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Décisions

CA Rennes, 2e ch. com., 9 janvier 2002, n° 01-00514

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sanidis (SARL)

Défendeur :

Mariotte

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Poumarede, Mme Nivelle

Avoués :

SCP Chaudet & Brebion, SCP d'Aboville, de Moncuit & Le Callonnec

Avocats :

SCP Cornet, Vingent, Doucet, Pittard, Martin & Puget.

T. com. Rennes, du 15 déc. 2000

15 décembre 2000

Faits et procédure

Statuant sur la demande de la SARL Sanidis en résolution pour vices cachés, subsidiairement, en annulation pour vice du consentement, d'une cession de parts, avec restitution du prix, et plus subsidiairement encore en paiement d'une somme de 2 000 000 F, au titre de la garantie de passif, outre celle de 5 000 F, par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dirigée contre Raymond Mariotte,

Le Tribunal de commerce de Rennes, par jugement du 15 décembre 2000, l'en a déboutée;

La SARL Sanidis a interjeté appel de ce jugement;

Moyens et prétentions des parties

Appelante, la SARL Sanidis fait grief au tribunal d'avoir ainsi statué

Alors

Que la situation de la société Mariotte était irrémédiablement compromise lors de la cession des actions,

Que ces actions, qui ne permettaient pas l'exercice de l'activité commerciale convoitée, étaient atteintes d'un vice caché les rendant impropres à leur destination,

Subsidiairement,

Que la situation obérée de la société Mariotte ayant été dissimulée il y avait eu dol,

Qu'il y avait eu, au moins, erreur sur les qualités substantielles desdites actions puisqu'elles ne permettaient pas l'exercice normal de l'activité sociale,

Plus subsidiairement,

Que la garantie contractuelle devait jouer, Raymond Mariotte n'ayant d'ailleurs pas répondu â la réclamation notifiée à ce titre,

La SARL Sanidis demande, en conséquence, à la cour de :

Vu le protocole du 9 avril 1999,

Vu la convention de garantie du 25 juin 1999,

Vu les articles 1108 et suivants du Code civil,

Vu les articles 1134 et suivants du Code civil,

Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,

Infirmer le jugement,

A titre principal,

Prononcer la résolution pour vice caché de la cession d'actions dont s'agit et condamner Raymond Mariotte à restituer à la SARL Sanidis le montant du prix payé avec intérêts au taux légal à compter du jour du paiement du prix, soit du 30 juin 1999;

Subsidiairement,

Prononcer la nullité, la cession intervenue pour vice du consentement et condamner Raymond Mariotte à restituer à la SARL Sanidis le montant du prix payé avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 1999

Très subsidiairement,

Condamner Raymond Mariotte, par application de l'engagement de garantie, à payer à la société Sanidis la somme de 2 000 000 F sauf à parfaire avec intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 1999, date de la lettre recommandée avec accusé de réception valant mise en demeure

Si mieux n'aime

Avant dire droit, désigner un expert avec pour mission de se livrer à un examen de la situation comptable et financière de la société Mariotte au 30 juin 1999, date de la cession, de dire si les marchés traités et passés par la société Mariotte durant le premier semestre 1999 (du 1er janvier 1999 au 30 juin 1999) l'ont été à perte ou dans les conditions normales du marché,

En toute hypothèse

Condamner Raymond Mariotte à payer la société Sanidis la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 20 000 F, par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Intime, Raymond Mariotte fait valoir, en substance:

Qu'il n'y avait pas de vice caché, les actions cédées ayant bien permis le transfert de la globalité de l'activité de l'entreprise,

Que le cessionnaire ayant fait précéder acquisition d'un audit comptable qui diminution du prix, ne pouvait invoquer ni le avait dol ni l'erreur,

Que la garantie de passif ne pouvait jouer, faute d'une situation contradictoirement établie, pourtant prévue au protocole,

Raymond Mariotte demande, en conséquence, à la Cour, de:

Confirmer le jugement,

Y ajoutant,

Dire abusive en tout cas significative d'exécution de bonne foi des l'action de la société Sanidis, et d'un manquement à l'obligation conventions,

Condamner en conséquence la société Sanidis à payer à Monsieur Mariotte la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts,

Condamner la société Sanidis à payer à Raymond Mariotte la somme de 25 000 F, par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision et aux conclusions déposées, spécialement celles de Raymond Mariotte en date du 15 juin 2001 et de la SARL Sanidis en date du 17 avril 2001;

Motifs

Considérant que les moyens invoqués par l'appelante au soutien de son recours ne font que réitérer sous une forme nouvelle mais sans justification complémentaire utile ceux dont le tribunal a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation;

