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Décisions

CCE, 16 juin 2004, n° 2005-170

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aides en faveur de la construction d'un pipeline de transport du propylène entre Rotterdam, Anvers et la région de la Ruhr, notifiées par la Belgique, l'Allemagne et les Pays-Bas

CCE n° 2005-170

16 juin 2004

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1), et vu ces observations, considérant ce qui suit:

1. PROCÉDURE

(1) Depuis l'automne 2002, la Commission a eu des contacts informels avec les autorités allemandes et néerlandaises au sujet d'aides d'État en faveur des sections allemande et néerlandaise d'un projet de construction d'un pipeline de propylène. La Commission a écrit à l'Allemagne le 13 février 2002 et celle-ci lui a répondu le 27 mars 2003. La Commission a ensuite également eu des contacts informels avec les autorités belges. L'association des producteurs pétrochimiques européens (APPE) a communiqué un rapport à l'appui de ce projet par lettre du 15 mai 2003. Par lettres des 24 juillet 2003, 4 septembre 2003 et 16 octobre 2003, les autorités allemandes, néerlandaises et belges ont notifié des aides pour leur partie du projet. Ces dossiers ont été enregistrés sous les références N 355-03, N 400-03 et N 473-03 respectivement.

(2) La Commission a demandé des renseignements complémentaires à l'Allemagne par lettre du 27 août 2003; l'Allemagne s'est exécutée par lettres des 6, 15 et 28 octobre 2003.

(3) Par décision C (2003) 4080 du 11 novembre 2003, la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'égard des mesures notifiées. Elle a adressé cette décision à l'Allemagne, aux Pays-Bas et à la Belgique le même jour: les procédures ont été enregistrées sous les références C 67-03, C 68-03 et C 69-03 respectivement. L'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique ont présenté leurs observations sur cette décision par lettres des 12, 18 et 22 décembre 2003. La Commission a demandé un complément d'informations par lettres du 23 janvier 2004, auxquelles les États membres respectifs ont répondu par lettres des 20, 27 février et 2 mars 2004.

(4) La décision de la Commission a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). Trois parties intéressées lui ont fait parvenir des observations, qu'elle a communiquées à l'Allemagne, aux Pays-Bas et à la Belgique. Par lettres des 5, 29 et 11 mars 2004, ces derniers ont commenté ces observations. Enfin, ils ont envoyé des renseignements complémentaires par lettres des 25 mai et 4 juin 2004.

2. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DES MESURES EN CAUSE

2.1. Informations générales et bénéficiaire des aides

2.1.1. Le propylène et le transport du propylène

(5) Le propylène, produit dérivé du pétrole, est utilisé pour produire des polymères, qui servent à leur tour à fabriquer des matières plastiques. En Europe occidentale, quelque 70 % du total du propylène sont des sous-produits de la fabrication de l'éthylène. Par conséquent, la localisation des unités de fabrication est souvent déterminée par les débouchés de l'éthylène. La taille globale du marché de l'Europe occidentale est estimée à environ 14,7 millions de tonnes en 2001, dont la moitié est utilisée dans la région qui serait desservie par le pipeline. Les estimations de la croissance future du marché du propylène vont de 3,7 à 4,0% pour les années qui viennent. L'éthylène se caractérise par une croissance nettement plus faible, d'environ 2%.

(6) Actuellement, environ 550 chalands (de 1 500 tonnes chacun) et 4 800 wagons-citernes (de 50 tonnes chacun) transportant du propylène arrivent dans le triangle Rotterdam-Anvers-Cologne chaque année. On s'attend à ce qu'il y ait une pénurie d'environ 1,7 million de tonnes de propylène dans cette région en 2010. Sous l'effet de l'évolution structurelle du secteur chimique, le pipeline devrait alors transporter en fait 2,5 millions de tonnes.

(7) En ce qui concerne uniquement le transport de Rotterdam vers le sud du Limbourg et la région de la Ruhr, les chiffres sont légèrement différents. En 1997, la quantité de propylène transportée était de 93,4 millions de tonnes/kilomètre, dont environ 4 millions par chemin de fer et environ 89,4 millions par chaland. En 2010, un volume total d'environ 1,5 million de tonnes par an devrait être transporté vers la région de la Ruhr, ce qui représenterait 750 chalands par an. La quantité totale transportée de Rotterdam vers le Sud du Limbourg serait d'environ 180 000 tonnes par an, soit 900 wagons-citernes et 70 chalands par an.

2.1.2. Le bénéficiaire

(8) Le bénéficiaire sera European Pipeline Company BV (EPC), un consortium d'entreprises chimiques. Son prédécesseur est European Pipeline Development Company (EPDC). Les actionnaires en sont BASF AG, Celanese Chemical Europe GmbH, Shell Nederland Chemie BV, DSM NV, Rütgers Chemicals AG, Sasol Germany GmbH, Veba Oil & Refining & Petrochemicals GmbH, Westgas GmbH et SABIC Europe. Ce consortium détient les actifs néerlandais, 100 % de la société de gestion d'actifs belge, EPDC Flanders NV et 49,9 % de la société de gestion d'actifs allemande, Propylenpipeline Ruhr GmbH (PRG) (3). La société Landesentwicklungsgesellschaft Nordrhein-Westfalen (LEG) (4) possède les 50,1 % restants, mais n'est tenue à aucune obligation financière au-delà de sa participation au capital de la société. EPC et les sociétés de gestion d'actifs belge et allemande ont fondé ensemble une entreprise commune, "European Pipeline Administration Company" (EPAC), qui sera chargée de la gestion de l'ensemble du pipeline.

2.1.3. Le projet de pipeline

(9) Les notifications portent sur un pipeline devant assurer le transport du propylène de Rotterdam à Oberhausen, dans la Ruhr, en passant par Anvers, Tessenderloo, Geleen et Cologne. Le réseau aura une longueur d'environ 520 km. Son parcours, qui se compose de neuf sections, suit autant que possible les conduites d'éthylène existantes. La notification allemande ne concerne que la section entre Oberhausen, via Cologne, et la frontière néerlandaise ("Pilot 2"), où elle rejoint une autre section dans la région du Nord de la Ruhr ("Pilot 1"). Outre l'investissement dans le pipeline, de nouvelles capacités de stockage seront construites dans les ports néerlandais et belge et à Duisburg, en Allemagne. Conformément à la directive 85-337-CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (5), le bénéficiaire réalisera une évaluation des effets de l'ensemble du pipeline sur l'environnement.

(10) Le coût d'investissement total se monte à 148,5 millions d'euro, comme le montre le tableau 1 (6).

Tableau 1

<EMPLACEMENT TABLEAU>

(11) Le pipeline est géré conformément aux principes de l'"accès des tiers au réseau" ("open access/common carrier") et du "faible profit". Tout producteur ou utilisateur intéressé peut faire usage du pipeline sans discrimination. La capacité de ce dernier devrait être suffisante pour faire face à la croissance attendue pour les vingt prochaines années. Les redevances de transport seront égales pour tout utilisateur, qu'il soit ou non actionnaire. Elles seront fixées en fonction du nombre de sections traversées.

(12) Les redevances seront fixées de façon transparente, à un niveau comparable aux redevances pratiquées dans le transport ferroviaire et par voie navigable. Entre 2006 et 2008, [...] (*). Il n'y aura pas de rabais de quantité. Afin de maintenir les redevances à jour, une étude sur ces modes de transport sera réalisée tous les deux ans.

(13) Concernant les achats de travaux et services, EPAC et PRG doivent suivre les procédures d'achats établies par la législation relative aux achats publics aux niveaux communautaire et national.

2.1.4. Les aides

(14) L'Allemagne a l'intention d'accorder une subvention directe de 80 % du déficit calculé par rapport à une rentabilité normale ("unrentierlichen investiven Kosten") pour la partie allemande du pipeline ("Pilot 2"), avec un plafond de 50 % du coût d'investissement total. Le coût admissible est le coût d'investissement comprenant la planification, la construction et le premier remplissage, déduction faite des plus-values pendant les quinze premières années sur la base d'une analyse des flux de trésorerie actualisés. L'aide s'élèverait à 18 682 000 euro. Selon un calcul communiqué par les autorités allemandes, cette aide permet de parvenir à un taux de rendement interne (TRI) de 5,6% sur vingt-cinq ans.

(15) Les Pays-Bas ont l'intention d'accorder une subvention de 4 000 000 d'euro. Ce montant serait nécessaire pour amener la rentabilité de la partie néerlandaise du projet à un niveau acceptable pour les partenaires industriels. Les aides allemandes et néerlandaises sont des mesures "ad hoc", qui ne relèvent pas d'un régime précis.

(16) La Belgique a l'intention d'accorder une subvention directe de 2 919 480 euro et une exonération du précompte immobilier pour cinq ans, avantage estimé à 766 000 euro. Le coût d'investissement total en Belgique serait de 55,4 millions d'euro, dont les autorités belges ont reconnu 40 885 000 euro comme coûts admissibles. Un montant de 16 556 000 euro de bénéfices d'exploitation en a été déduit (7), ce qui laisse un montant admissible de 24 329 000 euro. Les autorités belges considèrent que l'aide relève d'un régime d'aides d'État approuvé par la Commission (8). Le régime prévoit une aide de 12 % pour ce type d'investissement, ce qui correspond à l'aide de 2 919 480 euro. Les coûts qui ne peuvent bénéficier d'une aide au titre de ce régime sont les coûts de recherche générale, d'achat de terrains et les commissions.

(17) L'aide belge a été notifiée pour obtenir une sécurité juridique et pour fournir à la Commission un tableau d'ensemble du projet d'investissement, avec le montant total de l'aide accordée.

(18) Les trois États membres ont subordonné les aides au respect des principes de "libre accès" et de "non-discrimination " pendant vingt-cinq ans, soit la durée de vie économique du pipeline. Le respect de ces principes est établi dans les statuts d'EPMC; après cette période de vingt-cinq ans, ces statuts ne pourront être modifiés sur ce point qu'à l'unanimité de tous les participants.

(19) Un prêt de la BEI jusqu'à concurrence de 30 % du coût total du projet est à l'examen. Les actionnaires apporteraient 8 millions d'euro de capitaux propres, le reste du financement étant assuré par des banques. En même temps, les actionnaires doivent supporter les pertes des premières années, soit environ 38 millions d'euro jusqu'en 2008, ce qui reviendrait en fait à environ 18 millions d'euro après intérêts et impôts.

