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Décisions

Cass. 3e civ., 26 juin 1990, n° 89-12.186

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Loire

Défendeur :

Joliot (ès qual.), Michel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Camille Bernard (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Thierry

Avocat général :

M. Charbonnier

Avocat :

Me Vuitton

Douai, 2e ch., du 29 oct. 1988

29 octobre 1988

LA COUR : - Sur le moyen unique pris en ses quatre branches : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que par acte sous seing privé du 19 avril 1984, M. Jean-Pierre Michel, entrepreneur de démolition, a vendu à M. Jean-Michel Loire un camion Borliet, moyennant la somme de 19 080 francs ; qu'il était stipulé dans cet acte que "le véhicule était vendu en état et sans recours contre tous vices cachés ou non et après avoir passé à la visite technique, la visite technique étant périmée depuis le 4 avril 1984" ; qu'après avoir interprété cette clause et estimé que la vente litigieuse n'avait pas été subordonnée à la condition suspensive d'une visite technique du véhicule, dont l'initiative incombait en tout état de cause à l'acquéreur, l'arrêt attaqué (Douai, 29 octobre 1987) a condamné ledit acquéreur à payer le prix convenu ;

Attendu que M. Jean-Michel Loire fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en déclarant qu'il appartenait à l'acquéreur de faire subir une visite technique au camion, la cour d'appel a ajouté au contrat une condition qu'il ne contenait pas, et l'a ainsi dénaturé ; alors, d'autre part, qu'en interprétant contre l'acquéreur une clause du contrat de vente qu'il déclarait obscure, l'arrêt attaqué a violé l'article 1602 du Code civil ; alors, par ailleurs, qu'en déclarant que la condition suspensive n'était pas réalisée du fait de l'acheteur, qui s'était abstenu de présenter son véhicule au service des mines, sans rechercher si cette abstention n'était pas due à l'état du camion, ce qui rendait impossible, du fait du vendeur, la réalisation d'une telle condition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1178 et suivants du Code civil ; et alors, enfin, que l'arrêt attaqué, qui a rappelé que le vendeur s'engageait à vendre un camion "en état" et qui n'a pas dénié que ce véhicule était hors d'état de circuler, ne pouvait obliger l'acheteur à payer le prix, sans rechercher si ledit vendeur avait satisfait à son obligation de délivrance ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'hypothèse où le contrat de vente aurait été subordonné à la condition suspensive de la passation d'une visite technique, hypothèse que ne retient pas l'arrêt attaqué, que la cour d'appel estime, dans un motif surabondant, que l'initiative d'une telle visite incombait à l'acquéreur ; que le grief tiré de ce motif surabondant est inopérant ;

Attendu, en second lieu, que l'article 1602 du Code civil, qui ne revêt aucun caractère impératif, ne déroge pas aux règles générales d'interprétation des contrats posées par les articles 1156 à 1161 du même Code ; qu'en s'appuyant sur ces derniers textes, l'arrêt attaqué a pu estimer que la clause litigieuse ambiguë devait s'interpréter en faveur du vendeur ;

Attendu, en troisième lieu, que c'est encore par un motif surabondant, que la cour d'appel a relevé qu'à supposer même que la vente ait été conclue sous la condition suspensive alléguée, c'est l'acquéreur, en possession duquel se trouvait le véhicule, qui aurait dû lui faire subir la visite technique" ; que le grief pris de cet autre motif surabondant est inopérant ;

Attendu, enfin, qu'en rappelant que M. Jean-Pierre Michel n'était pas un vendeur professionnel, mais un entrepreneur de démolition qui n'était pas présumé connaître les vices de la chose vendue, et en retenant qu'il était bien fondé à invoquer la clause d'exclusion de garantie insérée au contrat, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses quatre branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.