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Décisions

CA Chambéry, ch. civ., 22 mars 1994, n° 50-92

CHAMBÉRY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Entreprise Rambosson Pierre (SA)

Défendeur :

Chalut, Blondin, Bensoussan (époux), Maillot, Valceschini, Valceschini (SARL), MAAF(Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Alberca

Conseillers :

MM. Vencent, Salati

Avoués :

SCP Vasseur Bollonjeon Arnaud, Mes Delachenal, Dantagnan, SCP Buttin Richard Fillard

Avocats :

SCP Bouchet Mermet Pauly Azema, SCP Cochet Rebut Selini Semenol, SCP Denarie Buttin Bern, Mes Hascoet, Serfaty

TGI Thonon les Bains du 13 juin 1991

13 juin 1991

Par acte en date du 31 décembre 1991 M. Maillot Jean Claude a relevé appel d'un jugement rendu le 13 juin 1991 par le Tribunal de grande instance de Thonon les Bains qui a :

Déclaré recevable l'assignation dirigée contre la SARL Valceschini par exploit du 28 janvier 1991.

Déclaré que les époux Bensoussan, maitres d'ouvrage , se sont immixés dans la construction de leur immeuble sis à Saint Julien en Genevois (74). par application des articles 1792 et suivants du Code civil.

Condamné Jean Claude Maillot à payer à Chalut et Blondin la somme de 33 000,45 F + 152 306,12 F outre indexation de ces sommes en fonction de l'évolution de l'indice national du coût de la construction (indice INSEE) entre le 1er trimestre 1989 et le 1er trimestre 1991, et outre 5 % de ces sommes indexées à titre d'honoraires de maître d'œuvre.

Condamné les époux Bensoussan à payer Chalut et Blondin la somme de 165 363,98 F , outre indexation et honoraires du maître d'œuvre à concurrence de 5 %, comme ci-dessus ordonnés.

Condamné in solidum les époux Bensoussan et la SA Rambosson à payer à Chalut et Blondin la somme de 207 069,67 F outre indexation et honoraires du maître d'œuvre à concurrence de 5 %, comme sus ordonnée ; dit que dans les rapports entre les 2 co-obligés, la SA Rambosson supportera 2/3 de cette condamnation et les époux Bensoussan 1/3.

Condamné in solidum les époux Bensoussan, la SA Rambosson et Maillot à payer à Chalut et Blondin la somme de 100 000 F, la somme de 10 000 F X 45 mois = 450 000 F, en réparation de leurs préjudices annexes et la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; dit que dans leurs rapports ces 3 co-obligés supporteront cette condamnation par parts égales

Met hors de cause Monsieur Jean François Valceschini la SARL Valceschini et la MAAF.

Condamné Messieurs Chalut et Blondin à payer aux époux Bensoussan, la somme de 4 200 F ;

Débouté, comme mal fondés, tous plaideurs de leurs plus amples prétentions.

Ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement.

Dit que la SA Rambosson, la SARL Valceschini, les époux Bensoussan et Monsieur Jean Claude Maillot conserveront à leur charge leurs frais taxables.

Fait masse des dépens de Monsieur Jean François Valceschini et des consorts Chalut-Blondin, et des dépens de la MAAF., des frais et honoraires d'expertise judiciaire et du coût du rapport Geotec (7 709 F) et dit que l'ensemble sera supporté par parts égales par les époux Bensoussan, Monsieur Jean Claude Maillot et la SA Rambosson.

La SA Rambosson Pierre Entreprise a relevé appel de cette mime décision le 14 janvier 1992. De même les époux Bensoussan le 20 janvier 1992

Les époux Bensoussan concluent à la réformation de ce jugement au motif qu'ils ne seraient pas tenus à la garantie décennale des articles 1792 et suivants du Code civil

Ils soutiennent encore que Chalut et Blondin seraient irrecevables à agir au titre des vices cachés de la construction en l'état de la clause de non recours contenue dans les actes de vente des 12 septembre 1986 et 31 janvier 1987.

