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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 14 février 1995, n° ECOC9510041X

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Auto DLC (SARL), Longinotti (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Avocat :

SCP Parrat-Vilanova-Parrat.

CA Paris n° ECOC9510041X

14 février 1995

LA COUR est saisie des recours formés par les sociétés Auto DLC et Longinotti SA contre la décision n° 94-D-37 du 21 juin 1994 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par des concessionnaires et agents automobiles de Perpignan.

Il est fait référence pour l'exposé des éléments de la cause à cette décision et rappelé seulement que:

La société Prom'Auto Diffusion a le 6 novembre 1992, saisi le Conseil de la concurrence de faits susceptibles d'être qualifiés de concertation entre des entreprises ayant pour activité le négoce d'automobiles, à l'occasion du deuxième Salon international du 4 x 4 organisé les 1er et 2 juin 1991 par la société Média-Flash-Catalan dans la carrière de Salses-le-Château. Le Conseil de la concurrence (le Conseil) a retenu que les pratiques mises en œuvre par les sociétés Auto DLC, Evasion 4 x 4 et Longinotti SA, qui tendaient à écarter de cette manifestation la société Prom'Auto Diffusion, étaient de nature à limiter la capacité concurrentielle de cette dernière, mais n'avaient pu restreindre de façon sensible le commerce entre Etats membres, "compte tenu du caractère local, d'une part, du Salon concerné et, d'autre part, de l'entreprise exclue ".

Estimant que les pratiques constatées tombaient sous le coup des seules dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il a infligé des sanctions pécuniaires de 32 000 F à la société Auto DLC, 12 000 F à la société Evasion 4 x 4 et 100 000 F à la société Longinotti SA.

Reprenant pour l'essentiel l'argumentation développée devant le Conseil, les demanderesses au recours concluent, en premier lieu, à l'annulation de la décision pour violation du principe du contradictoire, arguant qu'elles n'ont pu discuter le montant de la sanction infligée et qu'elles n'ont reçu communication ni des chiffres d'affaires de la société plaignante ni des justificatifs concernant son inscription au registre du commerce et les autorisations de ses mandataires pour l'exposition des véhicules.

Elles soutiennent, en second lieu, que la saisine du Conseil par la société Prom'Auto Diffusion est irrecevable en raison de l'omission par l'avocat salarié des formalités prévues à l'article 136 du décret du 27 novembre 1991, de l'imprécision de son objet qui vise cumulativement l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et l'article 85 du traité de Rome et du défaut d'intérêt à agir de cette entreprise qui n'a pas fait connaître la nature de son préjudice.

Subsidiairement, elles sollicitent la réformation de la décision déférée, faisant valoir que la société Prom'Auto Diffusion, mandataire automobile, n'est pas en concurrence avec les concessionnaires, les produits et les prestations fournis par ces opérateurs économiques étant distincts. Elles ajoutent que cette entreprise n'apporte pas la preuve de ce que l'accès au Salon lui était ouvert et de ce qu'elle était autorisée par ses clients à exposer des véhicules.

Enfin, elles allèguent que le Conseil de la concurrence n'a pas précisé l'assiette de la sanction et n'a pas motivé les condamnations infligées dans la mesure où il n'a pas été tenu compte de l'importance économique du Salon et de la situation des requérantes au regard du marché des véhicules de type 4 x 4.

Le ministre de l'Economie considère, dans ses observations, que les moyens de procédure soulevés par les demandeurs doivent être écartés et que les pratiques d'entente sont caractérisées à l'égard des sociétés Auto DLC et Longinotti SA.

Le Conseil de la concurrence a fait connaître qu'il n'entendait pas user de la faculté de présenter des observations écrites. Le Ministère public a conclu oralement au rejet des moyens de procédure et à la confirmation de la décision attaquée sur le fond;

Sur la procédure:

En ce qui concerne la violation du principe de la contradiction:

Considérant que la cour observe, en premier lieu, que les sociétés Auto DLC et Longinotti SA ont pu consulter le dossier de la procédure où figuraient le numéro d'inscription du registre du commerce et les pièces comptables concernant l'auteur de la saisine ainsi que les engagements financiers pris par ce dernier vis-à-vis de la société Média-Flash-Catalan pour l'exposition des véhicules; qu'il s'ensuit que le principe du contradictoire a été respecté, étant au surplus observé qu'à aucun moment ces entreprises n'ont sollicité la production des autorisations d'exposer émanant des clients;

