CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 18 mai 1995, n° 5694-93
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Fayard Sud Machines-Outils (SA)
Défendeur :
Credimo (SA), Brenac (ès qual.), Novar (SPA), Teyssou (Sté), Nanterme (ès qual.), AGF (Sté), Uni Europe (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brignol
Conseillers :
MM. Lebreuil, Cousteaux
Avoués :
SCP Nidecker-Prieu, SCP Sorel-Dessart, SCP Boyer-Lescat, SCP Malet
Avocats :
Mes Alet, Diebolt, SCP Maurel-Suard, SCP Vaysse-Lacoste-Axisa, SCP Brochier-Brocard, SCP Pech de Laclauze-Marguerit-Lagrange
Attendu que la société Laffont a pris possession en janvier 1991 d'une machine-outil fabriquée en Italie par la société Novar et importée en France par la société Rhône Machine Outils (RMO);
Que ce matériel, vendu par la société Fayard Sud Machines est la propriété de la société Credimo qui l'a mis à la disposition de la société Laffont dans le cadre d'un contrat de crédit-bail;
Qu'il a connu des disfonctionnements graves et que se fondant sur un rapport d'expertise de M. Jean Bonnefoy, expert désigné en référé, la société Laffont a fait assigner les sociétés Fayard Sud Machines, RMO, et Credimo :
- à titre principal, en nullité de la vente pour dol, ou à défaut pour erreur et, par voie de conséquence, en nullité du contrat de crédit-bail,
- à titre subsidiaire, en résolution de la vente pour vices cachés ou, à tout le moins, pour défaut de délivrance et, par voie de conséquence en résolution ou, à défaut, en résiliation du contrat de crédit- bail;
Que la société Laffont a été déclarée en redressement judiciaire le 22 juin 1992 puis en liquidation judiciaire le 15 février 1993 et que Me Brenac, son liquidateur, a repris l'instance par elle introduite;
Que par jugement en date du 25 novembre 1993, le Tribunal de commerce de Toulouse a pris acte de la résiliation du contrat de crédit-bail consécutive à l'ouverture de la procédure collective et condamné la société Fayard Sud Machines à payer à Me Brenac ès qualité la somme de 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts;
Qu'il a de surcroît condamné :
1) la société RMO à relever et garantir la société Fayard Sud Machines de la condamnation ainsi prononcée à son encontre à hauteur de 25 %, soit la somme de 250 000 F,
2) la compagnie d'assurances AGF, qui avait été assignée par la société Fayard Sud Machines en sa qualité d'assureur de la société RMO, à relever et garantir leur assuré à concurrence de 230 000 F,
3) la société Novar à relever et garantir la société Fayard Sud Machines de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 25 %, soit la somme de 250 000 F,
4) la compagnie d'assurances Uni Europe, qui avait été assignée en sa qualité d'assureur de la société Fayard Sud Machines à relever et garantir son assurée à hauteur de 243 000 F;
Attendu que la société Fayard Sud Machines fait grief aux premiers juges de s'être ainsi prononcés alors pourtant qu'elle n'était pas responsable des désordres constatés par l'expert et que, par conséquent, elle devait être intégralement relevée et garantie par la société RMO et par son assureur la compagnie d'assurances AGF des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de Me Brenac ès qualités ; qu'en outre le préjudice allégué par ce dernier n'était pas établi et qu'une expertise devait être ordonnée pour l'évaluer;
Qu'elle demande de surcroît à la cour de dire que la compagnie Uni Europe lui devra sa garantie pour le cas où, par impossible, une part de la charge financière définitive du dommage resterait à sa charge;
Attendu que Me Brenac ès qualités conclut aussi à la réformation du jugement dont appel en faisant valoir:
- que la machine-outil, vendue comme neuve avait en réalité été utilisée comme matériel de démonstration et qu'elle avait été accidentée; que la vente, et par voie de conséquence, le contrat de crédit-bail devaient donc être annulés pour dol ou, en tous cas, pour erreur sur la substance,
