CA Pau, 1re ch., 19 octobre 1994, n° 92004048
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Fournier (Epoux)
Défendeur :
Blouin (Epoux) , Cantal
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Juge :
Mme Ville
Avoués :
SCP C&P Longin, Mes Marbot, Galinon
Avocats :
SCP Defos du Rau & Cambriel, Me Lopez, SCP Cuvreau & Mesplede
Les époux Fournier ont régulièrement relevé appel du jugement rendu le 19 novembre 1992 par le Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan qui saisi par les époux Blouin d'une action en résolution de la vente intervenue le 23 janvier 1991 a statué comme suit :
* Homologue le rapport du Monsieur Noutary.
* Met Monsieur Cantal hors de cause.
* Dit que le caractère inondable du sous-sol de la maison de Monsieur et Madame Blouin constitue un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil.
* Dit que ce vice était connu de Monsieur et Madame Fournier lors de la vente du 23 janvier 1991.
* Prononce, en application de l'article 1644 du Code civil, la résolution de la vente intervenue entre Monsieur et Madame Fournier et Monsieur et Madame Blouin le 23 janvier 1991.
* Condamne en conséquence, Monsieur et Madame Fournier à restituer le prix de cette vente à Monsieur et Madame Blouin soit la somme de 535 000 F abondée des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 1991, jusqu'au parfait paiement.
* Dit que Monsieur et Madame Blouin devront restituer la maison, objet de l'acquisition ci-dessus, dès la restitution effective du prix abondé des intérêts.
* Condamne Monsieur et Madame Fournier, à payer à Monsieur et Madame Blouin, la somme de 176 804,15 F à titre de dommages-intérêts, sauf à parfaire des charges financières courant sur l'emprunt contracté par Monsieur et Madame Blouin jusqu'au remboursement effectif du prix de la vente.
* Condamne Monsieur et Madame Fournier à payer à Monsieur et Madame Blouin la somme de 28 191 F représentant le coût des travaux nécessaires pour remédier à l'inondation de la maison.
* Ordonne l'exécution provisoire partielle du présent jugement, en ce qui concerne cette dernière somme.
* Condamne Monsieur et Madame Fournier à payer au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
- à Monsieur et Madame Blouin, la somme de 10 000 F
- à Monsieur Cantal, la somme de 6 000 F HT majorée de la TVA
* Condamne les époux Fournier au dépens.
Les époux Fournier contestent l'existence d'un vice caché rédhibitoire en raison du caractère exceptionnel de l'inondation du sous-sol ; en outre ils prétendent que ce vice ne rend pas l'immeuble impropre à sa destination dès lors qu'il n'affecte qu'une partie accessoire. Ils ajoutent que des travaux peu onéreux permettent de remédier au phénomène litigieux de sorte que la résolution de la vente n'a pas lieu d'être prononcée et offrent de payer la somme de 28 191 F, coût des travaux de réfection proposés par l'expert.
Les époux Fournier invoquent d'autre part leur bonne foi et s'opposent au paiement de dommages et intérêts faisant état de leur ignorance du vice.
Ils soulignent que Monsieur Fournier en sa qualité de plombier-chauffagiste ne peut être considéré comme un vendeur professionnel.
Enfin ils demandent à être garantis par leur vendeur, Monsieur Cantal, qui ne leur a pas indiqué que l'immeuble était inondable.
Ils demandent en conséquence à la cour d'infirmer la décision attaquée, de débouter les époux Blouin de leur action résolutoire et de les condamner au paiement de 10 000 F selon l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Subsidiairement :
- Donner acte à Monsieur et Madame Fournier de ce qu'ils offrent d'effectuer les travaux nécessaires pour remédier à l'inondation du sous-sol, tels que préconisés et évalués par l'expert à 28 191 F TTC ;
- Dire et juger cette offre est satisfactoire et débouter Monsieur et Madame Blouin de leurs demandes, fins et conclusions.
Très subsidiairement :
- Constater que Monsieur et Madame Fournier ne sont ni de mauvaise foi, ni des vendeurs professionnels ;
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamne Monsieur et Madame Fournier à payer à Monsieur et Madame Blouin la somme de 176 804,75 F à titre dommages-intérêts en application de l'article 1645 du Code civil ;
A titre infiniment subsidiaire :
- Dans l'hypothèse où par impossible, la vente serait résolue, donner acte à Monsieur et Madame Fournier de ce qu'ils se réservent de demander la résolution de la vente passée entre eux-mêmes et Monsieur Cantal ;
- Dans l'hypothèse où par extraordinaire, Monsieur et Madame Fournier seraient condamnés à payer des dommages et intérêts ou des dépens quels qu'ils soient, condamner Monsieur Cantal à les relever indemnes ;
Monsieur Cantal insiste sur sa bonne foi et invoque le rapport d'expertise et des attestations qui mettent en évidence la mise en place par ses soins d'une pompe destinée à la mise hors d'eau du sous-sol et la connaissance par les époux Fournier de cette installation.
