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Décisions

CA Aix-en-Provence, 10e ch. civ., 21 novembre 2000, n° 98-17150

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Tout Terrain Loisirs Paul Ricard (SARL), Compagnie d'Assurances GAN (SA)

Défendeur :

CPAM du Var, Centre Administratif du Crédit Lyonnais, Sacleux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vieux

Conseillers :

MM. Nal, Alenda

Avoués :

SCP Martelly-Maynard- Simoni, Me Magnan, SCP Blanc-Amsellem-Mimran

Avocats :

Mes Drujon d'Astros, Borra, Comtet

TGI Toulon du 25 mai 1998

25 mai 1998

FAITS ET PROCÉDURE:

Le 28 août 1995, Monsieur Sacleux; qui avait loué un Quad de 125 cm3 pour une durée de 15 minutes, était victime d'une chute sur le circuit exploité par le loueur d'engins, la société "Tout Terrain Loisirs", aux abords du troisième virage, lors de son premier tour de piste.

Estimant engagée la responsabilité contractuelle de l'exploitant du circuit, sur le fondement d'une obligation de sécurité et de conseil, il faisait assigner ladite Société et son assureur, la Compagnie Gan, au contradictoire de la Cpam du Var.

Par décision déférée, en date du 25 mai 1998, le Tribunal de grande instance de Toulon a:

- déclaré la SARL "Tout Terrain Loisirs" responsable du préjudice subi par le demandeur;

- ordonné avant-dire-droit une expertise médicale;

- condamné l'exploitant et son assureur à verser une provision de 50 000 F à valoir sur la réparation des différents chefs de préjudice, ainsi qu'une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SARL " Tout Terrain Loisirs " et la Compagnie Gan ont interjeté appel le 21 août 1998, faisant valoir:

- que la nature de l'activité induit que l'exploitant n'est tenu que d'une obligation de moyen;

- que le conducteur conserve l'initiative de la conduite et doit maîtriser impérativement l'engin;

- que les conseils préalables à l'utilisation ont été prodigués;

- qu'il s'agit d'une activité de tout terrain s' exerçant nécessairement sur un terrain accidenté sans protection particulière

- que le quad peut être piloté indifféremment assis ou debout, ce qui exclut tout dispositif de ceinture de sécurité;

- qu'il n'existe aucune obligation spécifique de fournir des casques de type intégral, les casques fournis étant par ailleurs homologués;

- que l'accident trouve sa cause exclusive dans la perte de contrôle de son véhicule par Monsieur Sacleux.

A titre subsidiaire, ils ont conclu à la minoration des sommes qui seraient allouées.

Ils ont formulé une demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour un montant de 5 000 F.

En réponse, Monsieur Sacleux a soutenu que l'obligation de l'exploitant est une obligation de sécurité de résultat, considérant qu'à l'instar de la jurisprudence citée par lui, il n'avait qu'une autonomie relative sur la marche de l'engin.

Subsidiairement, il fait plaider que l'obligation de moyen, si elle était retenue par la cour, aurait été méconnue, en raison de négligences coupables tenant :

- à l'insuffisance d'une information complète et sérieuse des usagers sur les risques de la pratique du quad;

- à l'état du circuit, hérissé de cailloux pointus et dangereux, ainsi que le révèle le procès-verbal d'enquête de police, lesquels auraient vraisemblablement joué un rôle actif dans la survenance de l'accident, par déviation brusque de la trajectoire de l'engin ;

- à l'absence de protection suffisante et adéquate dans les virages, l'implantation de quelques pneumatiques épars ne pouvant constituer une protection efficace, et

- au défaut de fourniture d'un casque de type intégral, qui aurait évité les traumatismes faciaux.

Sur les sommes demandées, il a explicité les différents postes de préjudices invoqués.

