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Décisions

Cass. 1re civ., 25 janvier 2000, n° 98-11.836

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Colas Est (Sté), Cochery Bourdin Chausse (SNC)

Défendeur :

Comptoir des calcaires et matériaux (Sté), AXA Assurances (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Renard-Payen

Avocat général :

M. Sainte-Rose

Avocats :

Me Le Prado, SCP Vier, Barthélémy, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Rouvière, Boutet

Reims, ch. civ., 1re sect., du 19 nov. 1…

19 novembre 1997

LA COUR : - Vu la connexité, joint les pourvois n° 98-11.836 et 98-12.227 ; - Attendu que les sociétés Colas Est et Cochery Bourdin Chausse (CBC), aux droits de laquelle vient la société Eurovia, étaient titulaires d'un marché de travaux publics conclu le 24 juillet 1991 avec la Direction Départementale de l'Equipement des Ardennes (DDE) en vue de la réalisation d'un revêtement routier ; que la société Comptoir des calcaires et matériaux (CCM), agréée par la DDE, a reçu commande, à cette fin, en octobre 1991, d'une certaine quantité de grave traitée ; que la DDE ayant, par ordre de service du 17 décembre 1991, fait connaître aux sociétés cocontractantes que ses constatations laissaient présumer un vice de construction, ces dernières ont assigné, le 10 mars 1992, en référé la société CCM, aux fins d'expertise ; que l'expert ayant déposé son rapport le 19 octobre 1993, les sociétés ont assigné, le 20 septembre 1994, la société CCM devant le Tribunal de commerce de Reims, aux fins d'indemnisation de leur préjudice ;

Sur le premier moyen des pourvois n° 98-11.836 et 98-12.227, pris en leurs deux branches : - Attendu que les sociétés Colas Est et Eurovia font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les actions dirigées par elles à l'encontre de la société CCM pour manquement à leur obligation de délivrance conforme au matériau commandé, alors, d'une part, que dans ses conclusions d'appel, la société Colas Est avait fait valoir, s'appuyant sur le rapport d'expertise, que la grave laitier livrée par la société CCM n'était pas conforme à la norme AFNOR NFP 98-106 et à la directive "pour la réalisation des assises de chaussée en graves traitées aux liants hydrauliques", document réalisé par le Laboratoire central des Ponts et chaussées pour définir les caractéristiques de ce genre de matériau ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions invoquant une non-conformité de la chose livrée aux stipulations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de seconde part, que s'appuyant sur les énonciations du rapport d'expertise, la société Cochery Bourdin Chausse faisait valoir dans ses conclusions que la "grave laitier" livrée n'était pas conforme à la norme AFNOR caractérisant le produit ; qu'en affirmant cependant qu'aucun défaut de conformité à la commande n'était allégué, la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions ; alors, enfin, que, si le vice caché prévu à l'article 1641 du Code civil s'analyse en une non-conformité de la chose livrée à son usage normal, le défaut de conformité prévu à l'article 1604 du Code civil s'analyse en une non-conformité de la chose livrée aux stipulations contractuelles ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la grave laitier livrée par la société CCM correspondait aux spécifications prévues par les parties, à savoir, les spécifications de la norme AFNOR et de la directive du LCPC et si elle était apte à l'utilisation contractuellement définie par les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1604 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui a répondu, sans les dénaturer, aux conclusions communes des sociétés Colas Est et CBC prétendument délaissées, a relevé que ces sociétés ne soutenaient pas que le produit livré ne fût pas du grave laitier correspondant à la commande, mais faisaient valoir son manque d'homogénéité ; qu'elle en a déduit à bon droit qu'il s'agissait, non d'un manque de conformité au type choisi, mais d'un vice caché du matériau fourni ;

Attendu, d'autre part, que les sociétés Colas Est et CBC n'ayant jamais soutenu que la norme AFNOR et la directive du laboratoire central des Ponts et chaussées étaient entrées dans le champ contractuel, les moyens, pris en leurs deuxièmes branches, sont nouveaux, mélangés de fait et, comme tels, irrecevables ;

Mais sur le second moyen des pourvois n° 98-11.836 et 98-12.227, qui n'est pas nouveau : - Vu l'article 1648 du Code civil ; - Attendu que pour déclarer irrecevable comme tardive l'action en garantie des vices cachés formée par les sociétés Colas Est et CBC, l'arrêt attaqué relève que celles-ci n'ont assigné au fond la société CCM que le 20 septembre 1994, soit onze mois après que les défauts du produit vendu aient été portés à leur connaissance par le premier rapport d'expertise ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'assignation en référé de la société CCM par les sociétés Colas Est et CBC, dont elle constatait qu'elle était intervenue dès le 10 mars 1992, n'avait pas été effectuée dans le bref délai édicté par l'article 1648 du Code civil, ce dont il eut résulté que ce texte, auquel il eut ainsi été satisfait, n'avait plus lieu de trouver application et que c'était la prescription de droit commun qui avait commencé à courir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Par ces motifs : [Selon arrêt rectificatif du 14 mars 2000] Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action des sociétés Colas Est et CBC, devenue Eurovia en tant qu'elle était fondée sur la garantie des vices cachés, l'arrêt rendu le 19 novembre 1997, entre les parties, par la Cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens.