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Décisions

CCE, 7 mai 2004, n° 2005-350

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Régime d'aides accordé par l'Espagne en faveur des industries d'huile de grignons d'olive

CCE n° 2005-350

7 mai 2004

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations, conformément audit article (1), et tenant compte de ces remarques, considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 14 décembre 2001, la Commission a demandé aux autorités espagnoles des informations à l'égard du régime d'aides accordé aux industries d'huile de grignons d'olive.

(2) Par lettre du 4 janvier 2002, les autorités espagnoles ont notifié à la Commission le régime d'aides accordé aux industries d'huile de grignons d'olive exposé dans la décision d'ouverture de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité.

(3) Le régime d'aides ayant déjà été adopté, il a été transféré au registre des aides non notifiées (aide NN 14-02).

(4) Par lettre du 12 mars 2002, la Commission a notifié à l'Espagne sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité concernant l'aide susmentionnée.

(5) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les mesures en cause.

(6) Par lettre du 15 avril 2002, l'Espagne a présenté une série d'observations. Par courrier du 2 avril 2004, l'Espagne a adressé des informations complémentaires.

(7) La Commission n'a pas reçu d'observations à ce sujet de la part des intéressés.

II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE

(8) Dénomination, régime: régime d'aides en faveur des industries d'huile de grignons d'olive.

(9) Budget: le budget maximal estimé est de 1 202 024,21 euro (EUR).

(10) Durée: un an.

(11) Bénéficiaires: les industries d'extraction, de raffinage et de mise en bouteille d'huile de grignons d'olive.

(12) Objectif des mesures: financer l'adaptation des processus de production des industries aux nouvelles spécifications prévues par l'arrêté du ministère de la Présidence du 25 juillet 2001, fixant des limites pour certains hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'huile de grignons d'olive (3) et garantir le fonctionnement normal des moulins au cours de la campagne 2001/2002.

(13) Répercussions possibles des mesures: elles pourraient fausser la concurrence, en favorisant certaines productions d'huile d'olive, et violer les dispositions de l'organisation commune de marché correspondante.

(14) Intensité de l'aide, coûts éligibles, cumul: prêts à taux d'intérêt bonifiés et bonification des garanties pour lesdits prêts. Le montant des prêts varie en fonction des bénéficiaires.

(15) Les raisons ayant motivé l'ouverture de la procédure sont décrites ci-après.

(16) L'arrêté du ministère de l'Agriculture du 14 novembre 2001 établit une ligne de financement en faveur des industries d'extraction, de raffinage et de mise en bouteille de l'huile de grignons d'olive (4), consistant en aides accordées sous la forme de prêts, d'un montant global maximal de 5 milliards de pesetas espagnoles (ESP) (30,05 millions EUR), avec un taux d'intérêt bonifié par le ministère de l'Agriculture (ci-après dénommé le "MAPA"), qui pourra aussi bonifier les garanties accordées sur lesdits prêts.

(17) Les prêts sont destinés à financer l'adaptation des processus de production des industries aux nouvelles spécifications prévues par l'arrêté du ministère de la Présidence du 25 juillet 2001 et à garantir le fonctionnement normal des huileries durant la campagne 2001/2002.

(18) Les montants maximaux unitaires des prêts par bénéficiaire seront tels qu'indiqués dans les reconnaissances des droits du MAPA, par l'intermédiaire de la Agencia para el Aceite de Oliva (l'Agence pour l'huile d'olive). À cet effet, il sera tenu compte de la quantité garantie des stocks d'huile à tous les stades de la production industrielle, pour chaque industrie, au 3 juillet 2001, de la quantité d'huile livrée aux industries de mise en bouteille pour la distribution commerciale depuis cette date jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du MAPA du 14 novembre 2001 et du prix type maximal de 125 ESP (0,761266 EUR) par kilogramme en stock.

(19) Les bénéficiaires des aides devront avoir adapté ou commencé à adapter leurs processus de production aux nouvelles spécifications, avant la première échéance des intérêts. Le volume de production pour la campagne 2001/2002 devra être similaire à celui des trois campagnes précédentes.

(20) Le montant maximal des prêts pour les différents secteurs est le suivant:

- pour les industries d'extraction: 22 537 953,91 EUR,

- pour les raffineries: 4 507 590,78 EUR,

- pour les industries de mise en bouteille: 3 005 060,52 EUR.

(21) L'Institut de crédit officiel (ICO), en collaboration avec les organismes financiers, offre une ligne de crédit aux conditions suivantes:

- la durée des prêts est d'un an,

- le taux d'intérêt est le taux de référence ICO appliqué aux opérations à un an, en vigueur au moment de l'octroi des prêts,

- la marge bénéficiaire des organismes financiers est de 0,75 points,

- le risque lié à ces prêts est assumé par les organismes financiers,

- la bonification du MAPA est de trois points; les bénéficiaires devront payer un taux minimal de 1,5 %.