Qu'il résulte des énonciations non contredites du jugement attaqué, des écritures des parties et des pièces par elles régulièrement produites que:

Par acte sous seing privé en date du 9 avril 1999, Raymond Mariotte s'est engagé à céder à Bernard Bigo, avec faculté de substitution, la totalité de la pleine propriété des 9 350 actions composant le capital social de la société "EAR L. Mariotte ", moyennant le prix global de 2 900 000 F;

Dans ce protocole, Raymond Mariotte garantissait, notamment, que, d'une part, la situation de la société "EAR Mariotte n'est et n 'a jamais été en état de cession de paiements, et que, d'autre part, les ventes de la société avaient été jusqu'à ce jour conclues et seraient conclues jusqu'à la date de la cession à des conditions normales du marché, sans conditions préférentielles par la société, ni remises exceptionnelles en dehors du simple jeu des usages commerciaux, dont l'interruption pourrait affecter les comptes des exercices passés ou futurs;

Raymond Mariotte s'engageait également à exécuter ses obligations de garantie d'actif net, tel visées au protocole spécial du 25 juin 1999 sous la forme, au choix et selon les directives du bénéficiaire soit d'un remboursement du prix perçu par le garant sur les actions, soit d'un versement dans la caisse sociale, soit d'un paiement direct entre les mains du ou des créanciers; la mise en œuvre de la garantie prévoyait l'information par le garant, dès la révélation d'un supplément de passif ou d'une insuffisance d'actif, lui laissant un délai de 30 jours pour faire connaître sa position, l'absence de réponse valant acceptation,

La cession des titres est effectivement intervenue le 30 juin 1999, entre le cédant et la SARL Sanidis, cessionnaire substitué,

Soutenant que la situation de l'entreprise, dont la direction avait été assurée jusqu'au 30 juin 1999 par Raymond Mariotte, était en réalité catastrophique et ne correspondait pas aux déclarations et garanties données, la SARL Sanidis, par lettre du 22 octobre 1999, réclamait, vainement, à Raymond Mariotte un apport de 2 000 000 F, au titre de sa garantie;

Par jugement du 2 novembre 1999, la SA EAR Mariotte était mise en redressement judiciaire;

La SARL Sanidis faisait assigner Raymond Mariotte en résolution de la cession pour vices cachés ou en annulation de celle-ci, pour vice du consentement (dol ou erreur); ce dont elle était déboutée parle jugement déféré;

Considérant que, par application des dispositions des articles 783 et 784 du nouveau Code de procédure civile, doivent être écartées des débats les conclusions déposées par la SARL Sanidis les 9 et 13 novembre 2001, postérieures à l'Ordonnance de clôture rendue le 20 septembre précédent; qu'en effet, le dépôt, par la SARL Sanidis elle-même, d'une plainte avec constitution de partie civil, après ladite Ordonnance, pour des faits relatifs des travaux non facturés, manifestement sans influence sur l'appréciation de la valeur des actions cédées, ne constitue pas une cause grave dont elle puisse se prévaloir pour obtenir le report de la clôture ;

Considérant que la SARL Sanidis, qui ne conteste pas avoir reçu avec les actions elles-mêmes le contrôle et la direction effective de la société Mariotte et avoir pu accomplir l'objet social pendant plusieurs mois avant le dépôt de bilan, ne saurait invoquer un quelconque vice caché pour obtenir la résolution de la cession desdites actions, l'usage des droits sociaux n'ayant pas été affecté par les anomalies mentionnées;

Que les conditions dans lesquelles s'est négociée la cession litigieuse, sur plusieurs mois, démontrent que la SARL Sanidis, qui avait obtenu tous les documents souhaités, était pleinement et exactement informée de la situation de la société Mariotte, et avait pu apprécier la valeur réelle des actions en cause, grâce à l'assistance de professionnels qualifiés, et que par suite se trouvaient exclues l'erreur ou le dol ;

Qu'ainsi, dans une première phase, un protocole d'accord était établi, le 9 avril 1999, entre Raymond Mariotte et la SARL Sanidis, comportant promesse synallagmatique de cession des actions de la société Mariotte; que cet acte avait été précédé de l'analyse de la situation de la société et des documents comptables par la SARL Sanidis et ses conseils, le cabinet d'expertise comptable Rouzeau et Me Bouchet, avocat, spécialisé en droit des affaires; qu'il prévoyait expressément qu'une situation contradictoire serait arrêtée par les parties par les soins de l'expert comptable du cédant assisté de l'expert comptable du cessionnaire; que Raymond Mariotte s'engageait, en fournissant d'ailleurs sa caution personnelle supporter et régler de ses deniers la baisse éventuelle de la situation nette de la société EAR Mariotte par rapport à la situation nette, telle qu'il l'avait garantie à la date du 31 décembre 1998 ; que, dans un souci manifeste de transparence, et, pour éviter toute contestation ultérieure, le protocole permettait la résolution sans indemnité du contrat par le cessionnaire, après un audit comptable effectué par ses soins ;

