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Décisions

CA Paris, 2e ch. B, 13 octobre 1995, n° 95-007441

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Guillaumin (Epoux)

Défendeur :

HLM Carpi (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Germain

Conseillers :

Mmes Kamara, Schoendoerffer

Avocats :

Mes Grau, Thomas

TGI Paris, du 14 déc. 1994 ; TGI Paris, …

14 décembre 1994

LA COUR statue sur l'appel principal de la société d'HLM Carpi et l'appel incident des époux Guillaumin, voies de recours tendant à la réformation des jugements rendus les 14 décembre 1994 et 6 mars 1995 par le Tribunal de grande instance de Paris dans le litige les opposant.

Faits et prétentions

Courant 1980, la société d'HLM Carpi a entrepris la construction d'un groupe de 20 maisons individuelles sur un terrain situé dans la commune de Loyes, au lieudit La Pie, cadastré B n° 460 et 461, jouxtant le talus de la côtière dominant la plaine de l'Ain.

Après un contrat préliminaire de réservation conclu sous seing privé le 29 septembre 1979, la société Carpi a, selon acte notarié du 28 mars 1980, vendu à terme aux époux Guillaumin la maison formant le lot n° 9 implantée sur un terrain d'une superficie de 4 a 66 ca cadastré section B n° 853, moyennant le prix de 308 400 F, payable pour partie à l'aide d'un prêt dont le règlement intégral se trouvait garanti par une compagnie d'assurances en cas de décès ou d'invalidité totale et permanente de l'assuré. L'acte précisait que l'acquéreur ne serait propriétaire de l'immeuble vendu qu'autant qu'il aurait acquitté intégralement le prix de la vente et que le transfert de propriété, qui rétroagirait cependant au jour de la signature de l'acte, résulterait de la constatation du paiement intégral du prix après remboursement des emprunts ayant servi à financer la construction. En avril-mai 1983, le talus bordant les lots n° 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 du groupe de maisons a glissé, emportant une partie de la parcelle et de ses clôtures.

A la suite de ces désordres, une expertise judiciaire a été réalisée en 1987 par M. Bardot et diverses expertises amiables accomplies entre 1983 et 1987 par M. Dardenne, M. Landry, le Bureau d'Etudes de sols Fondasol et Geoexperts.

M. Bardot a conclu, aux termes de son rapport déposé le 10 septembre 1987, que les glissements de terrain ont été causés par les précipitations exceptionnelles du printemps 1993 compte tenu des conditions géologiques et topographiques locales et qu'il était nécessaire d'entreprendre le plus rapidement possible des travaux de confortement afin d'éviter l'aggravation du phénomène qui, en remontant vers l'amont, pourrait mettre en cause non seulement la stabilité du talus mais également la sécurité des personnes.

Le 1er août 1989 M. Guillaumin a été déclaré en état d'invalidité permanente et totale en sorte que le solde du prêt par lui contracté a été pris en charge par la compagnie d'assurance Agami.

Suivant acte notarié du 23 décembre 1989 la société Carpi, constatant le paiement intégral du prix de vente, a consenti au transfert de propriété au profit des époux Guillaumin.

En 1990, la société Carpi a fait assigner en référé son assureur et son bureau d'études techniques et désigner un nouvel expert, M. Borges, avec mission d'examiner les désordres relatifs au glissement de terrain survenu en 1983.

Le phénomène d'effondrement s'étant reproduit à l'automne 1993 au cours des opérations de l'expert, les époux Guillaumin et quatorze autres occupants de pavillons dans le lotissement ont, par ordonnance de référé du 3 mars 1994, fait déclarer commune en leur faveur la décision ayant désigné M. Borges.

L'expert a déposé son rapport clos le 17 octobre 1994, préconisant l'abandon de neuf des maisons du lotissement, dont celle composant le lot n° 9, avec dédommagement des familles devant se reloger.