(22) Le MAPA peut également fixer des bonifications pour les garanties accordées, le cas échéant, par la Sociedad Estatal de Caución Agraria, lorsque cela s'avérera nécessaire à l'obtention des prêts. Le montant de la bonification de la garantie sera destiné au paiement des coûts de gestion pour un montant n'excédant pas 1 % du solde en attente du prêt garanti.

(23) Lors de l'ouverture de la procédure, la Commission a pris en compte les considérations exposées ci-après.

(24) La bonification du taux d'intérêt des prêts constitue une aide octroyée par l'État aux industries d'extraction, de raffinage et de mise en bouteille de l'huile de grignons d'olive. De plus, certaines industries bénéficient d'une autre aide accordée par l'État. Il s'agit de la bonification d'une partie des coûts de gestion des garanties de ces prêts bonifiés.

(25) Il est prévu que les prêts seront partiellement destinés au financement de l'adaptation des processus de production des industries aux nouvelles normes et spécifications prévues par l'arrêté du ministère de la Présidence du 25 juillet 2001. Cependant, le montant des prêts bonifiés et le montant de l'aide ne sont pas liés au coût de l'adaptation des processus de production. En effet, les montants maximaux unitaires des prêts par bénéficiaire seront tels qu'indiqués dans les reconnaissances de droits délivrées par le MAPA, par l'intermédiaire de l'Agence pour l'huile d'olive. Celle-ci se base sur la quantité garantie des stocks d'huile à tous les stades de la procédure industrielle, pour chaque industrie, au 3 juillet 2001, et sur la quantité d'huile livrée aux industries de mise en bouteille pour la distribution commerciale. À ce stade, la Commission ne disposait pas d'informations indiquant que ces aides étaient liées à des investissements en rapport avec les coûts éligibles énumérés par les lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole (5).

(26) Ainsi, sur la base des informations disponibles, la Commission a considéré que les aides prévues sous forme de prêts à taux d'intérêt bonifiés et de bonification d'une partie du coût de gestion des garanties semblaient être des aides d'État destinées à améliorer la situation financière des producteurs, mais qui ne contribuent, en aucune manière, au développement du secteur (point 3.5 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole). Par conséquent, à ce stade, les aides qui auraient pu être accordées semblaient être des aides au fonctionnement, incompatibles avec le Marché commun. Ces aides n'ont aucun effet durable sur le développement du secteur et leur effet immédiat disparaît avec la mesure elle-même [arrêt du Tribunal de première instance du 8 juin 1995, dans l'affaire T-459-93, Siemens SA contre Commission (6)]. Ces aides ont pour effet direct d'améliorer les possibilités de production et d'écoulement des produits par les opérateurs concernés par rapport à d'autres opérateurs qui ne bénéficient pas (sur le territoire national aussi bien que dans les autres États membres) d'aides comparables.

(27) En outre, il est nécessaire de considérer que ces aides aux industries d'extraction, de raffinage et de mise en bouteille d'huile de grignons d'olive concernent un produit, l'huile d'olive, soumis à une organisation commune de marché, conformément au règlement n° 136-66-CEE du Conseil du 22 septembre 1966 portant établissement d'une organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses (7). L'intervention des États membres dans le fonctionnement de ces organisations est donc limitée, puisqu'elle relève de la compétence exclusive de la Communauté. La jurisprudence constante de la Cour de justice [voir, entre autres, l'arrêt du 26 juin 1979 dans l'affaire 177-78 (8), Pigs and Bacon Commission contre McCarren and Company Limited] établit que les organisations communes de marché sont à considérer comme des systèmes complets et exhaustifs qui excluent tout pouvoir des États membres d'adopter des mesures pouvant y déroger ou y porter atteinte. À ce stade, il semblait donc que ces aides devaient être considérées comme des infractions aux organisations communes de marché et donc à la réglementation communautaire.

(28) Au vu de l'analyse qui précède, dans la phase d'ouverture de la procédure, la Commission a considéré que les aides analysées semblaient devoir être considérées comme des aides au fonctionnement, incompatibles avec le Marché commun. Elles ne semblaient pouvoir bénéficier d'aucune des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, du traité. La Commission a donc décidé d'ouvrir la procédure correspondante prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité.

III. COMMENTAIRES DE L'ESPAGNE

(29) Par lettre du 15 avril 2002, l'Espagne présente donc les conclusions ci-après.

