CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 16 décembre 2004, n° 03-07859
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Rousseau
Défendeur :
Lapeyre (SA), SFPP (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bardy
Conseillers :
Mmes Liauzun, Simonnot
Avoués :
Mes Binoche, Treynet, SCP Jullien Lecharny Rol
Avocats :
Mes Charron Ducellier, Bloch Maurel, SCP Baker, Mc Kenzie.
Monsieur Christophe Rousseau est appelant du jugement rendu le 29 octobre 2003 par le Tribunal de grande instance de Nanterre qui l'a débouté de ses demandes en condamnation de la société Léo Burnett et la société Lapeyre à lui payer divers dommages et intérêts pour faits de concurrence déloyale et parisitisme résultant de l'appropriation du scénario dont il est l'auteur et dont il prouve l'antériorité pour les besoins d'une campagne publicitaire réalisée par la société Léo Burnett pour le compte de la société Lapeyre, et l'a condamné au paiement de la somme de 2 000 euro à chacune en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 22 septembre 2004 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, Monsieur Christophe Rousseau conclut à l'infirmation du jugement et prie la cour, statuant à nouveau, de condamner solidairement les sociétés Léo Burnett et Lapeyre à lui payer sur le fondement de l'article 1382 du Code civil la somme de 80 000 euro de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et celle de 42 000 euro au titre du préjudice moral, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais des intimés et leur condamnation aux dépens.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 21 octobre 2004 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société Léo Burnett conclut à la confirmation du jugement, au débouté de l'appelant et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 8 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 15 juillet 2004 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société Lapeyre conclut au débouté de l'appel, la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 8 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 6 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, subsidiairement au bien fondé de son appel en garantie contre la société Léo Burnett et sa condamnation à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées contre elle au profit de Monsieur Rousseau et à la condamnation de la société Léo Burnett à lui payer la somme de 6 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens.
Sur ce :
Considérant que l'appelant expose être l'auteur d'un scénario et de deux autres versions qu'il a soumis à Monsieur Coffre lors de son stage chez Léo Burnett entre le 3 avril et fin mai 1999, dont l'élément central était la fenêtre et qui pouvait être adapté au projet publicitaire commandé par la société Lapeyre, qu'il n'a pas été donné suite à son scénario, qu'il a quitté la société Léo Burnett le 31 mai 1999 et a eu la désagréable surprise de constater que la société Léo Burnett s'était appropriée à l'occasion d'une seconde campagne publicitaire pour la société Lapeyre son scénario, la seule modification étant le remplacement de la fenêtre par un placard, qu'il fait valoir que la preuve de l'antériorité de son scénario est établie, que son scénario basé sur l'idée de la femme, le mari et l'amant, avait eu valeur économique certaine, n'était pas banal et que la comparaison de son scénario et du spot publicitaire permet de mettre en évidence des similitudes très importantes, qu'il y a eu appropriation de son travail créatif tel que remis à l'agence de publicité lors de son stage, la société Léo Burnett étant dans l'impuissance à démontrer son propre travail créatif, soutient que cette appropriation est fautive et génératrice de préjudices importants pour lui, tant patrimonial que moral, dont il demande la juste réparation;
Considérant que l'action engagée par Monsieur Rousseau a pour fondement la concurrence déloyale et le parasitisme, qu'il incombe en conséquence à l'appelant d'établir la faute de la société Léo Burnett, ses préjudices et le lien de causalité entre eux;
