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Décisions

CA Rennes, 1re ch. A, 4 juin 2002, n° 01-00704

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vauleon (époux), La Besnelais (SCI)

Défendeur :

Terpo (époux), Stindel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

Mmes Tremoureux, Teze

Avoués :

SCP Guillou & Renaudin, SCP Chaudet & Brebion, SCP d'Aboville, de Moncuit & Le Callonnec

Avocats :

Mes Treguier, Chauvel, SCP Panaget.

TGI St.Malo, du 20 déc. 2000

20 décembre 2000

Faits-procédure :

Par compromis du 2 octobre 1999 régularisé par acte authentique du 1er décembre suivant, les époux Vauleon ainsi que la SCI La Besnelais ont acquis respectivement des époux Terpo chacune des deux parties d'un immeuble dénommé Manoir de La Besnelais, pour le prix global de 2 000 000 F après estimatif des travaux de rénovation établi par M. Stindel, architecte d'intérieur, l'acte comportant en outre une clause excluant la garantie des vendeurs.

Exposant que les études géotechniques réalisées postérieurement à la vente sur les conseils du nouvel architecte consulté par eux, avaient révélé une instabilité des fondations de l'immeuble rendant l'habitabilité dangereuse et quasiment infaisable leur projet de rénovation, que les vendeurs, par suite de leur connaissance du vice ne pouvaient leur opposer la clause de non-garantie, qu'enfin, l'architecte Stindel avait manqué à son obligation de conseil, les époux Vauleon ainsi que la SCJ La Besnelais ont assigné les premiers en résolution de la vente et dommages-intérêts pour vices cachés et le second en déclaration de responsabilité et également paiement de dommages-intérêts.

Saisi du litige, le Tribunal de grande instance de Saint-Malo a, par jugement du 20 décembre 2000 :

- débouté les époux Vauleon et la SCI La Besnelais de leurs demandes,

- condamné les mêmes à titre de dommages-intérêts à payer aux époux Terpo et à M. Stindel la somme de 10 000 F = 524,51 euro,

- condamné les époux Terpo ainsi que la SCI La Besnelais aux dépens ainsi qu'au paiement de 10 000 F = 1 524,51 euro au titre des frais non répétibles.

Les époux Terpo ainsi que la SCI La Besnelais qui ont interjeté appel de cette décision demandent à la cour, par conclusions récapitulatives du 7 mars 2002, de :

- vu les articles 1641, 1134 et 1147 du Code civil,

- réformer le jugement,

- prononcer la résolution de l'annulation de la vente,

- constater la responsabilité de M. Stindel,

- condamner solidairement les époux Terpo et M. Stindel à leur payer :

* la somme de 304 898,03 euro = 2 000 000 F avec intérêts de droit à compter de l'assignation, en restitution du prix de l'immeuble,

* la somme de 3 000 F par mois depuis le 1er décembre 1999 jusqu'au remboursement initial du prix de vente ou subsidiairement jusqu'à la complète réalisation des travaux visés aux rapports Amco, Parini et Natur,

* les sommes de 42 813,14 euro = 280 835,80F) au titre des frais engagés et 41 436,62 euro = 271 806,39 F, au titre des intérêts du prêt,

* la somme de 30 489,80 euro = 200 000 F à titre de dommages-intérêts,

- subsidiairement, dans l'hypothèse où la vente ne serait pas annulée, condamner M. Stindel à payer aux appelants les sommes de 255 725,60 euro = 1 677,450 F au titre des travaux de réfection, 30 687,07 euro = 201 294 F au titre des honoraires du maître d'œuvre, 457,35 euro = 3 000 F par mois jusqu'à réalisation des travaux et 30 489,80 euro = 200 000 F à titre de dommages-intérêts,

- débouter les époux Terpo et M. Stindel de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement les époux Terpo et M. Stindel aux dépens ainsi qu'au paiement de 3 048,98 euro = 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions ultérieures du 29 mars 1999, les époux Vauleon ainsi que la SCI La Besnelais ont repris leurs précédentes écritures ajoutant rechercher à titre subsidiaire la responsabilité de l'architecte Stindel sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Par conclusions récapitulatives du 11 mars 2002, les époux Terpo sollicitent au contraire de :

- débouter les époux Vauleon et la SCI La Besnelais de l'ensemble de ses demandes,

- condamner les mêmes aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 048,98 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Yves Stindel demande pour sa part le rejet pour cause de tardiveté des dernières conclusions en date déposées par les époux Vauleon ainsi que la SCI La Besnelais, sollicitant dans ses écritures au fond déposées le 28 janvier 2002 de:

- confirmer,

- condamner les époux Vauleon au paiement de 4 573,47 euro en raison du caractère abusif et téméraire de leur recours,

- à titre éminemment subsidiaire condamner les époux Terpo dans l'hypothèse où ils se trouveraient condamnés à l'égard des époux Vauleon sur le terrain du dol, à le garantir,

- condamner les époux Vauleon ou à défaut les époux Terpo aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 4 573,47 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs :

- Sur l'incident de procédure:

Considérant que les conclusions déposées et signifiées par les époux Vauleon et la SCI le jour de l'ordonnance de clôture seront rejetées comme requis dès lors qu'elles mettent M. Stindel dans l'impossibilité de répondre au moyen nouveau que constitue la recherche de sa responsabilité sur un fondement quasi-délictuel ;

- Sur la garantie des vices cachés:

Considérant que les divers rapports techniques produits par les acquéreurs font état d'une grave altération du bâti de l'immeuble vendu avec risque d'effondrement des parements par suite d'une instabilité des fondations résultant elle-même d'une insuffisance d'ancrage liée à la nature limoneuse du sol d'assise, la plasticité du terrain accentuée par la proximité de nappes aquifères étant incompatible au regard des normes actuelles avec les contraintes exercées par la construction vieille de plusieurs siècles mais ayant reçu des modifications au cours des ans, dont certaines de date récente;

Considérant que les professionnels intervenus concluent à une dangerosité certaine du bâtiment, certains d'entre eux doutant même de la faisabilité de travaux de reprise par ailleurs d'un coût disproportionné avec la nature du projet immobilier envisagé;

Mais considérant que le premier juge a justement estimé que les époux Terpo étaient bien fondés à opposer la clause d'exclusion de garantie stipulée au contrat de vente ;

Considérant en effet, qu'en s'obligeant de façon claire et précise "à prendre le bien dans son état au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre l'ancien propriétaire pour mauvais état du soi, du sous-sol ou des constructions, vices même cachés... et plus généralement pour quelque cause que ce soit ", les acquéreurs se sont engagés consciemment à acquérir l'immeuble à leurs risques et périls, acceptant ce faisant l'éventualité de désordres portant atteinte à l'habitabilité de l'immeuble; que c'est donc en vain que les appelants se prévalent à l'égard des vendeurs de ce que leur consentement aurait été vicié par suite de l'estimatif erroné de l'architecte d'intérieur consulté par eux antérieurement à la vente;

Considérant que les vices invoqués relèvent de la clause d'exclusion visant expressément l'état de la construction comme le sous-sol;

Considérant enfin que la mauvaise foi des époux Terpo non professionnels du bâtiment n'est nullement démontrée, étant observé que :

- la nature des travaux exécutés par les vendeurs (drainage- terrassements de jardin - construction d'une fosse - réhaussement - décapage des sols) ou la présence d'étangs à proximité de la construction, ne sauraient être révélatrices des désordres incriminés dont les causes et ampleur n'ont été décelées qu'à l'issue d'étude approfondies du sol ;

- l'occupation des lieux pendant cinq ans par les vendeurs de l'immeuble prétendument dangereux constitue plus une présomption d'ignorance que de connaissance du vice, de même que la libre disposition non discutée des clés par les acquéreurs plusieurs mois avant la vente, ce qui leur laissait toute latitude pour examiner l'état de l'immeuble avec l'assistance d'un professionnel de leur choix;

Considérant que la demande en indemnisation au titre de l'enlèvement d'une pompe est recevable en cause d'appel en ce que la surconsommation d'eau qui en serait résulté est apparue postérieurement au jugement;

Mais considérant que les époux Turpo déclarent sans être contredits avoir informé les acquéreurs de ce qu'ils entendaient reprendre l'installation;

Considérant par suite que les appelants seront déboutés de ce chef de demande;

- Sur la responsabilité de l'architecte Stindel:

Considérant que l'obligation du conseil trouve ses limites dans le champ contractuel défini par les parties;

Considérant que la mission dévolue à M. Stindel, architecte d'intérieur, s'étant limitée à une estimation prévisionnelle du coût des travaux de rénovation d'un bâtiment existant, sans conception du projet ni établissement du permis de construire, c'est avec raison que le tribunal a estimé qu'il ne pouvait être reproché à l'architecte de ne pas avoir vérifié la nature du sol, en l'état des prestations confiées;

- Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts:

Considérant pour autant que les intimés ne démontrent pas en quoi les actions et recours exercés par les appelants revêtent un caractère abusif, que la demande en dommages-intérêts sera rejetée;

Considérant que le jugement sera réformé dans cette seule limite;

- Sur les dépens et article 700 du nouveau Code de procédure civile:

Considérant que la SCI La Besnelais ainsi que les époux Vauleon seront condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'à payer aux époux Terpo ainsi qu'à M. Stindel la somme de 1 800 euro chacun au titre des frais non répétibles;

Par ces motifs : LA COUR, Rejette des débats les conclusions signifiées et déposées par les époux Vauleon et la SCJ La Besnelais le 29 mars 2002, jour de la clôture, Confirme le jugement entrepris, à l'exclusion des dommages-intérêts alloués aux époux Terpo et à M. Stindel pour procédure abusive, Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant, Les déboute de leur demande en dommages-intérêts, Déclare recevable mais mal fondée la demande en indemnisation au titre de l'enlèvement d'une pompe, formée par les époux Vauleon et la SCI La Besnelais, Les déboute de ce chef de demande, Condamne in solidum les époux Vauleon ainsi que la SCI La Besnelais aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à payer aux époux Terpo d'une part, à M. Stindel, d'autre part, la somme de 1 800 euro chacun au titre des frais non répétibles, Déboute les parties de leurs autres ou plus amples demandes.