Considérant en second lieu, que l'assiette et le montant de la sanction encourue par une entreprise résultent de dispositions légales, en l'occurrence de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et sont, à ce titre, parfaitement déterminables quant à leur maximum; que les requérantes ne contestent pas le chiffre d'affaires retenu par le Conseil résultant des données comptables communiquées par elles;

Que, ayant eu la possibilité de prendre connaissance des données comptables de la société Prom'Auto Diffusion versées au dossier du Conseil, les requérantes ont été en mesure de fournir, dans leurs écritures et oralement lors de la séance du Conseil, toutes explications utiles sur le montant des sanctions encourues que le Conseil a fixé dans les limites du texte ci-dessus rappelé;

Que le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction n'est pas fondé;

En ce qui concerne la recevabilité de la saisine:

Considérant, d'une part, qu'il ne saurait être fait grief au conseil de la société Prom'Auto Diffusion d'avoir méconnu les dispositions de l'article 136 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, la lettre de saisine de cette entreprise ayant été signée par Me Esquirol agissant pour le compte du bureau régional de la Fidal (Fiduciaire juridique et fiscale de France), société d'avocats dont il est le salarié;

Considérant, d'autre part, que la société Prom'Auto Diffusion a exposé les pratiques dont elle se déclarait victime et visé les textes communautaires et nationaux dont elle demandait l'application; qu'ainsi le moyen tiré de l'imprécision de l'objet de la saisine manque en fait;

Considérant enfin que, l'action intentée devant le Conseil ayant pour objet la sanction des atteintes à la libre concurrence sur le marché de référence, l'auteur de la saisine n'a pas à justifier d'un préjudice;

Considérant en conséquence qu'il convient de confirmer la décision du Conseil en ce qu'elle a déclaré recevable et régulière en la forme la saisine présentée par la société Prom'Auto Diffusion;

Au fond:

Considérant que l'utilisateur final, désireux d'acquérir un véhicule, doit pouvoir recourir aux services de l'intermédiaire de son choix, mandataire ou concessionnaire automobile; qu'en conséquence ces deux opérateurs économiques, en dépit des différences de leurs statuts juridiques, sont en concurrence sur le marché du négoce des véhicules et doivent avoir accès sans discrimination aux différents supports publicitaires, faculté qui est expressément prévue pour les mandataires en automobiles par le règlement (CEE) n° 123-85 tel qu'il a été explicité par la Commission européenne dans une Communication du 28 décembre 1991 relative à la clarification de cette activité;

Considérant, par ailleurs, que les conditions d'accès au Salon et d'exposition des véhicules négociées par la société Prom'Auto Diffusion avec la société Média-Flash-Catalan ne sont pas susceptibles, quelles qu'elles aient pu être, de justifier les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par les sociétés concessionnaires; qu'il est en effet constant que c'est sous la pression de celles-ci que l'organisateur du salon en a refusé l'accès à la société Prom'Auto Diffusion alors qu'il lui avait donné dans un premier temps son accord;

Considérant, dès lors, que le Conseil de la concurrence a estimé à juste titre que les pratiques d'exclusion dirigées contre la société Prom'Auto Diffusion étaient de nature à limiter la capacité concurrentielle de cette entreprise;

Sur les sanctions:

Considérant que selon l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dont les termes ont été rappelés par le Conseil dans sa décision, le montant maximal de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos; que cette sanction doit être proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise;

Considérant que ni les dispositions ci-dessus reproduites ni le principe de proportionnalité des sanctions ne limitent le chiffre d'affaires de référence à la seule catégorie de clientèle acheteuse de véhicules 4 x 4; que c'est à bon droit que le Conseil a retenu la totalité du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France pour l'année 1993 par les requérantes;

Considérant que, pour justifier les condamnations infligées, limitées à environ 0,2 p. 100 du chiffre d'affaires, le Conseil a tenu compte non seulement de la gravité de l'atteinte à la concurrence qui s'est traduite par l'exclusion d'un concurrent d'un support publicitaire, mais également des résultats financiers des sociétés en cause et du caractère limité du dommage à l'économie, les agissements de ces dernières n'ayant porté que sur l'organisation d'un Salon d'importance locale consacré aux seuls véhicules du type 4 x 4;

Considérant que, les principes de motivation et de proportionnalité ayant été respectés, la cour ne trouve pas motif à modifier les sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence,

Par ces motifs : Reçoit les sociétés Auto DLC et Longinotti SA en leurs recours; Rejetant les demandes d'annulation et de réformation; Confirme la décision du Conseil de la concurrence n° 94-D-37 du 21 juin 1994; Met les dépens à la charge des requérantes.