CA Poitiers, ch. corr., 25 juin 2004, n° 04-00589
POITIERS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Albert
Conseillers :
M. You, Mme Feltz
Avocats :
Mes Garrigues,
Décision dont appel :
Le tribunal a :
- rejeté l'exception de nullité de la citation par les prévenus ;
- relaxé et renvoyé F Pierre des fins de la poursuite sans peine ni dépens en application des dispositions de l'article 470 du Code de procédure pénale ;
- déclaré D Serge coupable des faits qui lui sont reprochés ;
- condamné D Serge à une peine d'amende de 750 euro.
- déclaré T Jean-Claude coupable des faits qui lui sont reprochés ;
- condamné T Jean-Claude à une peine d'amende de 750 euro.
- déclaré la SA X coupable des faits qui lui sont reprochés ;
- condamné SA X à une peine d'amende de 1 500 euro.
- déclaré la SA Y coupable des faits qui lui sont reprochés ;
- condamné SA Y à une peine d'amende de 1 500 euro.
Appel a été interjeté par :
- Monsieur D Serge, le 1er décembre 2003
- Monsieur T Jean-Claude, le 1er décembre 2003
- la SA X, le 1er décembre 2003
- la société Y, le 1er décembre 2003
- M. le Procureur de la République, le 2 décembre 2003 contre Monsieur F Pierre, Monsieur D Serge, Monsieur T Jean-Claude, SA X, société Y.
Décision
LA COUR, après en avoir délibéré,
Vu le jugement entrepris, dont le dispositif est rappelé ci-dessus,
Vu Les appels susvisés, réguliers en la forme,
Attendu que D Serge est prévenu d'avoir à La Rochelle (17) le 29 octobre 2002, étant directeur de la SA Y, revendu 31 articles à n prix inférieur à leur prix d'achat effectif.
Infraction prévue par l'article L. 442-2 du Code de commerce et réprimée parles articles L. 442-2 al. 1, L. 470-2 du Code de commerce
Attendu que F Serge est prévenu d'avoir à Lagord (17) le 4 novembre 2002, étant président directeur général de la SA X, revendu 25 articles à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif.
Infraction prévue par l'article L. 442-2 du Code de commerce et réprimée par les articles L. 442-2 al. 1, L. 470-2 du Code de commerce
Attendu que T Jean-Claude est prévenu d'avoir à Lagord (17) le 4 novembre 2002, étant directeur de la SA X , revendu 25 articles, à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif.
Infraction prévue par l'article L. 442-2 du Code de commerce et réprimée par les articles L. 442-2 al. 1, L. 470-2 du Code de commerce
Attendu que la SA X est prévenue d'avoir à Lagord (17) le 4 novembre 2002, étant personne morale, revendu 25 articles à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif.
Infraction prévue par l'article L. 442-2 du Code de commerce et réprimée par les articles L.442-2 al. 1, L. 470-2 du Code de commerce
Attendu que la société Y est prévenue d'avoir à La Rochelle (17) le 29 octobre 2002, étant personne morale, revendu 25 articles, à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif.
Infraction prévue par l'article L. 442-2 du Code de commerce et réprimée par les articles L. 442-2 al. 1, L. 470-2 du Code de commerce
Le 29 octobre 2002 deux agents de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DCCRF) étaient reçus dans l'hypermarché à l'enseigne Z à La Rochelle par le directeur M. Serge D ; ce magasin est exploité par la société Y dont le président du conseil d'administration est M. Pierre F.
Il était constaté que 31 articles étaient vendus ou offerts à la vente à des prix inférieurs de 1 à 54 centimes d'euro à leur prix d'achat effectif soit 34 % des produits, selon M. D, il serait possible que les prix pratiqués ou affichés pour ces 31 articles résultaient d'un alignement de la concurrence.
Le 4 novembre 2002, deux autres fonctionnaires de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DCCRF) se présentaient dans les locaux de l'Hypermarché à l'enseigne Z , [adresse].
Cet hypermarché est exploité par la SA X dont le siège est à la même adresse le président du conseil d'administration est M. Pierre F et le directeur du magasin M. Jean-Claude T.
Lors du contrôle ont été relevés les prix de vente indiqués en rayon de 89 produits alimentaires et non alimentaires.
Les produits ont été ensuite présentés à l'une des caisses du magasin afin de connaître les prix de vente effectifs aux consommateurs ; il était également demandé communication des factures d'achat de ces produits.
