CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 16 décembre 2004, n° 03-03631
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Jad (SARL)
Défendeur :
Bouygues Télécom (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Laporte
Conseillers :
MM. Fedou, Coupin
Avoués :
SCP Debray-Chemin, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod
Avocats :
Me Teboul, SCP Treard Leger Bourgeon.
Faits et procédure:
Le 15 mai 1997, la société Bouygues Télécom a conclu avec la société Jad, professionnel indépendant, un contrat, dit de "dépositaire", devant expirer le 31 décembre 1997, aux termes duquel elle chargeait celle-ci de commercialiser les produits et abonnements au service de radiotéléphonie de la société Bouygues Télécom.
La société Jad commercialisait alors les produits et services Bouygues Télécom à son unique point de vente situé 16 rue de Noailles à Versailles.
L'annexe 4 de ce contrat prévoyait le versement d'une commission pour chaque abonnement souscrit et une prime de fin d'année basée sur le montant total des commissions versées en cours d'année.
Le 23 février 1998, les parties ont conclu un nouveau contrat de dépositaire, aux mêmes conditions que celui de 1997, à durée déterminée et devant expirer le 28 février 1999; seul était modifié le commissionnement de la société Jad, lequel devait tenir compte de l'évolution de la gamme des produits et services offerts par la société Bouygues Télécom.
Au mois de juillet 1998, la société Jad a ouvert un second point de vente sis 32 rue du Maréchal Foch à Versailles; à partir de cette époque, elle a exploité ses deux locaux sous l'enseigne exclusive Bouygues Télécom.
A partir du 1er mars 1999, la société Jad a continué de faire souscrire des contrats de prestations de service pour le compte de la société Bouygues Télécom, moyennant la perception de commissions pour chaque ouverture de ligne.
Les conditions de vente des produits de la société Bouygues Télécom prévoyaient que chaque ouverture de ligne Nornad devait être accompagnée d'un coupon précisant l'identité et les coordonnées de l'utilisateur.
Le 19 septembre 2000, la société Jad a procédé à une vente en masse de 119 terminaux acquis directement de la société Bouygues Télécom, ce au profit de la société Zylcom, sans toutefois retourner les "coupons retour" dûment remplis.
Le 22 septembre 2000, elle a vendu à la société Avimex 375 terminaux acquis le même jour auprès de la société Radio Convention, l'un des grossistes de Bouygues Télécom, en laissant en blanc les "coupons retour" Nomad, à l'exception de trois exemplaires mentionnant la société Avimex.
Le service "Gestion des Risques et Fraudes" de la société Bouygues Télécom a, après enquête, sollicité la remise des "coupons retour" dûment remplis au nom des clients souscripteurs, d'abord auprès de la société Radio Convention, puis directement auprès de la société Jad.
A réception du courrier recommandé en date du 3 mai 2001 de ce service, l'ayant invitée à lui fournir les coupons Nomad avant le 21 mai 2001, la société Jad a, par lettre recommandée du 15 mai 2001, adressé à la société Bouygues Télécom les "coupons retour" correspondant aux terminaux vendus à la société Zylcom.
Par lettre recommandée du 1er juin 2001, la société Bouygues Télécom, constatant l'absence de retour des coupons Nomad dans le délai imparti, a informé la société Jad qu'elle mettait un terme à leurs relations commerciales pour faute grave.
Le 6 juin 2001, le conseil de la société Jad a indiqué prendre acte de la résiliation sans préavis du contrat d'agence commerciale liant les parties, tout en contestant le motif de la rupture.
Par courrier recommandé du 26 juillet 2001, la société Bouygues Télécom a mis la société Jad en demeure de respecter ses obligations d'ouverture de ses boutiques au public, conformément à l'article 4.1 du contrat liant les parties, à défaut de quoi ce contrat sera résilié de plein droit.
La société Jad a répondu le 3 août 2001 que le contrat litigieux avait été résilié par la partie adverse suivant lettre recommandée du 1er juin 2001.
C'est dans ces circonstances que, par acte du 22 octobre 2001, la SARL Jad a assigné la société Bouygues Télécom aux fins de voir juger que les relations commerciales ayant existé entre les parties sont des relations d'agent commercial, et de voir condamner la défenderesse au paiement de la somme de 9 740 282 euro, à titre d'indemnité compensatrice de la rupture.
Par jugement du 21 mars 2003, le Tribunal de commerce de Versailles a:
- dit que les relations liant la SARL Jad à la société Bouygues Télécom ne peuvent être qualifiées de contrat d'agent commercial ;
- en conséquence, dit que la SARL Jad ne peut se prévaloir du bénéfice de la loi du 25 juin 1991 ;
- débouté la SARL Jad de ses demandes de ce chef;
- dit que les relations commerciales entre les sociétés Jad et Bouygues Télécom se sont poursuivies du 1er mars 1999 au 1er juin 2001 ;
- dit que la SARL, Jad agissait en qualité de revendeur de téléphones mobiles à titre principal exerçant sous l'enseigne Bouygues Télécom, et percevait des commissions sur les abonnements ;
- constaté que la SARL Jad a expédié, le 15 mai 2001, les copies des coupons-souches distributeur afférents à l'acheteur Zylcom ;
- constaté que la SARL Jad n'a pas régularisé les opérations du 22 septembre 2000, afférentes aux 375 lignes "Radio Convention" ;
- dit que la SARL Jad s'est rendue coupable d'une faute grave;
- en conséquence, dit que la rupture des relations par la société Bouygues Télécom est bien fondée;
- condamné la SA Bouygues Télécom à payer à la SARL Jad la somme de 15 000 euro à titre de complément de subvention pour l'année 2001 ;
- débouté la SARL Jad de sa demande indemnitaire en paiement de la somme de 500 000 F (76 224,51 euro) ;
- débouté la SA Bouygues Télécom de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- condamné la SA Bouygues Télécom aux entiers dépens.
La société Jad a interjeté appel de cette décision.
Elle expose que son activité se partage entre une partie d'achat-vente et une partie de mandat rémunéré par des commissions, que le montant des commissions qui lui étaient versées par la société Bouygues Télécom démontre la permanence de ses tâches d'abonnement et d'activation pour le compte de cette dernière, et que c'est dans le cadre d'une activité unique qu'elle commercialise des mobiles, les active et reçoit les souscriptions aux abonnements.
Elle relève que le code APE (524 Z) et l'activité déclarée par elle sur sa liasse fiscale (revente téléphones) sont sans conséquence sur la qualification du contrat liant les parties.
Elle allègue que la seule circonstance qu'une entreprise propose des contrats d'adhésion à la clientèle n'est nullement exclusive de toute qualification d'agence commerciale.
Elle constate que son action est toujours demeurée celle d'un mandataire direct de Bouygues Télécom pour tout ce qui concerne la relation de cet opérateur avec la clientèle finale, peu important que les grossistes avec lesquels elle travaille reçoivent pour compte les commissions avant de les redistribuer au mandataire.
Elle observe qu'il est également indifférent qu'aucun document échangé entre les parties ne fasse référence à sa qualité d'agent commercial, dès lors qu'en vertu de l'article 2 de la loi du 25 juin 1991, devenu l'article L. 134-2 du Code de commerce, aucun écrit n'est exigé.
Elle indique qu'à la différence d'un distributeur, lequel doit avoir la maîtrise de sa gestion, elle n'avait, en tant que point de vente de Bouygues Télécom, aucune autonomie de gestion, et elle précise que la clause de ducroire figurant au contrat n'est nullement incompatible avec la qualification d'agence commerciale.
Elle souligne qu'il se déduit de la perception qu'avait la clientèle de l'activité de la société Jad que celle-ci agissait ostensiblement comme mandataire de Bouygues Télécom dans la présentation des produits comme dans celle des services, et qu'une apparence était volontairement créée d'un lien direct entre le client et Bouygues Télécom.
Elle ajoute que la clause de renonciation au statut d'agent commercial, insérée dans les contrats écrits initiaux, n'a pas survécu à l'expiration de ces contrats, soit le 28 février 1999, et que le statut d'agent commercial est pour l'essentiel d'ordre public, de telle sorte qu'aucune renonciation n'est possible.
Elle en déduit qu'elle était, dans ses rapports avec la société Bouygues Télécom, un agent commercial, bénéficiaire du statut déterminé aux articles L. 134-1 à L. 134-17 du Code de commerce.
