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Décisions

CJCE, 2e ch., 24 juin 2004, n° C-278/02

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Herbert Handlbauer GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Timmermans

Avocat général :

M. Tizzano

Juges :

MM. Puissochet, Cunha Rodrigues, Schintgen (rapporteur), Mme Colneric

Avocat :

Me Harings.

CJCE n° C-278/02

24 juin 2004

LA COUR (deuxième chambre),

1 Par ordonnance du 11 juillet 2002, parvenue à la Cour le 29 juillet suivant, le Berufungssenat I der Region Linz bei der Finanzlandesdirektion für Oberösterreich a posé, en application de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) nº 2988-95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1).

2 Ces questions ont été posées à l'occasion d'un litige opposant Herbert Handlbauer GmbH (ci-après "Handlbauer") au Zollamt Salzburg/Erstattungen (bureau des douanes de Salzbourg/restitutions, ci-après le "Zollamt") à propos de l'obligation de rembourser une avance sur restitution à l'exportation d'un lot de viande bovine accordée en 1996.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

La protection des intérêts financiers des Communautés européennes

3 L'article 1er du règlement nº 2988-95 dispose:

"1.Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire.

2.Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue."

4 Aux termes de l'article 3 du même règlement:

"1.Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans.

Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. Pour les programmes pluriannuels, le délai de prescription s'étend en tout cas jusqu'à la clôture définitive du programme.

La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif.

Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans les cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6 paragraphe 1.

2. Le délai d'exécution de la décision prononçant la sanction administrative est de trois ans. Ce délai court à compter du jour où la décision devient définitive.

Les cas d'interruption et de suspension sont réglés par les dispositions pertinentes du droit national.

3. Les États membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2."

5 L'article 4 du règlement n° 2988-95 traite de la répétition des avantages indûment obtenus dans les termes suivants:

"1.Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu:

- par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus,

- par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance.

2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire.

3. Les actes pour lesquels il est établi qu'ils ont pour but d'obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l'espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l'obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non-obtention de l'avantage, soit son retrait.

4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions."

6 L'article 5 du même règlement énonce les sanctions administratives auxquelles peuvent conduire les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence, notamment le paiement d'une amende administrative ou la privation totale ou partielle d'un avantage.

7 Enfin, l'article 8 du règlement n° 2988-95 prévoit l'obligation pour les États membres de prendre les mesures de contrôle nécessaires pour s'assurer de la régularité des opérations engageant les intérêts financiers des Communautés, la nature et la fréquence des contrôles et des vérifications sur place, ainsi que les modalités de leur exécution, étant déterminées, en tant que de besoin, par des réglementations sectorielles en vue d'assurer une application uniforme des mesures en question.

Le régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles

8 L'article 11, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 3665-87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (JO L 351, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 2945-94 de la Commission, du 2 décembre 1994 (JO L 310, p. 57), dispose:

"Lorsqu'il est constaté que, en vue de l'octroi d'une restitution à l'exportation, un exportateur a demandé une restitution supérieure à la restitution applicable, la restitution due pour l'exportation en question est la restitution applicable au produit effectivement exporté, diminuée d'un montant correspondant:

a) à la moitié de la différence entre la restitution demandée et la restitution applicable à l'exportation effectivement réalisée;

b) [...]."

9 Selon le paragraphe 3 du même article:

"Sans préjudice de l'obligation de payer le montant négatif visé au paragraphe 1 quatrième alinéa, en cas de paiement indu d'une restitution, le bénéficiaire est tenu de rembourser les montants indûment reçus - en ce compris toute sanction applicable conformément au paragraphe 1 premier alinéa - augmentés des intérêts calculés en fonction du temps qui s'est écoulé entre le paiement et le remboursement. [...]"

10 Par ailleurs, le règlement (CEE) nº 4045-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section "garantie", et abrogeant la directive 77-435-CEE (JO L 388, p. 18), prévoit, à son article 2, l'obligation pour les États membres de procéder annuellement à des contrôles portant sur un certain nombre d'entreprises qui effectuent des opérations relevant dudit système de financement. Ce nombre est établi en fonction notamment de l'importance des entreprises et d'autres facteurs de risques d'irrégularités.

Le Code des douanes communautaire

11 L'article 221, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2913-92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le Code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le "CDC") dispose:

"Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu'il a été pris en compte."

