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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 8 juin 1995, n° 92-4021

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Philaire (Epoux)

Défendeur :

Roustan, Acquafresca

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fayolle

Conseillers :

M. Roudil, Mme Jacques

Avoués :

SCP Blanc, SCP De Ferreol, Touboul

Avocats :

Mes Ferreboeuf, Dumenil.

TGI Grasse, du 11 févr. 1992

11 février 1992

Faits et procédure

Le 20 mai 1985 les époux Roustan ont vendu aux époux Philaire une villa située 454 chemin de la Commune, quartier Dandon, à la Roquette Sur Siagne moyennant un prix de 1 650 000 F.

De graves fissurations étant apparues dans ce bâtiment, les époux Philaire ont obtenu le 24 janvier 1990 la désignation d'un expert au référé ;

Suite au dépôt du rapport d'expertise le 4 mars 1991 qui concluait que l'immeuble était en péril et insusceptible de réparation efficace, les époux Philaire ont, par acte du 5 juillet 1991, fait assigner à jour fixe les époux Roustan devant le Tribunal de grande instance de Grasse en paiement de diverses sommes, dont celle de 1 800 000 F représentant le coût prévisionnel des travaux de reconstruction de la villa, sur le fondement de la garantie des vices cachés arguant du fait que ces derniers étaient des vendeurs de mauvaise foi leur ayant sciemment dissimulé les vices de l'immeuble ;

Les époux Roustan se sont opposés à cette demande en soulevant son caractère tardif et, contestant avoir connu les vices affectant le bâtiment, en invoquant la clause du contrat de vente par laquelle les acquéreurs ont renoncé à toute garantie en matière de vices cachés ;

Par jugement du 11 février 1992, le tribunal a déclaré les époux Philaire recevables en leur action mais les a déboutés de toutes leurs demandes en considérant :

- que l'existence des vices cachés présentant un caractère rédhibitoire était établie,

- que les époux Philaire n'avaient pas engagé leur action tardivement en considération de la date à laquelle la nature exacte de ces vices a pu être déterminée,

- que cependant la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés leur restait opposable et devait recevoir application à défaut de preuve de la connaissance de ces vices par les vendeurs avant la vente ;

Par acte du 10 mars 1992 les époux Philaire ont régulièrement relevé appel de cette décision ;

Par ordonnance du 25 mai 1993 le conseiller de la mise en état a ordonné un complément d'expertise confié au même expert à l'effet de rechercher à quelles dates et dans quelles conditions divers travaux d'embellissement ayant pu éventuellement dissimuler l'existence de fissures préexistantes avaient été réalisés ;

Ce complément d'expertise a donné lieu à un dépôt de rapport le 20 juin 1994 ;

Les époux Philaire, concluant après ce complément d'expertise, demandent à la cour :

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté l'existence de vices cachés affectant le bâtiment,

- de la réformer pour le surplus,

- de dire que la clause de non-garantie est inapplicable en l'espèce,

- de condamner les époux Roustan à les garantir de ces vices,

- de les condamner en conséquence à leur payer :

* 2 076 000 F, prix de la reconstruction de l'immeuble en valeur décembre 1993 à actualiser selon la variation du coût de la construction,

* 300 000 F, à titre de provision pour le montant de leurs frais de relogement,

* 45 000 F à titre de provision pour frais de déménagement,

* 63 000 F, pour faire de garde-meubles,

* 190 000 F, pour frais de " remontage" de la cuisine,

* 65 000 F, montant de la taxe à régler lors de la reconstruction,

* 300 000 F, pour préjudice moral,

* 100 000 F, pour résistance abusive,

* 60 000 F, pour frais irrépétibles.

A l'appui de leur recours, les époux Philaire font valoir:

- qu'il a été établi de manière certaine par l'expertise que le bâtiment comporte un corps central construit en 1963 auquel ont été adjoints en 1976 et 1979 les ailes Est et Ouest, et que ces adjonctions ont été réalisées par les époux Roustan sans permis de construire, sans recours à un maître d'œuvre et au mépris complet des règles de l'art de sorte que :

* l'insuffisance de drainage

* l'insuffisance de fondations

* l'absence de joints de dilatation entre les trois parties du bâtiment ont eu pour effet de mettre en mouvement des forces de traction qui ont ruiné sa structure, ce qui constitue un vice caché indécelable lors de l'achat comme le tribunal l'a exactement relevé ;

- qu'ils ont introduit leur action en garantie des vices cachés sans tarder à compter du dépôt de ce rapport d'expertise qui leur a révélé l'étendue et la nature de ce vice.

