CA Paris, 13e ch. B, 18 juin 2004, n° 03-06944
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Dexxon Data Média (Sté), Japel (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbarin
Avocat général :
Mme Albertini
Conseillers :
MM. Septe, Waechter
Avocats :
Mes Le Calvez, Rincazaux.
Rappel de la procédure:
La prévention:
Par acte des 8 et 10 juillet 2002, la société anonyme Japel a fait citer directement devant le tribunal M et la société X prise en la personne de M président V ancien président de la dite société pour y répondre des faits de non communication du barème de prix et des conditions de vente par producteur, grossiste, prestataire de services ou importateur, le 29/03/2002, à Paris
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré :
M coupable de non communication du barème de prix et des conditions de vente par producteur, grossiste, prestataire de services ou importateur, le 29/03/2002, à Paris, infraction prévue par l'article L. 441-6 du Code de commerce et réprimée par l'article L. 441-6 al. 6 du Code de commerce,
V coupable de non communication du barème de prix et des conditions de vente par producteur, grossiste, prestataire de services ou importateur, le 29/03/2002, à Paris, infraction prévue par l'article L. 441-6 du Code de commerce et réprimée par l'article L. 441-6 al. 6 du Code de commerce,
La société X coupable de non communication du barème de prix et des conditions de vente par producteur, grossiste, prestataire de services ou importateur, le 29/03/2002, à Paris, infraction prévue par l'article L. 441-6 du Code de commerce et réprimée par l'article L. 441-6 al. 6 du Code de commerce
Et par application de ces articles, a condamné :
M à 1 000 euro d'amende,
V à 1 000 euro amende,
La société X à 10 000 euro d'amende.
Sur l'action civile le tribunal a reçu la société Dexxon Data Média venant aux droits de la société Japel en sa constitution de partie civile et a condamné solidairement M, V et la société X à lui payer la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts et celle de 250 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
A assujetti la procédure à un droit fixe de 90 euro.
Les appels:
Appel a été interjeté par:
M. le Procureur de la République, le 14 octobre 2003, contre
Monsieur V, le 14 octobre 2003, contre société Dexxon Data Média venant aux droits de la SA Japel,
Monsieur M, le 14 octobre 2003, contre société Dexxon Data Média venant aux droits de la SA Japel,
société X , le 14 octobre 2003, contre société Dexxon Data Média venant aux droits de la SA Japel,
société Dexxon Data Média venant aux droits de la SA Japel, le 17 octobre 2003 contre Monsieur M
Décision:
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels des prévenus, du Ministère public et de la partie civile interjetés à l'encontre du jugement entrepris.
Rappel des faits et demandes:
Le 8 juillet 1998 la société Japel a conclu, avec la société X un contrat lui conférant la distribution des produits X en qualité de grossiste agréé. Par lettre recommandée du 28 mars 2001, la société X se basant sur le volume des ventes des derniers mois, signifiait à la société Japel sa décision de mettre fin au contrat à l'échéance du 30 juin 2001 afin de réduire son réseau de distribution.
Peur acquérir les mêmes produits en l'absence de contrat spécifique, la société Japel a demandé à son ancien fournisseur, et notamment par lettre du 12 octobre 2001, de lui communiquer ses conditions de vente et ses barèmes. Cette demande a été réitérée avec mise en demeure, par lettres recommandées en date des 15 mars et 4 avril 2002.
Par lettre recommandée datée du 30 avril 2002, la société X adressé à la société Japel les prix et les conditions de vente sur les consommables SHO et OPB.
