CA Versailles, 1re ch. A, 13 janvier 2000, n° 1807-97
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Discodis (SA)
Défendeur :
Profidis et Compagnie (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gabet-Sabatier
Conseillers :
M. Martin, Mme Liauzun
Avoués :
SCP Bommart & Minault, Me Treynet
Selon acte notarié du 27 septembre 1989, la société Profidis & Compagnie a acquis de la société Cibem, aux droits de laquelle se trouve la société Discodis, anciennement dénommée Gefip et ensuite Fidin, une friche industrielle située à Saint-Germain-les-Arpajon (Essonne), d'une contenance totale de 22 hectares, 48 ares et 4 centiares, moyennant le prix de 20 millions de francs.
Comprenant des bâtiments hors d'usage, voués à la démolition, cette propriété avait été acquise par la société Cibem dans le cadre de la reprise des activités de la société Isoroy par la société "SCIM", société du groupe Pinault, en exécution du plan de cession arrêté par jugement du Tribunal de commerce de Caen en date du 21 juillet 1986, la société SCIM ayant été autorisée à se substituer une ou plusieurs sociétés. La société Isoroy y avait exercé une exploitation classée, au sens de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.
L'acquisition effectuée par la société Profidis & Compagnie, filiale d'un groupe important de distribution alimentaire, avait initialement pour objet l'édification d'un entrepôt destiné à la livraison des grandes surfaces alimentaires exploitées par ce groupe à Paris et dans la région parisienne.
La société Profidis & Compagnie renoncera toutefois à ce projet, et cherchera un repreneur, le bien acquis ayant été exploité en attendant à des fins diverses, notamment par une société TDB qui l'a occupé en 1993 et y a installé une station de résidus urbains ou industriels banals et de déchets industriels provenant d'installations classées, ainsi qu'un stockage de métaux.
Exposant avoir découvert au mois de juillet 1995, en procédant au défrichage d'une haie située en bordure du terrain dont il s'agit, la présence de résidus d'hydrocarbure de type bitumineux, puis à la suite d'examens pratiqués par la Société Générale de Réhabilitation des Sites, l'existence en sous-sol de réseaux en béton et de cuves enterrées contenant encore des produits liquides de la famille des hydrocarbures, la société Profidis & Compagnie a, selon acte du 8 décembre 1995, fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Nanterre la société Fidin, en vue d'obtenir le paiement d'une somme de 3 940 000 F HT, sauf à parfaire, correspondant au montant approximatif du coût de la dépollution.
Par écritures ultérieures, la société Profidis & Cie a sollicité la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés prévue aux articles 1641 et suivants du Code civil et le paiement d'une somme de 400 000 F à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 6 décembre 1996, le tribunal a, en substance:
- dit que la clause de non-garantie insérée à l'acte de vente du 27 septembre 1989 ne recouvre pas la pollution alléguée du terrain,
- ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur Gelly, avec mission, notamment de dire si la pollution rend le terrain impropre à sa destination ou en diminue tellement l'usage que si l'acheteur l'avait connue, il ne l'aurait pas acquis, et encore de dire si la pollution est certainement antérieure à la vente et si elle aurait pu être décelée par l'acquéreur et par quels moyens.
La société Fidin, devenue la société Discodis, a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 18 septembre 1997, le conseiller de la mise en état a ordonné l'exécution provisoire du jugement entrepris du chef de la mesure d'expertise et commis Monsieur Beraud en remplacement de l'expert initialement désigné.
Monsieur Beraud a, le 15 janvier 1999, déposé son rapport dont les conclusions se résument ainsi :
"- La pollution présente sur le terrain est essentiellement sous forme d'hydrocarbures (fuel domestique et fuel lourd) et d'eau polluée, encore présents dans des cuves, enterrées ou aériennes, dans les caniveaux techniques autour des conduites, ou encore à l'état solidifié dans une ancienne lagune peu profonde.
