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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 3 mars 1995, n° ECOC9510055X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

FPIF, Union des pharmaciens de la région parisienne, Chambre syndicale des pharmaciens du Val-d'Oise, de la Seine-Saint-Denis, de Paris, des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne, de l'Essonne et de Seine-et-Marne, Syndicat des pharmaciens des Yvelines

Défendeur :

Souchon (ès qual.), Design Creation Marketing (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Feuillard

Avocat général :

Mme Thin

Conseillers :

Mmes Renard-Payen, M. Perie

Avoués :

SCP Valdelièvre, Garnier

Avocats :

SCP Boulan Koerfer Perrault, Me Colas de La Noue

CA Paris n° ECOC9510055X

3 mars 1995

LA COUR statue sur les recours en annulation et réformation formés, d'une part, par la Fédération des pharmaciens de l'Ile-de-France (FPIF), l'Union des pharmaciens de la région parisienne (UPRP), les chambres syndicales ou syndicats des pharmaciens du Val-d'Oise, de la Seine-Saint-Denis, de Paris, des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne, de l'Essonne et de Seine-et-Marne, d'autre part, par le syndicat des pharmaciens des Yvelines contre la décision du Conseil de la concurrence (le Conseil) n° 94-D-34 du 7 juin 1994 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité dans les pharmacies.

Il est fait référence pour l'exposé des faits à cette décision. Il convient seulement de rappeler ici les éléments caractéristiques de la cause.

Les sociétés SDMT, Etoile télématique et Design Création Marketing "Pharmédia" (DCM) avaient développé une activité de publicité vidéo-graphique dans les pharmacies de la région parisienne.

A la suite d'une étude réalisée au mois d'octobre 1990 par la société Miessele Entreprises, dont le responsable est M. Bic, pour le compte de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, ont été créées pour une activité de publicité vidéographique dans les pharmacies:

- le 1er mars 1991, la société Gestion et Finance, dont la majorité des parts étaient détenues par la société Miessele Entreprises;

- le 4 mars 1991, la société en commandite par actions Spieurope, dont l'associé commandité était la société Gestion et Finance qui en assurait par ailleurs la gérance et dont les associées commanditaires étaient les chambres syndicales de pharmaciens demanderesses au recours, lesquelles sont regroupées dans deux fédérations régionales, l'UPRP et la Francilienne (non en cause) qui ont elles-mêmes constitué la FPIF;

- le 8 avril 1991, trois sociétés filiales de Spieurope, Pharmimage, Réseau Image et Pharmadif. Il était prévu que le capital des deux dernières serait constitué à 49 p. 100 par l'apport partiel d'actif des sociétés SDMT et DCM

Parallèlement, l'UPRP a mis en garde les pharmaciens d'officines contre les pratiques des prestataires de services de publicité par l'image et leur a annoncé qu'elle serait bientôt à même de leur proposer des réalisations sérieuses.

Dans le même temps, M. Bic a noué des contacts séparés avec les sociétés SDMT et DCM et, le 6 mars 1991, la société Gestion et finance leur a adressé une proposition de partenariat.

En définitive, les commissaires aux apports des sociétés Réseau Image et Pharmimage ont émis des avis défavorables à l'apport partiel d'actif des sociétés SDMT et DCM en raison de la dégradation de leurs situations financières. Ces avis ont été entérinés par les conseils de surveillance.

Les sociétés Etoile télématique, DCM et SDMT ont été mises en liquidation judiciaire respectivement en juillet et novembre 1991 et janvier 1992.

Le Conseil a été saisi sur plainte de la société DCM.

Il a estimé pour l'essentiel, d'une part, que la publicité vidéographique dans les officines pharmaceutiques constituait un marché distinct de celui de la publicité effectuée sur des supports traditionnels, d'autre part, que l'objectif poursuivi par l'UPRP et la FPIF était l'élimination des sociétés DCM et SDMT en tant que concurrents indépendants sur le marché, la mise en garde diffusée par l'UPRP qui a reçu un écho dépassant les membres de l'organisation syndicale ayant constitué le levier dont s'est servi le dirigeant de Miessele Entreprises pour forcer les sociétés DCM et SDMT à renoncer à leur autonomie commerciale, enfin que les chambres syndicales, associées commanditaires de Spieurope, s'étaient assurées, conformément à leur objectif, la maîtrise du marché de la publicité vidéographique dans les entreprises.