12 Selon le paragraphe 3 du même article:

"La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Toutefois, lorsque c'est par suite d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives que les autorités douanières n'ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus, ladite communication est, dans la mesure prévue par les dispositions en vigueur, effectuée après l'expiration dudit délai de trois ans."

La réglementation nationale

13 L'Ausfuhrerstattungsgesetz (loi sur les restitutions à l'exportation, BGBl. 1994-660, ci-après l'"AEG") prévoit, à son article 5, la répétition des restitutions indûment octroyées. S'il ne fixe pas directement de délai de prescription pour un tel remboursement, son article 1er, paragraphe 5, renvoie sur ce point aux dispositions applicables en matière douanière.

14 À cet égard, l'article 74, paragraphe 2, du Zollrechts-Durchführungsgesetz (loi de mise en application du droit douanier, BGBl. I, 1998-13, ci-après le "ZollR-DG"), dans sa version applicable à l'époque des faits, dispose:

"Pour les droits à l'importation et à l'exportation, le délai de prescription est de trois ans à compter de la date de naissance de la dette. Pour les droits à l'importation et à l'exportation illégalement non payés, ce délai est de dix ans, à la condition toutefois que les autorités douanières, à la suite d'un délit financier qui ne peut être poursuivi que devant un tribunal ou une chambre, ne puissent pas ou pas exactement identifier la dette dans les trois ans à compter de sa naissance. Pour les autres prestations en espèces, le délai de prescription est fixé conformément aux dispositions communes en matière de droits."

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15 Le 3 septembre 1996, Handlbauer a exporté vers la Hongrie un lot de 958 pièces de viande bovine congelée d'un poids total de 19 912,36 kg. Pour cette opération, elle a bénéficié, le 24 septembre 1996, d'une avance sur restitution de 202 769 ATS. La garantie accordée pour cette avance a été libérée le 12 décembre 1996.

16 Le 20 décembre 1999, Handlbauer a été informée que le service de contrôle externe et de contrôle d'entreprises du Hauptzollamt (bureau principal des douanes) Linz (Autriche) allait procéder à un contrôle des exportations de l'année 1996 dans le domaine des organisations des marchés de la viande bovine et de la viande porcine. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que Handlbauer a été incluse parmi les entreprises à contrôler en vertu du règlement n° 4045-89 parce que plusieurs irrégularités étaient déjà apparues lors des exportations de 1995.

17 Au cours des contrôles, effectués en 2000, il a été constaté que, dans de nombreux cas, l'origine communautaire de la viande exportée en 1996 n'était pas établie.

18 En conséquence, par décision du 20 janvier 2001, le Zollamt a, en application des dispositions combinées des articles 5 de l'AEG et 11, paragraphe 3, du règlement n° 3665-87, exigé de Handlbauer le remboursement de l'avance sur restitution et lui a imposé une sanction de 101 384 ATS, en application de l'article 11, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

19 Après le rejet de son recours administratif à l'encontre d'une telle décision, Handlbauer a introduit un recours devant la juridiction de renvoi, en invoquant l'expiration du délai de prescription de trois ans, visé à la fois à l'article 221, paragraphe 3, du CDC et à l'article 74, paragraphe 2, du ZollR-DG. Cette situation n'aurait pas été modifiée par le règlement n° 2988-95, lequel constituerait seulement une réglementation générale pour les États membres non susceptible de produire directement des effets défavorables pour les opérateurs ni de constituer une base juridique pour des sanctions.

20 Selon Handlbauer, le délai de prescription aurait commencé à courir le 24 septembre 1996, date d'octroi de la restitution à l'exportation, voire le 12 décembre 1996, date de la libération de la garantie. Or, le remboursement de ladite restitution et la sanction correspondante ont été décidés le 20 janvier 2001.

21 En réponse, le Zollamt s'est référé à l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988-95, lequel serait directement applicable et prévoit un délai de prescription de quatre ans susceptible d'être interrompu par des contrôles, tels que ceux effectués auprès de Handlbauer.

22 C'est dans ces conditions que le Berufungssenat I der Region Linz bei der Finanzlandesdirektion für Oberösterreich a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Est-ce que, présence d'irrégularités, le règlement [...] n° 2988-95 [...] est directement applicable dans les États membres, en particulier dans le domaine des organisations de marché (restitution à l'exportation)?

L'article 3, paragraphe 1, du règlement précité, qui établit un délai de prescription de quatre ans pour les poursuites menées contre les irrégularités, est-il directement applicable par les autorités douanières des États membres?

