Livv
Décisions

CA Paris, 23e ch. B, 16 mars 1990, n° 88-004502

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Texier (époux)

Défendeur :

SCI du Domaine de Villennes (Sté), UAP (Sté), SIPEG (Sté), SMABTP (Sté), SNC Quillery (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Gilbert des Aubineaux

Conseillers :

MM. Martin, Leo

Avoués :

Mes Bourdais-Virenque, Gibou-Pignot, Careto, SCP Bomma Forster, SCP Bernabe

Avocats :

Mes Veisseyre, Kremer, Caron, Eschasserieaux, Zavrian, Sma.

TGI Paris, 7e ch., 1re sect., du 4 nov. …

4 novembre 1987

Vu le jugement du Tribunal de grande instance de Paris (7e chambre, 1re section) du 4 novembre 1987 qui :

- a déclaré irrecevable comme formée après l'expiration du délai de garantie prévu par l'article 2270 du Code civil de la demande que les époux Texier avaient dirigée contre la SCI du Domaine de Villennes et la compagnie Union des Assurances de Paris, auprès de laquelle elle avait souscrit une police d'assurance " maître d'ouvrage " en vue d'obtenir réparation des conséquences des désordres affectant le mur de soutènement de la terrasse de la maison située à Villennes-sur-Seine (78) qu'ils avaient acquise le 6 avril 1976 en l'état futur d'achèvement,

- a constaté que les recours en garantie exercés par la SCI du Domaine de Villennes et la compagnie Union des Assurances de Paris contre la société Ferret Savinel, la société SIPEG et la SMABTP étaient sans objet,

- a condamné les époux Texier aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel des époux Texier du 9 février 1988 ;

Vu les conclusions aux termes desquelles ils demandent :

- qu'il soit constaté que le mur de soutènement et la terrasse en cause n'étaient pas inclus dans la construction ayant fait l'objet de l'acte de vente qui avait été passé le 6 avril 1976 et avaient donné lieu à des marchés distincts, qu'il n'est pas justifié d'une réception de ces ouvrages ayant pu faire courir le délai de garantie décennale institué par les articles 1792 et 2270 du Code civil, et que leur action est en conséquence recevable dans le droit commun de la responsabilité contractuelle,

- qu'il soit en outre constaté que la compagnie Union des Assurances de Paris a admis que leurs prétentions étaient justifiées en leur principe puisqu'elle avait offert au mois de mai 1984 de leur payer une indemnité de 16 285,08 F,

- que la SCI du Domaine de Villennes et les compagnies Union des Assurances de Paris soient condamnées in solidum à leur payer la somme de 88 495,50 F, à actualiser en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction depuis le mois de septembre 1985, en vue de réparer les conséquences des désordres et celle de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la SCI du Domaine de Villennes tendant à ce que le jugement dont appel soit confirmé et à ce que les époux Texier soient condamnés à lui payer la somme de 15 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusion aux termes desquelles la compagnie Union des Assurances de Paris demande :

- que le jugement dont appel soit confirmé en ce qu'il a constaté que l'action des époux Texier était prescrite et que l'offre d'indemnisation qu'elle avait faite à ces derniers n'impliquait pas la reconnaissance de son obligation à garantie,

- qu'il soit subsidiairement constaté que les désordres en cause n'affectent pas des ouvrages couverts par la garantie décennale et qu'au surplus ces ouvrages ne font pas partie du bâtiment garanti par la police souscrite auprès d'elle,

- que les époux Texier soient en conséquence condamnés à lui rembourser la somme de 12 000 F qu'elle leur a payée en exécution d'une ordonnance de référé du 8 novembre 1984 et à lui payer la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- plus subsidiairement que si des condamnations étaient prononcées contre elle la société Quillery, venant aux droits de la société Ferret Savinel, et la société SIPEG, à laquelle cette dernière avait sous-traité l'exécution des travaux, soient condamnées à l'en garantir ;

Vu les conclusions de la société Quillery et de son assureur, la SMABTP, tendant à la confirmation du jugement dont appel ;

Vu les conclusions aux termes desquelles la société SIPEG demande :

- à titre principal que le jugement dont appel soit confirmé et à ce que les époux Texier soient condamnés à lui payer la somme de 7 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- subsidiairement que la société Quillery et la SMABTP soient condamnées à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;

Vu l'ordonnance de clôture du 19 janvier 1990 ;

Les époux Texier ont suivant acte du 6 avril 1976 acquis en l'état futur d'achèvement de la SCI du Domaine de Villennes un pavillon de type " Beaumont 120 " avec jardin attenant.