Faisant application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence, le Conseil a:

Infligé les sanctions pécuniaires suivantes:

200 000 F à l'Union des pharmaciens de la région parisienne;

50 000 F à la Fédération des pharmaciens de l'Ile-de-France;

100 000 F à chacun des syndicats ou chambres syndicales des pharmaciens de la Seine-Saint-Denis, de Paris, des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne, de Seine-et-Marne, des Yvelines, du Val-d'Oise et de l'Essonne;

50 000 F à la société Miessele Entreprises;

Ordonné la publication dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision, aux frais des organisations syndicales, du texte intégral de ladite décision dans Le Quotidien du pharmacien.

La FPIF, l'UPRP, les chambres syndicales et syndicats des pharmaciens de la Seine-Saint-Denis, de Paris, des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne, de Seine-et-Marne, du Val-d'Oise et de l'Essonne, requérants, d'une part, prient la cour:

- à titre principal:

- de dire irrecevable la plainte de la société DCM ayant motivé la saisine directe du Conseil;

- de dire que le principe du contradictoire n'a pas été respecté compte tenu de la violation des dispositions de l'article 22 du décret du 29 décembre 1986;

- en conséquence d'annuler la décision du Conseil;

- à titre subsidiaire, de réformer la décision critiquée:

- de dire que la publicité vidéographique sur les lieux de vente ne constitue pas un marché pertinent distinct de la publicité traditionnelle sur les lieux de vente dans les officines de pharmacie et, qu'en tout cas, le Conseil n'a pas démontré qu'il s'agirait d'un marché économique suffisamment identifiable;

- de dire qu'au demeurant les requérants ne se sont pas rendus coupables d'agissements anticoncurrentiels au sens des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

- à titre infiniment subsidiaire, de dire que les requérants ne sont pas responsables des pratiques sanctionnées par le Conseil et que seul le gérant de la société Spieurope, la société Gestion Finance représentée par M. Bic, est l'auteur de ces pratiques;

- à titre encore plus subsidiaire, de réduire les sanctions pécuniaires prononcées.

Ils font principalement valoir:

I. Sur la procédure:

- que le Conseil n'a pas été régulièrement saisi par la plainte déposée; qu'en effet M. Coucoulas, auteur de la saisine au nom de la société qu'il dirigeait, n'avait pas qualité pour engager celle-ci alors qu'elle avait été antérieurement mise en liquidation amiable puis en redressement judiciaire; que par ailleurs la plainte n'est pas signée;

- que la société DCM n'avait pas d'intérêt à agir, les pratiques dénoncées ne lui ayant causé aucun préjudice personnel et direct;

- que la décision du Conseil est nulle pour défaut de respect du contradictoire, le délai de trois semaines prévu par l'article 22 du décret du 29 décembre 1986 entre la convocation et la séance du Conseil n'ayant pas été observé.

2. Au fond:

- que le Conseil s'est livré à une segmentation artificielle du marché pertinent; qu'en effet la publicité sur les lieux de vente (PLV) traditionnelle et la PLV vidéographique sont parfaitement substituables; que l'existence d'un marché économique suffisamment identifiable de la PLV vidéographique n'est pas démontrée alors que la PLV, quel que soit son support, constitue un seul marché, celui du média correspondant, conformément d'ailleurs à la jurisprudence du Conseil dans le domaine de la publicité;

- que ce marché doit être considéré sur le plan national;