Considérant que les incidents élevés devant le juge de la mise en état en première instance ont permis d'établir l'antériorité du scénario de Monsieur Rousseau déposé auprès de la SACD le 17 juin 1998, scénario mettant en scène la femme, l'amant et le mari, ce dernier surprenant l'épouse et l'amant lequel, sur l'injonction apeurée de l'épouse, s'échappe par la fenêtre pour rester à l'extérieur, le mari se dirigeant vers la fenêtre et cherchant l'amant, qu'il feint de ne pas trouver alors que ce dernier a chuté plusieurs étages plus bas, son corps se retrouvant gravement étalé sur le sol et un bruit de fond provenant d'une sirène d'ambulance se faisant entendre, par rapport au spot réalisé par la société Léo Burnett pour la seconde campagne publicitaire de la société Lapeyre, étant relevé que les prétentions de Monsieur Rousseau sur une antériorité sur deux scénaros réalisés pour Lapeyre intitulés "l'amant" version 1 et version 2 n'ont pas été démontrées et ne sont d'ailleurs plus soutenues;
Considérant qu'est en cause la campagne publicitaire réalisée par la société Léo Burnett pour le compte de la société Lapeyre en vue de promouvoir le service de l'installation à domicile de placard;
Considérant que Monsieur Rousseau a établi un tableau comparatif des situations mises en œuvre dans les son scénario et dans le spot;
Considérant qu'il en ressort l'existence d'un fond commun résultant de la mise en scène du trio classique de la femme, l'amant et le mari découvrant fortuitement son infortune, qu'en revanche on ne retrouve pas de similitudes dans l'exploitation de ce thème puisque dans le scénario, l'amant sur l'injonction de sa maîtresse se précipite par la fenêtre et s'écrase dramatiquement quelques étages plus bas, l'annonce sonore de l'arrivée d'une ambulance ôtant tout doute sur le sort qui l'attend, une telle chute dans l'histoire annihilant tout effet simple et humoristique recherché dans le spot publicitaire et accentuant au contraire l'aspect dramatique de la situation, alors que dans le spot publicitaire l'amant se cache dans une armoire sans être surpris par le mari et que cela donne le prétexte au message publicitaire destiné à promouvoir les facilités de l'installation à domicile grâce aux services de Lapeyre, présentée comme complice involontaire de l'amant cherchant à échapper au mari;
Considérant que l'idée du trio mis en scène dans les deux cas est banale, largement exploitée et récurrente dans le domaine théâtral, littéraire et même publicitaire ainsi que la société Léo Burnett le prouve en invoquant les spots publicitaires réalisés pour la Caisse d'Epargne Ecureuil;
Considérant que cette idée n'a pas de valeur économique telle que sa reprise par d'autres puisse caractériser l'appropriation du travail d'autrui, qu'au contraire au cas d'espèce l'exploitation qui en est faite par la société Léo Burnett est totalement différente de celle de Monsieur Rousseau et que cette différence est déterminante à exclure toute allégation de parasitisme, étant relevé que contrairement à ce que soutient Monsieur Rousseau, la société Léo Burnett démontre que le spot litigieux est le résultat d'une collaboration de ses créatifs à partir d'une commande précise de la société Lapeyre, le travail créatif ne ressortant pas de l'utilisation comme point de départ de l'idée éculée de le femme, l'amant et le mari mais de son exploitation sur un ton humoristique recherché par le client tournée exclusivement sur la promotion du placard Lapeyre et le service d'installation à domicile;
Considérant que faute pour Monsieur Rousseau de démontrer que le spot litigieux est le fruit de l'appropriation de son travail par la société Léo Burnett qui aurait détourné à son profit le scénario qu'il aurait présenté durant son stage effectué plusieurs mois avant la commande de Lapeyre, ce que conteste la société Léo Burnett au surplus, il n'est pas fondé à rechercher sa responsabilité ni celle de la société Lapeyre;
Considérant que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions et Monsieur Rousseau débouté de ses prétentions;
Considérant que Monsieur Rousseau n'a commis d'autre faute que celle de l'erreur dans l'appréciation de l'étendue de ses droits laquelle ne dégénère pas en abus de droit, que la société Lapeyre doit être déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
Considérant qu'il serait en revanche inéquitable de laisser en totalité à la charge des intimés les frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'exposer en appel;
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit l'appel mais le dit mal fondé, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déroute la société Lapeyre de sa demande de dommages et intérêts, Condamne Monsieur Rousseau à payer à la société Léo Burnett et à la société Lapeyre la somme de 4 000 euro chacune en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Rousseau aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l' article 699 du nouveau Code de procédure civile par la SCP Jullien Lecharny Rol et Maître Treynet.