Ces produits se sont infiltrés en faible quantité dans le sol aux alentours des caniveaux. Le tonnage de terres contaminées aux alentours des caniveaux est de l'ordre de 700 tonnes.
- Il s'agit de produits résiduels de l'activité passée d'Isoroy, qui les utilisait pour sa fabrication. Lors de la cessation d'activité de cette société, les cuves, qui auraient dû être complètement vidangées et neutralisées, ne l'ont pas été.
- Cette pollution ne rend pas le terrain impropre à sa destination, ou en diminue l'usage de façon sensible.
Elle est suffisamment réduite et superficielle pour que les coûts de dépollution restent très inférieurs au montant de la vente: 2 à 3 millions de francs, pour un montant de 20 millions de francs.
- Du fait de sa nature et de son origine, cette pollution était certainement antérieure à la vente.
- Pour être décelée par l'acquéreur, il aurait fallu qu'il fasse réaliser une étude de diagnostic semblable à celle réalisée par Socotec et lors de l'expertise."
Les parties ont alors conclu au fond, s'accordant à solliciter de la cour l'évocation.
Aux termes des ses dernières écritures signifiées le 17 novembre 1999, auxquelles il convient de se référer pour plus ample connaissance de ses moyens et prétentions, la société Discodis demande à la cour de:
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la clause de non-garantie prévue à l'acte de vente du 27 septembre 1989 "ne recouvre pas" la pollution dont se plaint la société Profidis & Compagnie,
- subsidiairement et pour le cas où le jugement entrepris serait confirmé de ce chef, débouter la société Profidis & Compagnie de ses demandes,
- lui allouer une somme de 50 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
La société Profidis & Cie, intimée, demande à la cour, de
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la clause de non-garantie insérée à l'acte de vente du 27 septembre 1989 ne recouvrait pas la pollution alléguée du terrain et que la société concluante était fondée à opposer à la société Discodis le bénéfice des dispositions des lois des 15 juillet 1975 et 19 juillet 1976 ainsi que les textes d'application subséquents,
Vu le rapport d'expertise déposé par Monsieur Beraud,
- constater que la pollution affectant le sol et le sous-sol du terrain cédé par la société Cibem à la société concluante est antérieure à cette cession et constitue un vice caché au sens de l'article 1643 du Code civil,
- dire au surplus que la société Cibem, en sa qualité de repreneur des activités de la société Isoroy dans le cadre des opérations de redressement judiciaire de cette société ordonnées par le Tribunal de commerce de Caen et en tant que professionnel de la transformation du bois, en vendant ce terrain sans avoir procédé aux vérifications prescrites par les dispositions de l'article 34-1 du décret du 21 septembre pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976, et sans avertir préalablement son acquéreur des risques éventuels de pollution, a failli à son obligation de contracter de bonne foi, au mépris des dispositions de l'article 1134 du Code civil, ainsi qu'à celles de l'article 1602 du même code,
- en conséquence, prononcer la résolution de la vente de la propriété industrielle située sur la Commune de Saint-Germain-les-Arpajon, cadastrée section AX n° 9, 49, 50, 52, pour une contenance totale de 22 hectares 48 ares et 4 centiares, consentie par la société Cibem au profit de la société Profidis & Compagnie, suivant acte reçu par Maître Lecapitaine, notaire à Honfleur, en date du 27 septembre 1989,
- condamner la société Discodis, venant régulièrement aux droits de la société Cibem, à restituer à la société concluante la somme de 20 millions de francs versée par elle au titre du prix d'acquisition, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 1989, étant entendu que ces intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
- condamner la société Discodis au paiement d'une somme de 400 000 F à titre de dommages-intérêts sur le fondement des articles 1134 et 1645 du Code civil,
- la condamner au paiement de la somme de 80 018,10 F TTC réglée par la société concluante à la société EN.ON.FRAM et des sommes de 95 647,86 F et 84 962,70 F réglées à la société Socotec, ainsi qu'au paiement de la somme de 744 897,28 F au titre du remboursement des taxes foncières pour les années 1990 à 1999,