- que les mises en garde objectives et mesurées adressées aux pharmaciens n'avaient ni pour objet ni pour effet de porter atteinte au libre jeu de la concurrence; qu'elles étaient légitimes et conformes aux objectifs des syndicats de défense des intérêts collectifs de leurs adhérents; qu'elles n'ont pas eu d'effet sensible compte tenu de l'importance du marché pertinent et du petit nombre de pharmaciens syndiqués ;

- que la participation des concluants à la société Spieurope n'a eu pareillement ni d'objet ni d'effet anticoncurrentiel; qu'il s'agissait de proposer aux pharmaciens de nouveaux services sans risque pour eux; qu'au demeurant le protocole d'accord signé entre les sociétés Spieurope et DCM démontre qu'il ne s'agissait nullement d'évincer cette dernière mais au contraire de l'associer à la nouvelle structure mise en place;

- que, subsidiairement, les associés commanditaires sont irresponsables; que la constitution de la société Spieurope n'étant pas, par elle-même, anticoncurrentielle, seul son organe dirigeant peut être tenu pour responsable des pratiques dénoncées;

- qu'en tout cas les sanctions pécuniaires prononcées sont manifestement excessives.

Le Syndicat des pharmaciens des Yvelines, requérant d'autre part, soutient que l'existence d'une entrave à la concurrence n'est pas démontrée; qu'en effet ses recommandations, parfaitement limitées, étaient conformes à son objet de défense des intérêts de ses membres, il observe qu'en invitant ses adhérents à faire preuve de prudence il a seulement pris le relais de la Fédération nationale des syndicats pharmaceutiques de France.

Il insiste sur sa faible participation dans le capital de la société Spieurope.

Il fait également valoir que la société DCM n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre son dépôt de bilan et les pratiques dénoncées; qu'en réalité ses difficultés sont liées à l'étroitesse du marché visé, à son caractère aléatoire et à l'attitude frileuse des laboratoires en matière de publicité télématique.

Il sollicite la réformation de la décision, le débouté de la société DCM et, subsidiairement, la réduction de la sanction pécuniaire prononcée à son encontre.

Me Souchon, ès qualités de mandataire liquidateur de la société DCM, précise qu'il reprend devant la cour la totalité des moyens invoqués devant le Conseil et conclut à la confirmation de la décision soumise au recours.

Il ajoute que la plainte déposée par M. Coucoulas, gérant de la société OCM alors in bonis, est parfaitement recevable, il rappelle que Me Avezou, administrateur judiciaire, et lui-même ont entendu poursuivre l'instance ès qualités.

Le Conseil observe, sur la violation du principe du contradictoire, que si le délai de trois semaines n'a pas été respecté pour tous les intéressés, à un jour près, la preuve d'aucun grief n'est cependant rapportée, la représentation et la défense des organismes concernés ayant été régulièrement assurées sans réserve de leur part.

Il indique, s'agissant de la recevabilité de la plainte, que celle-ci a été déposée par un avocat au nom de la société DCM et que, nonobstant l'ouverture de la procédure collective, le débiteur continue à exercer les droits et actions non compris dans la mission de l'administrateur.

Le ministre de l'Economie, à l'issue d'observations réfutant les moyens de procédure et de fond avancés par les requérants, prie la cour de confirmer la recevabilité de la saisine du Conseil, de relever le respect des règles de procédure, notamment celles relatives au principe du contradictoire, et de confirmer la décision sauf, peut-être, en ce qui concerne le montant de la sanction infligée au Syndicat des pharmaciens des Yvelines.

Les demandeurs au recours et Me Souchon ont déposé des mémoires en réplique auxquels il est expressément renvoyé pour le détail de leur argumentation.

Le Ministère public, dans ses observations orales, a estimé entièrement justifiée la décision du Conseil.

Sur ce, LA COUR:

Sur les moyens de procédure.

