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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 4 septembre 1996, n° 9504268

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Nouvelle de Construction et de Travaux Publics (Sté)

Défendeur :

Trouvay Cauvin (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Casorla

Conseillers :

Mme Letourneur-Baffert, M. Poumarede

Avoués :

Mes Leroyer-B, Gauvain & Demidoff, Chaudet & Brebion

Avocats :

Mes Gaborel, Lasne

T.com Le Havre du 27 oct. 1994

27 octobre 1994

Vu l'arrêt du 27 octobre 1994 de la Cour d'appel de Rouen qui a infirmé le jugement du 30 mars 1993 du Tribunal de commerce du Havre et, statuant à nouveau, dit que le Tribunal de commerce du Havre était incompétent pour statuer sur les demandes de la société Trouvay-Cauvin, renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Rennes.

Considérant qu'il résulte des énonciations non contredites de la décision attaquée, des écritures des parties et des pièces par elles régulièrement produites que courant 1987, la société SNCTP se voyait confier un important marché relatif à l'étude et à la réalisation du réseau de chauffage urbain de la ville de Brest, que pour ce faire, la société SNCTP commandait à la société Trouvay et Cauvin, en sa qualité de société spécialisée en la matière, un certain nombre de fournitures de matériels divers, et ce pour un montant total de 566 964,95 F TTC, qu'après la livraison des matériaux et leur mise en place dans le réseau du chauffage urbain, il était constaté que huit joints que la société Trouvay et Cauvin avait fournis et qu'elle s'était procurée auprès d'un fournisseur, les Ets Simon, se révélaient être défectueux, occasionnant des fuites apparues lors des essais, qu'après vidange de certaines lignes du réseau de chauffage, Trouvay et Cauvin fournissait de nouveaux joints qui remplaçaient ceux révélés défectueux et après leur mise en place. le réseau se trouvait en ordre de marche, que le 31 janvier 1988, Trouvay et Cauvin adressait sa facture, selon le montant de 566 964,95 F TTC, que le 21 mars suivant, la société SNCTP estimant avoir subi un préjudice qu'elle fixait elle-même, à la somme de 190 907,49 F, établissait en conséquence une facture à la société Trouvay et Cauvin de ce montant et réglait la différence, soit (566 964,95 F - 190 907,49 F) 376 057,46 F, qu'après avoir vainement tenté d'obtenir à l'amiable le règlement de sa créance, la société Trouvay et Cauvin assignait la SNCTP le 27 avril 1992 devant le Tribunal de commerce du Havre du fait de la clause attributive de compétence figurant dans l'intégralité de tous les documents de la société, que par jugement du Tribunal de commerce du Havre en date du 30 mars 1993, cette juridiction se déclarait territorialement compétente et condamnait la SNCTP à payer à la société Trouvay et Cauvin le montant du solde de sa facture précitée, soit 190 907,49 F, et ce avec exécution provisoire, que SNCTP régularisait appel de cette décision et saisissait le Premier Président de la Cour d'appel de Rouen aux fins de tenter d'obtenir l'arrêt de cet exécution provisoire, ce qui lui était refusé par ordonnance en date du 18 août 1993, que la SNCTP procédait au règlement des sommes allouées selon le jugement précité et maintenait son exception d'incompétence, sollicitant que le dossier soit porté à la connaissance de la Cour d'appel de Rennes, ressort dans lequel les travaux ont été exécutés, que par arrêt de la Cour d'appel de Rouen en date du 27 octobre 1994, le jugement du Tribunal de commerce du Havre était infirmé, et statuant à nouveau, la Cour de Rouen renvoyait les parties devant la Cour d'appel de Rennes, condamnant la société Trouvay et Cauvin au paiement de la somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, que suite à cet arrêt, la société SNCTP se faisait rembourser des sommes précédemment versées au vu du jugement.

Considérant qu'aux termes de ses conclusions, la SNCTP demande à la cour de déclarer la société Trouvay Cauvin entièrement responsable des désordres et de leurs conséquences.

En consequence, fixer à 190 907,49 F la créance indemnitaire de la société SNCTP.

Prononcer la compensation de droit entre les créances connexes.

Débouter la société Trouvay Cauvin de toutes ces demandes fins et conclusions.

La condamner à payer à la concluante une somme de 20 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

La condamner en tous les dépens de première instance et d'appel, ceux-ci devant être recouvrés par la SCP d'avoués Leroyer-Barbarat, Gauvin et Demidoff dans les conditions de l'article 699 du NCPC.

Qu'elle fait valoir qu'en droit, le tribunal, se trouvait saisi de deux demandes connexes puisqu'issues d'un même contrat, la première tendant au paiement du solde du marché, la seconde tendant à l'indemnisation des préjudices issus de la mauvaise exécution du même marché, que dès lors, le tribunal devait constater que la compensation de plein droit s'imposait, et à supposer même que l'une des créances (en l'occurrence la créance indemnitaire) ne satisfaisait pas à la condition de liquidité, le tribunal devait ordonner toute investigation nécessaire afin d'arrêter les comptes entre les parties, qu'en fait il n'est pas justifié de l'indemnisation partielle de 97 080,03 F qu'elle aurait reçu de l'assureur des établissements Simon, fabricants initiaux des joints défaillants.

Considérant qu'aux termes de ses conclusions, la société Trouvay-Cauvin demande à la cour de condamner la société SNCTP à lui payer la somme de 190 907,49 F avec intérêts de droit à compter de l'assignation.

Débouter la société SNCTP de l'intégralité de ses réclamations.

Condamner la société SNCTP à payer à la société Trouvay et Cauvin la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ainsi que la somme de 50 000 F HT sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Qu'elle fait valoir que sa créance est certaine, liquide et exigible et que la SNCTP ne justifie aucunement de la réalité de la facture qu'elle a unilatéralement émise ;

Considérant que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision et aux conclusions déposées.

Sur quoi LA COUR :

Considérant que la facture en date du 31 janvier 1988 de la société Trouvay et Cauvin n'a jamais été contestée par la société SNCTP ;

Que cette créance est certaine, liquide, exigible ;

Que la lettre de SNCTP en date du 21 mars 1988 démontre d'ailleurs qu'elle ne souffre d'aucune discussion puisque la SNCTP faisait valoir qu'elle lui réglerait le solde de sa facture, dès règlement par Trouvay et Cauvin de la facture de SNCTP;

Qu'il y a lieu en conséquence de condamner la société SNCTP au paiement de la somme de 190 907,49 F, avec intérêts de droit à compter du 27 avril 1992, date de l'assignation en paiement;

Que sur la créance alléguée de SNCTP, celle-ci est constituée par la facture du 18 février 1988 selon un mémoire de travaux exécutés du 25 janvier 1988 au 5 février 1988, pour remédier au défaut des joints cathodiques dont il est indiscutable qu'ils étaient défaillants, fourniture à laquelle il avait été remédié par Trouvay et Cauvin et son fournisseur sous-traitant les établissements Simon ;

Qu'il sera observé que SNCTP s'est privée de tout moyen d'investigation contradictoire de son éventuel préjudice, omettant notamment de diligenter une éventuelle procédure de référé expertise qui seule, aurait pu de façon indiscutable, apporter des éléments quant aux éventuelles responsabilités et quant au chiffrage d'un préjudice, SNCTP se contentant d'indiquer sans en justifier suffisamment 710 heures de travail, des frais de secteur de 10 % et des frais généraux de 25 % ;

Qu'une expertise des assureurs a été cependant sollicitée suite à la demande d'indemnisation adressée par SNCTP à Trouvay et Cauvin, à l'époque contemporaine où le vice a été constaté ;

Que ce document récapitule les estimations du préjudice subi, soit :

- main d'œuvre : 32 482 F

+ dépenses diverses : 33 002 F

= 65 484 F

+ frais généraux 25% : 16 371 F

= 81 855 F

- TVA : 15 225,03 F

Total TTC: 97 080,03 F.

Que les assureurs ont estimé de façon contradictoire le préjudice à cette somme qui a été proposée à SNCTP à qui il appartenait de recevoir ce règlement et qui fait valoir qu'il ne l'aurait pas reçu, que la société Trouvay et Cauvin justifie de ce que la compagnie Winterthur, assureur de la société Simon, a établi une proposition d'indemnisation à hauteur de 97 080,03 F ;

Que, contrairement à ce que précise SNCTP, les experts n'ont jamais établi une responsabilité de Trouvay et Cauvin, que l'expertise a seulement permis de déterminer la seule responsabilité des établissements Simon par erreur de fabrication de joints, Trouvay et Cauvin n'étant qu'un fournisseur qui n'avait pas d'obligation en matière d'assistance au montage des tuyauteries et des joints et, en présence d'un vice caché affectant les joints cathodiques fabriqués par la société Simon, a livré en urgence des joints de remplacement ;

Qu'il y a lieu dès lors de débouter la SNCTP de l'intégralité de ses réclamations;

Que la société Trouvay et Cauvin qui aurait dû recevoir depuis sept années le paiement de sa facture incontestée est recevable et fondée à solliciter la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la chante de l'intimé les frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel et qu'il v a lieu en conséquence de condamner la SNCTP à lui payer la somme de 50 000 F ;

Que succombant en sa défense, elle sera également condamnée aux dépens.

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement ; Condamne la société SNCTP à payer à la société Trouvay et Cauvin les sommes de 190 907,49 F au principal avec intérêts de droit à compter de l'assignation, 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée, 50 000 F au titre des frais irrépétibles ; La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.