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Conseil Conc., 31 janvier 2005, n° 05-D-02

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Transport maritime de passagers à destination des Iles d'Hyères

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Dewailly, par M. Lasserre, président, M. Nasse, Mme Perrot, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 05-D-02

31 janvier 2005

Le Conseil de la concurrence (Commission permanente),

Vu la lettre du 19 avril 2002, enregistrée le 27 mai 2002, sous le numéro 02/0047 F, par laquelle la Compagnie Maritime des Iles d'Hyères (CMIH) a saisi le Conseil de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur du transport maritime de passagers à destination des Iles d'Hyères ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d'application ; Vu les observations présentées pour la Compagnie maritime des îles d'Hyères (CMIH), par Maître Scapel, avocat, ainsi que celles du commissaire du Gouvernement ; Vu les pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant de la Compagnie maritime des îles d'Hyères (CMIH) entendus lors de la séance du 21 décembre 2004 ; Adopte la décision suivante :

1. Dans sa saisine enregistrée le 27 mai 2002, la Compagnie Maritime des Iles d'Hyères (CMIH) estime que le fonctionnement du transport maritime de passagers à destination des îles d'Hyères (La Tour Fondue - Porquerolles) ne respecte pas les conditions d'une concurrence équilibrée entre les diverses compagnies maritimes assurant cette desserte pour les années 2001 et 2002. Elle fait valoir, notamment, les restrictions d'accès aux ouvrages portuaires, aussi bien celles limitant les possibilités d'accostage que celles visant à interdire la publicité ou l'installation d'une billetterie sur les quais. Elle affirme aussi que les décisions prises par la Chambre de commerce et d'industrie du Var, titulaire de la concession d'exploitation des ouvrages portuaires, auraient eu pour objet de favoriser ou de protéger la compagnie Transport du Littoral Varois (TLV), délégataire du service public de desserte maritime des îles d'Hyères. Elle évoque également une collusion générale des opérateurs en place et des autorités publiques pour empêcher l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché.

2. Lors d'une séance tenue le 1er juin 2004, le rapporteur a proposé au Conseil de rejeter la saisine pour défaut d'éléments probants, en application des dispositions de l'article L. 462-8 du Code de commerce. De son côté, la CMIH a produit des éléments nouveaux susceptibles d'appuyer sa saisine. Le Conseil, n'étant pas complètement éclairé sur ces éléments, a sursis à statuer afin que puissent être examinés ces documents nouveaux.

I. Constatations

A. SUR L'ÉTENDUE DU LITIGE

3. Il ressort des pièces du dossier que les ouvrages portuaires de La Tour Fondue ont été scindés en cinq emplacements d'accostage dénommés " postes à quai". Les trois premiers ont été réservés à la société délégataire du service public de desserte maritime des îles d'Hyères. Ces emplacements ont été concédés, par une convention signée avec la commune d'Hyères, à la compagnie Transport du Littoral Varois (TLV). La requérante n'a pas déposé d'offre pour obtenir cette concession. Enfin, le quatrième poste à quai est réservé au fret maritime et se trouve hors du champ de la saisine.

4. En outre, les dispositions de l'article 2 alinéa 3 du règlement de police du port de la Tour Fondue du 11 décembre 2001 précisent que " tout armement désireux d'exploiter une ligne régulière annuelle devra déposer auprès du concessionnaire et avant le 1er octobre de chaque année une demande détaillée précisant notamment la desserte envisagée, les itinéraires, le nombre et la taille des navires ". Or, dans sa saisine, la société requérante se réfère seulement au rejet de son offre déposée le 1er octobre 2001, ce qui permet de la regarder comme mettant seulement en cause les conditions d'attribution des postes à quai pour l'année 2002.

5. Il résulte de ce qui précède que le litige doit être circonscrit à la seule attribution, pour l'année 2002, du poste à quai numéro cinq le long duquel peuvent accoster les armateurs n'assurant pas le service public du transport.

B. LES PRATIQUES DÉNONCÉES

6. L'examen du procès-verbal du conseil portuaire du 12 novembre 2001 indique que : " Les possibilités résiduelles pour les opérations d'embarquement et de débarquement se limitent à l'exploitation du poste n° 5, pour lequel le nombre d'armateurs autorisés à exploiter sera limité volontairement à 6 et ce, pour des raisons de sécurité. ". Au cours de cette même séance, les compagnies retenues, ainsi que les créneaux horaires qui leur étaient affectés, ont fait l'objet d'un tirage au sort effectué sous le contrôle d'un huissier de justice. La CMIH a été la huitième société tirée au sort et s'est ainsi trouvée sur la liste complémentaire des armements, en attente de la libération d'un créneau horaire attribué aux six premiers.

7. Du fait de la défaillance de plusieurs des armements initialement retenus, cette société s'est vue attribuer, par lettre du 28 février 2002, le créneau d'accostage correspondant à l'armement numéro deux sur la liste principale. Toutefois, ce créneau lui a été retiré, le 12 avril 2002, au motif qu'elle n'avait pas respecté les dispositions de l'article 2 du règlement de police du port précité. Malgré cela, les autorités portuaires ont proposé, le 25 avril 2002, aux deux armateurs inscrits sur la liste complémentaire et non encore retenus (la Compagnie Hippocampe et la Compagnie des Bateliers de la Côte d'Azur), comme à la CMIH, de prendre rang pour des créneaux d'accostage.