Considérant que la société DCM a été mise en redressement judiciaire le 28 octobre 1991; qu'un administrateur judiciaire a été désigné avec une mission d'assistance;

Que la lettre de saisine du Conseil est datée du 24 octobre 1991, époque à laquelle M. Coucoulas, gérant de la société DCM, était encore investi du plein pouvoir de direction;

Que rien ne permet d'affirmer ou même de supposer que cette lettre aurait été antidatée;

Qu'en tout cas elle a été enregistrée par le Conseil le 30 octobre 1991 qu'à cette date M. Coucoulas restait compétent pour saisir le Conseil conformément aux dispositions des articles 31 et 32 de la loi du 25 janvier 1985, la seule mission d'assistance de l'administrateur prévue par le jugement d'ouverture de la procédure collective n'ayant pas eu pour effet de retirer au dirigeant ses pouvoirs de gestion;

Que, s'il est vrai que cette plainte n'est pas signée, il apparaît qu'il n'a jamais été sérieusement contesté que M. Coucoulas, ès qualités, en soit l'auteur; qu'elle a par ailleurs été déposée par un avocat nécessairement mandaté et a été confirmée en tant que de besoin par l'administrateur judiciaire et le mandataire liquidateur;

Qu'ainsi la volonté des représentants légaux de la société DCM de saisir au nom de celle-ci le Conseil d'une plainte a été clairement et valablement exprimée;

Que, par ailleurs, la société DCM avait intérêt, au sens de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile, à dénoncer des pratiques qu'elle estimait prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dès lors qu'elles concernaient le marché sur lequel elle opérait, peu important qu'elle démontrât l'existence d'un préjudice personnel et direct puis- qu'il suffit, pour l'application de l'article 7 susvisé, qu'il s'agisse de pratiques " ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet" de porter atteinte à la libre concurrence, indépendamment d'un préjudice effectivement subi par l'un des opérateurs sur le marché concerné;

Que le moyen tiré de l'irrecevabilité de la plainte doit être en conséquence écarté;

Considérant que les syndicats requérants soutiennent tout aussi vainement à l'appui de leur demande d'annulation de la décision du Conseil que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté;

Que, certes, ainsi que l'observe le Conseil devant la cour, le délai de trois semaines prescrit par l'article 22 du décret du 29 décembre 1986 n'a pas été respecté, à un jour près;

Que, toutefois, les intéressés ont été représentés devant le Conseil et ont fait valoir contradictoirement leurs observations sans émettre aucune réserve au sujet du non-respect du délai;

Qu'en outre ils ne justifient d'aucun grief;

Qu'ainsi, en application des articles 112 et 114 du nouveau Code de procédure civile, les requérants sont mal fondés à prétendre à la nullité de la décision entreprise pour violation du principe du contradictoire;

Sur le fond:

Sur le marché de référence:

Considérant que les syndicats requérants soutiennent que la PLV traditionnelle et la PLV vidéographique sont des produits parfaitement substituables et reprochent au Conseil de s'être livré, en distinguant les deux secteurs, à une segmentation artificielle du marché pertinent au demeurant contraire aux termes de sa décision du 13 décembre 1993 concernant le secteur de la publicité;

Considérant toutefois que le Conseil a relevé que les pharmacies d'officine sont soumises à des conditions restrictives dans le domaine de la publicité de telle sorte que la PLV dans ces établissements n'obéit pas aux mêmes règles que celle qui est réalisée dans les autres établissements;que la PLV suppose des investissements spécifiques de la part des pharmaciens et l'adoption de techniques particulières tant pour la confection des messages que pour leur commercialisation;que d'ailleurs les sociétés DCM, et SDMT n'exerçaient leur activité de régie publicitaire que pour ce qui concerne la publicité vidéographique; que l'impact de cette publicité, plus active et dynamique, est différent de celui des autres formes de PLV; qu'au demeurant la société Spieurope qui se donnait pour objectif " la maîtrise de ce marché de la promotion " avait parfaitement compris la particularité de ce marché;

Que cette analyse pertinente a justement conduit le Conseil à estimer qu'il existait un marché autonome de la PLV vidéographique parallèle au marché traditionnel de la PLV;

Que cette décision n'est nullement en contradiction avec celle du 15 décembre 1993 selon laquelle l'ensemble des supports d'un même média appartient à un même marché;

