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Décisions

CA Versailles, 9e ch. corr., 6 mai 2004, n° 03-00597

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ract-Madoux

Avocat général :

M. Schonn

Conseillers :

Mlle Delafollie, M. Brisset-Foucault

Avocat :

Me Burman.

TGI Nanterre, 15e ch., du 22 oct. 2002

22 octobre 2002

Le rappel des faits et de la procédure :

M. Laurent X est prévenu d'avoir, à Boulogne-Billancourt, Montpellier, courant 2000, effectué une publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix de biens ou services, en l'espèce, en faisant distribuer dans le public des supports publicitaires, sous forme de carte d'achat, de carnet de chèques, ou de prospectus, proposant des remises de prix de vente en magasin ou les prix traditionnels appliqués en magasin de montures optiques, alors que ces prix de référence s'avèrent, le plus souvent, supérieurs à ceux de la concurrence, induisant en erreur la clientèle sur les rabais annoncés, faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, 121-6, 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.

Le 20 septembre 2000, à la suite d'une plainte déposée par la société Z, la DGCCRF a dressé un procès-verbal d'infraction lors d'un contrôle effectué au magasin A, [adresse] ; une campagne promotionnelle valable du 15 octobre au 31 décembre 2000, organisée par le franchiseur Y avait été réalisée par le franchisé A, informant le consommateur des offres et avantages dont il bénéficiera auprès de ce point de vente :

* la garantie des prix les plus bas de France et le remboursement de la différence si, dans le mois qui suit, vous trouvez le même équipement moins cher ailleurs.

* l'octroi de remises chiffrées appliquées à la caisse sur les prix de vente affichés en magasins, selon les familles de produits :

- 40 % sur les montures optiques et les verres optiques

- 25 % sur les lunettes de soleil

- 20 % sur les lentilles de contact et les produits d'entretien.

Sur le prospectus publicitaire, il était précisé "comparez et achetez au meilleur prix, les remises Y s'appliquent sur les prix traditionnels appliqués en magasin".

Le contrôleur a effectué un relevé de prix toutes taxes comprises sur un échantillon de 32 montures de lunettes exposées à la vente, dans le magasin, et à partir de cette base, a procédé à une comparaison par rapport au prix de vente affiché sur des références identiques détenues chez les trois revendeurs concurrents situés dans un environnement commercial très proche B, C et D.

Il a constaté que les prix affichés chez A, concernant les mêmes produits, étaient dans trente et un cas supérieurs à la concurrence (en moyenne de 22,82 % et dans un seul cas supérieur à celui de la concurrence.

M. X, Président Directeur Général de la société Y et responsable de la campagne publicitaire, en sa qualité de franchiseur, a été cité devant le tribunal correctionnel pour publicité de nature à induire en erreur.

Il n'a pas contesté être le concepteur de la campagne litigieuse.

Par jugement du 22 mai 2002 du Tribunal de Nanterre, il a été reconnu coupable de cette infraction, au motif que la publicité diffusée par Y induit dans l'esprit du consommateur l'idée que les prix pratiqués sont du même ordre que ceux de la concurrence sur des produits similaires, notamment parce que les remises s'appliquent sur "les prix traditionnels appliqués en magasin", alors que seuls les présentateurs de la carte de réduction peuvent en bénéficier, que la campagne de publicité est limitée dans le temps et que les prix pratiqués sans la remise sont très supérieurs à ceux pratiqués, sur les mêmes articles, par la concurrence.

Il a été condamné à une amende 5 000 euro et le tribunal a ordonné, à titre de peine complémentaire, la publication du jugement dans le journal "Que choisir ?", le coût maximum de l'insertion ne devant pas dépasser 1 500 euro.

M. Laurent X et le Ministère public ont interjeté appel de cette décision, le 28 octobre 2002.

Devant la cour, le prévenu fait valoir qu'il a respecté les dispositions de l'arrêté du 2 septembre 1977 puisque la publicité précisait l'importance de la réduction en pourcentage par rapport au prix de référence, les produits ou services concernés, la durée de la validité de l'offre. En outre, les remises pratiquées apportaient un réel bénéfice aux consommateurs et avaient pour effet de vendre les produits bénéficiaires de ces remises aux prix les plus bas de France.

Il estime donc devoir être relaxé, la présente procédure ayant été initiée par la société Z qui est coutumière du fait et veut ainsi discréditer sa concurrente, la société Y.

Il précise être désormais très attentif aux publicités diffusées et avoir systématiquement recours aux conseils de son avocat, avant tout lancement de campagne publicitaire.

Motifs de la cour :

Comme l'a justement relevé le tribunal, il n'est pas reproché à M. Laurent X le non-respect des dispositions de l'arrêté du 2 septembre 1977. En revanche, il ne peut être sérieusement contesté que la mention : "les remises Y s'appliquent sur les prix traditionnels en magasin" laisse supposer au consommateur que la remise s'applique sur des prix moyens pratiqués par tous les concurrents. Or, l'enquête pratiquée par la DGCCRF montre que tel n'était pas le cas en l'espèce et que le tarif pratiqué (hors de la remise) était globalement très supérieur à celui de la concurrence.Le prévenu a d'ailleurs reconnu, à l'audience, que les termes "prix traditionnels appliqués en magasin" étaient particulièrement ambigus et qu'il les avait exclus de toutes les nouvelles campagnes publicitaires.

C'est donc, par des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a retenu la culpabilité du prévenu.Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne la peine d'amende. Il n'apparaît toutefois pas opportun, compte-tenu de l'ancienneté des faits, de l'absence de plainte du consommateur et des précautions désormais prises par le prévenu pour éviter le renouvellement de telles pratiques, d'ordonner la publication de la décision.

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, après en avoir délibéré, Statuant publiquement, et contradictoirement, En la forme : Déclare recevables les appels du prévenu et du Ministère public ; Au fond : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions relatives à la culpabilité et à la peine d'amende ; Dit n'y avoir lieu à prononcer la peine complémentaire de la publication de la décision.