C'est dans ces conditions que, saisi par les époux Guillaumin, le Tribunal de grande instance de Paris a, par le jugement dont appel :

- déclare la demande recevable;

- prononcé la résolution du contrat de vente reçu le 28 mars 1980 par le notaire Magnin, entre la société d'HLM Carpi et les époux Guillaumin, relatif à un bien immobilier, terrain et maison, sis à Loyes (Ain), lieu dit La Pie, formant le lot n° 9 du lotissement d'HLM Carpi, aux torts de la société venderesse;

- dit que les époux Guillaumin doivent restituer le bien;

- condamné la société d'HLM Carpi à payer aux époux Guillaumin :

* la somme de 308 400 F valeur 1er trimestre 1989 affectée de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE au jour du jugement, ce au titre de la restitution du prix;

* la somme de 140 000 F au titre du remboursement des impenses utiles;

* la somme totale de 100 000 F à titre de dommages-intérêts;

Ordonné la publication du jugement à la Conservation des hypothèques;

condamné la société d'HLM Carpi à payer aux époux Guillaumin la somme de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dépens en sus.

La société d'HLM Carpi a relevé appel de ce jugement et les intimés ont été autorisés à assigner à jour fixe sur cet appel.

L'appelante a demandé à la cour de :

- réformer ce jugement en toutes ses dispositions;

- constater que l'assignation délivrée par les époux Guillaumin tendant à la résolution du contrat de vente n'a pas été publiée à la Conservation des hypothèques;

- en conséquence, déclarer leur demande irrecevable ;

- vu les articles 1641 et suivants du Code civil,

- constater que le contrat de vente conclu le 23 mars 1980, réitéré le 23 décembre 1989, ne pouvait faire l'objet d'une résolution à ses torts exclusifs;

- constater qu'à la date du contrat initial le 23 mars 1980, il n'existait aucun glissement de terrain affectant le talus bordant la propriété des époux Guillaumin;

- en conséquence, juger que l'immeuble vendu n'était affecté d'aucun vice caché;

- vu le plan du lotissement,

- vu le rapport déposé par l'expert Borges le 18 octobre 1994,

- constater que l'expert judiciaire précise que les maisons ne sont affectées d'aucun désordre mais que les dommages consistent uniquement en un glissement de la bordure du talus qui ne lui appartient pas, ce qui provoque un effritement des parcelles sur lesquelles les constructions sont implantées, ce qui risque d'entraîner une instabilité des constructions, en ce qui concerne le lot acquis par les époux Guillaumin dans les dix à vingt ans à venir;

- constater qu'à la date du transfert de propriété, le 23 décembre 1989, les désordres étaient avérés et parfaitement connus des époux Guillaumin,

- constater qu'ils ont néanmoins accepté lors de la régularisation de l'acte authentique, le 23 décembre 1989 le transfert de propriété et la renonciation à toute garantie du vendeur au titre des vices apparents ou cachés, du sol et du sous-sol;

- en conséquence, dire que la demande de résolution du contrat de vente à ses torts exclusifs n'est pas recevable ni fondée;

- à titre subsidiaire, sur les montants des indemnités allouées aux époux Guillaumin,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnité d'occupation;

- juger que la résolution du contrat de vente entraîne à la fois restitution du bien et remboursement du prix, mais également règlement d'une indemnité d'occupation, pour la période pendant laquelle le bien a été occupé par les intimés;

- constater que la valeur locative de ce type de pavillon est d'environ 3 000 F par mois, ce qui représente une somme de 504 000 F à titre d'indemnité d'occupation;

- juger que cette somme sera déduite du montant des indemnités allouées aux susnommés;

- constater que les justificatifs correspondant aux "impenses utiles" n'ont pas été versés aux débats au delà de la somme de 115 000 F, que l'énoncé de ces travaux démontre qu'ils ont été réalisés pour l'agrément personnel des époux Guillaumin et qu'il n'est pas établi que les équipements dont le remboursement est sollicité ne pourront pas être réutilisés dans un autre logement;

- juger qu'elle ne saurait être tenue à les rembourser;

- réformer la décision déférée en ce qu'elle a alloué aux époux Guillaumin une somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts complémentaires;

- constater qu'elle avait formulé deux propositions provisoires de relogement aux époux Guillaumin, les 31 mai et 30 septembre 1994, qui ont toutes été rejetées;

- en conséquence, juger que la demande au titre du préjudice moral n'est pas justifiée;

- vu l'article 564 du nouveau Code de procédure civile,

- rejeter les demandes nouvelles présentées pour la première fois en cause d'appel par les époux Guillaumin;

- à titre très subsidiaire,

- pour le cas où les condamnations prononcées à son encontre seraient confirmées, lui donner acte de ce qu'elle exercera un recours à l'encontre des assureurs en police multirisques habitation, éventuellement dommages-ouvrages du Préfet de l'Ain, du Maire de Villieu Loyes Mollon, de la société ILFA et de la DDE en qualité de maître d'œuvre des travaux de VRD.