Qu'en effet la PLV vidéographique, procédé dynamique et moderne de promotion, est un média autonome et nouveau auquel la PLV traditionnelle n'est pas substituable;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'il s'agit d'un marché national;

Sur les pratiques dénoncées:

Considérant que M. Boucher, président de l'UPRP, a fait diffuser le 4 décembre 1990 une mise en garde syndicale relative à la publicité par l'image dénonçant " (...) les prestataires de services qui, souvent, se parent d'une caution syndicale ou ordinale pour tenter de vous abuser et vous faire signer des engagements, notamment dans le domaine de la publicité par l'image au moyen de téléviseurs. Méfiez-vous de l'arnaque (...) nous étudions ce problème et serons bientôt à même, nous l'espérons, de vous proposer quelque chose de sérieux (...) ";

Que, le 6 février 1991, le compte rendu de la réunion des membres de la FPIF fait état d'une volonté commune de maîtriser ce circuit de distribution pour doter la profession d'un outil de communication performant;

Que, dès le début du mois de mars suivant, les statuts de la société Spieurope ont été signés; que cette société en commandite par actions regroupant les syndicats requérants se voulait, selon le document de présentation remis aux actionnaires, " un outil de développement du marché de la pharmacie, mais avant tout, l'outil d'un développement contrôlé et maîtrisé par la profession ";

Que, par une circulaire du 12 avril 1991, la FPIF indiquait notamment: " (...) devant les inquiétudes développées chez un certain nombre de nos confrères suite au scandale Sedri, nous avons chargé JC Bic de se rapprocher des sociétés ayant implanté des bornes télé chez nos confrères et lui avons confié la mission de mettre de l'ordre dans ce secteur, tout en nous assurant la maîtrise du circuit (...) tous ceux qui ne sont pas encore équipés mais qui attendaient un engagement de notre part (...) pourront désormais faire confiance aux représentants qui leur présenteront une lettre accréditive de M. JC Bic (...) ";

Que l'ensemble de ces éléments traduit la volonté des requérants de dominer le marché sur la région parisienne en éliminant toute concurrence;

Que ces requérants soutiennent avec mauvaise foi qu'ils n'auraient fait que mettre en garde leurs adhérents contre des pratiques contraires à leurs intérêts, alors que, en réalité, ils annonçaient dans le même temps la mise an place " de quelque chose de sérieux " dans le domaine de la publicité par l'image, qu'ils ont effectivement réalisé en devenant les associés commanditaires de la société Spieurope qui leur assurait " la maîtrise du circuit " conformément au voeu formulé par la FPIF dans sa circulaire précitée du 12 avril 1991;

Qu'au demeurant ils ne démontrent pas que les sociétés DCM ou SDMT, avec lesquelles ils étaient d'ailleurs prêts à s'associer, auraient eu des comportements répréhensibles vis-à-vis des pharmaciens d'officine; qu'il leur aurait appartenu d'user, le cas échéant, des voies de droit légitimes pour y mettre fin et non de mettre en œuvre les pratiques dénoncées;

Qu'ils ne peuvent pas non plus soutenir que leur participation à la société Spieurope ne constituerait pas en elle-même une pratique prohibée au motif que leur intention n'aurait pas été d'éliminer les sociétés présentes sur le marché mais de les associer; que cette association, si elle avait eu lieu, aurait de toute façon, en effet, abouti à priver les sociétés concernées de toute autonomie commerciale et de la moindre capacité de concurrence sur un marché soumis à l'influence des requérants;

Qu'ils ne sauraient enfin prétendre n'encourir aucune responsabilité comme associés commanditaires de la société Spieurope dans la gestion de laquelle ils n'intervenaient pas; qu'en effet les actions ayant précédé la constitution de cette société et sa constitution même ont un objet anti-concurrentiel et caractérisent les pratiques visées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Que la décision du Conseil ne peut donc qu'être approuvée en ce qu elle a dit que les pratiques analysées avaient pour objet de limiter l'exercice de la concurrence en contrôlant le secteur considéré et que ces pratiques concernées, mises en œuvre au sein d'une structure commune, sont visées par le texte précité;

