CA Paris, 5e ch. C, 23 janvier 1992, n° 90-12065
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Paul Mausner (SA)
Défendeur :
Volvo France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Couderette
Conseillers :
Mme Cabat, M. Thery
Avoués :
Me Lecharny, SCP Dauthy Naboudet
Avocats :
Mes Leibovici, Caloyanni
Considérant que la société anonyme Paul Mausner, a, par déclaration remise au secrétariat-greffe le 24 avril 1990, interjeté appel du jugement en date du 8 mars précédent par lequel le Tribunal de commerce de Paris a rejeté ses demandes tendant à la résolution de la vente d'un véhicule automobile de marque Volvo et de type 760 GLE BA, qui a été immatriculé le 26 juillet 1985 sous le numéro 414 FMC 75, vente à lui consentie sur sa commande par la société anonyme Volvo France, avec, pour conséquence, la restitution de ce véhicule et de son prix, soit la somme de 176 623 F, et à la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 31 906 F 29 à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000 F au titre de la disposition de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Que ce jugement l'a condamnée en outre à payer à la société Volvo France, à ce dernier titre, la somme de 5 000 F ;
Considérant que ses conclusions tendent à ce qu'en infirmation du jugement, il soit fait droit à sa demande en résolution de vente avec ses conséquences quant aux restitutions et à la condamnation de la société Volvo France à lui payer la somme de 21 306 F 29 et celle de 10 000 F, avec pour la première les intérêts à compter de la demande, ainsi que la somme de 15 000 F au titre de la disposition de l'article 700 précité ;
Qu'elle demande que la société intimée soit dite irrecevable en sa demande en paiement de la somme de 6 375 F 57, la chose ayant été jugée par jugement du Tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris en date du 19 mai 1968 ;
Considérant que la société intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris et, en conséquence, à ce que les demandes de la société appelante soient en totalité rejetées et à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à expertise ;
Que, subsidiairement, elle demande que, si expertise il y a, elle soit faite aux frais avancés de la société appelante ;
Qu'elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a accueilli sa demande reconventionnelle, la société Paul Mausner étant condamnée à lui payer la somme de 6 375 F 57 avec intérêts à compter du 8 mars 1990 au titre de la location de véhicules à elle consentie et demande qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 11 660 F toutes taxes comprises au titre de la disposition de l'article 700 précité ;
Considérant que la société appelante a, le 5 juillet 1965, acheté à la société Volvo France une voiture automobile de type 764 GLE BA correspondant à l'année modèle 1985 et munie d'accessoires pour partie optionnels : air conditionné, freins ABS, toit ouvrant, vitres teintées, installation radiophonique ; qu'elle a exprimé sa commande par un bon directement établi par elle à l'exclusion de celui mis à sa disposition par la société venderesse, bon sur lequel elle a mentionné une remise de 7 % et la reprise de son ancienne voiture de marque Peugeot et de type 604 pour la somme de 19 000 F, prétentions acceptées par la société Volvo France ;
Considérant que la société appelante a exprimé à la société venderesse des doléances quant au fonctionnement du véhicule qui ont abouti à la prétention à son remplacement ;
Que, par lettre du 26 août 1985, elle faisait état d'anomalies dont sa destinataire; la société Volvo France précise qu'elles concernaient les vitres, prétendument non teintées, alors que cet avantage était inhérent à tous les véhicules du type dont elle relevait et le poste radio-cassettes stéréo, selon elle devant être facturé ;
Qu'elle fait état de nombreuses pannes au cours de la période de septembre 1966 à octobre 1987 pannes concernant le système de freinage, le circuit hydraulique et le circuit d'huile, précisant, en outre, que les défectuosités, distinctes de simples désagréments, avaient trait au chauffage, au système d'alarme, à l'air conditionné, à la direction particulièrement dure, au circuit hydraulique, à la fermeture des portes et au circuit d'huile présentant des fuites ;
Que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 septembre 1986, elle signalait ces déficiences à la société intimée qui, par lettre du 17 septembre, faisant allusion au Garage Volvo, s'exprimait en les termes suivants : " Nous ne doutons pas que cet établissement vous répondra dans les meilleurs délais et aura à coeur de vous donner satisfaction ", ceci sans aucun résultat ;
Que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre suivant, la société demandait le changement de la voiture, prétention réexprimée par télex du 15 octobre se heurtant à un refus ;
Considérant qu'il y a lieu à examen des demandes en résolution de la vente et en remboursement des factures payées par elle, d'une part, des demandes reconventionnelles de la société intimée, d'autre part ;
Sur les demandes de la société Paul Mausner :
Considérant que les premiers juges ont écarté la demande en résolution de la vente au motif qu'il n'était justifié par l'acheteur, la société appelante, ni d'un défaut de conformité ni d'un vice caché, les désagréments invoqués ne pouvant faire ressortir aucune de ces éventualités ;
Considérant que la société Paul Mausner soutient d'une part, que la répétition des incidents de marche du véhicule démontre que, compte tenu de sa classe, il n'est manifestement pas conforme à l'usage normal que peut en attendre un acheteur endroit d'en attendre des prestations de qualités exceptionnelles, eu égard à sa qualité et à son prix, et, en droit, que son action se fonde, non sur la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 et suivants du Code civil, mais sur la disposition de l'article 1184 du Code civil au titre du manquement aux stipulations contractuelles impliquant des qualités propres à l'utilisation normale à laquelle la chose est destinée ;
