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Décisions

Cass. com., 22 mars 1994, n° 92-12.683

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Dissel (SA)

Défendeur :

SOFADIST (SARL), Medio Heizkessel, Mittelmann und Stephan (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bezard

Rapporteur :

M. Apollis

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Mes Vuitton, Foussard, Spinosi

Versailles, 12e ch., du 9 janv. 1992

9 janvier 1992

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 janvier 1992), que la société Dissel a vendu, le 28 décembre 1984, une chaudière à la société SOFADIST ; que celle-ci, qui a prétendu que cette chaudière était atteinte de vices cachés, a assigné son vendeur en référé le 16 janvier 1986 ; que l'expert désigné a déposé son rapport le 23 juillet 1987 ; que, le 18 décembre 1987, la société SOFADIST a assigné en résolution de la vente la société Dissel ; que, le 5 octobre 1988, cette société a appelé en garantie le fabricant de la chaudière, la société de droit allemand Medio Heizkessel Mittelmann und Stephan (société MHM) ; que la société Dissel a prétendu que la demande de la société SOFADIST était irrecevable, faute d'avoir été engagée à bref délai, et qu'au surplus, elle était mal fondée ; que la société MHM a soutenu que l'action récursoire de la société Dissel était prescrite ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Dissel fait grief à l'arrêt d'avoir écarté la fin de non-recevoir qu'elle avait invoquée, alors, selon le pourvoi, qu'en retenant les seuls pourparlers au contenu incertain ayant abouti à une assignation en référé aux fins d'expertise comme actes interruptifs d'un délai qui ne peut être interrompu que par l'action elle-même, c'est-à-dire par une assignation au fond intervenue en l'espèce, seulement le 18 décembre 1987, soit près de trois ans après la livraison et deux ans et demi après la découverte prétendue du vice, l'arrêt attaqué a violé l'article 1648 du Code civil ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article 2244 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, une citation en justice, même en référé, signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir ; qu'ayant relevé, d'un côté, que la chaudière litigieuse n'a fonctionné à plein rendement qu'au mois d'octobre 1985, date à partir de laquelle, à la suite des désordres qui sont apparus, la société SODAFIST est entrée en pourparlers à ce sujet avec son vendeur et, d'un autre côté, que l'acheteur a assigné en référé son vendeur le 16 janvier 1986, c'est sans encourir les reproches du moyen que l'arrêt a décidé que l'action de la société SOFADIST avait été exercée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Dissel fait encore grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution de la vente, aux motifs, selon le pourvoi, que les objections techniques soulevées par la société Dissel, qui contestait l'analyse de l'expert, n'ont pas été soumises à celui-ci en cours d'expertise, comme elles auraient pu l'être, et qu'elles sont donc irrecevables, alors que les objections d'ordre technique, simples moyens de fait dont la connaissance n'est nullement réservée à l'expert, peuvent être soulevées devant le juge, libre d'apprécier les conclusions de l'expert au vu des éléments fournis par les parties, à tout moment avant l'ordonnance de clôture ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 72, 246 et 276 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que pour prononcer la résolution de la vente en raison des vices cachés de la chose vendue, l'arrêt, après avoir relevé que l'expert a procédé à une étude complète et minutieuse des faits de la cause, a entériné le rapport de cet expert concluant à l'impropriété de la chaudière à l'usage auquel elle était destinée et décidé qu'il n'y avait pas lieu à contre-expertise ; qu'abstraction faite des motifs erronés mais surabondants relevés par le moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le troisième moyen : - Vu l'article 1648 du Code civil ; - Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel en garantie formé par la société Dissel à l'encontre de la société MHM, l'arrêt retient que cette action n'a été engagée contre la société MHM qu'en décembre 1987, soit plus de deux ans après que les désordres ont été signalés ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le bref délai de l'action récursoire en garantie exercé par le vendeur ne court pas de la connaissance du vice par l'acquéreur mais de la date de l'assignation principale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Dissel de son action en garantie dirigée contre la société MHM, l'arrêt rendu le 9 janvier 1992, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Rouen.