Elle considère que les faits allégués à son encontre ne peuvent être qualifiés de faute grave, puisque, conformément à la pratique en cours pour les ventes en masse, la société Bouygues Télécom n'avait jamais exigé que les 375 coupons vendus à la société Avimex soient remplis, qu'en toute hypothèse, la partie adverse a reçu les coupons litigieux qui lui ont été envoyés par la société Radio Convention, et que, par ailleurs, elle a retourné le 15 mai 2001 à la société intimée les coupons relatifs à la vente des terminaux à la société Zylcom.
Elle s'estime bien fondée, en application des dispositions légales susvisées, à réclamer une indemnité de rupture correspondant, d'une part au montant des commissions des deux dernières années, soit 8 990 000 F (1 370 516,66 euro), d'autre part à la perte des participations publicitaires dont elle avait bénéficié en 1999 et en 2000, soit 250 282 F (38 155,24 euro), enfin aux frais de reconversion de son entreprise, évalués à 500 000 F (76 224,51 euro).
Par voie de conséquence, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire que les relations commerciales ayant existé entre les parties sont des relations d'agence commerciale, de juger que la rupture de ces relations à l'initiative de la société intimée ouvre droit, pour la société Jad, au versement d'une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, et de condamner la société Bouygues Télécom à lui verser la somme de 1 484 896,40 euro à titre de dommages-intérêts.
Elle réclame en outre une indemnité de 15 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Bouygues Télécom conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il retenu que la société Jad s'est rendue coupable de fautes graves et en ce qu'il a dénié à cette dernière la qualité d'agent commercial.
Elle fait valoir que la société Jad a gravement manqué à ses obligations en ne respectant pas la "Procédure Abonnement et Activation", qui constituait une obligation essentielle du contrat de dépositaire et du contrat "Club" appliqué à compter du 1er mars 1999, et en procédant à des activations fictives en masse, en vue de s'assurer des rémunérations indues.
Elle stigmatise également le comportement gravement fautif de la partie adverse, laquelle a manqué à son obligation de loyauté en tentant tout au long du premier semestre 2001 de se soustraire au contrôle de son service "Gestion des Risques et Fraudes" et d'éluder les demandes de ce service.
Elle estime que, dès lors que la société appelante s'est avérée incapable de justifier de la régularité des reventes et activations en masse correspondant aux 375 coffrets Nomad acquis par le canal de la société Radio Convention, elle était parfaitement fondée à mettre un terme, pour faute grave, à leurs relations à effet immédiat du 1er juin 2001.
Elle conteste que ces relations se soient inscrites dans le cadre d'un contrat d'agence commerciale.
A cet égard, elle soutient que la société Jad jouait tout au plus le rôle d'un courtier mettant la société Bouygues Télécom en rapport avec ses clients, et en aucun cas celui d'un agent commercial, puisqu'elle se bornait à recueillir matériellement la souscription des clients aux services Bouygues Télécom et à retourner les contrats de service, sans effectuer aucun acte juridique.
Elle constate qu'une partie des ressources que la société appelante retirait de son activité n'était pas liée à la souscription des services Bouygues Télécom par les clients, mais à la vente des terminaux.
Elle observe que le caractère prétendument accessoire de l'activité d'achat/revente est inopérant pour déterminer l'existence d'une activité d'agence commerciale, laquelle se déduit uniquement de son caractère "habituel" ou "permanent".
Elle se prévaut d'indices suffisamment nombreux mettant en évidence que la société Jad n'a jamais, avant son courrier recommandé du 6 juin 2001, prétendu à la qualité d'agent commercial qu'elle a revendiquée uniquement pour tenter d'obtenir le bénéfice de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce.
Elle relève que, alors que l'indépendance du mandataire est une condition essentielle du statut d'agent commercial, la société Jad ne se présentait pas à la clientèle dans des conditions d'indépendance compatibles avec le statut d'agent commercial. Elle ajoute que la société appelante, laquelle se bornait à transmettre passivement des ordres à son mandant, sans démarcher ni prospecter activement la clientèle, n'a pas agi à la manière d'un mandataire, donc d'un agent commercial.
A titre infiniment subsidiaire, elle conteste que la partie adverse puisse revendiquer une indemnité compensatrice d'un préjudice qu'elle n'a pas subi, puisque la décision de rupture n'a pas privé la société Jad du droit de percevoir des commissions au titre d'un courant d'affaires qu'elle a conservé même postérieurement au 1er juin 2001.