2) La notification d'un contrôle douanier d'une entreprise aux responsables de celle-ci constitue-t-elle un acte visant à l'instruction ou à la poursuite d'une irrégularité, qui interrompt le délai de prescription de quatre ans visé à l'article 3, paragraphe 1, du règlement précité, lorsque le contrôle a lieu conformément au règlement (CEE) n° 4045-89 en raison du risque notoire ou de la fréquence des actes portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté commis à l'occasion de la mise en œuvre de la politique agricole commune?"

23 Au cours de la procédure, la Cour a été informée que, à la suite de l'entrée en vigueur de l'Abgaben-Rechtsmittel-Reformgesetz (loi portant réforme des voies de recours en matière fiscale, BGBl. I 2002-97), l'Unabhängiger Finanzsenat, Außenstelle Klagenfurt (Autriche) est devenue la juridiction compétente dans la procédure au principal.

Sur la première question

24 Par sa première question, formulée en deux parties qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988-95 est directement applicable dans les États membres, y compris dans le domaine des restitutions à l'exportation des produits agricoles, nonobstant l'existence de dispositions nationales douanières prévoyant un délai de prescription plus court.

25 À cet égard, il convient de rappeler que, en raison même de leur nature et de leur fonction dans le système des sources du droit communautaire, les dispositions des règlements ont, en général, effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, sans qu'il soit besoin pour les autorités nationales de prendre des mesures d'application (arrêt du 17 mai 1972, Leonesio, 93-71, Rec. p. 287, point 5).

26 Il est vrai que certaines de leurs dispositions peuvent néanmoins nécessiter, pour leur mise en œuvre, l'adoption de mesures d'application par les États membres (arrêt du 11 janvier 2001, Monte Arcosu, C-403-98, Rec. p. I-103, point 26).

27 Toutefois, cela ne saurait être le cas de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988-95, lequel, en fixant, en matière de poursuites, un délai de prescription de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité, ne laisse aucune marge d'appréciation aux États membres ni n'appelle de leur part l'adoption de mesures d'exécution.

28 La circonstance que des réglementations sectorielles puissent prévoir des délais de prescription plus brefs, sans être pour autant inférieurs à trois ans, conformément à l'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2988-95, ou que les États membres puissent, conformément au paragraphe 3 du même article, prévoir des délais plus longs n'est pas de nature à remettre en cause l'applicabilité immédiate de l'article 1er, paragraphe 1, dudit règlement, dans l'hypothèse où, précisément, de telles règles dérogatoires feraient défaut dans les réglementations communautaires sectorielles ou nationales.

29 Or, à l'époque des faits au principal, aucune disposition communautaire sectorielle ne prévoyait, dans le domaine des restitutions à l'exportation des produits agricoles, un délai de prescription plus bref pour le remboursement des sommes indues. De même, il ressort du dossier qu'aucune disposition autrichienne ne prévoyait, à cette même époque, un délai de prescription supérieur à quatre ans.

30 Handlbauer et la Commission estiment cependant que l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988-95 ne concerne pas la répétition d'avantages financiers indûment perçus. Selon Handlbauer, cette disposition concernerait exclusivement les sanctions pénales à infliger en cas d'irrégularité, tandis que la Commission considère qu'elle ne couvre que les mesures prévoyant une sanction administrative au titre de l'article 5 du même règlement.

31 À cet égard, il convient de rappeler que l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 2988-95 introduit une "réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire", et ce, ainsi qu'il ressort du troisième considérant dudit règlement, afin de "combattre dans tous les domaines les atteintes aux intérêts financiers des Communautés".

32 L'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988-95 fixe, en matière de poursuites, un délai de prescription qui court à partir de la réalisation de l'irrégularité, laquelle, selon l'article 1er, paragraphe 2, du même règlement vise "[t]oute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés [...]".

33 Ainsi que l'ont observé les Gouvernements autrichien et du Royaume-Uni, une telle définition couvre aussi bien les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence pouvant, conformément à l'article 5 du règlement n° 2988-95, conduire à une sanction administrative, que les irrégularités entraînant uniquement le retrait de l'avantage indûment perçu conformément à l'article 4 du même règlement.

34 Il en découle que l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988-95 est applicable tant aux irrégularités visées à l'article 5 qu'à celles visées à l'article 4 dudit règlement, portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés.

35 En conséquence, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988-95 est directement applicable dans les États membres, y compris dans le domaine des restitutions à l'exportation des produits agricoles, en l'absence de réglementation communautaire sectorielle prévoyant un délai plus court, mais non inférieur à trois ans, ou de réglementation nationale fixant un délai de prescription plus long.