Subsidiairement, au cas où la cour n'ordonnerait pas la résolution de la vente,
- condamner la société Discodis au paiement d'une somme de 4 millions de francs augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 1989 à titre de diminution du prix de cession, ces intérêts étant capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
- dire que dans ce cas, la société Discodis sera tenue au paiement de la somme de 400 000 F sus-visée, ainsi que de celles réglées par la société concluante, au titre des frais d'investigation réglés par elle, également sus-visés,
- condamner la société Discodis au paiement de la somme de 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce,
Sur la portée de la clause de non-garantie :
Considérant que l'acte de vente du 27 septembre 1989 comporte (en page 19) une clause de non-garantie ainsi libellée :
"L'acquéreur prendra les biens présentement vendus dans leur état au jour de l'entrée en jouissance sans pouvoir exercer aucun recours ni répétition contre le vendeur pour quelque cause que ce soit et notamment en raison du mauvais état du sol ou du sous-sol, fouilles ou excavations, de mitoyenneté, communauté, vue, jour, passage, défaut d'alignement, du mauvais état d'entretien ou réparation des bâtiments, vétusté, vices ou défauts de construction apparents ou cachés ou autres défectuosités quelconques et enfin d'erreurs dans la désignation ou la contenance sus-indiquée, toute différence entre cette contenance et celle réelle, excédât-elle un vingtième, devant faire le profit ou la perte de l'acquéreur";
Qu'approuvant la solution retenue par le tribunal, la société Profidis & Compagnie soutient que cette clause n'exclut la garantie du vendeur qu'en raison du mauvais état du sol ou du sous-sol, c'est-à-dire des caractéristiques propres de celui-ci (nature et consistance), mais ne peut s'étendre à la pollution existante, puisque celle-ci constitue un élément extrinsèque aux caractéristiques mêmes du sol ; qu'en outre, en ce qui concerne les sols et les sous-sols, la clause ne mentionne que le mauvais état, à l'exclusion des vices ou défauts de construction apparents ou cachés qui s'appliquent aux bâtiments, d'où il suit que la renonciation de l'acquéreur à se prévaloir d'un vice caché ne pouvait concerner que les seuls bâtiments, à l'exclusion du sol ou du sous-sol;
Qu'elle ajoute que l'application de l'article 1643 du Code civil (prévoyant que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie) n'est pas exclusive de celle des dispositions des lois du 15 juillet 1975 et du 19 juillet 1976 ; qu'en vertu de l'article 2 de la première de ces lois, "toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune [...] et d'une façon générale à porter atteinte à la santé de l'homme et de l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination, conformément aux dispositions de la présente loi, dans des conditions propres à éviter lesdits effets " ; que selon l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977, pris dans le cadre de l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, l'exploitant doit, en cas de cessation de l'activité "[...], remettre le site de l'installation dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi";
Qu'elle soutient que le caractère d'ordre public de ces textes conduit à priver d'effet toute clause d'exclusion de garantie, et qu'il appartenait à la société Cibem de respecter leurs prescriptions, en sa qualité de repreneur de la société Isoroy, peu important qu'à l'époque la société Cibem n'eût pas réactivé le site, et peu important que le devoir d'information incombant au vendeur d'un terrain sur lequel était exploitée une installation soumise à autorisation, tel que prévu par l'article 8-1 de la loi du 19 juillet 1976, dans sa rédaction de la loi du 13 juillet 1992, soit issu d'une disposition légale qui n'existait pas au moment de la vente, le principe d'une telle information ayant déjà été posé par la jurisprudence antérieure ;