Que, dans un deuxième temps, la cession définitive était passée le 26 juin 1999, soit deux mois et demi plus tard; que, pour tenir compte des vérifications comptables auxquelles s'était livrée la SARL Sanidis et qui révélaient une différence sur les capitaux propres (d'ailleurs elle-même discutée), le prix était sensiblement diminué, aux termes d'un protocole transactionnel ratifié la veille;

Qu'à la même date, était signée une nouvelle convention de garantie d'actif net, dont la mise en œuvre prévoyait l'établissement préalable d'un bilan contradictoire arrêté à la date de cession;

Que, malgré les possibilités ainsi offertes, la SARL Sanidis, au lieu de renoncer à son acquisition, a préféré une diminution de prix; qu'elle n'a pas davantage permis l'établissement contradictoire d'un bilan arrêté à la date de cession, nécessaire à la mise en jeu de la garantie d'actif net; que bien au contraire, dans le but manifeste d'obtenir de son propre comptable un document destiné à justifier ses déboires, elle a écarté Raymond Mariotte des opérations, privant de toute valeur non seulement le document lui-même, réalisé dans un contexte très conflictuel, mais aussi la demande consécutive de fonds propres faite au cédant, en exécution de ladite garantie;

Que la SARL Sanidis ne saurait à la fois dénier à Raymond Mariotte le droit de discuter l'origine du dépôt de bilan de la société Mariotte et soutenir que cet acte aurait pour cause l'état de cessation des paiements de cette dernière au jour de la cession litigieuse;

Qu'en réalité, l'activité de la société Mariotte, exercée dans le bâtiment, étant essentiellement saisonnière, seuls les concours bancaires permettaient d'en assurer la continuité; que, notamment, le refis par les nouveaux dirigeants de la société Mariotte, de profiter de ces concours, et leur choix de marchés moins importants, alors que le carnet de commande était bien fourni et que les créances clients compensaient le passif, a favorisé la cessation de paiements; que cette analyse s'éclaire de celle de Me Bidan, administrateur au redressement judiciaire de la société Mariotte, selon lequel les difficultés passagères de la société Mariotte, durant le dernier exercice, s'expliquaient par l'accroissement de la production, les achats de matières premières importants pour y satisfaire et les litiges chantiers ; que ce mandataire étaie sa préférence pour un plan de continuation, d'ailleurs décidé par le tribunal, pouffant saisi d'une offre de reprise, en prônant une politique d'obtention des marchés plus stricte, une maîtrise des charges d'exploitation, un réaménagement des financements bancaires et une restructuration financière, conditions nécessaires à la rentabilité de l'entreprise, elle-même certaine compte tenu de l'évolution très favorable de cette branche d'activité;

Qu'il n'est donc en rien établi que la société Mariotte était en état de cessation de paiements lors de la cession de ses actions à la SARL Sanidis, et que celle-ci a été victime d'une erreur sur les qualités substantielles des titres ainsi acquis; qu'aucune manœuvre dolosive n'est davantage démontrée, en l'absence de toute dissimulation sur la situation de l'entreprise de nature à modifier l'opinion du cessionnaire sur la leur valeur;

Considérant que la SARL Sanidis, qui succombe, supportera les dépens ; qu'elle ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que l'équité commande, en revanche, de faire droit à la demande de Raymond Mariotte fondée sur ce texte, avec maintien de la condamnation prononcée à ce titre par le tribunal; que, si la SARL Sanidis a certes abusé du droit d'appel, et de celui reconnu à chacun de se défendre en justice, il n'est pas établi que cette faute a généré un dommage distinct de celui déjà réparé par les sommes allouées au titre des frais non compris dans les dépens; que la demande de Raymond Mariotte pour procédure abusive sera, par conséquent, rejetée;

Par ces motifs, Vu les articles 783 et 784 du nouveau Code de procédure civile, Ecarte des débats les conclusions déposées les 9 et 13 novembre 2001 par la SARL Sanidis, Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel, Y ajoutant, Déboute la SARL Sanidis de sa demande au titre des frais non répétibles et Raymond Mariotte de celle en dommages et intérêts qu'il a formée pour procédure abusive; Condamne la SARL Sanidis à payer à Raymond Mariotte la somme de 3 800 euro, par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile Condamne la SARL Sanidis aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux positions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.