Les époux Guillaumin ont allégué notamment que la société Carpi, professionnel de l'immobilier, ne pouvait ignorer les problèmes du terrain sur lequel elle édifiait les pavillons, que le vice caché était antérieur à la vente signée le 23 mars 1980 et que l'appelante ne saurait en aucun cas invoquer les clauses de non-garantie insérées dans l'acte authentique du 23 décembre 1989, et ce conformément aux articles 1792 et 1792-5 du Code civil, de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et du décret n° 78-464 du 24 mars 1978. Ils ont conclu à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente intervenue les 28 mars 1980 et 23 décembre 1989 et condamné la société Carpi à leur verser la somme de 308 400 F.

Par voie d'appel incident, ils ont prié la cour de dire que la somme de 308 400 F sera réévaluée en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE entre la date d'achèvement des travaux, soit le 3e trimestre 1980, et celle de la résolution, c'est-à-dire à la date de l'arrêt; de condamner la société Carpi à leur payer à titre de dommages-intérêts, en premier lieu, la différence entre la somme de 633 830,28 F, coût de l'acquisition, et la somme qui résultera du calcul de la réévaluation du montant afférent au capital versé, en second lieu 10 % du prix de la vente; de condamner la susnommée, d'une part, à leur verser une somme de 233 000 F à titre de remboursement des impenses utiles, d'autre part, à les indemniser à hauteur de 200 000 F de tous les frais qu'ils devront engager pour l'achat d'une maison identique (frais d'avance, frais de notaire, droits d'enregistrement etc...); de condamner en outre la société Carpi à leur verser les sommes de 20 000 F au titre des frais de déménagement, de 200 000 F en réparation de leur préjudice moral et de 35 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ils ont au surplus sollicité qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce qu'ils aient obtenu le justificatif de la régularisation des formalités de publicité foncière évoquées par la société Carpi.

Les débats ont été rouverts afin de recueillir les observations des parties sur la justification de la publication de l'assignation, requise par les époux Guillaumin auprès du Conservateur des hypothèques de Trévoux.

En outre, les époux Guillaumin ont été autorisés à relever appel à jour fixe du jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 6 mars 1995 qui a rejeté leur requête en rectification matérielle du jugement du 14 décembre 1994, laquelle tendait à ce qu'il fût dit que la somme de 308 400 F est due valeur 3e trimestre 1989 et non valeur du 1er trimestre 1989.

Dans ces circonstances, les parties ont été informées, le 7 juin 1995, que les deux affaires seraient appelées à l'audience du 6 juillet 1995. En cet état, la société d'HLM Carpi demande à la cour, aux termes de ses conclusions signifiées le 6 juillet 1995, de:

- constater que sur l'appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 14 décembre 1994, les parties avaient été renvoyées lors de l'audience du 12 mai 1995, sur réouverture des débats, à l'audience du 12 octobre 1995;

- constater que par ordonnance statuant sur requête à fin d'autorisation d'assigner à jour fixe, en date du 12 mai 1995, les époux Guillaumin ont été autorisés à plaider sur l'appel du jugement du Tribunal de grande instance de Paris en date du 6 mars 1995, à l'audience du 6 juillet 1995, mais exclusivement sur cet appel;

- en conséquence, vu les articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile,

- constater qu'au cas où la totalité de l'affaire serait appelée à l'audience du 6 juillet 1995, le principe du contradictoire ne serait pas respecté, compte tenu des communications récentes de pièces et conclusions effectuées par les époux Guillaumin;

- à titre subsidiaire, sur le fond,

- lui adjuger le bénéfice de ses premières conclusions;