- que la clause de non-garantie des vices cachés doit leur être déclarée inopposables en raison de l'ambiguïté qu'elle révèle dans sa rédaction ;

- qu'en tout état de cause, les époux Roustan ne sauraient être admis à s'en prévaloir dans la mesure où ils n'ignoraient pas l'existence des vices de l'immeuble pour au moins deux raisons à savoir :

* d'une part le fait qu'ils sont à leur origine pour avoir construit les deux ailes, causes de la dislocation actuelle du bâtiment, au mépris des règles de l'art,

* d'autre part le fait qu'ils ont procédé en 1983 et 1984 en vue de la vente à des travaux de maquillage importants pour dissimuler les fissures importantes qui étaient déjà apparues (réfection d'un enduit extérieur à l'identiques, dissimulation des fissures rebouchées depuis l'intérieur par la pose de placards et de revêtements muraux ou de sol de type moquettes ou tapis aiguilletés) ;

- que le complément d'expertise réalisé a parfaitement mis en évidence ces manœuvres dolosives réalisées par les époux Roustan dont il importe de signaler qu'ils ont vendu cette villa pour se réinstaller à seulement 300 mètres, dans une nouvelle habitation qui ne présente aucun avantage par rapport à la villa litigieuse, hormis naturellement l'absence de vices ;

- que le préjudice qu'ils subissent est extrêmement important puisqu'ils ont été en novembre 1991 délaisser la maison devenue dangereuse pour se reloger dans un mobil-home, puis dans une autre villa qu'ils ont été contraints de prendre à bail, et que l'expert a exclu toute possibilité de réparation, la seule solution envisageable étant la destruction de l'édifice actuel pour la reconstruire dans le respect des règles de l'art ;

Les époux Roustan demandent à la cour de :

- d'annuler le complément d'expertise pour non-respect du principe de la contradiction,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux Philaire de leurs demandes tant en raison de l'irrecevabilité de leur action que de son absence de fondement,

- de condamner les époux Philaire à leur payer une somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,

- subsidiairement de débouter les époux Philaire de leur demande d'indemnisation, le préjudice ne pouvant pas être évalué en l'état des pièces régulièrement versées aux débats

- de condamner les époux Philaire à leur payer une somme de 50 000 F pour frais irrépétibles ;

Ils soutiennent :

- que les revêtements de sol et revêtements muraux ont été réalisés en 1974 et 1976 (et non 1976 et 1979) à la suite des travaux d'extension de la villa qu'ils ont habitée jusqu'à 1985 sans qu'aucune fissure ne se révèle ;

- que ces extensions ont été effectuées de manière régulière par un entrepreneur sous le contrôle d'un architecte ;

- qu'ils ne se sont livrés à aucune manœuvre dolosive ou opération de "camouflage" quelconque contrairement aux affirmations des époux Philaire qui ne rapportent pas la preuve positive à l'appui de ces dernières ;

- que l'action des époux Philaire se heurte à une double irrecevabilité dans la mesure où, d'une part, le contrat de vente comporte une clause d'exonération de garantie qui trouve ici toute son application en l'absence de preuve d'un vice caché (préexistant à la vente) et de la connaissance de ce vice par les vendeurs et, d'autre part, l'action présente un caractère tardif au regard des dispositions de l'article 1648 du Code civil, les époux Philaire ayant indiqué dans leurs conclusions que les vices allégués s'étaient manifestés dans les deux mois suivant la vente,

- qu'elle est au surplus mal fondée les désordres constatés trouvant leur cause dans des évènements postérieurs à la vente, à savoir des travaux importants réalisés par les époux Philaire et touchant au gros œuvre, et des mouvements du terrain imputables soit à la sècheresse, soit à l'inondation (rapport Petit-Huguenin) qui ont eu demeurant, affecté une maison voisine (attestation Bodino), voire à des travaux de terrassement réalisés par d'autres voisins (Stallati et Fixern);

- que le complément d'expertise est entaché de nullité, l'expert ayant pas procédé lui-même et au contradictoire des parties à l'enlèvement des moquettes et revêtements muraux "car l'ensemble des meubles et revêtements muraux avaient déjà été enlevés par les époux Philaire lorsque les parties se sont rendues à la convocation de l'expert",

- qu'enfin les demandes financières des époux Philaire sont non seulement excessives mais encore injustifiées, la valeur vénale actuelle de la propriété, en l'état, pouvant être fixée à 1 778 000 F, la valeur du terrain libre de toute occupation à 1 233 000 F, et le coût de reconstruction à l'identique à 1 450 371 F