Se portant incidemment appelante de la décision entreprise en ce qu'elle a souverainement mis à sa charge, sans fondement juridique, une indemnité évaluée par les premiers juges à 15 000 euro, la société Bouygues Télécom demande à la cour de condamner la société Jad à lui restituer cette somme perçue en vertu de l'exécution provisoire du jugement dont appel, sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir.
Elle réclame en outre la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
L'ordonnance de clôture, initialement prononcée le 23 septembre 2004, a été révoquée, avec l'accord des parties, en vue d'admettre les écritures récapitulatives déposées le 11 octobre 2004 par la société Jad.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2004.
Aux termes de conclusions d'incident en date du 11 octobre 2004, la société Jad a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture afin que soient admises aux débats les pièces n° 59 et 60 communiquées le 5 octobre 2004.
La société Bouygues Télécom a conclu au rejet de cette demande et à l'irrecevabilité des pièces adverses n° 59 et 60 communiquées sous bordereau en date du 5 octobre 2004.
La cour a ordonné la jonction de l'incident au fond, ainsi qu'en fait foi l'extrait de plumitif d'audience.
Motifs de la décision:
Sur l'incident de révocation de l'ordonnance de clôture et de rejet des débats:
Considérant que la société Jad a communiqué le 5 octobre 2004 les pièces n° 59 et 60, lesquelles ont trait à une cassette vidéo et à des photographies ;
Considérant que, toutefois, elle ne démontre pas que la connaissance de ces pièces tardivement produites aux débats est nécessaire à la solution du présent litige ;
Considérant qu'il n'est donc justifié d'aucune cause grave de nature à justifier la révocation de l'ordonnance de clôture;
Considérant qu'au surplus, il apparaît que la communication de ces documents quelques jours seulement avant la clôture prononcée le 11 octobre 2004 n'a pas mis la société Bouygues Télécom en mesure d'en prendre connaissance en temps utile et de présenter, le cas échéant, ses observations en réponse;
Considérant que le respect du principe du contradictoire impose donc d'écarter des débats les pièces susvisées.
Sur la qualification des relations commerciales:
Considérant que la société Jad ne peut prétendre à l'indemnité compensatrice du préjudice subi par elle, telle que prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce, qu'à la condition que la preuve soit rapportée que les parties étaient liées entre elles par un contrat d'agence commerciale;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de son mandant;
Considérant qu'en l'occurrence, il résulte des deux contrats, dits "de dépositaire", conclus les 15 mai 1997 et 23 février 1998 ayant initialement régi les rapports entre les parties, que la société Jad s'est alors vu confier, à titre de dépôt, les terminaux et coffrets par la société Bouygues Télécom, à charge par elle de les présenter à la clientèle aux conditions commerciales déterminées par cette dernière, avec mission de transmettre les demandes et formulaires de souscription au Service Bouygtel ainsi que les paiements des clients, conformément à la Procédure Abonnement & Activation définie en Annexe 2;
Considérant que, si les relations commerciales se sont ultérieurement poursuivies entre les parties sans qu'un contrat écrit ait été régularisé entre elles, il apparaît toutefois qu'à compter du 1er mars 1999, dans l'esprit du "Contrat Club de distribution Grand Public" qui avait été soumis à sa signature, la société appelante a commercialisé le Service de Bouygues Télécom dans ses deux points de vente, en proposant et en distribuant au public, en son nom et pour son compte, des produits agréés par les autorités administratives compétentes et acquis par elle, soit auprès de Bouygues Télécom, soit auprès de tout tiers de son choix, en particulier les grossistes affiliés à cette dernière ;
Considérant que, dès lors, il s'avère qu'au moins à partir de mars 1999, la société Jad est intervenue pour une part importante en qualité d'acheteur/revendeur de téléphones mobiles, ce que vient d'ailleurs confirmer l'analyse des comptes de la société appelante, mettant en évidence que, ainsi que l'a relevé le tribunal, les achats de marchandises rapportés au chiffre d'affaires net ont représenté un pourcentage de 63,74 % pour l'année 1999, 72,01 % pour l'année 2000 et 74,95 % pour l'année 2001 ;
Considérant que la société Jad explique que l'activité d'achat/vente, compte tenu du fait qu'elle était structurellement conçue pour être déficitaire, était pour elle accessoire par rapport à celle de souscription aux abonnements et d'activation au Service Bouygtel, laquelle, seule, lui permettait de réaliser des bénéfices grâce notamment à la pratique du sur-commissionnement;
