Cass. com., 24 novembre 1992, n° 90-18.768
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Le Corsaire (SARL)
Défendeur :
Louarn
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bezard
Rapporteur :
M. Lacan
Avocat général :
M. Jéol
Avocats :
Mes Blondel, Hémery
LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, par acte du 7 janvier 1989, Mme Louarn a vendu à la société Le Corsaire un fonds de commerce d'hôtel-restaurant-salon de thé, classé dans la catégorie "deux étoiles" ; qu'ayant été informée par l'Administration, peu après son acquisition, de la nécessité d'engager d'importants travaux pour mettre l'établissement en conformité avec les normes édictées par un arrêté ministériel du 14 février 1986, sous peine de déclassement, la société Le Corsaire a assigné sa venderesse en réduction du prix ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1147 du Code civil ; - Attendu que, pour rejeter une telle demande, l'arrêt retient que l'arrêté précité revêtant un caractère réglementaire et s'adressant à tous les établissements hôteliers, la société Le Corsaire, professionnel de cette branche et assistée d'un conseil juridique, ne devait pas en ignorer l'existence ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le classement dans sa catégorie de l'hôtel constituait l'un des critères du prix élevé de l'achat et que la venderesse, personnellement avisée par l'Administration de l'importance des travaux à engager pour éviter le déclassement résultant de la nouvelle réglementation, avait omis d'en informer son acquéreur, ce dont il résultait que Mme Louarn avait agi de mauvaise foi et était irrecevable à reprocher à la société Le Corsaire son ignorance des modifications réglementaires intervenues, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1641 du Code civil ; - Attendu que, pour se prononcer comme il a fait, l'arrêt a également retenu que l'arrêté ministériel ayant accordé aux hôteliers un délai expirant en mars 1991 pour se conformer aux normes qu'il édictait, l'établissement bénéficiait encore, au jour de la vente, du classement dans la catégorie à laquelle il était réputé appartenir ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté qu'en l'absence d'importants travaux, le déclassement était inéluctable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 1147 du Code civil ; - Attendu que, pour se prononcer comme il a fait, l'arrêt a encore retenu que l'acte de vente stipulait que le cessionnaire renonçait à tout recours contre le cédant et s'engageait à faire son affaire de toutes les "prescriptions administratives auxquelles pareille exploitation pourrait donner lieu" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle clause est exclusive de la mauvaise foi du cédant, laquelle résultait en l'espèce des propres constatations de l'arrêt, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juin 1990, entre les parties, par la Cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.