2.1.5. Le réseau plus vaste d'oléoducs pour oléfines européen

(20) L'APPE a fourni à la Commission un rapport sur le réseau plus vaste d'oléoducs pour oléfines, dont le projet de pipeline en cause fait partie (9). Actuellement, on peut compter cinq systèmes distincts en Europe pour l'éthylène, qui ne sont pas interconnectés pour former un réseau complet et qui ne relient qu'environ 50 % de la capacité totale. Pour le propylène, il existe plusieurs systèmes individuels autour du Benelux. Le réseau global d'oléfines devrait connecter ces différents systèmes et les développer. Le rapport présente plusieurs cartes où figurent divers projets de construction de pipelines, en cours ou en projet, qui devraient permettre de réaliser le réseau dans son ensemble.

2.2. Les justifications de l'aide avancées par les autorités allemandes, néerlandaises et belges

(21) Le projet se justifierait par des considérations touchant à l'environnement, à la sécurité du transport et à la politique industrielle.

2.2.1. Les avantages pour l'environnement

(22) Le transport du propylène devrait se développer fortement et ce phénomène accentuerait la pression sur la capacité de transport par bateau et par camion. Le pipeline vise à alléger la pression et à prévenir les goulets d'étranglement. Il réduirait nettement les embouteillages sur les routes.

(23) La différence entre les émissions des modes de transport traditionnels et le transport par pipeline s'établirait selon le tableau 2.

<emplacement tableau>

(24) D'autres réductions des émissions résulteraient du fait que le pipeline permettrait de réaliser de nouveaux investissements sur des sites requérant moins d'opérations de transport d'oléfines.

2.2.2. La sécurité du transport et les embouteillages

(25) Le pipeline permettrait d'améliorer nettement la sécurité du transport. Le propylène appartient à la classe de risque la plus élevée. Sans le pipeline, la croissance du marché entraînerait une importante augmentation des autres formes de transport du propylène ainsi que des problèmes de sécurité et d'embouteillages qui y sont liés.

(26) Aux Pays-Bas, l'inquiétude porte surtout sur le transport par chaland et par chemin de fer. Le développement du transport ferroviaire accentuerait les problèmes de sécurité le long de la voie et de transbordement du propylène. Or, le pipeline permettrait de diminuer ce risque, notamment grâce à la réduction des manœuvres nécessaires dans les gares et du transbordement du propylène. L'une des zones où les risques sont les plus aigus le long de la liaison par chemin de fer entre Rotterdam et Geleen serait la gare de Venlo. Pour résoudre ce problème, il faudrait envisager un déménagement, ce qui représenterait un coût approximatif de 134 millions d'euro. Or, le pipeline rend ce déménagement moins nécessaire.

(27) Les Pays-Bas ont estimé le rendement social immédiat (sécurité du trafic, réduction des émissions et du bruit) de la subvention à 12 %.

2.2.3. La politique industrielle et les considérations touchant à l'emploi

(28) Le pipeline revêtirait une importance stratégique pour la viabilité de l'industrie chimique dans la région considérée. Une étude de 1998 relevait le manque d'infrastructures appropriées comme le principal facteur entravant la compétitivité. La situation est différente aux États-Unis, où il existe un réseau très développé. Le pipeline assouplirait très largement les opérations de transport puisqu'il sert de lieu de stockage, avec un accès direct et proche pour tous les utilisateurs. Il réduirait également l'incertitude de l'approvisionnement en propylène pour les clients, problème lié à des perturbations de la production dans les vapocraqueurs.

(29) En 1999, l'industrie des matières premières chimiques représentait 5 233 emplois dans la région d'Emscher-Lippe, en Allemagne. Environ 1 906 emplois dépendraient très largement des produits à base de propylène: 1 506 dans l'industrie des matières premières et 400 dans la transformation des matières plastiques. Sans le pipeline de transport du propylène, le potentiel de cette région ne serait utilisé qu'à 50 % au maximum. Une expertise a permis d'estimer le nombre d'emplois dans la région d'Emscher-Lippe avec et sans le pipeline. Pour l'industrie des matières premières, le projet créerait 658 emplois d'ici à 2010, sans les effets de multiplication. Pour l'industrie chimique intégrée, il s'agirait de 2 697 emplois. En chiffres absolus, l'emploi diminuerait de toute façon, mais à un rythme plus lent grâce au pipeline.

(30) En 2002, quelque 9 740 personnes étaient employées dans l'industrie chimique dans le Sud du Limbourg. De 500 à 550 d'entre elles travaillent dans la production du propylène, ainsi que dans la production et la transformation des produits dérivés du polypropylène, dans le Sud du Limbourg.

3. MOTIFS DE L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 88, PARAGRAPHE 2, DU TRAITÉ

(31) Dans sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité, la Commission a expliqué pour quelles raisons les mesures en cause devaient être considérées comme des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité et a exprimé certains doutes quant à leur compatibilité avec ledit traité. L'aide ne serait en effet pas couverte par l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (10) (ci-après "l'encadrement des aides pour l'environnement"), par les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (11) ni par d'autres lignes directrices ou encadrements établis par la Commission. De même, l'affaire en cause diffère d'autres aides en faveur de projets d'infrastructures de transport qui avaient été autorisées par la Commission. En ce qui concerne les critères généraux appliqués en matière d'appréciation des aides d'État, la Commission a observé que la nécessité du montant total et la proportionnalité des aides n'étaient pas claires. Certains pipelines existants ont été financés intégralement par des ressources privées. De surcroît, les intensités d'aide pour les diverses parties du projet sont variables; ainsi, l'intensité est relativement élevée notamment pour sa partie allemande. Certaines questions de fait se posaient en ce qui concerne les hypothèses retenues à la base des calculs de rentabilité. Enfin, la Commission se demandait s'il n'y aurait pas une distorsion indue de la concurrence, notamment entre entreprises chimiques participant directement au projet et d'autres entreprises du secteur chimique et d'industries liées, et entre l'industrie chimique de la région en cause et celle d'autres régions de la Communauté.

4. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

(32) La Commission a reçu des observations de Deutsche Bahn et de deux concurrents de l'industrie chimique.

(33) Deutsche Bahn a confirmé l'analyse de la Commission et considère que l'aide lèse ses intérêts puisque le transport par pipeline remplacera le transport ferroviaire, ce qui entraînera une perte de chiffre d'affaires d'environ 13 millions d'euro par an. Une nouvelle perte de chiffre d'affaires se produirait dans la mesure où des producteurs de propylène situés dans le Sud de l'Allemagne pourraient voir résilier des contrats de fourniture avec des utilisateurs de la région de la Ruhr. Deutsche Bahn a fourni plusieurs exemples de pertes de chiffre d'affaires causées par la construction de pipelines.

(34) Le premier concurrent se déclare favorable au développement d'une infrastructure de pipelines de transport d'oléfines en Europe, mais n'est pas persuadé que le projet en cause justifie l'aide qui lui est octroyée. En premier lieu, le pipeline ne transportera que la qualité "polymère", et non la qualité chimique ou la qualité "raffinerie", dont la teneur en propylène est moindre. La qualité polymère ne représente que 60 % du marché. Pour avoir accès au nouveau pipeline, les producteurs de la qualité chimique devront consentir des investissements substantiels afin de porter leurs produits au niveau de la qualité polymère. En second lieu, l'absence de réseaux de pipelines de transport du propylène en Europe ne saurait justifier la faible compétitivité de l'industrie chimique, car les redevances seront du même ordre que pour d'autres modes de transport. Le pipeline fera concurrence à ces derniers et l'aide faussera la concurrence avec les entreprises qui réalisent d'ores et déjà des investissements importants dans la sélection des sites, les môles, etc. En troisième lieu, le transport par péniche et par chemin de fer a démontré ses avantages pour l'environnement. En quatrième lieu, le pipeline peut avoir pour effet de déplacer les investissements des sites côtiers du Benelux vers l'Allemagne, par exemple.

(35) Le second concurrent admet le principe selon lequel le transport d'hydrocarbures légers par pipelines est intéressant sur le plan de l'efficacité et de la sécurité et qu'une bonne infrastructure encourage l'investissement et l'emploi dans les régions reliées par ce pipeline. Il fait observer toutefois que le débit actuel du propylène transporté de l'Ouest vers l'Est ne constitue pas une raison suffisante pour investir dans ce projet de construction d'un pipeline. Des volumes supplémentaires seraient nécessaires à chaque extrémité pour justifier l'aide: consommation du propylène dans le Limbourg néerlandais et le côté allemand du pipeline, et production de propylène dans la région côtière. Par contraste, SABIC a annoncé le développement du craqueur dans le Limbourg néerlandais, ce qui diminuerait le volume de propylène transporté de la région Anvers-Rotterdam-Amsterdam (ARA) vers le côté est du pipeline. Sans investissement dans la production de propylène dans la région ARA, le pipeline resterait sous-utilisé.

5. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE, DES PAYS-BAS ET DE LA BELGIQUE

5.1. Observations communes aux trois États membres

(36) Les trois États membres confirment l'importance du projet sur le plan de l'environnement, de la sécurité du transport ainsi que sur le plan industriel. Ils soulignent que le pipeline sera exploité suivant les principes de "libre accès", de "non-discrimination" et du "transporteur commun".

(37) Il n'a pas été possible de procéder par appel d'offres pour sélectionner les bénéficiaires, car certaines sociétés pétrochimiques participaient directement au projet en tant que propriétaires de certaines sections de pipelines existantes. Cette procédure n'aurait d'ailleurs pas été économique. Les distorsions de la concurrence sont exclues en l'espèce puisque toute société peut se joindre au consortium.

5.2. Observations de l'Allemagne

(38) L'Allemagne insiste sur le fait que l'aide publique ne constitue pas une aide d'État, car elle ne produit pas d'avantage sélectif. Le pipeline doit être considéré comme une infrastructure de transport, à l'instar d'autres projets de ce genre, ce qui serait conforme aux décisions antérieures de la Commission (12). Le projet a été lancé pour des raisons de politique écologique et industrielle et l'aide n'est pas une simple réaction à une initiative privée. De même, le fait que les autres modes de transport que sont les voies navigables et les chemins de fer sont financés par les pouvoirs publics a été pris en considération dans la décision d'aider le projet.

(39) L'Allemagne estime en outre que le projet cherche à organiser le transport du propylène selon différentes modalités. De ce fait, la mesure en cause relèverait du champ d'application de l'article 73 du traité.

(40) L'aide donnerait un rendement interne du projet de 5,6% en Allemagne. Un rendement plus élevé ne serait pas possible: si les recettes dépassaient les prévisions pendant les quinze premières années, un montant correspondant serait récupéré auprès du bénéficiaire. L'Allemagne souligne que les entreprises qui participent directement au projet ne jouissent pas d'un avantage disproportionné, car tout utilisateur potentiel aura accès à l'installation dans des conditions non discriminatoires. De surcroît, même les entreprises actives dans d'autres branches économiques peuvent entrer dans le consortium. Le pipeline reste la propriété de l'entreprise après quinze ans, mais cette dernière n'en retire aucun avantage.