Rappelant les principes juridiques applicables à la cause, il demande la confirmation du jugement et la condamnation des epoux Fournier au paiement de 6 000 F HT au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans des conclusions en réponse, les époux Fournier contestent la sincérité des témoins de Monsieur Cantal et maintiennent qu'aucune pompe n'existait au moment de leur acquisition. Ils insistent en outre sur le caractère exceptionnel des orages de l'été 1991 et sur l'insuffisance du réseau d'assainissement et d'évacuation des eaux de la commune.
Les époux Blouin demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un vice caché, préexistant à la vente et connu du vendeur.
Tout d'abord ils soulignent la répétition du phénomène d'inondation du sous-sol et la nécessité d'entreprendre en exécution du jugement les travaux préconisés par l'expert.
Ils insistent surtout sur l'importance du vice du fait de l'usage d'habitation du sous-sol en cause et font observer que les travaux réalisés laissent subsister un risque en cas de coupures de courant.
Disant rapporter la preuve de la mauvaise foi des époux Fournier, ils font appel incident et sollicitent des dommages et intérêts supérieurs à la somme allouée par les premiers juges.
Ils concluent en ces termes :
- Déclarer mal fondé au fond l'appel interjeté par Monsieur et Madame Fournier.
- Les débouter.
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan le 19 novembre 1992 qui a :
* homologué le rapport de Monsieur Noutary,
* dit que le caractère inondable du sous-sol de la maison de Monsieur et Madame Blouin constitue un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil,
* dit que ce vice était connu de Monsieur et Madame Fournier lors de la vente du 23 janvier 1991,
- Prononcer en application de l'article 1644 du Code civil la résolution de la vente intervenue entre Monsieur et Madame Fournier et Monsieur et Madame Blouin le 23 janvier 1991.
- Condamner en conséquence Monsieur et Madame Fournier à restituer le prix de cette vente à Monsieur et Madame Blouin, soit la somme 535 000 F abondée des intérêts aux taux légal à compter du 23 janvier 1991 jusqu'au parfait paiement.
- Dire que Monsieur et Madame Blouin devront restituer la maison objet de l'acquisition ci-dessus dès la restitution effective du prix abondé des intérêts.
- Recevoir Monsieur et Madame Blouin en leur appel incident et condamner Monsieur et Madame Fournier à leur payer à titre de dommages et intérêts la somme totale 236 804,75 F sauf à parfaire des charges financières courant sur l'emprunt contracté par Monsieur et Madame Blouin jusqu'au remboursement effectif de la vente.
- Prendre acte que Monsieur et Madame Fournier ont payé à Monsieur et Madame Blouin la somme de 28 191 F représentant le coût des travaux nécessaires pour remédier à l'inondation de la maison et ce en vertu de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement du 19 novembre 1992.
- Condamner Monsieur et Madame Fournier à payer à Monsieur et Madame Blouin la somme hors taxes de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
- Condamner Monsieur et Madame Fournier aux entiers dépens tant de première instance que d'appel en ce compris les frais d'expertise dont Monsieur et Madame Blouin ont fait l'avance et autoriser Maître Marbot, avoué à la cour, à procéder au recouvrement direct des dépens selon les dispositions de l'article 699 nouveau Code de procédure civile.
A titre subsidiaire :
Pour le cas où la cour estimerait ne pas devoir faire droit à l'action résolutoire, Monsieur et Madame Blouin sont fondés à titre subsidiaire à exercer à l'encontre de leurs vendeurs l'action estimatoire constituant le deuxième terme de l'option de l'article 1644 du Code civil.
Les époux Fournier seront tenus de rendre à Monsieur et Madame Blouin une partie du prix et à cet effet le tribunal désignera un expert immobilier qui déterminera la moins-value de la maison causée par le vice caché.
Les époux Fournier, en réplique, observent que les travaux pour remédier aux inondations ont été réalisés pour un coût de 12 335,59 F et offrent de payer cette somme.
Ils maintiennent sur le fond leurs précédentes conclusions.
En réponse, les époux Blouin précisait que les travaux réalisés ne concernent que l'installation d'une pompe et non pas l'ensemble des réparations visées dans l'expertise.
Ils soulignent que le système électrique de pompage ne met pas l'immeuble à l'abri d'un gros orage en cas de panne d'électricité.
Dans des conclusions ultimes, Monsieur Cantal rappelle qu'au moment de l'acquisition par les époux Fournier la pompe existait et maintient que celle-ci a été retirée par ces derniers, Monsieur Cantal estime toutefois que le vice caché n'est pas rédhibitoire en raison de son caractère aisément réparable.
Il conclut à la confirmation du jugement en ce qui le concerne et au débouté de l'action résolutoire des époux Blouin.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que selon acte notarié du 23 janvier 1991 les époux Blouin ont acquis des époux Fournier une maison d'habitation située 6 rue Yves du Manoir à Saint-Pierre du Mont pour le prix de 535 000 F, étant précisé que l'immeuble comprend un rez-de-chaussée surélevé et un demi sous-sol aménagé en chambre avec salle d'eau, WC, un bureau, un cellier, une lingerie et un garage.