- vu le rapport de MM. Borges et Bardot en date du 18 avril 1995,

- constater que des solutions permettant de remédier à la situation actuellement décrite par M. et Mme Guillaumin ont été étudiées par la société d'HLM Carpi;

- constater que la société d'HLM Carpi a formulé une proposition transactionnelle officielle auprès de M. et Mme Guillaumin le 14 juin 1995;

- juger qu'en cas de résolution du contrat conclu entre les époux Guillaumin et elle-même, la somme qui pourrait être allouée à ces derniers ne saurait excéder 402 830,28 F, correspondant au remboursement du prix du logement actualisé, au préjudice au titre des embellissements et améliorations effectués, dûment justifiés, et à la participation au préjudice moral, aux frais de déménagement et à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, sous déduction du montant de l'indemnité d'occupation fixée par l'expert judiciaire, selon la valeur locative du pavillon, à 3 000 F par mois pendant la durée d'occupation du pavillon;

- rejeter toutes les autres demandes comme injustifiées ou excessives dans leur montant et dans leur principe.

Les époux Guillaumin, par conclusions notifiées le 22 juin 1995, prient la cour de déclarer leur demande recevable dès lors que leur exploit introductif d'instance a été publié le 15 mai 1995 et de faire droit à leurs précédentes écritures, retenant en particulier, d'une part, qu'en cas de résolution d'une vente d'immeuble, l'acquéreur doit une indemnité d'occupation au vendeur qui recouvre sa qualité de propriétaire, sauf si celui-ci connaissait les vices du bâtiment qui ont entraîné la résolution de la vente, d'autre part, que le contrat de vente à terme prévoyait qu'en cas de résolution dudit contrat avant le transfert de propriété, le vendeur conserverait, même en cas de défaillance de l'acquéreur, les seuls intérêts et charges à titre d'indemnité d'occupation.

Ils concluent au surplus, par conclusions du 6 juillet 1995, à l'irrecevabilité des écritures notifiées par la société d'HLM Carpi le jour des plaidoiries.

Sur quoi, LA COUR,

Qui, pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure antérieure, s'en réfère expressément à la décision attaquée,

Sur la procédure

Considérant qu'il existe entre les appels contre les jugements du Tribunal de grande instance de Paris des 14 décembre 1994 et 6 mars 1995, le second ayant rejeté la demande de rectification d'une erreur matérielle affectant le premier, un lien tel qu'il convient de les juger ensemble;

Qu'il y a donc lieu d'ordonner la jonction des deux procédures;

Considérant que les parties ayant été informées le 7 juin 1995 que le recours contre le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 14 décembre 1994 serait appelé sur réouverture des débats à l'audience du 6 juillet 1995, elles ont disposé d'un délai nécessaire pour préparer leur défense, ainsi qu'en attestent les conclusions argumentées notifiées par la société d'HLM Carpi le 6 juillet 1995;

Considérant que les époux Guillaumin ont, le 22 juin 1995, déposé des pièces et signifié des conclusions auxquelles la société d'HLM Carpi a répondu de manière motivée; que les intimés, qui ont choisi de faire juger la présente affaire à jour fixe, ne sont pas fondés à prétendre que les écritures notifiées par la société d'HLM Carpi le jour des plaidoiries seraient tardives;

Considérant qu'il s'ensuit qu'aucune violation du principe contradictoire ne peut être utilement invoquée et que les conclusions et pièces communiquées par les parties sont recevables;

Considérant que les époux Guillaumin justifient de la publication de leur assignation à la Conservation des hypothèques de Trévoux le 15 mai 1995;

Qu'ils ont donc satisfait aux exigences de la publicité foncière et que leur demande est recevable;

Sur la résolution de la vente

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du contrat de vente à terme conclu le 28 mars 1980 entre la société d'HLM Carpi et les époux Guillaumin, il est prévu que le transfert de propriété de l'immeuble vendu, résultant de la constatation par avenant du paiement intégral du prix, rétroagira au jour de la signature du contrat de vente, l'avenant du 23 décembre 1989 énonçant ainsi que les bénéficiaires du transfert de propriété auront la propriété de l'immeuble à compter rétroactivement du jour de la signature du contrat de vente à terme;