(41) Comme le pipeline fait partie d'un réseau à l'échelle européenne, il n'y aura pas de distorsion de la concurrence dans l'industrie chimique d'autres régions de la Communauté.

5.3. Observations des Pays-Bas

(42) Les Pays-Bas font observer que dans les années 1990, l'industrie produisant de l'éthylène et du propylène dans le Nord-Ouest de l'Europe, qui était exportatrice nette, est devenue importatrice nette sous l'effet de la forte concurrence, notamment des pays asiatiques. Le marché de l'éthylène et du propylène du Nord-Ouest de l'Europe est actuellement un marché fermé à cause du manque d'installations de transport, de stockage et de transbordement indépendantes. Le projet bénéficiaire de l'aide pourrait obliger le secteur à ouvrir le marché. Les Pays-Bas ont fourni une carte où sont marqués des exemples de sites côtiers répartis dans toute l'Europe qui ont la possibilité de fournir structurellement ou temporairement du propylène au pipeline.

(43) Les Pays-Bas rappellent leur calcul du taux de rendement de la subvention pour la société de 12 %. Outre le calcul du taux de rendement interne du projet (6,19 %), ils font observer que les taux de rendement des modes de transport concurrents sont également faibles puisqu'ils se situent entre 1 et 8 %, selon le mode de transport considéré. Les Pays-Bas considèrent aussi que l'aide pourrait être jugée compatible sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité, puisqu'il s'agit d'un projet important d'intérêt européen commun.

5.4. Observations de la Belgique

(44) La Belgique ajoute aux observations générales que l'aide qu'elle a notifiée relève d'un régime approuvé par la Commission et que la position de cette dernière selon laquelle elle ne relèverait pas de l'encadrement des aides pour l'environnement n'est pas conforme à l'appréciation précédente qu'elle avait portée sur l'application du régime d'aides belge.

5.5. Commentaires sur les observations des intéressés

(45) En ce qui concerne les observations de Deutsche Bahn, les trois États membres soulignent que la subvention ne sera utilisée que pour l'infrastructure de pipelines et non pour le transport proprement dit et que les redevances seront fixées par référence à celles des modes de transport concurrents. Ces redevances seront transparentes et non discriminatoires. Les utilisateurs de propylène qui auraient déjà investi dans l'infrastructure de transport par voie navigable ou par chemin de fer ne sont pas désavantagés puisque les utilisateurs du pipeline assument eux-mêmes la responsabilité de la connexion au pipeline. De surcroît, la plupart des investissements nécessaires pour le transport par voie navigable ou par chemin de fer ne sont pas propres à l'utilisation du propylène, mais peuvent servir également pour transporter d'autres gaz liquéfiés. Enfin, Deutsche Bahn a la possibilité de prendre une participation dans EPDC. Le succès du projet de pipeline peut être important pour Deutsche Bahn puisqu'il ouvre des possibilités de transport du propylène vers l'intérieur du pays.

(46) En ce qui concerne les observations du premier concurrent, les trois États membres font observer que le propylène de qualité polymère est le seul qui se prête à tous les usages. La qualité "raffinerie" est très rarement utilisée en chimie eu égard au pourcentage élevé de propane qui se dégage du processus et qui doit être traité; du reste, il n'existe que peu de producteurs de qualité chimique et "raffinerie". On observe une tendance à l'utilisation accrue de propylène de qualité polymère dans les nouveaux procédés de production chimique. La question de la qualité a fait l'objet d'une discussion en profondeur, grâce à une task force instituée par le ministère des Affaires économiques du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. En fait, le pipeline ouvre un marché européen unique du propylène.

(47) En ce qui concerne les observations du second concurrent, les trois États membres relèvent que toutes les valeurs attendues, à la fois des participants et des experts indépendants, montrent une croissance disproportionnée de la demande de propylène dans les décennies à venir. Par conséquent, le problème consiste plutôt à éviter un goulet d'étranglement dans la capacité des modes de transport actuels. Le propylène produit par les installations de craquage dans lesquelles SABIC annonce son intention d'investir a été inclus dans les calculs de rentabilité du pipeline. Cet investissement est actuellement envisagé, mais l'économie du pipeline n'en serait pas affectée. En fait, si SABIC réalise son projet, le site de Geleen aurait plus besoin encore du pipeline pour assurer une souplesse opérationnelle dans le cas de défaillances imprévues du processus de production ou de consommation. De surcroît, des installations de craquage sont actuellement en cours d'expansion à Terneuzen; elles sont entrées en activité en 2002 et fournissent 300 kt aux consommateurs d'Anvers à Rotterdam. Le pipeline ouvre des perspectives d'investissement totalement nouvelles aux utilisateurs du propylène, quel que soit le lieu d'établissement des fournisseurs. De plus, les pipelines actuels n'appartiennent qu'à un petit nombre de grosses entreprises.