Considérant toutefois que les dispositions des lois dont il s'agit, relatives à l'élimination des déchets et aux installations classées pour la protection de l'environnement, et faisant peser sur l'exploitant l'obligation de remettre en état le site pollué en raison de son activité, ne s'opposent pas à ce que l'acquéreur du terrain, du commun accord des parties, se substitue à lui dans l'exécution de cette obligation, et ne font dès lors pas obstacle à la stipulation d'une clause de non-garantie dans l'acte de vente, relativement aux vices ou défauts de la chose, tirés de la présence d'éléments polluants ;
Que par la clause litigieuse, à la vérité exclusive d'interprétation, l'acquéreur s'est expressément interdit d'exercer un recours à l'encontre du vendeur pour quelque cause que ce soit, de sorte que la pollution du sous-sol est nécessairement comprise dans le champ d'application de la clause, en l'absence de stipulations contraires et de distinctions tirées notamment de l'origine, interne ou externe, du vice affectant la chose ;
Qu'il convient en conséquence de dire, en infirmant le jugement déféré en ses dispositions contraires, que la clause de non-garantie litigieuse s'applique à la pollution du terrain;
Sur l'opposabilité de la clause de non-garantie :
Considérant qu'il est de principe que la clause de non-garantie insérée dans un acte de vente, en application de l'article 1643 du Code civil, ne peut être opposée à l'acquéreur que par le vendeur de bonne foi, c'est-à-dire ignorant du vice de la chose, étant entendu que le vendeur professionnel est censé connaître les vices de la chose vendue ;
Qu'il est encore admis que lorsque l'acquéreur est un professionnel dont la spécialité est la même que celle du vendeur, les conventions qui restreignent la garantie doivent normalement produire leurs effets ;
Que se référant à ces principes, et pour faire échec aux prétentions de la société Discodis qui lui oppose la clause de non-garantie prévue à l'acte de vente, la société Profidis & Compagnie fait d'abord valoir que la société venderesse, la société Cibem, a agi en qualité de professionnel dans le cadre de l'achat et de la revente du terrain, puisqu'elle exerçait la même activité (traitement du bois) que la société Isoroy, dont elle avait acquis le bien le 1er août 1987, dans le cadre de la cession des actifs de cette société, et qu'elle connaissait de toute façon l'état de pollution du terrain, en sa qualité de successeur dans l'activité de la société Isoroy, n'ayant pas manqué de se livrer à un audit approfondi sur les éléments d'équipement du site industriel dont il s'agit ;
Que reprochant à la société Cibem d'avoir manqué à la bonne foi, en ne l'informant pas de la situation du terrain, la société Discodis ajoute qu'elle n'a pas la qualité de professionnel des friches industrielles, étant filiale à cent pour cent d'un groupe de distribution alimentaire et son rôle étant d'acquérir des immeubles ou des fonds de commerce destinés à abriter des supermarchés ou des entrepôts à caractère alimentaire;
Considérant que la société Discodis rétorque que la société Cibem, aux droits de laquelle elle se trouve, était ignorante de la pollution constatée par l'expert et que n'étant pas tenue à l'obligation de remise en état du site, qui incombait à la société Isoroy, elle n'a commis aucune faute ni aucun manquement à l'obligation de contracter de bonne foi, en ne faisant pas procéder à des vérifications de l'état du terrain, avant de le revendre;
Qu'elle soutient que la qualité de professionnel de l'activité immobilière doit être reconnue à la société Profidis & Compagnie, et que pèse de la sorte sur celle-ci une véritable présomption du caractère décelable du défaut de la chose vendue ;
Qu'elle en déduit que la clause de non-garantie "doit jouer" ;
Or considérant que s'il est vrai que le bien acquis le 1er août 1987 par la société Cibem au prix de 1 franc a été revendu deux ans plus tard à la société Profidis & Compagnie, moyennant un profit substantiel, cette circonstance, non plus qu'aucun des éléments de la cause, ne permettent en aucune façon de retenir que la société Cibem avait la qualité de vendeur professionnel de biens immobiliers, la société Profidis & Compagnie indiquant au demeurant elle-même que cette société exerçait l'activité de traitement du bois, d'où il suit que ladite société venderesse n'était pas présumée avoir connaissance du vice et que les deux sociétés n'ont pas la qualité de professionnels de la même spécialité, comme n'exerçant pas des activités similaires ;
