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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ., 24 septembre 2002, n° 01-00820

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gismoun (SCI)

Défendeur :

Lefort et Malingre, Manche Calvados Habitation (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Beuve

Conseillers :

Mlle Cherbonnel, M. Fabre

Avoués :

SCP Sebire Terrade, SCP Dupas-Trautvetter

Avocats :

Mes Lardenois, Levasseur

TGI Lisieux, du 19 janv. 2001

19 janvier 2001

La SCI Gismoun a, par acte notarié du 22 mai 1999, vendu à Monsieur Thierry Lefort et Madame Nadine Malingre une parcelle de terrain à bâtir située à Saint Arnoult, formant le lot N° 16 du lotissement "Le Bief du Moulin" pour un prix de 215 000 F.

Les acquéreurs ont conclu, le 31 mai 1999, avec la SA d'HLM Manche Calvados Habitation - SA MCH - un contrat de construction de maison individuelle à édifier sur ledit terrain.

Faisant état de la mauvaise qualité du sol et du sous-sol rendant en l'état le terrain inconstructible et impliquant l'exécution de coûteux travaux de reprise, Monsieur Lefort, Madame Malingre et la SA MCH ont fait assigner la SCI Gismoun en condamnation au paiement aux deux premiers nommés, sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, de la somme de 60 427 F correspondant au coût de la reprise du sol du terrain et à la SA MCH, sur le fondement de l'article 1382 dudit code, celle de 24 410 F HT représentant le montant des étude et analyse de sol auxquelles elle a du faire procéder.

Pour s'opposer aux demandes, la SCI Gismoun a répliqué que le terrain est constructible, que les acquéreurs étaient informés de ce qu'il était remblayé et enfin que l'acte de cession contient une clause de non garantie.

S'agissant de la demande présentée par la SA MCH, elle soutient n'avoir commis aucune faute à l'égard de cette dernière à laquelle il appartenait de prévoir des fondations adaptées au terrain.

Vu le jugement rendu le 19 janvier 2001 par le Tribunal de grande instance de Lisieux faisant droit aux seules prétentions de Monsieur Lefort et de Madame Malingre

Vu les conclusions déposées au greffe par:

- la SCI Gismoun, appelante, le 12 juillet 2001

- Monsieur Thierry Lefort, Madame Nadine Malingre, intimés, et la SA d'HLM Manche Calvados Habitation, appelante incidente, le 24 octobre 2001

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 22 avril 2002.

MOTIFS

La cour entend, pour un plus ample exposé des faits, se référer à la décision dont appel qui en fait une exacte relation.

Il suffit de rappeler que l'étude de sol effectuée à la requête de la SA MCH a mis en évidence la présence d'une couverture de remblais surmontant des argiles et des sables de faible consistance.

La société Fondasol, auteur de cette étude, affirme que, compte tenu des caractéristiques mécaniques faibles des argiles, il était nécessaire pour réaliser la construction d'exécuter des fondations profondes représentant un surcoût important par rapport au coût des fondations habituelles ou de procéder à une substitution de sol.

Les premiers juges ont exactement déduit des pièces produites que, si les acquéreurs avaient été avisés lors de la vente de ce que le terrain avait été remblayé, ils n'avaient pas été informés de la mauvaise qualité du sol et du sous-sol.

C'est de façon erronée et non exempte de mauvaise foi que l'appelante soutient que, compte tenu des informations qui leur avaient été fournies, il appartenait aux acquéreurs et surtout au constructeur de s'interroger sur la compatibilité de la construction envisagée avec le terrain.

En effet, l'existence d'un remblai, destiné, selon la SCI venderesse, à éviter les risques d'inondation n'était pas pour les acquéreurs un indice d'une mauvaise qualité du sous-sol.

Il ne saurait être reproché à Monsieur Lefort et à Madame Malingre, profanes qui achetaient un terrain alloti pour y faire construire une maison ne présentant aucune particularité, de n'avoir pas procédé à des vérifications complémentaires.

L'appelante opère sciemment une confusion entre les deux conventions successives, le contrat de construction de maison individuelle faisant intervenir un professionnel étant conclu alors que la vente du terrain était déjà réalisée et les obligations du vendeur et du constructeur parfaitement distinctes.