6. APPRÉCIATION

6.1. Existence d'une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité

(48) Le financement public de la construction ou de la gestion d'infrastructures de transport ne doit pas toujours être considéré comme une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Cependant, si l'organisme gestionnaire de l'infrastructure exerce une activité économique, l'aide pourrait apporter un avantage concurrentiel à son bénéficiaire. Or, aussi bien EPC que ses actionnaires exercent des activités économiques. À cet égard, cette affaire est très proche de l'affaire concernant l'oléoduc pour carburant pour avion à Athènes (13). La subvention publique permet au consortium de construire et d'exploiter une installation pendant vingt-cinq ans, sans en supporter la totalité des coûts. Il convient d'observer ce qui suit:

a) les États en question n'ont pas recouru à des appels d'offres ouverts pour la construction et l'exploitation du pipeline. Les autorités concernées se sont bornées à répondre à une initiative privée;

b) le pipeline est amorti sur vingt-cinq ans et les conditions fixées à l'octroi de l'aide sont applicables pour quinze ou vingt-cinq ans, mais le pipeline restera finalement la propriété des sociétés de gestion des actifs;

c) la participation à la société du pipeline est en principe ouverte à toute société, mais en pratique, seuls les producteurs de propylène et d'éthylène y participent directement;

d) la société doit fonctionner selon le "principe du faible profit". L'aide permet en fait un taux de rendement interne de 5,6% pour la partie allemande. Or, la structure tarifaire doit suivre l'évolution des redevances appliquées par les modes de transport concurrents. Par conséquent, un taux de rendement plus élevé ne peut être exclu.

(49) Pour ces raisons, il existe un avantage sélectif pour EPC par rapport aux autres entreprises qui auraient pu se lancer dans ce projet et par rapport aux concurrents offrant des services de transport de substitution. Par conséquent, il s'agit en l'espèce d'une initiative privée, subventionnée par l'État. Il est indubitable que l'aide affectera les échanges entre États membres. Les bénéficiaires en sont de grosses sociétés chimiques qui sont toutes actives sur le marché mondial. De surcroît, le projet concerne une activité de transport entre les trois États membres intéressés.

(50) L'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique se sont conformés à l'obligation de notifier l'aide qui leur est faite par l'article 88, paragraphe 3, du traité. La Commission observe que le coût total de l'investissement est supérieur à 25 millions d'euro et que le total de l'aide dépasse l'équivalent-subvention brut de 5 millions d'euro. Par conséquent, même si l'aide accordée par la Belgique était couverte par un régime d'aides approuvé, l'obligation de notifier l'aide prévue au point 76 de l'encadrement des aides pour l'environnement est applicable.

6.2. Compatibilité de l'aide en cause

(51) L'aide est accordée pour encourager une activité de transport. Le transport du propylène par un pipeline ne peut être considéré comme une adaptation du processus de production de ce produit; il constitue un service distinct. On constate en effet que le pipeline sera construit par de nouvelles entités juridiques, constituées dans le seul but de fournir des services de transport de propylène. Bien que les actionnaires d'EPC produisent et transforment du propylène, la nouvelle activité livre d'abord concurrence sur le marché du transport.

(52) Or, les règles régissant la compatibilité des aides d'État du titre du traité consacré aux transports ne sont pas applicables. Aux termes de l'article 73 du traité, sont compatibles avec le traité les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports. L'article 80 du traité apporte toutefois une limitation aux dispositions dudit titre en précisant que "[l]es dispositions du présent titre s'appliquent aux transports par chemin de fer, par route et par voie navigable". Par conséquent, l'article 73 n'est pas applicable à l'investissement en cause.

(53) En dépit des différents effets favorables de l'aide, aucune des règles régissant la compatibilité des aides d'État que la Commission a développées sur la base de l'article 87, paragraphes 2 et 3, ne sont applicables. Seule une part réduite de l'investissement se situe dans des régions assistées, et les autorités respectives n'ont pas sollicité d'autorisation au titre des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale. L'encadrement des aides pour l'environnement n'est pas non plus applicable dans le cas d'espèce. Le transport par pipeline pollue moins que d'autres modes de transport, exploités par des concurrents, même lorsqu'il s'agit de transport par chemin de fer ou par voie navigable. Par conséquent, il y aura une réduction nette de la pollution. En principe, la Commission n'autorise toutefois pas les aides à l'investissement qui entraînent une réduction de la pollution par des concurrents des bénéficiaires de l'aide. Elle considère plutôt des aides d'État comme compatibles dans certaines circonstances, lorsque le bénéficiaire réduit sa propre pollution.

(54) C'est pourquoi la Commission a apprécié la mesure directement sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité. Aux termes de cette disposition, peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. L'utilisation d'un pipeline, qui détourne une partie du trafic du transport par chemin de fer, par route ou par voie navigable, constitue une activité économique.

(55) Dans le domaine des infrastructures de transport, la Commission a déjà admis que des aides pouvaient être accordées si le marché n'apportait pas à la société l'infrastructure de transport public nécessaire pour réaliser une mobilité durable (14). Pour des installations accessibles à des conditions non discriminatoires à tous les exploitants existants et potentiels, elle a admis une intensité d'aide allant jusqu'à 50 % du coût total du projet. Le transport par pipeline, à l'instar des projets d'infrastructure de transport visés au considérant 38, réduit les émissions et est plus sûr que d'autres modes de transport. Il contribuera également à diminuer les embouteillages. De surcroît, la Commission est d'accord avec les autorités néerlandaises, belges et allemandes pour considérer qu'outre les avantages du projet sur le plan de l'environnement et sur le plan industriel, celui-ci présente également une importance stratégique pour l'industrie chimique dans la région considérée. Le projet serait également profitable aux producteurs de propylène d'autres régions de la Communauté, où l'offre de propylène est excédentaire, puisque le projet facilite la vente de leur produit. Aucun concurrent d'autres régions du Marché commun n'a nié l'existence de ces effets bénéfiques dans le cadre de la procédure.