Ils devraient en conséquence être déboutés de leurs demandes. A titre subsidiaire il est demandé à la Cour de condamner "in solidum" Maillot, la Société Valeschini, son assureur la MAF, Rambosson à les relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées contre eux.

Il est demandé reconventionnellement à ce que Blondin et Chalut soient condamnés à leur payer la somme de 59 958 F au titre d'un supplément de droit d'enregistrement supporté du fait de non achèvement du bâtiment outre 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans des conclusions additionnelles du 10 juillet 1992 les mêmes époux Bensoussan constatant que Blondin et Chalut ont vendu le terrain litigieux soutiennent que ces derniers n'ont désormais plus d'intérêt à agir. Ils revendiquent complémentairement la somme de 50 000 F à titre de dommages intérêts.

Dans leurs dernières conclusions du 8 novembre 1993 les mêmes époux Bensoussan demandent la main levée de l'inscription hypothécaire prise par Chalut et Blondin.

La SA Rambosson également appelante conclut à la complète réformation de la décision déférée et à sa mise hors de cause.

Valeschini et la SARL Valeschini concluent à la confirmation du jugement déféré qui les a mis hors de cause. Ils revendiquent la somme de 12 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Leur assureur la MAAF conclut également à la confirmation du jugement déféré qui l'a mis hors de cause.

Maillot soutient que Chalut et Blondin n'ont plus d'intérêt à agir du fait de la revente de leur immeuble. Il conclut à sa mise hors de cause.

A l'opposé Chalut et Blondin concluent à la confirmation du jugement déféré qui a retenu le principe de la responsabilité des époux Bensoussan au titre des articles 1792 et suivants du Code civil en l'état des désordres constatés sur leur immeuble.

Tenant le fait qu'ils ont vendu leur immeuble à un tiers en cours de procédure pour 1 240 000 F ils demandent à la cour de tenir compte de l'évolution du litige pour enregistrer la modification du fondement de leur action qui ne tend plus désormais à la réparation des désordres mais à l'allocation de dommages intérêts à l'effet de compenser le préjudice qu'ils sont supporté du fait de l'impossibilité ou ils se sont trouvés d'exploiter normalement l'immeuble acheté du fait des désordres.

Selon eux, ils subissent un préjudice du fait de la perte d investissement entre une somme de 1 327 642 F valeur 1987 soit 1 540 000 F valeur 1992 et le prix de revente du bâtiment augmenté du prix de revente du terrain soit 260 065 F . S'y ajouterait une somme de 1 017 848 F correspondant à la perte de productivité de 1987 à 1993 de cette même somme de 1 327 642 F.

En conséquence ils demandent à la cour de bien vouloir accueillir leur action et de condamner "in solidum" les époux Bensoussan la MAAF la SA Rambosson Pierre, Maillot et la SARL Valceschini à leur payer une somme de 1 277,913 F au principal outre 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la prise en charge de divers frais.

Sur quoi la cour :

Les faits de la cause et l'historique des relations contractuelles entre les parties ont été correctement rapportés par le premier juge dans le corps du jugement déféré. La cour se réfère expressément à cette partie de la décision non critiquée sur ce point pour la compréhension du présent arrêt.

Il convient simplement de souligner que la promesse de vente signée entre les parties le 12 septembre 1986 indique bien en page 3 que

- le bâtiment vendu est à l'état brut gros œuvre, murs extérieurs, toiture , amenées d'eau d'électricité, eau pluviale et eaux usées en attente dalle en béton non effectuée, électricité chauffage raccordements, fermetures non réalisés.

Il était encore ajouté que l'acquéreur devra faire son affaire personnelle de tous les travaux nécessaires à la mise en conformité du bâtiment en vue de son exploitation sans recours contre le vendeur.

Dans l'acte authentique signé devant notaire les parties entendaient encore confirmer que :

" le vendeur ne sera pas tenu à la garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous sol ou les bâtiments et que l'acquéreur s'oblige en outre à achever ledit immeuble conformément aux prescriptions contenues dans le permis de construire susvisé et celles contenues dans le modificatif qui pourrait âtre délivré et faire son affaire personnelle de l'obtention du certificat de conformité sans recours contre le vendeur ".