Régulièrement assignée, la Cpam du Var a demandé la condamnation du tiers responsable et de son assureur à lui rembourser la somme de 52 664,59 F correspondant aux débours par elle exposés pour le compte de son assuré, et à lui verser la somme de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La clôture a été ordonnée le 22 septembre 2000.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Attendu que l'obligation de sécurité qui pèse sur un loueur de quad est une obligation de moyen dès lors d'une part qu'il s'agit d'un engin très nerveux procurant des sensations fortes qui font partie du plaisir recherché par l'utilisateur, et d'autre part que celui-ci est aux commandes de l'engin et doit impérativement en maîtriser le comportement ;

Attendu qu'il convient donc de rechercher si, soit en sa qualité de loueur soit en sa qualité de fournisseur du circuit, la SARL "Tout Terrain Loisirs" a pu commettre une faute contractuelle engageant sa responsabilité ;

Attendu, concernant la location, que le fonctionnement de l'engin n est. pas mis en cause, mais l'insuffisance de l'information préalable à la première utilisation ainsi que la non fourniture de casques de type intégral;

Attendu qu'il ressort des éléments versés au débat qu'indépendamment de l'affichage du règlement dans l'enceinte du circuit, une initiation a été délivrée par le responsable de la SARL Tout Terrain Loisirs avant la mise en route du quad;

Que cela résulte tant des déclarations dudit responsable lui-même, qui a détaillé aux services de gendarmerie le contenu de l'apprentissage, que des déclarations de l'ami de Monsieur Sacleux qui utilisait lui-même un quad le jour de l'accident;

Que ce témoin a déclaré que, s'agissant du premier tour de piste, il roulait doucement selon les conseils donnés, déclaration qui corrobore celle de l'exploitant selon lesquelles il demande aux clients que les deux ou trois premiers tours soient réalisés lentement ;

Attendu par ailleurs que le port du casque est obligatoire ; que d'ailleurs au moment de l'accident, Monsieur Sacleux le portait, jugulaire attachée;

Attendu qu'aucune réglementation particulière n'impose aux loueurs de quad de fournir des casques de type intégral;

Que s'il est permis de penser qu'un tel dispositif de protection aurait évité les blessures faciales subies, pour autant le défaut de fourniture d'un casque intégral ne constitue pas une faute contractuelle, en l'absence d'obligation réglementaire en ce sens;

Attendu qu'il en est de même de la ceinture de sécurité, dont ce type d'engin n'est pas équipé par le fabricant, dans la mesure où le pilotage peut se faire indifféremment en position assise ou debout;

Attendu, concernant l'état du circuit, qu'il doit être tout d'abord relevé qu'à l'endroit où le quad a quitté la piste, se trouvaient un remblai de terre séparant le circuit adultes du circuit enfants et des pneumatiques usagés formant barrière;

Que Monsieur Sacleux soutient qu'un dispositif de bottes de paille eût été plus adapté;

Mais attendu que les circonstances de l'accident, telles qu'elles ont pu être établies par l'enquête, à savoir que Monsieur Sacleux n'a pas pu négocier une courbe à droite très prononcée, que l'engin a poursuivi une trajectoire droite, s'est soulevé pour retomber en contre-bas du circuit, ne permettent pas de retenir qu'une barrière de bottes de paille aurait pu davantage qu'une ligne de pneumatiques, arrêter la course folle de l'engin, puisqu' aussi bien, celui-ci a même franchi le remblai;

Attendu qu'il est également reproché à la SARL "Tout Terrain Loisirs" d'avoir procuré un circuit hérissé de grosses pierres pointues qui auraient joué un rôle dans la trajectoire du quad;

Mais attendu qu'il s'agit d'une activité de conduite en tout-terrain, ce que l'appellation même de la Société exploitante révèle ;

Que la configuration accidentée de la piste fait partie du plaisir recherché par l'utilisateur, qu'il appartient à celui-ci d'adapter sa conduite au relief de la piste;

Qu'au surplus, le procès-verbal d'enquête de gendarmerie n'indique nullement que les pierres, dont la présence sur la piste n'est pas anormale, auraient joué un rôle causal quelconque sur la trajectoire du quad;

Qu'il apparaît plutôt que Monsieur Sacleux a totalement manqué de maîtrise sur le comportement de l'engin pour amorcer le virage à droite dans de bonnes conditions;

Attendu en conséquence que la décision entreprise doit être réformée et Monsieur Sacleux débouté de l'ensemble de ses prétentions;

Attendu que l'équité ne commande pas en l'espèce de faire droit à la demande des appelants au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, - En la forme, reçoit l'appel. - Au fond, infirme le jugement entrepris.- Le mettant à néant, déboute Monsieur Sacleux de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit des appelants. - Laisse les dépens à la charge de Monsieur Sacleux avec distraction au profit la SCP Martelly-Maynard-Simoni et de Maître Magnan sur leur affirmation de droit.