Motifs de la décision

I) Sur la régularité du complément d'expertise :

La demande des époux Roustan tendant à l'annulation du rapport complémentaire d'expertise sera rejetée, la lecture de ce rapport ne révélant aucun manquement par l'expert au principe de la contradiction ;

Il s'avère également :

- que l'arrachage partiel de certains revêtements par les époux Philaire était un point déjà acquis avant même que le conseiller de la Mise en Etat ne statue, les époux Philaire s'étant précisément appuyés sur certaines constatations faites lors de ces arrachages (reprises dans le constat d'huissier du 9 octobre 1992) pour solliciter le complément d'expertise ordonné ;

- que le sérieux des opérations de complément d'expertise n'en a nullement été affecté, d'autres constatations et sondages ayant pu être faits contradictoirement ;

- que les époux Roustan, dûment assistés, ont participé à toutes les opérations de ce complément d'expertise sans élever, de ce chef, aucune observation, ce qu'ils n'auraient pas manqué de faire dans l'hypothèse où des prélèvements antérieurs auraient été de nature à fausser le cours de l'expertise ;

II) Sur l'existence et la nature des vices

Les pièces versées aux débats permettent de vérifier que les époux Philaire ont acheté, en 1985, un immeuble apparemment en bon état et de construction correcte (ce que ne contestent pas les époux Roustan), alors qu'il est établi par l'expertise :

- que celui-ci est en réalité, constitué de trois parties, à savoir deux parties plus récentes encadrant un corps central construit en 1963 ;

- que ces deux adjonctions ont été faites sans respecter les règles de l'art (insuffisance de drainage, insuffisance de fondation, absence de joints de dilatation entre les tranches défauts de chaînage) de sorte que le bâtiment, soumis à des forces de tractions provoquées par un tassement différentiel du sol, éventuellement accentué par des mouvements de ce dernier dus à des travaux voisins ou à la rétraction de l'argile porteur en période de sècheresse, n'a pu résister à ces dernières et a commencé à se disloquer dans la totalité de ses éléments de structure ;

- que le défaut de conformité du bâtiment aux règles de l'art, en l'absence de preuve de mouvements du sol indépendants auxquels un bâtiment normalement construit n'aurait pu résister et qui, en cette hypothèse auraient pu représenter un cas de force majeure, s'avère constituer un vice caché du bâtiment nécessairement antérieur à la vente, et dont l'existence s'est manifestée par l'apparition de fissurations allant en s'aggravant ;

- qu'il est, par ailleurs, exclu que les graves fissures constatées puissent être attribuées à un ébranlement de ces constructions par des travaux réalisés postérieurement à la vente, les époux Philaire n'ayant fait réaliser que des aménagements mineurs qui ne concernaient nullement le gros œuvre et étaient insusceptibles de provoquer un tel résultat ;

- que ces vices présentent enfin un caractère rédhibitoire, nul ne contestant que l'immeuble soit devenu inhabitable et même dangereux;

- que, bien qu'il s'agisse de vices de construction,leur garantie peut en l'espèce être demandée et discutée selon le droit commun de la vente, la construction réalisée par les époux Roustan, vendeurs, étant antérieurs à la loi du 4 janvier 1978 entrée en vigueur le 1er Janvier 1979 ;

III) Sur la recevabilité de l'action au regard des dispositions de l'article 1648 du Code civil :

Compte tenu de la nature des vices qui affectent la construction, le point de départ du bref délai dans lequel l'action résultant des vices rédhibitoire doit être intentée par l'acquéreur sera, en l'espèce, fixé non du moment où les époux Philaire ont pu constater l'existence ou l'apparition des fissures, lesquelles ne permettaient pas, par elles-mêmes, de les convaincre de l'existence des malfaçons graves de la construction, mais au moment où le rapport de l'expertise qu'ils avaient sollicitée en référé et qui a conclu à l'existence et au caractère rédhibitoire de ces vices a été déposé ;

Ce dépôt étant en date du 4 mars 1991, il ne peut être considéré, en conséquence, que l'action introduite au fond le 5 juillet 1991 l'aurait été de manière tardive ;

Le fait que les époux Philaire aient, comme le signalent les époux Roustan, fait état dans leurs citations en référé d'une "malfaçon apparue sur un pan de mur, causé par un manque de drainage et une insuffisance de fondations" dans les "deux mois de la vente" ne sauraient conduire à une analyse différente, cette citation mentionnant que ce désordre était alors apparu de manière isolée et qu'il était tait l'objet d'une réparation considérée à cette époque comme suffisante, ce qui démontre que les intéressés ne pouvaient encore se rendre compte de l'existence des vices du bâtiment tels qu'analysés plus haut ;