8. Mais la requérante, sans contester le déroulement de la procédure d'attribution, met en cause les conditions d'exploitation qui lui ont été imposées par les autorités portuaires et qu'elle estime abusives ou discriminatoires. Elle produit, en particulier, un constat d'huissier, daté du 30 mars 2002, précisant qu'elle ne dispose pas d'un local de billetterie dans les installations du port de la Tour Fondue.

9. Cependant, il résulte des pièces du dossier que la Chambre de commerce et d'industrie du Var (CCI) a défini, à l'issue d'une réunion qui s'est tenue le 6 mai 2002, avec l'ensemble des armateurs concernés, dont la CMIH, et en accord avec ces derniers, les conditions d'usage des installations portuaires. Il a ainsi été convenu que, compte-tenu de l'exiguïté des ouvrages portuaires de la Tour Fondue, les ventes de billets s'effectueraient à bord des navires pour l'ensemble des armateurs souhaitant accéder au quai numéro 5. Dès lors, la compagnie requérante a bénéficié des mêmes conditions de fonctionnement que les autres armements placés dans la même situation.

10. L'instruction à laquelle il a été procédé à la suite de la séance du Conseil du 1er juin 2004, notamment les auditions des responsables de la CCI, n'a pas permis de confirmer les allégations de la CMIH sur le sens qu'il convenait de donner aux lettres du 26 novembre 2002 du vice-président de la Communauté d'agglomération et du 16 décembre 2002 du président de la CCI. Selon le saisissant, les termes de ces courriers pouvaient être interprétés comme accordant une exclusivité à la compagnie Transport du Littoral Varois (TLV) aussi bien pour le service public que pour le transport en concurrence, et laissaient planer un doute sur la légalité du refus d'accorder un accès à l'appontement réservé aux compagnies ne bénéficiant pas de la délégation de service public.

11. Mais l'instruction a montré que ces courriers des 26 novembre et 16 décembre 2002 constituaient des réponses aux demandes de M. X..., gérant de la CMIH, adressées aux autorités portuaires pour l'occupation d'emplacements 1 à 4 réservés, par convention, au seul titulaire de la délégation de service public et ne portait pas sur les autres emplacements ouverts à la concurrence. Par suite, le rappel de droits exclusifs mentionnés dans ces lettres ne visait que l'exclusivité du service public de voyageurs confié à la TLV-TVM, en application de la loi du 27 février 2002.

II. Discussion

A. SUR LE REFUS D'OCCUPATION DU DOMAINE PUBLIC

12. Une partie de la saisine de la CMIH porte sur le refus d'accès aux quais, d'installation d'une billetterie à terre ou de la pose d'un panneau publicitaire. La CCI du Var s'est vu concéder, par la commune d'Hyères, puis par le Conseil général du Var, la gestion des infrastructures portuaires. La contestation, qui oppose cette personne morale de droit public à la CMIH, porte donc, comme l'a reconnu en séance la saisissante, sur un refus d'autorisation d'occuper le domaine public. Le contentieux relatif à une telle décision, qui met en cause des prérogatives de puissance publique, ressortit par conséquent à la compétence des juridictions de l'ordre administratif.

13. Le saisissant a indiqué lui-même qu'il avait formé devant le Tribunal administratif de Nice, à propos des mêmes faits, un recours pour excès de pouvoir et un recours en indemnités.

14. Il y a donc lieu de déclarer la saisine irrecevable en ce qui concerne les pratiques relatives à l'occupation du domaine public portuaire.

B. SUR LES AUTRES PRATIQUES

15. En application des dispositions de l'article L. 462-8 du Code commerce, le Conseil de la concurrence peut rejeter une saisine pour défaut d'éléments suffisamment probants.

16. En l'espèce, le saisissant n'apporte aucun élément de nature à étayer de manière sérieuse l'affirmation selon laquelle il existerait une collusion générale entre les autorités publiques et la compagnie Transport du Littoral Varois (TLV) ou éventuellement d'autres compagnies de transport maritime pour empêcher l'arrivée de nouveaux opérateurs, ni aucun élément sur les moyens qu'auraient utilisés les membres de cette entente alléguée pour atteindre leur objectif. La simple allégation selon laquelle la CCI aurait organisé les conditions de la concurrence pour l'attribution des créneaux d'accostage en favorisant la compagnie Transport du Littoral Varois (TLV) ou une autre compagnie de transport maritime, notamment en écartant la CMIH du transport maritime de desserte des passagers à destination des îles d'Hyères, ne suffit pas à établir qu'il existe un début de démonstration de l'entente dénoncée.

III. Conclusion

17. En considération des éléments ci-dessus exposés, il y a lieu de déclarer irrecevable la saisine en ce qu'elle conteste les refus d'autorisation d'occupation du domaine public portuaire et de rejeter le surplus pour défaut d'éléments suffisamment probants.

Décision

Article unique : La saisine de la Compagnie Maritime des îles d'Hyères est déclarée irrecevable en ce qu'elle conteste les refus d'autorisation d'occupation du domaine public portuaire de La Tour Fondue et rejetée pour le surplus.