Qu'il s'ensuit qu'il convient de se placer, non à la date de la constatation du transfert de propriété, mais à celle de l'acte de vente, à laquelle ce transfert rétroagit, pour apprécier l'existence du vice caché affectant le bien vendu ainsi que sa connaissance par les parties lors de la conclusion de la vente;

Considérant, en second lieu, que l'acte de vente énonce que l'organisme vendeur sera tenu à la garantie des vices cachés résultant de l'article 1646-1 du Code civil; Que, par suite, est réputée non écrite, par application de l'article 1792-5 du même Code, la clause de l'avenant aux termes de laquelle les bénéficiaires du transfert de propriété prendront l'immeuble dans l'état où il se trouve sans pouvoir exercer aucun recours contre la société Carpi pour raison soit du mauvais état du sous-sol, soit des vices cachés, dès lors qu'elle a pour objet d'exclure la responsabilité prévue par l'article 1792 du Code précité au titre des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination;

Considérant qu'il ressort des investigations de l'expert Borges que le plateau sur lequel se trouvent les maisons Carpi est constitué d'une carapace d'alluvions glaciaires sablo-graveleuses perméables reposant sur des couches d'origine marine du miocène; qu'il est connu que, dans cette région, le versant occidental de la vallée de l'Ain est en constante évolution par érosion; que ce phénomène d'érosion régressive, qui n'est pas continu et se manifeste par des glissements de terrain en masse ou superficiels se produisant lors des pointes de précipitations pluviales, est inéluctable; qu'ainsi les parcelles du lotissement Carpi implantées sur la bordure du talus voient leur superficie diminuer à chaque effondrement d'une tranche de la carapace glaciaire, certaines parties de la bordure de falaise s'étant effondrées au mois de mai 1983 et de nouveaux glissements s'étant produits en 1993; que la crête du talus recule donc peu à peu par à-coups et s'approche des constructions qui, un jour, seront sans conteste exposées au-dessus du vide et en danger d'effondrement;

Qu'il en résulte que le sol sur lequel se trouve implanté l'immeuble vendu aux époux Guillaumin, composé d'une maison sur un terrain d'une superficie de 4a 66 ca, - dont une partie est à ce jour effondrée et dont le surplus est appelé à disparaître à terme - est affecté d'un vice rendant le bien vendu impropre à l'usage d'habitation auquel il était destiné, que ce vice préexistait à la vente puisqu'il résulte de l'instabilité géologique de la côtière et qu'il était, pour les époux Guillaumin, caché à la date de la conclusion de l'acte notarié du 28 mars 1980 dès lors que ses manifestations ne sont devenues apparentes que lors des premiers effondrements survenus en 1983, la seule présence à proximité d'un château-fort effondré depuis plusieurs siècles n'ayant pu suffire à caractériser aux yeux des acquéreurs, qui ne sont des professionnels ni de l'immobilier ni de la géologie, le risque de disparition de la côtière sur laquelle la société d'HLM Carpi avait choisi d'implanter le lotissement;

Que l'appelante qui ne peut se prévaloir d'aucune clause d'exonération de responsabilité et n'est pas fondée à opposer à ses cocontractants l'éventuelle imputabilité du vice aux autorités administratives ayant délivré les permis de construire, est légalement tenue à la garantie de ce vice caché;

Considérant que de l'ensemble de ces éléments il suit que le premier juge a à bon droit prononcé la résolution de la vente aux torts de la société venderesse et dit que les acquéreurs doivent restituer le bien;

Sur les conséquences financières de la résolution

Considérant que les demandes d'indemnisation formées par les époux Guillaumin, complémentaires de leurs prétentions soumises au premier juge, sont recevables;

Considérant que la proposition transactionnelle formulée par la société d'HLM Carpi auprès des époux Guillaumin le 14 juin 1995 fait état d'une offre de restitution du logement actualisé établie en calculant, au regard du coût du bien acquis le 23 mars 1980 pour la somme de 308 400 F, la valeur de l'immeuble réactualisée sur la base de l'indice INSEE connu au 17 mai 1995, soit 552 282,72 F;

Que ce montant, qui n'est pas discuté par les époux Guillaumin, sera retenu;

Que la prétention formulée par ces derniers tendant au règlement par la venderesse de 10 % du prix de vente, n'est pas fondée;