Que rien ne prouve au surplus que la société Cibem ait su, au moment de la revente du bien à la société Profidis & Compagnie, que le sous-sol du terrain était l'objet d'une pollution, du fait de l'activité antérieurement exercée dans les lieux par la société Isoroy;
Qu'il n'en demeure pas moins que la société Cibem connaissait le risque de pollution créé par l'activité exercée par la société Isoroy, ne contestant pas notamment avoir eu connaissance d'un arrêté préfectoral du 4 février 1985, faisant suite à une déclaration de cessation d'exploitation d'activité classée en date du 15 janvier 1985 et donnant acte à la société Isoroy de sa déclaration de cessation d'activité, à charge pour elle de remettre le site de l'installation dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement;
Que la bonne foi autant que le devoir d'information incombant au vendeur en vertu de l'article 1602 du Code civil commandaient en conséquence à la société Cibem, sinon de vérifier que la société Isoroy avait procédé à la remise en état éventuellement nécessaire ou de faire procéder à des investigations sur le terrain, en tout cas d'informer la société Profidis & Compagnie de l'existence du risque de pollution;
Qu'il y a lieu de juger qu'en s'abstenant d'exécuter l'obligation de renseignement qui lui incombait, et en proposant à la société Profidis & Compagnie, acquéreur de terrain, la signature d'une clause qui l'exonérerait de tout recours de la part de cette société en cas de réalisation du risque non signalé, la société Cibem a manqué à ses obligations à l'égard de l'acquéreur du terrain et ne peut en conséquence se prévaloir de la clause de non-garantie, acceptée par celui-ci dans l'ignorance de la situation du bien au regard du risque de pollution;
Sur la demande en résolution :
Considérant que l'existence d'un vice caché de la chose, à savoir l'état de pollution du terrain, et l'antériorité de ce vice par rapport à la vente consentie à la société Profidis & Compagnie sont établis par le rapport d'expertise ;
Qu'il ne peut être déduit de la qualité de professionnel de l'immobilier de la société Profidis & Compagnie que celle-ci avait connaissance de la pollution dont était affecté le sous-sol du terrain litigieux, dès lors que l'activité antérieurement exercée par la société Isoroy ne lui avait pas été signalée par la société venderesse, qu'au surplus il n'est pas prétendu qu'elle aurait eu des compétences particulières en matière de pollution, et qu'enfin il résulte des énonciations et constatations de l'expert que la pollution constatée, antérieure à l'achat du terrain, ne pouvait être décelée par l'acquéreur que par une étude approfondie du sous-sol, semblable à celle qui a été effectuée par la société Socotec ;
Qu'ayant été tenue dans l'ignorance de l'utilisation antérieure du terrain, la société Profidis & Compagnie n'avait pas à faire précéder la signature de l'acte de vente d'une telle étude qu'elle n'a effectuée qu'une fois en présence d'indices permettant de suspecter la présence de substances polluantes, tels qu'ils ont été découverts au hasard de travaux de défrichage postérieurs de plusieurs années à la vente, ainsi qu'elle s'en explique ;
Que le fait que la société Profidis & Compagnie ait déposé, avant la signature de l'acte authentique du 27 septembre 1989, un dossier de demande de permis de démolir et un dossier de demande de permis de construire n'implique pas, contrairement à la thèse de la société Discodis, qu'elle ait fait procéder ou ait procédé sur place à des investigations au cours desquelles elle aurait découvert les vices dont il s'agit;
Considérant que l'expert est d'avis que la pollution du terrain ne rend pas celui-ci impropre à sa destination et n'en diminue pas l'usage de façon sensible, s'agissant d'une pollution suffisamment réduite et superficielle pour que les coûts de dépollution restent très inférieurs au montant de la vente ;
