, et qui de l'aveu du prévenu n'a jamais été pratiqué, quand bien même les neuf clients cités par la défense dans ses écritures, sans doute moins difficiles à convaincre, n'auraient bénéficié "que" de 24 % à 33 % de remise; que, nonobstant la réalité du principe de liberté des prix, force est en conséquence de considérer que constituait une publicité trompeuse le fait d'afficher des prix de référence fictifs, sans rapport avec les prix effectivement pratiqués au moyen d'une politique agressive de remises importantes mais illusoires, dès lors qu'ils étaient de nature à induire les consommateurs en erreur sur la valeur vénale des produits proposés;
"1) alors que, lorsqu'un même fait est susceptible de tomber sous le coup d'une qualification générale et d'une qualification spéciale, c'est la seconde qui prévaut; qu'à les supposer établis, les faits objet de la poursuite tomberaient sous le coup de la contravention à la réglementation sur la publicité des prix et plus précisément des dispositions de l'article 3 de l'arrêté n° 77-105 P du 2 septembre 1977, incrimination spéciale et qu'en entrant dès lors en voie de condamnation à l'encontre de Nicolas X du chef de publicité de nature à induire en erreur, la cour d'appel a méconnu le principe sus visé ;
"2) alors que le principe de la liberté des prix admis par la cour d'appel implique par lui-même la licéité des remises fût-ce au moyen d'une politique commerciale agressive dès lors que ces remises n'ont pas pour effet d'induire en erreur le client en l'amenant à accepter d'acquérir le bien concerné à un prix égal ou supérieur à celui habituellement pratiqué par la profession tandis qu'il croyait l'acquérir à un prix inférieur à celui de la concurrence et que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer le caractère illusoire des remises accordées aux clients par le magasin géré par le prévenu sans s'expliquer sur les prix pratiqués pour les mêmes biens par la concurrence, a privé sa décision de base légale;
Attendu que, pour confirmer le jugement retenant la culpabilité de Nicolas X du chef de publicité de nature à induire en erreur, l'arrêt retient que les prix de référence étaient fictifs puisqu'ils faisaient artificiellement l'objet de remises systématiques s'élevant en moyenne à 52,30 % et que cette pratique induisait le consommateur en erreur sur la valeur vénale des biens proposés;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen, qui est inopérant en sa première branche dès lors qu'aucune réduction de prix n'était annoncée et qui, pour le surplus, se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, doit être écarté;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.