Il était en outre précisé que toutes les réductions de prix figurant sur les factures ont été prises en compte et ont été déduites du prix d'achat unitaire.
Il était mis en évidence que sur 89 produits relevés, 25 étaient vendus ou offerts à la vente à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif soit 28 % des produits.
Entendu le 20 novembre 2002 M. T déclarait "concernant les reventes à perte constatées par vos soins, il s'agit soit de problèmes d'arrondi soit des prix de revente alignés sur les prix pratiqués par la concurrence locale sur La Rochelle et ses environs".
Devant la cour, le Ministère public ne remet pas en cause la relaxe de M. F ; pour le surplus, il est sollicité la confirmation de la décision déférée.
M. D, M. T, la société Y, et la société X demandent de déclarer nulles les citations qui leur ont été délivrées et subsidiairement de les relaxer.
M. Pierre F conclut dans le même sens.
Motifs de l'arrêt
Il convient tout d'abord de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé M. F après constatation que chacun des directeurs avaient reçu délégation de pouvoir, ce qui n'a d'ailleurs pas été contesté par le Ministère public.
I Sur les nullités
Messieurs T et D ainsi que les sociétés dont ils sont les directeurs considèrent que le contrôle de la prévention est impossible au motif qu'ils sont prévenus d'avoir revendu plusieurs articles à des prix inférieurs à prix d'achat effectif et ce pour des articles qui ne sont pas précisés.
Qu'en conséquence les citations sont nulles au regard des dispositions de l'article 551 du Code de procédure pénale et de l'article 6-1 et 6-3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;
Toutefois il convient de constater que les citations visent les faits poursuivis ainsi que les textes de répression, les "incriminations" renvoyant aux procès-verbaux contenus dans les annexes de la procédure et détaillant les produits en cause (annexe 4 du procès-verbal en date du 26 novembre 2002 et annexe 2 du procès-verbal du 2 décembre 2002).
La demande de nullité sera donc rejetée, tous les prévenus ayant reçu une citation leur précisant les faits qui leur étaient reprochés.
II Au fond
Il est constant que certains prix, ont été arrondis à quelques centièmes ou millièmes d'euro. Il est nécessaire que les consommateurs soient parfaitement éclairés pour passer commande ou acheter des biens d'une certaine valeur (voiture, bâteau, villas...).
M. T invoque dans sa déclaration du 25 novembre 2002 le fait qu'il était possible d'aligner les prix sur ceux pratiqués par la concurrence.
Toutefois à la lecture de l'article L. 442-4 du Code de commerce, il est possible d'aligner ses prix sur ceux légalement pratiqués par un concurrent que dans le cas des entreprises qui commercialisent des produits alimentaires dans un lieu de vente d'une surface inférieure à 300 m2 et qui distribuent des produits non alimentaires dans un magasin d'une surface de moins de 1 000 m2, ce qui n'est pas le cas dans les deux situations en cause.
Il convient également de remarquer que les deux directeurs ont une expérience professionnelle dans la distribution, qu'ils ont une parfaite connaissance des règles intervenant dans la fixation des prix et que compte tenu du nombre important des produits en cause, il doit être constaté qu'ils ont fait le choix délibéré de cette stratégie.
La DCCRF relève également avec propos, que l'addition du potentiel commercial des deux Centres Z sur l'agglomération rochelaise et sa proche banlieue, place ces deux hypermarchés en position de "leader" local de la grande et moyenne distribution.
Or une telle pratique permet d'attirer des clients qui ne seraient peut-être pas venus, que les sociétés en cause n'ayant aucune prétention philanthropique, elles sont obligées de se rattraper sur d'autres produits en vendant ces derniers plus chers.
En outre, leurs concurrents se voient disqualifiés dans leur politique de prix par un procédé déloyal.
Ainsi la culpabilité des prévenus doit être confirmée et malgré le maximum des peines encourues, le tribunal a su raison garder, pour infliger des amendes d'un montant modéré à titre d'avertissement.La sanction sera donc maintenue.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, sur appel en matière correctionnelle en un dernier ressort, Reçoit les appels, réguliers un la forme, Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions pénales. La présente décision est soumise à un droit fixe de procédure de 120 euro dû par chaque condamné (art. 1018 A du Code général des impôts).