La SCI du Domaine de Villennes avait confié la construction de ce pavillon à la société Ferret Savinel, qui en avait elle-même sous-traité l'exécution à la société SIPEG.

Une police d'assurance " maître d'ouvrage " avait été souscrite auprès de la compagnie Union des Assurances de Paris.

Un procès-verbal d'achèvement de travaux, signé par les époux Texier et un représentant de la SCI du Domaine de Villennes, devait être établi le 7 octobre 1976.

La date de la réception des mêmes travaux par la SCI du Domaine de Villennes n'a pas été précisée par les parties.

Des désordres ayant affecté le mur de retenue des terres servant d'assise à la terrasse extérieure de la maison, une expertise devait être ordonnée par le juge des référés le 8 novembre 1984.

M. François Pinchon, commis pour procéder à cette expertise, a établi le 30 août 1985 un rapport aux termes duquel il a indiqué :

- que le mur de soutènement retenant les terres de la terrasse faisait l'objet de mouvements provoquant l'apparition de fissures sur le dallage, et que ces mouvements étaient dus à un ancrage insuffisant dans le sol,

- que la fissuration du dallage, qui avait été réalisé par une entreprise étrangère à la procédure, était cependant partiellement due à une exécution défectueuse de ce dallage,

- que le coût de la réfection du mur pouvait etre évalué à la somme de 66 080,50 F TTC et celui de la réfection du dallage à la somme de 22 415,40 F TTC.

Il n'est pas contesté que la terrasse atteinte de désordres ne faisait pas partie des ouvrages que la SCI du Domaine de Villennes s'était engagée à réaliser aux termes du contrat de vente en l'état futur d'achèvement passé avec les époux Texier, et que ceux-ci en ont confié à une époque non précisée l'exécution à une autre entreprise que la société Ferret Savinel ou la société SIPEG.

Il n'est pas non plus contesté que c'est la société Ferret Savinel qui a fait construire par la société SIPEG le mur de soutènement destiné à retenir les terres qui devaient par la suite servir d'assise à la terrasse.

Il y a lieu de constater qu'étant extérieur au bâtiment et n'ayant pour objet que de maintenir des terres dont il n'est pas établi qu'elles étaient à l'origine destinées à servir d'assise à une terrasse dallée pouvant être considérée comme une annexe du bâtiment, ce mur de soutènement n'entrait pas dans le champ de la garantie décennale tel qu'il était défini par l'article 1792 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 janvier 1978.

Les époux Texier précisent d'ailleurs qu'ils ne fondent pas leur action sur les dispositions de ce texte, et c'est par suite d'une erreur manifeste qu'ils se réfèrent dans leurs conclusions aux dispositions de l'article 1646-1 du Code civil alors qu'il résulte des termes de ces conclusions qu'ils ont entendu se placer dans le cadre du droit commun de la vente pour obtenir réparation du dommage qu'ils subissent.

Les constatations effectuées par l'expert, qui ne font pas l'objet de discussion, démontrant que le mur de soutènement construit par la société SIPEG présente des défauts de conception ou d'exécution le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné.

La SCI du Domaine de Villennes doit donc être condamnée, en application des dispositions de l'article 1641 du Code civil, à réparer les conséquences des désordres dont il est affecté, comprenant les dégradations occasionnées à la terrasse, à l'entière réalisation desquelles ils ont contribué.

Les désordres en cause ne relevant pas de la garantie décennale, la police d'assurance " maître d'ouvrage " souscrite auprès de la compagnie Union des Assurances de Paris ne peut par ailleurs recevoir application en l'espèce.

Il y a enfin lieu de constater qu'en l'état la SCI du Domaine de Villennes ne formule pas de recours en garantie contre la société Quillery, venant aux droits de la société Ferret Savinel, ni contre la société SIPEG.

Les circonstances de la cause ne justifient l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile qu'au profit des époux Texier, auxquels il apparaît équitable d'allouer à ce titre une somme de 5 000 F.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; En la forme reçoit l'appel. Au fond, infirmant le jugement du Tribunal de grande instance de Paris (7e chambre, 1re section) du 4 novembre 1987 faisant l'objet de cet appel ; Déclare la SCI du Domaine de Villennes tenue de réparer les conséquences des malfaçons affectant le mur de soutènement de la terrasse attenante à la maison qu'elle a vendue aux époux Texier la 6 avril 1976 ; La condamne à payer aux époux Texier, en vue de faire procéder aux travaux nécessaires pour y remédier, la somme de 88 495,50 F, actualisée en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction depuis le mois de septembre 1985.