(56) Les distorsions de la concurrence sur le marché du propylène sont limitées grâce au libre accès de tous les concurrents au pipeline. Le respect de ce principe est garanti pour vingt-cinq ans, période d'amortissement du pipeline, dont la capacité devrait normalement être suffisante pour éviter les goulets d'étranglement pour les vingt prochaines années.

(57) Les aides notifiées peuvent être considérées comme nécessaires et proportionnées aux objectifs. En leur absence, le rendement des investissements serait trop faible et le projet ne serait pas réalisé. Il convient de relever du reste que la subvention est limitée à un niveau qui ne permet qu'un taux de rendement interne (TRI) normal de l'investissement pour les entreprises en cause.Dans le cas d'espèce, le TRI devrait être calculé pour l'ensemble du projet (comprenant "Pilot 1") et non pour ses différentes sections, car elles sont inextricablement liées les unes aux autres et il serait illogique d'investir dans l'une sans le faire dans les autres. Si le pipeline n'était réalisé que partiellement, le débit de propylène prévu serait moins élevé, ce qui donnerait un TRI inférieur et diminuerait les avantages sur le plan de l'environnement, de la sécurité et sur le plan industriel. Le calcul pour l'ensemble du projet donne un TRI de 6,19 % sur vingt-cinq ans, mais ce taux ne serait que de 2,75 % si le calcul porte sur quinze ans. En l'absence de subventions, ce taux serait de 3,80 % et - 0,24 %. Les hypothèses à la base des calculs sont réalistes et raisonnables, même compte tenu des observations des intéressés sur ce point. Même le taux de 6,19 % peut être considéré comme égal ou inférieur à un taux de rendement normal pour ce type de projet. Le TRI après impôt d'autres systèmes de pipelines chimiques et pétroliers en Europe se situe entre 9 et 13 % sur vingt-cinq ans. Les systèmes équivalents aux États-Unis ont un TRI légèrement plus élevé, soit de 11 à 15 %. Les taux de rendement pour les centrales électriques et autres installations de ce genre se situent dans la fourchette de 10 à 13 % pour des périodes plus brèves, par exemple de quinze ans. Les attentes de l'industrie chimique en ce qui concerne les nouvelles installations chimiques sont supérieures à 15 %, alors que les taux de rendement de ces installations tendent à être plus faibles (9 à 15 %) selon le type d' installation et le régime fiscal. De surcroît, le TRI calculé dépasse les rendements moyens du transport ferroviaire (1 à 3 %) et du transport routier en vrac (3 à 4 %), mais est comparable à ceux du transport de produits chimiques par voie navigable (7 à 8%).

(58) Les distorsions de la concurrence entre les entreprises participant directement au projet et les autres entreprises chimiques et d'autres secteurs liés sont limitées. Tout d'abord, le pipeline sera utilisé par un grand nombre d'entreprises, et non seulement par celles qui prennent part au consortium. Une grande quantité du propylène sera utilisé sur des sites chimiques intégrés où les produits dérivés sont immédiatement injectés dans d'autres processus de production exploités par d'autres entreprises, dont des PME. En second lieu, toute société est libre de s'associer au consortium dans des conditions non discriminatoires. Le fait que les entreprises participantes soient soumises aux mêmes conditions indique également qu'il n'y a pas d'avantage substantiel pour une seule ou quelques-unes des entreprises du secteur. Eu égard au principe du faible profit et au principe selon lequel les redevances sont fixées à un niveau permettant tout juste de soutenir la concurrence d'autres modes de transport, l'avantage pour l'industrie consiste en une souplesse accrue et en la disponibilité immédiate du propylène plutôt qu'en un avantage pécuniaire.

(59) Il est vrai que les producteurs de propylène dont le niveau de pureté est inférieur à la qualité polymère peuvent ne pas tirer grand profit du pipeline. Cependant, toute norme limite l'utilisation d'un pipeline dans une certaine mesure et la norme choisie assure son utilisation la plus large. Dans une certaine mesure, le pipeline peut atténuer la concurrence entre producteurs sur la qualité du propylène, mais cet effet devrait être limité, car pour des raisons techniques, la plupart des entreprises chimiques auront besoin de propylène de qualité polymère et non de qualité inférieure. En tout cas, le pipeline n'entrave pas le transport de propylène d'autres qualités par chemin de fer et par voie navigable. L'effet positif sur la concurrence qui paraît le plus important découlera d'une plus grande souplesse d'approvisionnement et de la normalisation sur la qualité polymère, ce qui facilitera la tâche des utilisateurs qui souhaitent changer de fournisseur.

(60) Aux termes du point 29 de l'encadrement communautaire des aides pour l'environnement, la Commission peut autoriser les aides aux investissements permettant aux entreprises de dépasser les normes communautaires applicables à concurrence d'un niveau maximal de 30 % brut des coûts d'investissement admissibles. Bien que les investissements en cause ne relèvent pas dudit encadrement, la Commission observe qu'il n'existe pas de normes communautaires qui obligent les entreprises participantes à réaliser cet investissement. Le niveau total de l'aide, tenant également compte de celle qui est versée en faveur de "Pilot 1", est inférieur à 30 %. À l'inverse, un certain nombre d'éléments différencient le projet en cause des infrastructures de transport visées au considérant 38 et explique pourquoi des intensités plus élevées ne seraient pas admissibles dans le cas d'espèce. Ces décisions antérieures visaient par exemple des projets relatifs aux infrastructures de transport par chemin de fer et par voie navigable devant remplacer le transport par poids lourds et non le transport par pipeline devant remplacer le transport par chemin de fer et par voie navigable. En outre, le pipeline constitue une infrastructure de transport à longue distance et il ne s'agit pas simplement d'installations en un endroit donné ou sur une partie limitée du parcours. Il convient également d'observer que l'infrastructure ne peut être utilisée que pour le propylène et non pour transporter d'autres produits. De surcroît, les exploitants seront en même temps des utilisateurs importants du pipeline. En outre, si l'avantage ne découle pas en premier lieu de la baisse du coût du transport, mais d'un approvisionnement plus souple, ils en seront en tout cas des bénéficiaires importants. Pour toutes ces raisons, le niveau total de l'aide paraît approprié.

(61) Le pipeline faussera la concurrence en ce qui concerne les voies navigables et le chemin de fer, comme l'affirme Deutsche Bahn. La Commission relève que cette distorsion paraît inhérente à la nature du projet en cause, mais a admis des distorsions de ce genre dans d'autres affaires touchant à des infrastructures de transport parce qu'elle estimait que les avantages de ces projets l'emportaient sur ces distorsions. Compte tenu de tous les arguments développés, elle estime que le niveau de distorsion de la concurrence est acceptable eu égard aux avantages du projet et conclut par conséquent que la distorsion résultant de l'aide notifiée n'est pas non plus abusive.

7. CONCLUSION

(62) Les aides de 18 682 000 euro, 4 000 000 d'euro et 3 685 480 euro notifiées par l'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique en faveur de la construction d'un pipeline de transport du propylène de Rotterdam vers la région de la Ruhr via Anvers constituent des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

(63) Ces aides sont compatibles avec le Marché commun eu égard aux éléments suivants: la réduction des émissions et des embouteillages, ainsi que la sécurité accrue apportée par le projet; l'importance du projet pour l'industrie chimique dans les régions intéressées; la limitation des distorsions de concurrence par le respect des principes de faible profit, de l'accès des tiers au réseau ("open access/common carrier") et de non-discrimination, et le fait que l'aide est limitée à un niveau qui ne permet pas un taux de rendement supérieur au taux normal,

A arrêté la présente décision:

Article premier

Les aides notifiées par la Belgique, l'Allemagne et les Pays-Bas, pour un montant respectif de 3 685 480 euro, 18 682 000 euro et 4 000 000 d'euro, en faveur de la construction d'un pipeline de transport du propylène entre Rotterdam, Anvers et la région de la Ruhr sont compatibles avec le Marché commun.

Article 2

Le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne et le Royaume des Pays-Bas sont destinataires de la présente décision.

(1) JO C 315 du 24.12.2003, p. 7.

(2) Voir note 1 de bas de page.

(3) Les actifs appartiennent aux sociétés à responsabilité limitée EPDC NL CV, EPDC BE CV et PRG GmbH & CoKG, dont EPDC NL BV, EPDC BE BV et PRG GmbH sont les actionnaires respectifs.

(4) Le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie détient 68,15 % des parts de LEG, WestLB en possède 22,25 %, le reste des parts appartenant à des actionnaires privés.

(5) JO L 175 du 5.7.1985, p. 40. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2003-35-CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 156 du 25.6.2003, p. 17).

(6) "Pilot 1" représentera un coût d'investissement de 50,5 millions d'euro, pour lequel le projet bénéficiera d'une aide d'environ 25 millions d'euro.

(*) Informations confidentielles.

(7) Il convient d'observer que ces bénéfices d'exploitation sont le produit net moins l'amortissement et les intérêts sur investissements.

(8) Décret sur l'expansion économique dans la région flamande, N 40-99 (JO C 284 du 7.10.2000, p. 8) et N 223-93 (JO C 282 du 20.10.1993, p. 4).

(9) The Development of a European Olefins Pipelines Network and Its Benefits (Le développement d'un réseau européen d'oléoducs pour oléfines et ses avantages), mai 2003. http://www.petrochemistry.net/templates/shwPressroom.asp? TID=4&SNID=16

(10) JO C 37 du 3.2.2001, p. 3.

(11) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.

(12) Notamment N 517-98 UK, subventions pour le terminal européen de fret ferroviaire de Galles du Sud, Royaume-Uni (JO C 81 du 24.3.1999, p. 8), N 121-99 AT, aide en faveur du transport combiné (JO C 245 du 28.8.1999, p. 2), N 208-2000 NL, régime d'aide en faveur de terminaux terrestres publics (JO C 315 du 4.11.2000, p. 22) et N 649-01 UK, subvention en faveur des installations de fret, projet du port de Rosyth (JO C 45 du 19.2.2002, p. 2).

(13) Affaire N 527-02. Il s'agit d'une aide à l'investissement de 35% pour un oléoduc transportant du kérosène de la mer vers l'aéroport international d'Athènes. Cet oléoduc appartient au secteur public, mais est exploité par un consortium dans lequel l'aéroport, Olympic Airways et trois sociétés pétrolières sont associés. La Commission a jugé cette aide compatible au regard de l'encadrement des aides régionales (JO C 148 du 25.6.2003, p. 11).

(14) N 649-01 UK, Freight Facilities Grant scheme, voir note 12 de bas de page.