La société Dexxon Data Média venant aux droits de la société Japel, partie civile représentée par son avocat, sollicite, par voie de conclusions, la confirmation du jugement entrepris sur la culpabilité et, excipant d'un désavantage concurrentiel, la condamnation in solidum de la société X M et V à lui payer la somme de 78 511 euro HT à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles,
Le Ministère public requiert, sauf à l'encontre de la société X la confirmation du jugement déféré,
La société X venant aux droits de la société ... prévenus assistés de son avocat, (sic), par voie de conclusions, de la dissolution de la société X de l'absence de faute personnelle des représentants légaux de cette dernière, à titre subsidiaire, de l'absence de conditions écrites de vente, de la communication des prix et du montant des rabais consentis à ses grossistes, de la contrariété de l'article L. 441-6 du Code de commerce avec le traité de Rome, ils concluent à l'extinction de l'action publique l'encontre de la société X, ainsi qu'à la relaxe de M et V, sauf à saisir la Cour de justice des Communautés européenne d'une question préjudicielle,
Sur ce,
Sur l'action publique
Considérant que, selon l'article L. 441-6 du Code de commerce, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer, à tout acheteur de produit ou demandeur de prestation de services qui en fait la demande, son barème de prix et ses conditions de vente;
Considérant que les rabais et ristournes fixés sur une base individuelle, non communiqués à l'avance et d'une façon uniforme à tous les revendeurs entraînent une possibilité de discrimination entre eux et constituent un abus de position dominante au sens de l'article 82 du traité de Rome;
Considérant qu'au regard de l'article L. 441-6 du Code de commerce, la société X est pas reprochable de ne pas avoir établi préalablement des conditions générales de vente;que seule la communication des conditions générales de vente est visée; que cette communication s'effectue par tout moyen conforme aux usages de la profession; qu'en réponse à la contestation de la société Japel, une communication écrite s'est imposée à la société X dont la lettre du 30 avril 2002 se réfère à l'article susvisé et vise les prix et les conditions de vente faites à ses partenaires;
Considérant que l'obligation de communiquer les conditions générales de vente permet à l'acheteur de s'assurer qu'il ne fait pas l'objet d'un traitement discriminatoire injustifié de la part de son fournisseur et de se prévaloir d'éléments de comparaison objectifs afin d'en réclamer l'application à son profit que les conditions générales de vente précisent, selon l'alinéa 3 du même article "les modalités de calcul et les conditions dans lesquelles des pénalité sont appliquées dans les cas où les sommes dues sont versées après la date de paiement figurant sur la facture lorsque le versement intervient au delà du délai fixé par les conditions générales de vente ; que le seul document joint à la lettre du 30 avril 2002 de la société X comportait la liste de prix, des remises afférents aux produits et à leur quantité maisqu'il était insuffisant ;que l'infraction visée à la prévention est donc caractérisée;
Considérant que la sanction pénale attachée à l'obligation de communiquer les conditions générales de vente renforce les exigences de transparence de la part des fournisseurs installés sur le territoire national ;qu'à tort les prévenus excipent d'une mesure discriminatoire à leur égard
Considérant que le 3 octobre 2003, la société X a été dissoute sans liquidation et que son patrimoine a été transmis à la société X que cette décision a été enregistrée le 21 octobre 2003 ; que la radiation de la société X est intervenue le 22 novembre 2003 à effet rétroactif du 1er janvier 2003 ; qu'en application de l'article 6 du Code de procédure pénale, il convient de déclarer l'action publique éteinte à son endroit; que le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef;
Considérant que V président de la société X jusqu'au 29 mars 2002, et M qui lui a succédé exerçaient, en leur qualité de représentants légaux de cette société, des pouvoirs de décision; qu'en tant que chefs d'entreprise, il leur appartenait de veiller au respect de la réglementation; qu'ils sont donc pénalement responsables au sens de l'article 121-2 du Code pénal et que l'ignorance des faits qu'ils invoquent ne saurait les exonérer de leur responsabilité pénale; qu'il convient, à leur encontre de confirmer le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et sur la peine d'amende, qui constitue une juste application de la loi pénale;
Sur l'action civile
Considérant que la société Dexxon Data Média venant aux droits de la société Japel ne fournit aucun justificatif au soutien de sa demande en réparation du préjudice commercial allégué ; que la demande de ce chef doit être rejetée;
Considérant cependant que les faits ont porté une atteinte directe à l'image de la société Japel en la privant de produits renommés ; qu'il convient d'infirmer le jugement et de condamner solidairement V et M à payer à la société Dexxon Data Média venant aux droits de la société Japel la somme de 20 000 euro à titre de préjudice moral;
Considérant que la demande de la somme de 10 000 euro formée, à l'encontre de chacun des prévenus, par la partie civile au titre des frais irrépétibles est justifiée dans son principe mais doit être ramenée à celle de 1 000 euro;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels des prévenus, du Ministère public et de la partie civile, sur l'action publique. Infirmant le jugement entrepris à l'égard de la société X ; Constate l'extinction de l'action publique à l'égard de la société X ; Confirme le dit jugement sur la déclaration de culpabilité et sur la peine d'amende prononcée à l'égard de V ; Sur l'action civile Infirmant le jugement entrepris, Condamne solidairement V M à payer à la société Dexxon Data Média venant aux droits de la société Japel la somme de 20 000 euro à titre de préjudice moral, Condamne V et M à payer à Dexxon la somme de 1 000 euro chacun au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Déboute les parties de leurs demandes autres ou contraires aux motifs.