Les premiers juges ont retenu de façon pertinente que, si le terrain vendu était administrativement et techniquement constructible, l'obligation de recourir à des fondations spéciales et coûteuses diminuait à tel point son usage que l'acquéreur en aurait donné un moindre prix s'il l'avait connu ou même ne l'aurait pas acquis.

La société appelante reproche par ailleurs aux premiers juges d'avoir retenu sa qualité de vendeur professionnel et ainsi écarté l'application de la clause de non garantie contenue au contrat en cas de vice caché affectant le sol et le sous-sol. Elle fait valoir à cet égard qu'elle ne se livre pas à une activité habituelle de vente de terrains ou d'immeubles.

Il convient d'observer en premier lieu que le régime fiscal de la mutation n'est nullement significatif eu égard notamment à l'autonomie du droit fiscal.

La SCI Gismoun a acquis, le 9 décembre 1991, un terrain d'une contenance de 3 ha 44 a 50 ca et créé un lotissement à usage d'habitation pour le vendre en plusieurs lots.

Les premiers juges ont ajuste titre retenu que la SCl Gismoun, qui avait recherché dans la vente des lots un but spéculatif, était un vendeur professionnel tenu à garantie envers les acquéreurs, nonobstant la clause de non-garantie figurant au contrat.

Les dispositions de la décision déférée ayant condamné la SOI Gismoun à rendre aux acquéreurs une partie du prix correspondant au surcoût des travaux nécessaires pour construire l'immeuble, soit la somme de 60 427 F, méritent donc confirmation.

La société MCH critique pour sa part les dispositions ayant rejeté sa demande fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil, en paiement de la somme de 24 410 F HT (3 721,28 euro) correspondant au coût des études qui ont été rendues nécessaires par l'attitude fautive de la SOI Gismoun.

Il est certain que le fait pour cette dernière, vendeur professionnel présumé connaître les vices de la chose vendue, d'avoir vendu un terrain constructible atteint d'un vice caché, est constitutif d'une faute et l'obligation dans laquelle s'est trouvée la société MCH de faire procéder à des études et analyses de sol, est la conséquence directe de cette faute.

C'est à tort que les premiers juges ont considéré que les frais d'étude de sols auraient du, en tout état de cause, être engagés par le constructeur en application des dispositions de l'article L 231-2 du Code de la construction qui énonce, que celui-ci doit prévoir dans la convention le coût des travaux indispensables à l'implantation de la construction.

Ce texte ne lui impose pas en effet de procéder systématiquement à des études de sols préalables à la signature des contrats de construction, la seule sanction prévue étant l'impossibilité pour le constructeur de demander au maître d'ouvrage d'autres sommes que celles contractuellement prévues.

L'application dudit texte ne fait en revanche pas obstacle à ce que le constructeur réclame sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à un tiers fautif les frais d'étude de sols qu'il ne peut réclamer au maître de l'ouvrage.

Il convient de relever au surplus que le contrat de construction portant en l'espèce sur un terrain alloti, donc destiné avec d'autres à la construction de maisons individuelles, il ne saurait être reproché en l'espèce au constructeur de ne pas avoir procédé à une étude de sols préalable. La décision déférée est donc réformée de ce chef et la SOI Gismoun condamnée à payer à la SA MCH la somme de 3 721,28 euro.

L'appel principal n'étant pas fondé, la SOI Gismoun doit supporter les dépens d'appel et ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle doit en revanche régler à Monsieur Thierry Lefort, Madame Nadine Malingre et la SA d'HLM Manche Calvados Habitation, unis d'intérêts, qui ont engagé des frais irrépétibles en cause d'appel, une indemnité complémentaire sur ce même fondement qu'il est équitable de fixer à 1 200 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Réforme partiellement la décision déférée ; Condamne la SCI Gismoun à régler à la SA d'HLM Manche Calvados Habitation la somme de 3 721,28 euro à titre de dommages-intérêts; Confirme la décision déférée en ses autres dispositions non contraires à celles du présent arrêt; Y ajoutant, Condamne la SCI Gismoun à régler à Monsieur Thierry Lefort, Madame Nadine Malingre et la SA d'HLM Manche Calvados Habitation une indemnité complémentaire de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute la SCI Gismoun de sa demande présentée sur ce même fondement; Condamne la SCI Gismoun aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.