Il ressort par ailleurs de cette citation délivrée le 22 décembre 1989 que l'action en référé, tendant à la désignation d'un expert, était motivée par l'apparition de nouveaux désordres décrite dans un constat d'huissier en date du 20 novembre 1989, si bien qu'il ne peut non plus être soutenu que les époux Philaire auraient, à ce stade, tardé à engager leur action ;

IV) Sur la recevabilité de l'action au regard de la clause exclusive de garantie :

Aux termes de l'acte, l'acquéreur s'est obligé à "prendre l'immeuble dans son état actuel sans pouvoir exercer aucun recours, ni répétition, contre le vendeur pour cause de mauvais état du sol du sous-sol, ou des constructions" ;

Cette clause, qui présente un caractère parfaitement clair et dépourvu d'ambiguïté, devant nécessairement s'appliquer aux vices cachés, les conclusions des époux Philaire tendant à la leur voir déclarer inopposable au motif qu'elle serait insuffisamment claire ou inapplicable aux vices concernés seront écartées ;

En revanche, les époux Philaire sont fondés à soutenir que les époux Roustan ne sauraient prétendre au bénéfice de cette clause, que le jugement entrepris leur a reconnu, dans la mesure où il serait établi qu'ils n'ignoraient pas l'existence de ces vices lorsqu'ils ont vendu l'immeuble ;

Il convient, en conséquence de discuter cette question qui commande à la fois le bénéfice éventuel de la garantie et, pour le cas où elle serait due, l'étendue de cette dernière ;

V) Sur la connaissance des vices cachés par les époux Roustan

Celle-ci, contrairement à l'appréciation des premiers juges, doit être considérée comme établie à la lumière des éléments d'appréciation supplémentaires recueillis par le complément d'expertise et à la suite de celui-ci ;

Il ressort en effet de ces pièces :

- que contrairement aux indications fournies par les époux Roustan aucun architecte n'a été chargé d'une mission de contrôle et de supervision des constructions réalisées en 1974 et 1976, l'architecte dont le nom a été mentionné n'ayant établi que des plans ;

- que les époux Roustan n'ont nullement produit ces plans et n'ont communiqué qu'un permis de construire en date du 8 octobre 1974 dont il est impossible de vérifier à quoi il s'applique ;

- qu'ils n'ont pas produit non plus de certificat de conformité relatif à ces nouvelles constructions (le document communiqué bien que daté de 1985 ne visant que le permis de construire de 1963) ce qui permet de les présumer irrégulières ;

- qu'ils ont également été dans l'incapacité de justifier de factures afférentes à la réalisation de ces travaux ni a fortiori du fait que ceux-ci auraient été réalisés par une entreprise ou un maçon compétent ;

- qu'ils ont été à même, habitant alors le corps central du bâtiment, de constater personnellement la manière dont les adjonctions étaient réalisées et le non-respect des règles de l'art applicables;

- qu'ils ont également nécessairement constaté les premières manifestations de ces vices, à savoir diverses fissurations antérieurement à la vente ;

En effet, l'expert signale (pour ne reprendre que les points ne laissant place à aucune discussion au plan des faits et en écartant volontairement les constatations relatives à l'arrondi de plâtre réalisé dans le couloir à la jonction de deux parties du bâtiment qui ont focalisé l'attention des parties) :

- que compte tenu de l'importance des fissures, il est très peu probable que celles-ci n'aient pu commencer à apparaître que postérieurement à la vente,

- que des travaux d'aménagement intérieurs, réalisés par les époux Roustan, consistant en la pose de revêtements de sol ou revêtement muraux ont donné lieu de leur part à des rebouchages préalables de fissures au plâtre, tels par exemple lors de la dépose de plinthes en vue de la pose d'une moquette de sol dans la salle de séjour, ou avant pose de papiers peints dans le couloir (fissure verticale de l'ordre d'un centimètre rebouchée au plâtre) ;

- qu'une fissure visible dans la chambre n° 2 sous la moquette le long du mur se prolonge dans la cave (sous cette pièce entre le mur en pierre datant de 1964 et le plafond datant de 1976) où elle a été partiellement dissimulée par une reprise en ciment ocre.