Mais considérant que, même dans cette hypothèse, la société appelante ne pourrait à bon droit revendiquer la qualité d'agent commercial qu'à la condition que la preuve soit rapportée que tel était l'objectif communément recherché par les parties, à l'occasion tant de la conclusion que de l'exécution de leurs accords successifs;
Or considérant qu'à cet égard, le tribunal relève exactement qu'aucune pièce ne fait référence à l'existence d'un contrat d'agence, et qu'aucun document émanant du mandant ne porte mention de la qualité d'agent commercial de la société appelante;
Considérant qu'au demeurant, il s'infère des stipulations des deux premiers contrats signés les 15 mai 1997 et 23 février 1998 que "le dépositaire a déclaré également renoncer expressément à l'application de la loi du 25 juin 1991, relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants, et à se prévaloir de toute indemnité de quelque nature que ce soit en cas de cessation du présent contrat';
Considérant que, si aucun contrat écrit n'a régi les relations entre les parties à compter du 1er mars 1999, il doit cependant être observé que la société appelante a accepté, au-delà de cette échéance, de poursuivre les relations commerciales avec la société intimée, sans pour autant solliciter de cette dernière la remise d'un écrit signé mentionnant le contenu du contrat d'agence, ainsi que cette faculté lui était réservée par l'article L. 134-2 du Code de commerce;
Considérant que force est de constater que c'est seulement dans son courrier du 6 juin 2001 que la société Jad, prenant acte de la rupture qui lui avait été notifiée par la société Bouygues Télécom suivant lettre recommandée du 1er juin 2001, s'est pour la première fois prévalue d'un contrat d'agence commerciale, jusqu'alors jamais revendiqué par elle;
Considérant qu'il s'ensuit que les parties n'ont, durant les quatre années au cours desquelles se sont poursuivies leurs relations contractuelles, nullement manifesté la commune intention de conférer à la société appelante le statut d'agent commercial ;
Considérant qu'il résulte également de l'article L. 134-1 du Code de commerce que l'agent commercial est un mandataire qui agit, au nom et pour le compte de son mandant, "à titre de profession indépendante", ce qui implique de sa part le droit d'organiser librement ses activités et d'avoir la maîtrise de l'organisation de son entreprise ;
Considérant que,toutefois, tel n'a pas été le cas en l'espèce, dès lors que, ainsi que le relève le tribunal, la SARL Jad : "exploite son activité sous l'enseigne Bouygues Télécom, aux couleurs et avec l'aménagement interne de Bouygues Télécom, dans ses deux boutiques situées à Versailles, ouvertes au public et dans les vitrines desquelles sont exposés des modèles de téléphones mobiles et des coffrets Bouygues Télécom" ;
Considérant que ces constatations rejoignent d'ailleurs l'analyse de la société appelante, laquelle souligne l'absence de liberté commerciale laissée aux distributeurs par le fournisseur, compte tenu de la stratégie de marketing mise en œuvre par celui-ci en vue d'assurer l'homogénéité de son offre sur tout le territoire français;
Considérant qu'elles sont en tous points conformes aux stipulations contractuelles, l'article 55 des contrats dits de "dépositaire" prévoyant que: "le dépositaire s'interdit de modifier, de quelque façon que ce soit, le contenu, la présentation, les tarifs ou les modalités des offres qui sont ou seront proposées par Bouygtel" ;
Considérant qu'elles sont en parfaite cohérence avec la pratique suivie dans les relations commerciales entre les parties, en vertu de laquelle le distributeur était tenu de respecter scrupuleusement les procédures établies par Bouygtel relativement à la souscription des abonnements au réseau Bouygues Télécom et à l'activation des cartes "SIM", en contrepartie de quoi la société intimée versait au distributeur, directement ou par l'intermédiaire des grossistes, une rémunération dont les principes et les modalités étaient unilatéralement définis par elle ;
Considérant que, de surcroît, la société Jad, privée d'indépendance juridique et économique dans ses relations avec l'opérateur, n'avait aucun droit "de négocier et, éventuellement, de conclure" les contrats qu'elle avait la charge de soumettre à la clientèle du réseau Bouygues Télécom;
Considérant qu'à cet égard, il doit être rappelé que la mission de la société appelante consistait pour l'essentiel à présenter les produits Bouygues Télécom aux clients de ses deux points de vente, à prendre leurs commandes et à transmettre à la société intimée, selon les cas, les contrats de service signés par eux ou les "coupons-retour";