Sur la seconde question

36 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2988-95 doit être interprété en ce sens que la notification d'un contrôle douanier à l'entreprise concernée constitue un acte d'instruction ou de poursuite de l'irrégularité de nature à interrompre le délai de prescription visé au paragraphe 1, premier alinéa, du même article.

37 Selon Handlbauer, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposent que seuls les actes d'instruction et de poursuite qui sont fondés sur un soupçon concret d'irrégularité puissent interrompre la prescription en vertu de l'article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2988-95. En revanche, les contrôles au sens de l'article 8 du même règlement, qui engloberaient les vérifications effectuées dans les entreprises au titre du règlement n° 4045-89, ne sauraient avoir cet effet. Tout au plus pourraient-ils conduire à l'accomplissement d'actes d'instruction et de poursuite interruptifs de la prescription.

38 Le Gouvernement autrichien est d'avis que, en l'occurrence, la prescription a, en tout état de cause, été interrompue, conformément à l'article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2988-95, par les vérifications effectuées auprès de Handlbauer.

39 La Commission estime que la notification d'un contrôle au titre du règlement n° 4045-89, destiné à détecter d'éventuelles irrégularités spécifiques, constitue déjà, en elle-même, un acte interruptif de la prescription. En effet, l'article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2988-95 n'exigerait pas que l'acte d'instruction concerne une irrégularité spécifique, celle-ci ne pouvant être constatée qu'à l'issue du contrôle.

40 À cet égard, il convient de souligner que les délais de prescription remplissent, de façon générale, la fonction d'assurer la sécurité juridique (voir arrêt du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661, point 19). Une telle fonction ne serait pas pleinement remplie, ainsi que l'a observé M. l'avocat général aux points 82 et suivants de ses conclusions, si le délai de prescription visé à l'article 3, paragraphe 1, du règlement nº 2988-95 pouvait être interrompu par tout acte de contrôle, d'ordre général, de l'administration nationale sans rapport avec des soupçons d'irrégularités touchant des opérations circonscrites avec suffisamment de précisions.

41 En l'occurrence, il ressort du dossier que la notification à Handlbauer du contrôle décidé au titre du règlement n° 4045-89 concernait indistinctement toutes les exportations que cette société avait effectuées en 1996 dans le cadre des organisations communes des marchés de la viande bovine et de la viande porcine. Une telle notification, qui ne comportait aucune indication sur des soupçons d'irrégularités suffisamment déterminées, ne pouvait, en tant que telle, interrompre le délai de prescription pour le remboursement de la restitution accordée le 24 septembre 1996.

42 Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si les actes subséquents accomplis par les autorités nationales dans le cadre ou à l'issue du contrôle notifié le 20 décembre 1999 concernaient une ou plusieurs irrégularités spécifiques, entourant les exportations pour lesquelles la restitution en cause avait été accordée et étaient susceptibles, par voie de conséquence, d'interrompre le délai de prescription concernant le remboursement de ladite restitution.

43 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la seconde question que l'article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2988-95 doit être interprété en ce sens que la notification d'un contrôle douanier à l'entreprise concernée ne constitue un acte d'instruction ou de poursuite de l'irrégularité de nature à interrompre le délai de prescription visé au paragraphe 1, premier alinéa, du même article qu'à la condition que les opérations sur lesquelles portent les soupçons d'irrégularité soient circonscrites par l'acte avec suffisamment de précisions.

Sur les dépens

44 Les frais exposés par les Gouvernements autrichien et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Berufungssenat I der Region Linz bei der Finanzlandesdirektion für Oberösterreich, par ordonnance du 11 juillet 2002, dit pour droit:

1) L'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) nº 2988-95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est directement applicable dans les États membres, y compris dans le domaine des restitutions à l'exportation des produits agricoles, en l'absence de réglementation communautaire sectorielle prévoyant un délai plus court, mais non inférieur à trois ans, ou de réglementation nationale fixant un délai de prescription plus long.

2) L'article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2988-95 doit être interprété en ce sens que la notification d'un contrôle douanier à l'entreprise concernée ne constitue un acte d'instruction ou de poursuite de l'irrégularité de nature à interrompre le délai de prescription visé au paragraphe 1, premier alinéa, du même article qu'à la condition que les opérations sur lesquelles portent les soupçons d'irrégularité soient circonscrites par l'acte avec suffisamment de précisions.