C'est donc délibérement, et par deux fois, que les parties ont placé la transaction qui les occupait sur le terrain de la vente des articles 1641 et suivants du Code civil et non sur celui de la garantie des vices cachés attachée à un ouvrage construit ou acheté et réceptionné par le maître.

C'est à bon droit que le terrain juridique a été choisi par les parties puisque l'immeuble entrepris par les époux Bensoussan n'était pas achevé, qu'il ne pouvait donc âtre réceptionné et qu'il est de jurisprudence constante que la garantie décennale ne s'applique que s'il y a réception laquelle s agissant d'un hangar d'un seul tenant ne peut âtre que globale et non lot par lot.

C'est par contre à tort que le tribunal a qualifié les époux Bensoussan de "constructeurs" alors que l'article 1792-1 du Code civil réserve ce qualificatif aux personnes qui vendent un ouvrage après achèvement ce qui n' est, encore une fois, pas le cas de l'espèce.

La transaction a donc été légitimement considérée par les parties commune une vente ordinaire non spécialement protégée par les articles 1792 et suivants du Code civil et par l'article 1646-1.

Les articles 1641 et suivants du Code civil, moins protecteurs des intérêts de l'acheteur, autorisent en l'article 1643 le vendeur à se prémunir de vices cachés par une clause contractuelle à condition de ne pas âtre considérée comme un vendeur professionnel.

Tel est bien le cas en l'occurrence puisque comme il a été dit plus haut une telle clause excluant les vices cachés de la garantie du vendeur a bien été signée entre les parties et que les époux Bensoussan, simples électriciens non avertis des techniques du bâtiment, ne peuvent âtre assimilés ni à des vendeurs ni à des constructeurs professionnels.

Ainsi même si l'action modifiée devant la Cour des consorts Chalut et Blondin pouvait âtre considérée comme recevable en l'état de l'évolution du litige , il échet de la rejeter puisqu'en tout état de cause les intéressés apparaissent contractuellement non fondés à se plaindre des vices litigieux qui ont entraîné selon eux un important préjudice financier du fait de la non exploitation du bâtiment acheté et de sa nécessaire revente à de mauvaises conditions financières. Les époux Bensoussan ne justifient pas de ce que Chalut et Blondin doivent régler la somme de 59 958 F. Par contre il échet d'ordonner la main levée de l'inscription hypothécaire.

Les appels en cause et en garantie apparaissent de ce fait sans objet et il échet de mettre les parties concernées hors de cause sans dépens.

IL n'y a aucune inéquité à ce que chaque partie conserve à sa charge ses frais irrépétibles.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Dit les appels réguliers en la forme. Quant au fond : Réforme en toutes ses dispositions le jugement déféré Statuant à nouveau. Constate que la transaction litigieuse s'analyse en une vente régie par les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil et que la clause d'exclusion de garantie des vices cachés voulue par les époux Bensoussan est licite. Déboute en conséquence les consorts Chalut et Blondin de leur action telle que modifiée en son fondement devant la cour et recevable comme telle en la forme tenant l'évolution du litige. Déboute les époux Bensoussan de leurs demandes reconventionnelles en paiement d'une somme de 59 958 F au titre d'un supplément de droit d'enregistrement. Dit sans objet les appels en cause et en garantie de la Société Rambosson Pierre, Maillot Valceschini et la société MAAF. Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ordonne la main levée de l'inscription hypothécaire prise par Chalut et Blondin sur la maison de Bensoussan cadastrée section UR 789 Therens Saint Julien en Genevois inscription référencée volume 93 V 4536. Fait masse de l'ensemble des dépens engagés tant en première instance que devant la cour par toutes les parties en cause et dit qu'ils seront supportés intégralement par Chalut et Blondin tenus solidairement. Fait application au profit des avoués de la cause des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.