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Décisions

Cass. 1re civ., 12 avril 1995, n° 92-11.950

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Clinique de l'Essonne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Bouillane de Lacoste

Rapporteur :

M. Pinochet

Avocat général :

M. Lesec

Avocats :

Mes Le Prado, Hennuyer, SCP Coutard, Mayer, SCP Rouvière, Boutet.

Paris, du 28 nov. 1991

28 novembre 1991

LA COUR : - Attendu qu'à la suite d'un accouchement par césarienne à la Clinique de l'Essonne, Marie-Laure X... a subi, le 16 mai 1984, une transfusion de trois concentrés globulaires provenant du centre départemental de transfusion sanguine de l'Essonne ; qu'un examen, pratiqué le 27 février 1986, a révélé qu'elle avait été contaminée par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ; qu'elle a assigné en déclaration de responsabilité et en indemnisation le centre, son assureur la Mutuelle d'assurance du corps sanitaire français et la Clinique de l'Essonne ; qu'elle est décédée du SIDA le 8 avril 1992, l'instance étant reprise par ses héritiers ; que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le centre et la clinique responsables in solidum des dommages résultant de la contamination ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 92-11.950 formé par le centre et son assureur : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli la demande dirigée contre le centre alors qu'en retenant la responsabilité de celui-ci à raison de la présence d'un virus indécelable lors de la fourniture du sang transfusé à Marie-Laure X..., la cour d'appel, qui a méconnu que ce caractère indécelable est exclusif de la responsabilité du centre fournisseur, aurait violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que le vice interne du sang, même indécelable, ne constitue pas, pour l'organisme fournisseur, une cause qui lui est étrangère, et que les obligations des centres de transfusion quant à la conservation du sang et à sa délivrance, dont ils ont le monopole, ne les dispensent pas de réparer les conséquences dommageables dues à la fourniture de sang nocif ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° 92-11.975 formé par la Clinique de l'Essonne : - Vu l'article 1147 du Code civil ; - Attendu que, pour retenir la responsabilité de la clinique, l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'en raison de la confiance que le malade doit nécessairement lui faire, la clinique a l'obligation de fournir des produits sanguins non viciés et qu'en fournissant un sang contaminé par le virus VIH, elle a engagé sa responsabilité ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la clinique, tenue d'une simple obligation de prudence et de diligence dans la fourniture de produits sanguins livrés par un centre de transfusion, avait la possibilité de contrôler la qualité du sang transfusé à Marie-Laure X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen : Rejette le pourvoi n° 92-11.950 formée par le centre départemental de transfusion sanguine de l'Essonne ; Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré la Clinique de l'Essonne responsable des dommages résultant pour les consorts X... de la transfusion sanguine reçue par leur auteur le 16 mai 1984, l'arrêt rendu le 28 novembre 1991, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.