Considérant que, pour autant, il ne peut se déduire, ni des documents contractuels, ni de la pratique suivie par les parties, que la société Jad avait reçu pouvoir d'accomplir, au nom et pour le compte de la société Bouygues Télécom, des actes de démarchage ou de prospection de la clientèle, seuls de nature à permettre une "négociation" au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce;
Considérant qu'il ne s'infère pas davantage des circonstances de l'espèce que la société appelante avait été investie du droit de conclure avec la clientèle des contrats au nom et pour le compte de la société intimée ;
Considérant qu'en effet, seule cette dernière était à l'origine des offres de produits Bouygtel que la société Jad se contentait, en sa qualité d'intermédiaire, de transmettre matériellement à des tiers, et qui étaient susceptibles de faire naître un contrat en cas d'acceptation par ces tiers ;
Considérant qu'il s'ensuit que les prestations effectivement assumées par la société appelante en exécution des contrats successivement conclus par elle ne peuvent s'analyser en des actes juridiques qu'elle aurait reçu pouvoir d'effectuer au nom et pour le compte de l'opérateur;
Considérant que, dès lors qu'au regard de ce qui précède, ni l'intention commune des parties, ni les conditions d'exercice de son activité de distributeur et de revendeur non exclusif de téléphones mobiles, n'autorisent la société Jad à revendiquer à son profit les dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a énoncé que les relations ayant existé entre les parties ne peuvent être qualifiées de contrat d'agence commerciale ;
Considérant qu'aux termes de ses écritures récapitulatives, la société appelante formule, en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, une demande d'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi par elle consécutivement à la rupture par la partie adverse des relations d'agence commerciale ;
Considérant que, dans la mesure où il est jugé que la société Jad n'est pas en droit de revendiquer la qualité d'agent commercial, il est sans intérêt pour la solution du présent litige de déterminer si la rupture notifiée le 1er juin 2001 par la société Bouygues Télécom est ou non justifiée par l'existence d'une faute grave;
Considérant qu'il y a donc lieu de débouter entièrement la société appelante de sa demande indemnitaire, et en accueillant l'appel incident formé par la société Bouygues Télécom, d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a alloué à la société Jad une indemnité évaluée à la somme forfaitaire de 15 000 euro du chef de perte de subvention;
Sur les demandes complémentaires et annexes:
Considérant que la société Jad, dont les prétentions indemnitaires sont intégralement rejetées, doit être condamnée à restituer à la société Bouygues Télécom la somme de 15 000 euro perçue par elle en vertu de l'exécution provisoire prononcée par le jugement déféré;
Considérant qu'il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette restitution du versement d'une astreinte;
Considérant que la disposition de la décision entreprise, qui a débouté la société Bouygues Télécom de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, n'est pas remise en cause en appel, et doit donc être confirmée;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Bouygues Télécom la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que la société appelante conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance;
Considérant que les dépens de première instance et d'appel doivent être intégralement supportés par la société Jad.
Par ces motifs, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Rejette l'incident de révocation de l'ordonnance de clôture et d'admission aux débats ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a énoncé que les relations ayant existé entre les sociétés Jad et Bouygues Télécom ne peuvent être qualifiées de contrat d'agence commerciale; L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau; Déboute la société Jad de l'ensemble de ses demandes; Condamne la société Jad à restituer à la société Bouygues Télécom la somme de 15 000 euro, perçue par elle en vertu de l'exécution provisoire du jugement entrepris Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation du prononcé d'une astreinte; Condamne la société Jad à payer à la société Bouygues Télécom la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute la société Bouygues Télécom de ses plus amples demandes; Condamne la société Jad aux entiers dépens de première instance et d'appel, et Autorise la SCP Lissarrague Dupuis Boccon-Gibod, société d'avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.