- que, subsidiairement, il y avait lieu à résolution de la vente pour vices cachés ou pour défaut de délivrance et que cette résolution de la vente devait entraîner celle du contrat de crédit-bail de telle sorte que, comme dans l'hypothèse de la nullité, la société Credimo devrait lui restituer les loyers versés sans cause par la société Laffont, soit la somme de 1 073 558 F,
- que dans l'hypothèse où le contrat de crédit-bail serait non pas annulé ou résolu mais résilié, le vendeur, la société Fayard Sud Machines devrait être condamné à lui payer cette somme de 1 073 558 F à titre de dommages-intérêts,
- que son préjudice devait par ailleurs être évalué à la somme de 1 500 000 F au lieu de 1 000 000 F retenu par les premiers juges;
Attendu que la société RMO a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et que par jugement du 9 février 1994 le Tribunal de commerce de Lyon a ordonné la cession de son fonds de commerce au profit de la société Teyssou;
Que celle-ci a repris l'instance et qu'elle s'est jointe à Me Nanterme, administrateur judiciaire devenu commissaire à l'exécution du plan de cession de la société RMO et à la compagnie d'assurances AGF pour soutenir :
- à titre principal que la preuve d'un vice caché n'est pas rapportée mais uniquement celle d'un dysfonctionnement que le constructeur, la société Novar, devra prendre en charge dans le cadre de sa garantie,
- à titre subsidiaire, que ce constructeur devra être condamné à les relever et garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être mises à leur charge,
Attendu que la compagnie d'assurances AGF demande en outre à la cour de dire qu'elle ne peut être recherchée que dans la limite de ses obligations contractuelles et de constater à cet égard que sa garantie est limitée à 2 500 000 F pour les dommages matériels et immatériels consécutifs et à 1 250 000 00 F pour les autres dommages immatériels;
Attendu que la société Credimo, crédit-bailleur, conclut de son côté à la condamnation de la société Fayard Sud Machines, au paiement, outre intérêts au taux légal à compter du 27 mai 1993, et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil des sommes de :
- 1 559 352 F, correspondant au "damnum emergens" c'est-à-dire à la différence entre le prix de vente du matériel et le montant des loyers perçus,
- 564 945,60 F correspondant au "lucrum cessans" c'est-à-dire à la différence entre ce qu'elle aurait dû percevoir si le contrat s'était déroulé normalement (total des loyers soit 2 651 745 F HT, valeur résiduelle soit 133 200 F HT, outre TVA soit 412 920 F) et le prix d'achat du matériel soit 2 632 920 F;
Qu'elle fait de surcroît valoir en réponse aux conclusions déposées par Me Brenac ès qualités que le crédit-preneur ne peut agir en nullité ou en résolution de la vente qu'en exerçant l'action qui appartient au crédit-bailleur pris en sa qualité d'acquéreur du matériel et en invoquant les moyens propres à cet acquéreur;
Qu'il est donc indispensable pour que son action puisse prospérer qu'il bénéficie d'un mandat d'ester en justice de la part du bailleur; que ce mandat, en l'espèce, n'est pas contenu dans le contrat de crédit-bail et que l'action de Me Brenac est par conséquent irrecevable; que, quoiqu'il en soit, la résolution de la vente n'emporte pas résolution rétroactive mais uniquement résiliation du crédit-bail, de telle sorte qu'elle ne saurait être retenue de restituer les loyers déjà perçus soit la somme de 1 073 558 F;
Attendu que la société Fayard Sud Machines et Me Brenac ès qualités résistent à l'argumentation ainsi développée par la société Credimo en faisant observer :
- la première, qu'elle ne saurait supporter les conséquences financières de la défaillance du crédit-preneur et qu'au demeurant les loyers impayés, échus postérieurement au prononcé du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Laffont ont fait l'objet, de la part de la société Credimo, d'une déclaration de créance définitivement rejetée de telle sorte que cette société, de ce chef, ne peut plus rien réclamer,
- le second qu'il n'a pas besoin pour agir d'un mandat spécial;
Attendu que la société Novar sollicite sa mise hors de cause aux motifs essentiels que la responsabilité des désordres ayant affecté la machine incombait en totalité aux sociétés RMO et Fayard Sud Machines qui s'étaient livrées, avant de la vendre aux établissements Laffont, à des réparations approximatives alors que l'accident survenu au cours du transport de l'engin entre Lyon et Toulouse aurait nécessité une révision complète, dans les ateliers du fabricant; que de plus l'utilisateur avait été incapable d'entretenir correctement une machine dont les équipements, très sophistiqués exigeaient une attention et des soins constants; qu'il avait contribué par sa négligence et par son incurie à l'aggravation des désordres constatés par l'expert;
Attendu que la compagnie d'assurance Uni Europe sollicite aussi sa mise hors de cause aux motifs que la société Fayard Sud Machines, son assurée, n'est pas responsable du sinistre et que, de toute façon, elle ne doit pas sa garantie pour les dommages allégués ;
Qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait l'existence d'un vice caché justifiant la garantie de la société Fayard Sud Machines et considérerait qu'une partie au moins du préjudice de la société Laffont constitue des dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels garantis, elle rappelle qu'elle ne pourrait être tenue, de ce chef qu'à hauteur de 243 000 F;
Sur quoi :
I) Attendu que les procédures suivies sous les n°s 5692 et 5694-93 du répertoire général sont connexes et qu'il convient, pour une bonne administration de la justice, d'en ordonner la jonction;
Attendu que l'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 1995 et que les conclusions déposées le 15 mars suivant par la société Credimo sont irrecevables par application de l'article 783 du NCPC ;
II) Attendu qu'il est expressément prévu à l'article 4 du contrat de crédit-bail conclu le 27 décembre 1990 entre la société Credimo et la SARL Laffont que "les garanties attachées au matériel étant transférées par le fournisseur directement au locataire celui-ci est subrogé dans tous les droits de recours et actions du bail concernant cette garantie;"
Que Me Brenac ès qualités est donc en droit, sans avoir à justifier d'un mandat spécial autre que celui qui résulte de cette stipulation, de poursuivre la résolution pour vice caché de la vente intervenue entre la société Fayard et la société Credimo, sur le propriétaire du matériel en cause;
Qu'en revanche l'action en nullité de la vente pour dol ou pour erreur intentée par la société Laffont ne pouvant être assimilée à une action en garantie, Me Brenac est sans qualité pour l'exercer aux lieu et place du crédit-bailleur;
Que cette action, quoiqu'il en soit est mal fondée car il n'est à aucun moment démontré que la société Fayard à sciemment tenté de faire passer pour du matériel neuf une machine-outil qui avait déjà servi et qui, de surcroît avait été accidentée;
Qu'il apparaît en fait que cette machine, commandée en 1989 par la société RMO à la société Novar, a été exposée à Lyon courant mars 1990 puis expédiée à Toulouse en octobre 1990 à la demande de la société Fayard Sud Machines ;
Que rien ne permet d'affirmer qu'elle a été utilisée en ces deux occasions, à Lyon ou à Toulouse comme matériel de démonstration et qu'il est au contraire établi qu'elle est arrivée sous douane à Toulouse et qu'elle y est demeurée aussi longtemps qu'elle est restée dans les locaux de la société Fayard Sud Machines, c'est à dire jusqu'au 16 novembre 1990, date à laquelle elle a été réexpédiée, toujours sous douane, à la société RMO à Lyon;
Qu'ainsi la société venderesse n'a pas pu la faire fonctionner et qu'elle s'est contentée de l'exposer;
Qu'au demeurant les documents contractuels liant la société Fayard à la société RMO démontrent qu'elle a fait l'acquisition du matériel pour le prix de 1 800 000 F HT, c'est-à-dire effectivement au prix du neuf;
Qu'il n'est pas non plus prouvé par Me Brenac ès qualités que l'engin a été gravement accidenté en octobre 1990 au cours du transport effectué entre Lyon et Toulouse et que la société Fayard Sud Machines connaissait, lorsqu'elle l'a vendu, les conséquences de l'incident survenu à cette occasion; qu'il semble en effet qu'elle s'est bornée à le signaler à l'importateur auquel elle a réexpédié la machine et qu'elle n'était pas informée des interventions ou réparations auxquelles il se serait livré, le matériel ayant été directement livré en janvier 1991 de Lyon à Lavelanet, dans les entrepôts de la SARL Laffont, sans passer par ses ateliers à Toulouse;
Qu'ainsi la preuve de manœuvres dolosives imputables à la société Fayard Sud Machines n'est pas rapportée et que la démonstration n'est pas faite d'une utilisation préalable de l'engin ou d'un accident suffisamment grave pour en affecter les qualités substantielles de telle sorte que l'erreur alléguée, à titre subsidiaire par Me Brenac au soutien de son action en nullité n'est pas établie;
III) Attendu qu'il est en revanche certain que la chose vendue était affectée de plusieurs vices cachés la rendant impropre à l'usage auquel elle était destinée;
Qu'il résulte en effet des investigations de l'expert Bonnefoy et de ses conclusions, auxquelles la cour se réfère expressément, que la machine était équipée d'une tête de fraisage présentant un défaut originel, que plusieurs vis ou écrous étaient desserrés et que l'ordinateur qui devait la commander était défaillant ;
Que toutes ces anomalies sont sans rapport avec les réparations qui auraient été faites par la société RMO ou même selon la société Novar par la société Fayard Sud Machines et qu'elle n'ont pas pour origine un défaut d'entretien mais que leur responsabilité incombe, selon l'expert, au constructeur et à lui seul;
Qu'elles existaient antérieurement à la vente et qu'elles n'étaient pas décelables par l'acquéreur ou plutôt, dans le cas d'espèce, par l'utilisateur;
Qu'elles n'étaient pas compatibles avec un fonctionnement satisfaisant de l'engin et qu'il convient par conséquent de prononcer la résolution de la vente conclue entre la société Fayard Sud Machines et la société Credimo par application des articles 1641 et suivants du Code civil;
IV) Attendu que cette résolution judiciaire du contrat de vente entraîne résiliation et non pas résolution du contrat de crédit-bail;
Attendu en d'autres termes que Me Brenac ès qualités ne peut pas prétendre au remboursement par la société Credimo des loyers réglés par la SARL Laffont avant la résiliation du contrat de location; que ces règlements n'étaient pas sans cause mais ont eu pour contre-partie l'exécution par le crédit-bailleur de ses propres obligations et spécialement le paiement du prix de vente;
V) Attendu que la société Laffont n'a jamais été propriétaire du matériel et n'a pas de lien contractuel avec son fournisseur mais que son liquidateur est en droit de rechercher la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de la société Fayard Sud Machines et de lui demander réparation sur ce fondement de son préjudice;
Attendu que l'expert Bonnefoy après avoir évalué le temps durant lequel la machine aurait pu être utilisée si elle n'avait pas été atteinte d'un vice caché, chiffre ce préjudice à 1 000 000 F;
Attendu que la société Fayard Sud Machines critique cette évaluation au motif que les pertes invoquées par le crédit-preneur trouvent davantage leur cause dans son manque de trésorerie et s'inscrivent dans un contexte économique particulièrement difficile; qu'il s'agit selon elle d'un calcul purement théorique et que Me Brenac ès qualités est en réalité incapable de justifier d'une perte de marchés;
Mais attendu que la SARL Laffont avait conclu courant 1990 avec la société Spie Batignolles et avec la société Pechiney Rhen Alu des contrats très importants, d'un montant global de 5 000 000 F et que les livraisons correspondantes devaient intervenir courant 1991; que les dysfonctionnements répétés du matériel Novar ne lui ont pas permis d'exécuter ces contrats dans de bonnes conditions et que ses pannes ont à plusieurs reprises entraîné un arrêt de la production ;
Qu'en outre son utilisation, lorsqu'elle était possible, exigeait une main-d'œuvre, que l'investissement réalisé avait précisément pour but d'éviter;
Que le préjudice de la SARL Laffont est donc nettement caractérisé et qu'il s'est poursuivi jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective et même jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire puisque la poursuite de l'exploitation avait été ordonnée;
Qu'il doit être évalué de plano à 1 000 000 F même s'il est vrai que le dépôt de bilan de la société a pu avoir d'autres causes que les dysfonctionnements de la machine,
Qu'en revanche Me Brenac ès qualités n'est pas fondé à réclamer à titre de dommages-intérêts supplémentaires le remboursement par la société Fayard Sud Machines des loyers réglés par la SARL Laffont à la société Credimo à hauteur de 1 073 558 F;
Qu'en effet ces loyers avaient pour contrepartie la mise à disposition du matériel et son utilisation par le crédit-preneur;
Que cette utilisation a certes été compromise par les pannes répétées qui l'ont affecté mais que les dommages-intérêts d'ores et déjà alloués à l'exploitant ont précisément pour objet de réparer dans sa totalité le préjudice qu'il a subi de ce chef;
Que lui accorder des dommages-intérêts supplémentaires, correspondant aux loyers qu'il a payés, reviendrait à admettre qu'il a pu utiliser la machine, au moins pendant certaines périodes, sans bourse délier;
VI) Attendu que la société Fayard Sud Machines s'oppose par ailleurs aux demandes formées par la société Credimo en faisant valoir que sa déclaration de créances a été rejetée par le représentant des créanciers de la SARL Laffont et que cette décision de rejet n'ayant pas été contestée dans le délai légal, elle ne peut plus se prévaloir d'aucune créance;
Mais attendu que la société Credimo est parfaitement en droit, du fait de la résolution de la vente, de demander restitution du prix qu'elle a payé diminué du montant des loyers qu'elle a perçus, soit au total la somme de 1 559 352 F; que le rejet de sa déclaration de créance, limitée aux loyers à échoir ne saurait faire obstacle à cette action en restitution; que ses prétentions en sa qualité d'acquéreur bénéficiaire de la garantie des vices cachés sont en effet sans aucun rapport avec les demandes qu'elle aurait pu former à l'encontre de son locataire et qui, en ce qui les concerne, se seraient effectivement heurtées au rejet de sa déclaration de créance;
Et attendu que la société Fayard Sud Machines, vendeur professionnel réputé connaître les vices de la chose vendue est également tenue de tous dommages intérêts envers l'acheteur conformément aux dispositions de l'article 1645 du Code civil;
Que la société Credimo est donc en droit sur ce fondement, de lui demander paiement de la somme de 564 945,60 F représentant le préjudice qu'elle a subi du fait de la résiliation du contrat de crédit-bail consécutive à la résolution de la vente;
Que cette demande n'a pas pour objet le paiement par la société Fayard Sud Machines de la dette de la société Laffont mais la réparation de l'intégralité du préjudice subi par la société Credimo du fait de la résolution de la vente et doit être accueillie quand bien même la déclaration de créance du crédit-bailleur au redressement judiciaire du crédit-preneur aurait été rejetée;
Attendu qu'il convient par conséquent de faire droit aux prétentions de la société Credimo et, déduction faite du prix de revente du matériel soit compte tenu des frais de récupération de la somme de 542 595 F de condamner la société Fayard Sud Machines à lui payer la somme de 1 581 702,60 F, outre intérêts au taux légal à compter de ce jour et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil;
VII) Attendu que la société venderesse n'est pas responsable des dysfonctionnements de la machine et qu'elle est en droit de solliciter la garantie de son propre fournisseur, la société RMO aux droits de laquelle se trouve la société Teyssou, laquelle sera à son tour relevée et garantie des condamnations mises à sa charge par la société Novar, seule responsable des dommages;
Attendu que la compagnie d'assurances Uni Europe, qui assure la société Fayard Sud Machines ne sera tenue de régler les sommes éventuellement dues par son assurée que dans la limite de ses obligations contractuelles, c'est-à-dire uniquement à hauteur de 243 000 F;