De la même manière l'expert signale le fait que d'importantes fissures extérieures ont été rebouchées et l'enduit extérieur refait à l'identique de celui d'origine dans des conditions telles que seul un observateur averti pouvait déceler ces reprises ;

Si les époux Roustan ont contesté avoir réalisé les reprises extérieures (comme d'ailleurs les rebouchages intérieurs) l'expert indiquait toutefois que l'analyse chimique des mortiers démontraient qu'ils étaient de même nature, circonstance qui permet de présumer que tel a cependant été le cas ;

Enfin il n'est pas sans intérêt de relever que les époux Roustan ne fournissent aucune explication d'aucune sorte sur les raisons qui ont pu les déterminer à aliéner cet immeuble alors qu'ils ne contestent pas s'être réinstallés à proximité ;

Ces éléments établissant que les époux Roustan n'ignoraient pas les défauts de conformité de malfaçons affectant le bâtiment ni la survenance des premières manifestations de ces dernier qui constituent les vices cachés dont la garantie leur est ainsi demandée à bon droit, indépendamment du point de savoir s'ils ont pu ou non appréhender, au moment de la vente, la menace de péril totale qui pesait sur la construction du fait de ces vices ;

VI) Sur les conséquences de la garantie liées à la nature de l'action :

Aux termes de l'article 1644 du Code civil il est prévu, dans le cas des articles 1641 et 1643, que l'acheteur a le choix entre rendre la chose et se faire restituer le prix (action rédhibitoire) ou de la garder et de se faire rendre une partie du prix (action estimatoire) ;

Toutefois il est admis que l'acquéreur puisse encore demander la remise en état de la chose ou des dommages intérêts d'un montant équivalent à cette remise en état ;

En concluant à la condamnation des époux Roustan à leur payer une somme de 2 078 000 F à revaloriser, correspondant au prix de reconstruction de la maison, les époux Philaire ont choisi cette troisième voie ;

Cette possibilité n'entrant pas dans le cadre de la garantie légale elle ne saurait toutefois permettre aux acquéreurs d'obtenir du vendeur une indemnité supérieure à la valeur de la chose, ou encore au montant du prix que le vendeur aurait été tenu de leur restituer dans le cadre de l'action rédhibitoire ;

VII) Sur l'étendue de l'obligation des époux Roustan :

Elle s'inscrit, au plan de la garantie, dans les limites définies ci-dessus mais, s'agissant de vendeurs qui connaissaient les vices de la chose, elle doit également comprendre l'indemnisation des conséquences du dommage causé par ce vice aux époux Philaire, ce qui s'entend, ici, de la perte de jouissance de la chose, des frais de déménagements et garde meubles, outre le préjudice moral subi ;

VIII) Sur la réparation :

L'ensemble des éléments du dossier établit que l'édifice ne pourrait être réparé qu'en réalisant de très importants travaux de reprise en sous-œuvre dont le coût serait supérieur à celui de la reconstruction à neuf du bâtiment ;

Il convient, en conséquence, d'allouer aux époux Philaire une somme correspondant au coût de cette reconstruction, laquelle doit être évaluée (y compris le coût de la démolition préalable du bâtiment existant) à une somme de 1 200 000 F en fonction des divers éléments d'appréciation soumis à la cour et par rapprochement du rapport d'expertise avec les avis des techniciens versés aux débats, et compte tenu de l'abattement pour la vétusté du bien acheté qui doit être pratiqué ; seront également allouées aux époux Philaire à titre de dommages intérêts les sommes de :

* 250 000 F au titre de leurs frais de relogement pendant l'instance et pour la durée prévisible des travaux (somme forfaitaire compensant la perte de jouissance de la villa),

* 50 000 F au titre des frais divers de déménagements,

* 50 000 F pour préjudice moral ;

La demande de dommages intérêts qu'ils ont formulé pour résistance abusive sera rejetée, les éléments du litige discutés plus haut démontrant qu'il y avait en l'espèce matière à discussion sérieuse sur l'étendue de la réparation, et rien n'établissant que les époux Roustan auraient abusé de leur droit d'ester en justice ;

IX) Sur les dépens et l'article 700 du NCPC :

Les époux Roustan, succombant sur l'essentiel, supporteront pour ce motif la totalité des dépens de première instance et d'appel ;

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge exclusive des époux Philaire la totalité des frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer et une somme de 8 000 F leur sera allouée sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit en la forme l'appel, Réforme la décision entreprise ; Condamne les époux Roustan à payer aux époux Philaire la somme totale de 1 550 000 F, tous chefs de préjudice confondus, ainsi qu'une somme de 8 000 F pour frais irrépétibles ; Rejette les autres demandes des parties, Condamne les époux Roustan aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.