Que la société intimée conteste cette thèse en maintenant que la demande de la société appelante ne peut se fonder que sur la garantie des vices cachés; et que c est à bon droit que les premiers Juges ont admis que la forclusion résultant de l'expiration du bref délai requis pour agir en vertu de l'article 1648 du Code civil était acquise ;
Qu'elle maintient que la voiture était, par ailleurs, parfaitement conforme à ce qui faisait l'objet de la commande ;
Considérant que, de l'exposé des faits, il ressort que la voiture livrée à la société appelante, en vertu du contrat qu'elle concluait avec la société Volvo France, répondait bien à ce qui était défini à la commande, les seules critiques exprimées à cet égard relativement à la teinture des glaces étant manifestement non fondées; qu ainsi la demande de la société appelante fait état essentiellement de conditions de fonctionnement ne répondant pas à ce que la qualité qu'elle devait présenter impliquait ; que, dès lors, c'est bien de vices l'atteignant en certains de ses éléments ou organes qu'il est dégagé qu'elle ne répondait pas à sa destination, non de ce que l'on n a pas obtenu ce qui était stipulé et promis au contrat ;
Considérant que, de ce point de vue qui est le seul qui puisse être envisagé, il ne peut qu'être constaté que la simple allégation d'un fonctionnement défectueux ne suffit pas, l'acheteur devant établir le ou les vices qui sont à son origine; que, eu égard aux constatations dont la société appelante a fait état et de la période prolongée où elle les situe; il ne peut qu'être constaté que le bref délai de l'article 1648 du Code civil n'a pas été respecté ;
Considérant que, de ce qui précède, il résulte que la demande subsidiaire tendant à ce que soit prescrite une expertise, mesure d'instruction qui tendrait à suppléer à la défaillance de la société appelante sur le terrain de la preuve, doit être écartée ;
Considérant que c'est avec raison que les premiers juges ont rejeté la demande en résolution de vente dont ils étaient saisis ;
Considérant, sur la demande en remboursement de factures pour un total de 21 306 F 29, à compléter de celle de 10 000 F pour compenser les nombreuses immobilisations du véhicule, la société appelante fait valoir qu il s'agit là, non des conséquences d'un simple entretien, mais de la suite de pannes anormales dans leur principe même ;
Que la société intimée conteste qu'il y ait eu autre chose que l'entretien courant de la voiture, les factures correspondant à des commandes normales en vue de l'entretien qui ne pouvaient que donner lieu à paiement ; qu'elle conteste que quelque garantie que ce soit puisse être invoquée à leur sujet ;
Considérant que la simple affirmation de pannes répétées ne suffit pas à fonder le droit à remboursement invoqué ; qu'il y a ainsi lieu de vérifier si cette prétention prend appui sur un titre contractuel ;
Considérant que les factures s'échelonnent du 24 septembre 1986 au 19 juin 1987, donc après expiration de la garantie conventionnelle d'une année prenant fin le 5 juillet 1986 ;
Que le service de dépannage et d'assistance gratuit, d'une durée de deux années, n'ouvre de droit aux prestations qu'il comporte que sur justification des circonstances précises de nature à les justifier ; qu'il ne peut pas ainsi être assimilé à la garantie contractuelle venue à expiration ni en constituer la prolongation ;
Qu'en définitive, exerçant, pour les réparations, la répétition de l'indu, la société appelante n'administre pas la preuve qui, à ce titre, lui incombe ;
Que, par voie de conséquence, les dommages-intérêts pour immobilisation ne sont justifiés ;
Sur la demande de la société Volvo France :
Considérant qu'elle fait état de la location de véhicule qu'elle a consentie à la société Paul Mausner, laquelle s'est de façon persistante refusée à payer le loyer dont elle était redevable de ce chef ;
Considérant que celle-ci soutient l'irrecevabilité de cette demande au motif que, par jugement en date du 19 mai 1968, le Tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris a rejeté la demande dont il était saisi à ce titre et qu'il est devenu définitif ;
Considérant que, pour passer outre à ce moyen, les premiers juges ont dégagé directement de l'examen du fond la conclusion que la somme demandée était bien due par la société Paul Mausner à la société Volvo France ;
Considérant que celle-ci fait valoir que la manœuvre de la société appelante consistant à demander la radiation de l'affaire par demande du 22 septembre 1986, l'a mise dans l'impossibilité d'interjeter appel, ce qui justifie qu'elle demande condamnation à paiement par la voie reconventionnelle qui lui reste ouverte ;
Considérant que la chose définitivement jugée sur ce chef de demande fait obstacle à son examen en la cause ; qu'il y a lieu de ce chef à infirmation du jugement entrepris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande en remboursement de frais formée par la société appelante doit être rejetée ;
Considérant que la société Volvo France a été amenée à exposer des frais non taxables; qu'il serait inéquitable de laisser définitivement à sa charge et qu'il y a lieu d'évaluer, pour les procédures de première instance et d'appel, à la somme de 10 000 F au remboursement de laquelle doit, en sus des dépens et en application de la disposition de l'article 700, être condamnée la société Paul Mausner ;
Par ces motifs, LA COUR, Dit les parties recevables respectivement en leurs appels principal et incident, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement formées par la société Paul Mausner et en ce qu'il a statué quant aux dépens de première instance, L'infirmant pour le surplus et y ajoutant, Dit la société Volvo France irrecevable en sa demande en paiement de la somme de 6 375 F, Condamne la société Paul Mausner à payer à la société Volvo France la somme de 10 000 F au titre de la disposition de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel, Admet la SCP Dauthy Naboudet au bénéfice de la disposition de l'article 699 de ce même code.