Cass. com., 5 décembre 1995, n° 93-21.223
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
SLH France (Sté), Same France (Sté)
Défendeur :
Boudry, Duquesne agricole (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bezard
Rapporteur :
Mme Clavery
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
Mes Jacoupy, Odent, SCP Defrenois, Levis
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal de la société SLH France que sur le pourvoi incident de M. Boudry ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 14 septembre 1993), que M. Boudry a commandé, le 21 juillet 1986, à l'EURL Duquesne agricole (société Duquesne) un tracteur de marque Same type Explorer 90 ; qu'à la suite de pannes subies par le matériel, M. Boudry a assigné la société Duquesne en résolution de la vente ; que celle-ci a assigné le fabricant, la société Same, aux droits de laquelle vient la société SLH France (société SLH) en garantie ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société SLH fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le tracteur était affecté d'un vice de conception et de l'avoir, en conséquence, condamnée à garantir la société Duquesne des condamnations prononcées au profit de l'acquéreur, consécutivement à la résolution de la vente, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de son rapport, l'expert avait expressément conclu que, le modèle d'embrayage remplissant parfaitement son office sur les Explorer 80, l'on ne pouvait retenir une erreur de conception imputable à la société Same ; qu'en affirmant, pour prononcer la résolution de la vente aux torts de la société venderesse et condamner la société fabricante à la garantir, que l'expert avait relevé une erreur de conception, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, que sous couvert de dénaturation, le moyen ne tend qu'à discuter la portée des éléments de preuve, recherchés par le rapport d'expertise, et appréciés souverainement par la cour d'appel ; qu'il est donc sans fondement ;
Sur le troisième moyen au pourvoi principal : - Attendu que la société SLH fait aussi grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle devait garantir du montant des intérêts du prêt contracté par l'acquéreur, pour son achat, alors, selon le pourvoi, que les frais occasionnés par la vente pouvant être mis à la charge d'un vendeur en cas de résolution de la vente peuvent être définis comme les dépenses engagées par l'acquéreur pour conclure la convention résolue, telles que des frais d'expert, d'acte ou de déplacement ; qu'en incluant dans ces frais les intérêts d'un emprunt contracté par l'acquéreur, ce que contestait expressément la société SLH dans ses écritures, la cour d'appel a méconnu la définition précitée en violation des dispositions de l'article 1646 du Code civil ;
Mais attendu que la société Duquesne, en sa qualité de vendeur professionnel, était tenue, outre la restitution du prix qu'elle avait reçu à tort de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur ; que la cour d'appel a apprécié souverainement que les intérêts de l'emprunt contracté par l'acquéreur en vue de cet achat constituaient un préjudice dont il lui était dû réparation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société SHL reproche enfin à l'arrêt, en confirmant le jugement de l'avoir condamnée à verser à la société Duquesne la somme de 21 544,21 francs en réparation de son préjudice, aux motifs, selon le pourvoi, que la cour d'appel n'avait été saisie d'aucune critique ou demande formelle des parties visant à modifier ce chef du dispositif du jugement de première instance, alors que, dans ses conclusions d'appel régulièrement signifiées le 2 février 1993, la société SHL avait expressément critiqué ce chef de condamnation prononcé à son encontre, souligant notamment que l'accueil de la demande de la société venderesse aboutirait à la faire bénéficier d'un enrichissement sans cause ; qu'en affirmant, dès lors, n'avoir été saisie d'aucune critique, ni de demande de modification, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société SHL en violation de l'article 1134 du Code civil, a méconnu l'objet du litige déterminé par les prétentions respectives des parties en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile et a méconnu l'effet dévolutif de l'appel en violation de l'article 562 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a confirmé la condamnation prononcée par les premiers juges, en énonçant qu'elle approuvait leurs motifs ; qu'elle n'a, en conséquence pas dénaturé les conclusions de la société SLH, ni méconnu l'objet du litige et l'effet dévolutif de l'appel ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident : - Attendu que, de son côté, M. Boudry fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Duquesne à lui rembourser la somme de 113 136,59 francs hors taxes, alors, selon le pourvoi, qu'en présence de vices cachés, l'acheteur a le choix entre rendre la chose et se faire restituer le prix ou garder la chose et se faire rendre une partie du prix ; que dans la première hypothèse la restitution du prix doit être intégrale ; qu'en l'espèce, ainsi que l'ont constaté les premiers juges, le prix hors taxes a été payé en espèces à hauteur de 113 136,59 francs, le solde étant payé en nature par la reprise de l'ancien véhicule ; qu'en limitant la restitution du prix consécutivement à la résolution de la vente à la somme hors taxes de 113 136,59 francs, la cour d'appel a violé l'article 1644 du Code civil ;
Mais attendu que la remise des choses dans le même état qu'avant la vente étant une conséquence légale de la résolution, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef, en retenant que seule la somme effectivement payée par l'acquéreur devait lui être restituée, dès lors que celui-ci ne réclamait pas, en outre, la restitution en nature du matériel usagé remis ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que la cour d'appel a décidé qu'il y avait lieu de condamner la société Same à garantir la société venderesse de la condamnation au versement de la somme de 113 136,59 francs correspondant au prix de vente du tracteur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre par aucun motif aux conclusions de la société Same qui faisait valoir que le prix de cession du tracteur devant être restitué devait être affecté d'un coefficient de vétusté, à raison de l'utilisation de la machine pendant plus de 5 ans par l'acquéreur, qui devait supporter la charge de cette dépréciation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Duquesne et, par voie de conséquence, la société SLH, à garantir, à verser à M. Boudry la somme de 113 136,59 francs, prix de vente du tracteur, l'arrêt rendu le 14 septembre 1993, entre les parties, par la Cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens.