Cass. com., 23 janvier 1996, n° 94-11.581
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
La Valignette-Dutto frères (Sté)
Défendeur :
Omag Nicolas (SA), Auguste Cuercq et fils (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bezard
Rapporteur :
Mme Clavery
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, SCP Boré, Xavier, SCP Defrenois, Levis.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 25 novembre 1993), que la société Omag Nicolas a vendu à la société La Valignette Dutto (société La Valignette) des bâches en film plastique, fabriquées par la société Auguste Cuerq et fils (société Cuerq) ; que la société La Valignette a assigné le vendeur et le fabricant en paiement de dommages-intérêts en réparation de cette livraison estimée défectueuse ; que le vendeur a formé une demande reconventionnelle en paiement du prix des bâches de remplacement ;
Sur les deux premiers moyens réunis : - Attendu que la société La Valignette fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action dirigée contre le vendeur et de l'avoir condamnée à payer le coût des bâches de remplacement, alors, selon le pourvoi, d'une part, que s'il est vrai que l'acquéreur dispose, à l'encontre du fabricant, d'une action directe, de nature contractuelle, en cas de défectuosité du produit, cette action ne le prive pas du droit d'agir également contre son vendeur, tenu, à son égard, en vertu des articles 1610 ou 1641 du Code civil et cela quelles que soient la nature ou l'origine du vice ; que, dans ces conditions, l'arrêt, qui a mis hors de cause le vendeur, contre lequel était dirigée, en même temps que contre le fabricant, la demande de l'acquéreur au seul motif que le produit était affecté d'un vice inhérent à sa fabrication, a violé les textes susvisés ; et alors, d'autre part, que le vendeur, tenu de dédommager l'acquéreur en raison du vice affectant le produit vendu, ne pouvait exiger le prix des bâches fournies en remplacement de celui-ci, et cela même si l'acquéreur avait accepté que ce remplacement soit effectué sous forme de prêt eu égard à la limitation dans le temps de la garantie ; que, dès lors, l'arrêt attaqué qui, non seulement a mis hors de cause le vendeur, mais encore a condamné l'acquéreur à lui payer le prix du produit de remplacement, a violé les articles 1134, 1610 et 1641 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il ne résultait d'aucun document produit par le demandeur ou par l'expert que les films de plastique livrés début 1986 étaient affectés d'un vice de fabrication qui les rendait plus fragiles à la tension ou susceptibles de subir des déchirements ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de débouter l'acquéreur de son action dirigée contre le vendeur, ne retenant que la seule garantie contractuelle due par le fabricant et condamnant l'acquéreur au prix des bâches de remplacement, dont elle constatait que le prêt allégué n'était pas établi ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société La Valignette reproche encore à l'arrêt d'avoir limité à 10 000 francs de dommages-intérêts la condamnation de la société Cuerq, fabricant déclaré responsable du préjudice subi, alors, selon le pourvoi, d'une part, que lorsque l'usage de la chose vendue est, en raison du vice qui l'affecte, rendu impossible ou diminué, ce vice relève de la garantie prévue par les articles 1641 et suivants du Code, que, dans ce cas, les clauses limitatives de responsabilité ne sont valables qu'entre professionnels de la même spécialité ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que le produit vendu était atteint d'un vice de fabrication qui obligeait l'utilisateur à procéder au rapiéçage des déchirures qui se produisaient en cours d'utilisation et limitaient sa longévité ; que, dès lors, l'usage de la chose se trouvait diminué en raison du vice qui l'affectait, par rapport à ce qu'aurait été son utilisation normale, laquelle ne pouvait comporter de rapiéçage et devait avoir la longévité normalement attendue d'un tel produit ; que le défaut de conformité de ce produit à sa destination normale, qui entraînait l'application des articles 1641 et suivants du Code civil, excluait la mise en œuvre de la clause de limitation de responsabilité, n'étant pas constaté que le fabricant, le vendeur et l'acquéreur fussent des professionnels de la même spécialité ; que, dans ces conditions, l'arrêt, en limitant la condamnation du fabricant par application des clauses limitatives figurant à la notice d'utilisation, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1134 et 1641 et suivants du Code civil ; et alors, d'autre part, que la notice d'utilisation à laquelle se réfère l'arrêt, par adoption des motifs du jugement, ne comporte aucune limitation prorata temporis, de sorte qu'en faisant application de cette limitation pour le calcul de l'indemnité due à l'acquéreur, la cour d'appel a violé le contrat faisant la loi des parties et méconnu l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, n'ayant pas retenu la garantie légale des vices cachés, mais la responsabilité contractuelle du fabricant, n'avait pas à rechercher, pour déclarer la clause opposable à l'acquéreur, si celui-ci était un professionnel de la même spécialité que le vendeur ou le fabricant ;
Attendu, d'autre part, que les premiers juges ayant évalué l'indemnisation au prorata de la période restant à courir entre la date de survenance des arrachements et la date d'expiration de la garantie, au vu de la notice d'utilisation du fabricant, il ne résulte ni de ses conclusions, ni de l'arrêt que la société La Valignette ait critiqué devant la cour d'appel la limitation de garantie en soutenant que le document ne comportait pas cette clause ; que le moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau ; D'où il suit qu'irrecevable en sa seconde branche, le moyen est mal fondé pour le surplus ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.