Sur les sanctions:

Considérant que les requérants soutiennent que leurs agissements n'auraient créé aucun dommage à l'économie compte tenu du faible nombre de pharmaciens syndiqués bénéficiant d'une informatisation permettant de recevoir une PLV vidéographique;

Considérant toutefois qu'il suffit, pour que les pratiques visées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 soient susceptibles de sanctions, qu'elles aient un objet anticoncurrentiel;

Qu'en l'espèce, en favorisant la disparition d'entreprises, elles ont effectivement limité la concurrence sur le marché considéré;

Qu'à cet égard le faible nombre de pharmaciens syndiqués possédant un matériel vidéographique importe peu; qu'en effet les recommandations syndicales données dans le domaine commercial sont susceptibles de déborder largement le cadre des seuls syndiqués; qu'elles ne pouvaient en l'espèce qu'avoir pour effet d'amener les pharmaciens désireux de s'équiper à différer leur investissement dans l'attente de la mise an place de la structure promise; que cette conséquence est parfaitement confirmée par la lettre de M. Boucher, président de l'UPRP, du 8 mars 1991, qui fait état des appels de nombreux confrères non syndiqués;

Que les requérants, en utilisant leur autorité syndicale au prétexte d'une mise en garde de leurs adhérents pour prendre le contrôle en région parisienne du marché considéré, ont gravement porté atteinte au fonctionnement de ce marché;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 le montant maximum de la sanction pécuniaire est, lorsqu'il ne s'agit pas d'une entreprise, de 10 000 000 F;

Que, si la FPIF n'a effectivement perçu que 25 469 F pour l'exercice 1993, le Conseil a pertinemment relevé que le rôle de cette association avait été prépondérant dans la mise en place des pratiques sanctionnées; qu'elle regroupe par ailleurs huit syndicats départementaux, circonstance qui doit lui permettre de faire aisément face à la sanction pécuniaire de 50 000 F mise à sa charge;

Que, pour le même exercice 1993, les cotisations perçues se sont élevées à:

2 283 452 F pour l'UPRP;

Respectivement 702 125 F, 480 875 F, 530 700 F, 687 635 F, 456 451,78 F, 289 000 F et 581 400 F pour les chambres syndicales ou syndicats des pharmaciens de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise, de l'Essonne et de Seine-et-Marne;

Que les requérants ne peuvent sérieusement soutenir qu'il y aurait lieu de déduire de ces sommes les reversements effectués à leur fédération régionale; que la totalité des ressources doit être prise en compte, peu important l'utilisation qui en est faite, l'article 13 susvisé n'imposant nullement de déduire des reversements de cette nature pour établir l'assiette de la sanction pécuniaire lorsqu'il ne s'agit pas d'une entreprise;

Que les sanctions pécuniaires de 50 000 F et de 200 000 F infligées respectivement à la FPIF et à l'UPRP et celles de 100 000 F infligées à chacun des syndicats ou chambres syndicales de pharmaciens précités ne représentent qu'entre 0,5 p. 100 et 2 p. 100 du maximum prévu et sont modérées au regard des facultés contributives des intéressés, de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie;

Que le Syndicat des pharmaciens des Yvelines ne conteste pas avoir perçu au cours du dernier exercice connu (1992) 813 755 F;

Qu'il se borne à faire état d'une moindre responsabilité dans le déroulement des pratiques reprochées;

Que, toutefois, s'il est vrai qu'il a émis quelques réserves et a participé plus faiblement au capital de la société Spieurope, il n'en reste pas moins qu'il ne s'est pas opposé à l'opération et y a participé;

Que, dès lors, la sanction pécuniaire modérée de 100 000 F prononcée à son encontre mérite confirmation;

Considérant en conséquence que les recours doivent être rejetés;

Par ces motifs : Rejette les recours; Condamne les requérants aux dépens.