Considérant que l'appelante offre également, dans son projet de transaction, la différence entre le coût d'acquisition d'un nouveau logement chiffré à 663 830,28 F et le prix du pavillon actualisé, soit 111 547,56 F;

Que cette somme, qui correspond à la valeur d'un immeuble comparable et aux frais d'acte - étant ici observé que les frais d'enregistrement acquittés à l'occasion de la vente résolue sont appelés à être remboursés par l'Administration - sera accordée;

Considérant qu'au titre des embellissements réalisés et justifiés, la venderesse formule une proposition à hauteur de 115 000 F, laquelle, eu égard à l'amortissement des éléments de décoration et d'équipement financés par les acquéreurs, indemnise équitablement leur préjudice de ce chef;

Considérant que les époux Guillaumin sont fondés à obtenir au titre des frais de déménagement une somme de 20 000 F, d'ailleurs offerte par l'appelante;

Considérant que le préjudice moral subi par les acquéreurs, qui sont contraints d'abandonner la maison qu'ils avaient aménagée et, de surcroît, ont subi durant de longues années l'inquiétude liée au risque d'effondrement de leur propriété, déjà en partie disparue alors au surplus que M. Guillaumin est un grand malade cardiaque ayant subi deux greffes du coeur, sera justement réparé par l'allocation de la somme de 118 000 F à titre de dommages-intérêts, exactement proposée par la société d'HLM Carpi;

Considérant qu'ainsi la société venderesse est tenue de verser aux acquéreurs la somme totale de 916 830 F au titre de la restitution du prix et de la réparation de leurs préjudices;

Considérant que par suite de la résolution de la vente qui la rétablit rétroactivement dans ses droits de propriétaire, la société d'HLM Carpi, dont il n'est pas démontré qu'elle aurait connu l'existence du vice caché lors de la conclusion de la vente, peut prétendre à une indemnité d'occupation à dater du 28 mars 1980;

Que, toutefois, informée par les conclusions du rapport dressé par l'expert Bardot le 10 septembre 1987 de la présence du vice affectant le sol du lot vendu et de la nécessité de procéder au confortement du talus ou au relogement des époux Guillaumin, elle s'est abstenue d'y pourvoir et a ainsi contraint les acquéreurs à poursuivre leur occupation des lieux alors qu'ils étaient démunis des moyens financiers de se reloger dans l'attente de la restitution du prix de vente et de la réparation de leurs préjudices; que, dès lors, l'appelante est mal fondée à solliciter le règlement d'une indemnité d'occupation postérieurement au mois de mai 1987;

Qu'eu égard à la valeur du bien en cause, chiffrée en 1980 à 308 400 F, et à l'inconfort de l'habitation dans un immeuble en partie effondré dès 1983, il convient de chiffrer l'indemnité d'occupation due par les époux Guillaumin à la somme globale de 70 000 F, qui se compensera avec les sommes à eux dues par l'appelante;

Considérant que l'acte requis par la société d'HLM Carpi, relatif à d'éventuels recours contre des tiers, est juridiquement inopérant et ne sera pas donné;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Guillaumin les frais irrépétibles par eux exposés à hauteur de 35 000 F;

Par ces motifs, - Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 95-7441 et 95-10938; - Dit recevables l'ensemble des pièces et conclusions des parties; - Déclare la demande des époux Guillaumin recevable; - Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 14 décembre 1994 en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 23 mars 1980 aux torts de la société d'HLM Carpi, dit que les époux Guillaumin doivent restituer le bien, ordonné la publication à la Conservation des Hypothèques, et mis les dépens à la charge de la société venderesse; - Le réformant pour le surplus et infirmant le jugement du 6 mars 1995, - Dit la société d'HLM Carpi tenue de verser aux époux Guillaumin la somme de 916 830 F au titre de la restitution du prix et de la réparation de leurs préjudices; - Dit les époux Guillaumin tenus d'acquitter une indemnité d'occupation d'un montant de 70 000 F; - Ordonne la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties; - Dit la société d'HLM Carpi tenue de verser aux époux Guillaumin la somme de 35 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; - Rejette toute autre demande; - Met les dépens d'appel à la charge de la société d'HLM Carpi et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code précité.