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Décisions

Cass. 1re civ., 16 décembre 1992, n° 90-13.117

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, Union féminine civique et sociale, Baudelot, Bonelli (Epoux), Crétel, Von Douay, Peru, Pilon, Plaingain, Suet (Epoux), Brange (Epoux), Abrahami (Epoux), Gérard (Epoux), Duval, Caisse primaire d'assurance maladie de Paris, Banque de France, Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, Caisse de prévoyance maladie de la Banque de France, Mutualiste chirurgicale et complémentaire de la Banque de France (Sté), Lamblin, Arvault (Consorts), Leroux, Mignognac (Epoux), Pawlick (Epoux), Cornuche

Défendeur :

Etablissements Barbaud (Sté), Arvault (Consorts), Leroux, Mignonac (Epoux), Pawlick (Epoux), Cornuche

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Massip (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Forget

Avocat général :

M. Lesec

Avocats :

SCP Desaché, Gatineau, Me Vuitton, SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde

Paris, 5e ch., sect. B, du 8 déc. 1989

8 décembre 1989

LA COUR : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'au cours des mois d'août, septembre et octobre 1985, plusieurs personnes ont été intoxiquées après consommation de viande de cheval infestée de trichines, qui aurait été mise en vente par la société des Etablissements Barbaud ; que les victimes de cette intoxication, ainsi que l'Union féminine civique et sociale, ont demandé réparation de leur préjudice à la société Barbaud ; que la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne s'est jointe à leur action ; que l'arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 1989) a condamné la société Barbaud à payer diverses sommes aux victimes et à certains organismes intervenants mais débouté la CPAM de Seine-et-Marne, de sa demande de remboursement des prestations qu'elle a versées aux époux Pawlick et à leurs enfants mineurs, à M. René Arvault et à son fils Philippe à Mme Jacques Mignonac, et a par ailleurs déclaré irrecevable la demande présentée par la même CPAM en vue d'obtenir remboursement des prestations versées à M. Leroux ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la société des Etablissements Barbaud, pris en ses trois branches, et qui est préalable : - Attendu que la société Barbaud fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée responsable des intoxications intervenues, alors que, de première part, il ne pouvait affirmer l'existence d'un lien de causalité certain entre les livraisons de la société Barbaud et les maladies apparues en se bornant à relever les coïncidences des fournitures ; alors que, de deuxième part, en écartant toute possibilité pour le vendeur professionnel de faire la preuve de sa bonne foi, l'arrêt attaqué aurait instauré une présomption irréfragable de mauvaise foi, d'origine jurisprudentielle, en violation de l'article 1352, alinéa 2, du Code civil ; alors que, de troisième et dernière part, en écartant la force majeure au seul motif que l'infection n'était pas extérieure sans se prononcer sur les caractères extérieurs imprévisibles et irrésistibles de la cause du vice lui-même, la cour aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du Code civil ;

Mais attendu, de première part, que la cour d'appel a relevé que les symptômes d'intoxication n'étaient apparus que chez les personnes ayant consommé de la viande de cheval provenant de boucheries chevalines qui, à l'exception d'une seule, s'approvisionnaient, aux dates présumées d'infestation, auprès de la société Barbaud, comme en témoignaient les factures produites ; qu'elle a pu en déduire que les maladies constatées étaient la conséquence de la présence de trichines dans la viande mise en vente par la société Barbaud ;

Attendu, de deuxième part, qu'il importe peu que la société Barbaud ait invoqué l'impossibilité de déceler le vice, dès lors que, vendeur professionnel, elle était réputée le connaître ;

Attendu, de troisième part, qu'en constatant que le vice dont était atteint la viande n'était pas un évènement extérieur à la société Barbaud, puisqu'il affectait la marchandise propriété de cette société et était constitué par des parasites qui y étaient inclus, et en en déduisant qu'il n'y avait pas force majeure, la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard de l'article 1148 du Code civil ; d'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la CPAM de Seine-et-Marne : - Attendu que la CPAM fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de remboursement des prestations versées aux époux Pawlick et à leurs enfants mineurs, à M. René Arvault et à son fils Philippe, ainsi qu'à M. Jacques Mignonac, au motif qu'elle n'apportait pas la preuve que ces prestations étaient la conséquence d'affections provoquées par la viande provenant de la société Barbaud, alors qu'aucune des victimes n'avait contesté que lesdites prestations étaient la conséquence de l'intoxication litigieuse ;

Mais attendu que, contrairement à cette affirmation, les époux Pawlick, M. Mignonac et M. René Arvault, déboutés de leur demande par jugement du Tribunal d'instance du 15e arrondissement de Paris en date du 9 avril 1987, n'étaient plus parties en cause d'appel, les époux Pawlick et M. Mignonac n'ayant pas interjeté appel, et M. Arvault s'étant désisté de son appel ; que dans ces conditions, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la caisse ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, du lien de cause à effet entre les prestations qu'elle a versées à ces assurés et la consommation par ceux-ci de viande provenant des Etablissements Barbaud ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du même pourvoi : - Vu l'article 561 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que, pour déclarer irrecevable le recours exercé par la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne du chef de son assuré Jacques Leroux, l'arrêt attaqué énonce que M. Jacques Leroux, qui avait initialement introduit son action devant le Tribunal d'instance du 15e arrondissement de Paris, s'en est désisté pour la porter devant le tribunal de grande instance qui l'en a débouté ; que, par jugement rectificatif du 22 mai 1987, le tribunal d'instance lui a donné acte de ce désistement ; qu'il n'a pas interjeté appel de la décision du tribunal de grande instance, en raison d'un acquiescement, et que la CPAM de Seine-et-Marne qui n'a pas interjeté appel de ce même jugement et qui n'en demande pas la nullité, ne peut, sans porter atteinte à la chose jugée qui a écarté la responsabilité de la société Barbaud dans les dommages subis par son assuré, réclamer le remboursement des prestations qu'elle a versées à celui-ci ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle était saisie d'un appel régulier de la CPAM de Seine-et-Marne non contre le jugement du tribunal de grande instance, mais d'un appel contre le jugement du Tribunal d'instance de Paris en date du 9 avril 1987, auquel s'incorporait l'ordonnance rectificative du 22 mai suivant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la CPAM tenant à obtenir le remboursement de ses prestations versées à son assuré Jacques Leroux, l'arrêt rendu le 8 décembre 1989, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.