Qu'il chiffre ces coûts à un montant compris entre 2 à 3 millions de francs, y compris imprévus et maîtrise d'œuvre, en précisant que les mesures préconisées en conclusion du dernier rapport Socotec sont justifiées dans leur ensemble, sauf en ce qui concerne le traitement des terres contaminées aux alentours des canalisations et caniveaux, pour lequel est proposée l'élimination d'un tonnage estimé à 700 tonnes par incinération à 2 200 F HT la tonne;
Qu'il indique que compte-tenu de la nature du polluant (hydrocarbure), une élimination autre que l'incinération peut être envisagée, par exemple par biodégradation, landfarming ou lavage des terres, sur place ou dans un centre agréé, ce qui aurait pour effet de remanier le coût des travaux de dépollution à un peu moins de 2 000 000 F HT;
Considérant que la société Profidis & Compagnie ne produit aucun élément qui vienne contredire les énonciations de l'expert et conduise à admettre que le vice du terrain le rende impropre à sa destination, de sorte qu'il convient de la débouter de son action rédhibitoire ;
Qu'en revanche, il n'est pas contestable qu'elle aurait acquis le terrain à un prix moindre, si elle avait eu connaissance du vice dont il était affecté, et qu'elle est en conséquence fondée en son action estimatoire, exercée à titre subsidiaire ;
Que la cour possédant les éléments d'appréciation nécessaires pour fixer à la somme de 2 800 000 F, telle qu'évaluée au jour du présent arrêt, la partie du prix que la société Discodis devra lui restituer, en application de l'article 1644 du Code civil, il convient de condamner cette société au paiement de ladite somme avec intérêts au taux légal à dater du présent arrêt et capitalisation à compter de cette date, dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil ;
Considérant qu'en l'absence de contestation sur le montant des frais exposés par la société Profidis & Compagnie en vue de la recherche de la pollution dont était l'objet le terrain, il convient de lui allouer en outre à titre de dommages-intérêts les sommes de 80 018,10 F, 84 962,70 F et 95 647,86 F respectivement réglées, la première à la société EN.ON.FRAM, les deux autres à la société Socotec;
Qu'en revanche, la société Profidis & Compagnie sera déboutée de sa demande en remboursement des taxes foncières, puisqu'elle demeure propriétaire du bien, ainsi que de sa demande en paiement d'une somme de 400 000 F à titre de dommages-intérêts complémentaires, faute de justifier de la réalité du préjudice invoqué à l'appui de cette demande;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Profidis & Cie une somme de 35 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Que succombant pour l'essentiel, la société Discodis supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit la société Discodis en son appel, Vu le rapport d'expertise déposé le 15 janvier 1999 par Monsieur Beraud, Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la clause de non-garantie insérée à l'acte de vente du 27 septembre 1989 ne recouvre pas la pollution alléguée du terrain, Statuant à nouveau, Dit que la clause de non-garantie litigieuse s'applique à la pollution du terrain, Confirme le jugement déféré pour le surplus, Evoquant et y ajoutant, Déclare la société Profidis & Cie fondée en son action estimatoire, en raison de la pollution du terrain objet de la vente consentie le 27 septembre 1989, Condamne la société Discodis à lui restituer la somme de 2 800 000 F (deux millions huit cent mille francs), avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Dit que ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès qu'ils seront dus pour une année entière à compter du présent arrêt, conformément à l'article 1154 du Code civil, Condamne la société Discodis à payer à la société Profidis & Compagnie les sommes de 80 018,10 F (quatre vingt mille dix huit francs dix centimes), 84 962,70 F (quatre vingt quatre mille neuf cent soixante deux francs soixante dix centimes) et 95 647,86 F (quatre vingt quinze mille six cent quarante sept francs quatre vingt six centimes) à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 35 000 F (trente cinq mille francs) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette les prétentions plus amples ou contraires, Condamne la société Discodis aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.