Qu'en effet elle ne garantit pas le préjudice subi par l'utilisateur par suite du manque d'efficacité totale ou partielle des fournitures, ni le remboursement du prix ou celui des frais engagés pour remédier à l'impropriété ou à la défectuosité desdites fournitures et qu'elle ne peut être recherchée que sur la base de l'extension de garantie souscrite par la société Fayard Sud Machines dans la limite de 250 000 F avec une franchise de 7 000 F pour les dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels garantis, tels que, par exemple, les préjudices financiers dont il est demandé réparation;
Attendu que, de la même manière, la compagnie d'assurance AGF, qui assure la société RMO, ne pourra être tenue que dans la limite de ses obligations;
Qu'il est admis à cet égard par Me Nanterme, devenue commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société RMO que la police a été conclue :
- dans la limite de 2 500 000 F pour les dommages matériels et immatériels consécutifs,
- à hauteur de 1 250 000 F pour les autres dommages immatériels ;
Que cependant, et à défaut de production du contrat d'assurance et par conséquent de définition plus précise de chaque type de dommage, la cour est dans l'impossibilité d'opérer une ventilation entre les deux catégories de dommages assurés et ne peut que constater les limites de la garantie due par la compagnie AGF;
VIII) Attendu que la société Novar, à laquelle incombe en définitive la responsabilité des désordres, est particulièrement mal fondée en sa demande en paiement de la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée;
Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Fayard Sud Machines mais qu'elle sera garantie, de ce chef également, par la société RMO et par la société AGF qui seront en droit, à leur tout, de se retourner contre la société Novar;
Attendu qu'il convient enfin, tant pour des considérations d'équité que pour tenir compte de la situation économique de certaines des parties condamnées de dire n'y avoir lieu à la condamnation prévue par l'article 700 modifié du NCPC ;
Par ces motifs, LA COUR : Ordonne la jonction des procédures suivies sous les n°s 5692 et 5694-93 du répertoire général, Et statuant par un seul et même arrêt, Reçoit les appels jugés réguliers, Déclare irrecevables par application de l'article 783 du NCPC les conclusions déposées par la société Credimo le 15 mars 1995, Réforme la décision déférée, Condamne la société Fayard Sud Machines à payer : 1) à Me Brenac ès qualités la somme de 1 000 000 F (un million de francs) à titre de dommages-intérêts, 2) à la société Credimo celle de 1 581 702,60 F (un million cinq cent quatre vingt un mille sept cent deux francs soixante centimes) par application des articles 1641 et suivant du Code civil; Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour; Ordonne la capitalisation des intérêts dus à la société Credimo conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil; Dit que la compagnie Uni Europe ne devra sa garantie à la société Fayard Sud Machines qu'à hauteur de 243 000 ; Condamne la compagnie d'assurances AGF, prise en sa qualité d'assureur de la société RMO, à relever et garantir la société Fayard Sud Machines des condamnations prononcées à son encontre; Constate toutefois qu'elle ne doit sa garantie qu'à hauteur de 2 500 000 F (deux million cinq cent mille francs) pour les dommages matériels et immatériels consécutifs et à hauteur de 1 250 000 F (un million deux cent cinquante mille francs) pour les autres dommages immatériels; Condamne la société Novar à relever et garantir la compagnie AGF des condamnations mises à sa charge au profit de la société Fayard Sud Machines; Déclare la société Novar mal fondée en sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive; l'en déboute; Condamne la société Fayard Sud Machines aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise les SCP d'avoués Boyer-Lescat-Boyer et Sorel-Dessart, représentant la société Credimo à recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante; Dit et juge qu'elle sera relevée et garantie de cette condamnation par la société RMO et par la compagnie d'assurances AGF, lesquelles seront à leur tour garanties par la société Novar; Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples des parties, y compris celles fondées sur l'article 700 modifié du NCPC.