Attendu que le 9 juillet 1991, soit 5 mois après la vente, le sous-sol de l'habitation a été inondé à la suite d'un violent orage.
Que d'autres inondations sont intervenues ultérieurement, les 31 août 1991, 4 septembre 1991, juin 1992 et juin 1993.
Attendu qu'il ressort des constatations de l'expert et des pièces concordantes versées aux débats par Monsieur Cantal (état des lieux - témoignages) que des travaux de mise hors d'eau du sous-sol (pompe électrique) avaient été réalisés par l'ancien propriétaire, Monsieur Cantal, qui les confirme, l'expert précisant que cette installation était indispensable à l'utilisation normale du sous-sol;
Attendu que les époux Fournier ne peuvent sérieusement contester compte tenu de la compétence technique de Monsieur Fournier plombier-chauffagiste, et des travaux qu'ils ont effectués dans le sous-sol avoir eu connaissance du vice affectant l'immeuble et de l'existence d'une pompe destinée à y remédier, l'expert faisant observer qu'ils ont changé le tableau électrique et ont été obligés de déposer le relais électrique servant à l'alimentation de la pompe ; qu'au demeurant le témoignage d'une voisine Madame Dany, qui a vu Monsieur Fournier en juillet 90 balayer son garage à minuit, confirme que ce dernier a lui-même subi des inondations ;
Attendu qu'il est permis de s'interroger sur les raisons pour lesquelles la pompe immergée a été retirée avant la vente litigieuse ; qu'en tout état de cause, en dissimulant à l'acquéreur le risque d'inondation et l'installation mise en place par Monsieur Cantal, Monsieur Fournier a fait preuve d'une particulière mauvaise foi qui lui interdit d'agir en garantie contre son vendeur ;
Attendu d'autre part qu'en application de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie "à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine" ;
Attendu que les travaux préconisés par l'expert (installation d'une pompe - pose d'un clapet anti-retour) permettent la mise hors d'eau du sous-sol dans les conditions normales de fonctionnement de la pompe ;
Mais attendu que les époux Blouin font observer avec pertinence qu'un risque d'inondation subsiste et versent aux débats au soutien de leur affirmation l'attestation de Monsieur Lamanda, artisan qui a réalisé les travaux de mise hors d'eau qu'il est certain notamment que l'immeuble litigieux doit rester sous alimentation électrique permanente ; qu'en outre la survenance d'orages parfois violents dans le département des Landes ne constitue par un phénomène exceptionnel ; que dès lors compte tenu de ce risque, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le sous-sol à usage d'habitation était impropre à sa destination ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et la mise hors de cause de Monsieur Cantal.
Attendu que les époux Blouin peuvent prétendre, outre la restitution du prix, à l'indemnisation de leur préjudice ;
Attendu que les sommes allouées par le tribunal ne sont pas contestées s'agissant des frais notariés, des frais financiers (charge de l'emprunt), des travaux de détermitage et d'amélioration de la villa ;
Attendu que les intéressés n'ont pu habiter le sous-sol qu'à compter du 1er juillet 1993, après voir réalisé les travaux de mise hors d'eau ; qu'il y a lieu, le trouble ayant persisté 6 mois de plus, d'indemniser le trouble de jouissance subi en leur allouant une somme de 30 000 F ; qu'en revanche aucune indemnité n'est due au titre des travaux d'entretien qui sont la contrepartie de la jouissance du bien ; qu'ainsi la somme de 40 000 F qui est demandée à ce titre doit être rejetée ;
Attendu qu'il est établi que les travaux effectués par les époux Blouin après expertise se sont élevés à la somme de 12 335,59 F ; qu'ils ont droit aussi au paiement de cette somme.
Attendu enfin que les époux Fournier qui succombent doivent être condamnés en compensation des frais irrépétibles engagés par leur adversaires en cause d'appel au paiement des sommes de 8 000 F aux époux Blouin et de 5 000 F à Monsieur Cantal, étant précisé que ces sommes ne sont pas soumises à la TVA.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, Rejette l'appel, Accueille l'appel incident, Confirme le jugement déféré sauf à constater que les travaux réalisés par les époux Blouin ont coûté 12 335,59 F au lieu de 28 191 F. Condamne les époux Fournier à payer 12 335,59 F. Y ajoutant : Condamne les époux Fournier à payer aux époux Blouin la somme supplémentaire de 10 000 F au titre du trouble de jouissance, Condamne les époux Fournier à payer respectivement aux époux Blouin et à Monsieur Cantal les sommes de 8 000 F et de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute les époux Blouin du surplus de leurs demandes. Condamne les époux Fournier aux dépens. Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Maître Marbot et Maître Calinon, Avoués, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.