(30) Le 3 juillet 2001, le Gouvernement espagnol, par l'intermédiaire du ministère de la Santé et de la Consommation, a décidé d'immobiliser tous les lots d'huile de grignons d'olive existant alors sur le marché espagnol, aux différents stades de la filière agroalimentaire.

(31) L'immobilisation et l'interdiction de la vente au public de l'huile d'olive a été décidée, uniquement et exclusivement, afin de préserver les intérêts des consommateurs. En effet, au cours des jours précédents, les divers contrôles de qualité réalisés par les différents groupes chargés de veiller au bon respect des exigences sanitaires avaient révélé qu'un lot au moins d'huile de grignons d'olive présent sur le marché contenait certains composants appartenant au groupe des hydrocarbures aromatiques polycycliques, dans des concentrations pouvant constituer un risque pour le consommateur.

(32) Pour ces raisons, le Gouvernement espagnol, par l'intermédiaire du ministère de la Présidence, a publié l'arrêté du 25 juillet 2001 fixant les limites de certains hydrocarbures aromatiques polycycliques dans lesdites huiles et dans lequel est indiqué la procédure normalisée de travail régissant le processus de production destiné à l'obtention d'huile de grignons.

(33) Les stocks d'huile de grignons concernés par la mesure ont été estimés à 30 000 tonnes, réparties sur les 56 industries extractrices actives en Espagne. 12 000 tonnes supplémentaires étaient stockées dans les 7 raffineries et 8 000 tonnes étaient réparties dans les 150 usines de mise en bouteille existant en Espagne.

(34) Le MAPA a pris la mesure de la grande difficulté que pourraient représenter pour ce secteur les 50 000 tonnes immobilisées en pleine campagne de production d'huile d'olive. En effet, après avoir calculé que la récolte de ladite année allait dépasser le million de tonnes, il a prévu que l'huile de grignons obtenue serait supérieure à 80 000 tonnes. C'est-à-dire qu'au début de l'année 2002 les stocks d'huile de grignons pourraient s'élever à près de 130 000 tonnes, avec de faibles perspectives d'écoulement sur le marché.

(35) En Espagne, les industries d'extraction de l'huile de grignons sont chargées de retirer des pressoirs les sous-produits de la fabrication d'huile, grignons et résidus appelés alperujos. Étant donné la crise, il était improbable qu'elles évacueraient les grignons et alperujos vers leurs installations afin d'obtenir de l'huile de grignons. Cette situation aurait provoqué une catastrophe environnementale aux proportions incalculables. En effet, les moulins n'avaient ni la capacité de stocker indéfiniment les sous-produits, ni celle de procéder à leur décontamination.

(36) Les industries d'extraction de l'huile de grignons, en retirant les sous-produits des pressoirs d'olives, résolvent totalement les problèmes environnementaux dus au processus d'obtention d'huile d'olive. Ainsi, la filière extraction - raffinage - mise en bouteille - distribution de l'huile de grignons revêt une importance décisive dans l'activité économique du secteur (10 % de la production finale agricole espagnole).

(37) L'inactivité de la chaîne alimentaire d'huile d'olive et la paralysie du secteur qui en découlerait rendraient le financement de la nouvelle campagne impossible. En effet, les obligations de paiement découlant du financement de la campagne précédente ne seraient que partiellement honorées, ce qui aurait pour résultat de rendre les organismes financiers peu enclins à financer la nouvelle campagne.

(38) L'objectif du gouvernement était de faire en sorte que les entreprises concernées, dont les recettes provenant de leurs ventes habituelles auraient diminué du fait de l'alerte sanitaire, puissent faire face aux paiements correspondant à la campagne précédente et retrouver leur capacité d'endettement auprès des sociétés de crédit en vue de la nouvelle campagne. Il visait également à encourager les processus de production présentant une garantie sanitaire totale et à retrouver la confiance du consommateur.

(39) Il s'agissait d'une situation exceptionnelle dérivée de la suspension du marché décrétée par l'administration espagnole, pour des raisons de sécurité alimentaire, bien que ni la législation communautaire ni la réglementation espagnole ne prévoyait de niveau maximal pour la présence des substances détectées. C'est une mesure palliative de faible importance face à une situation exceptionnelle, comme peut l'être la suspension d'un marché, qui pourrait avoir des conséquences extrêmement graves pour tout le secteur oléicole espagnol.

(40) Ces aides sont accordées dans le cadre d'engagements pris par les bénéficiaires. Une première exigence est d'avoir commencé l'adaptation des processus de production en vue de répondre aux nouvelles dispositions de la législation espagnole en matière de limite de présence de certains hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'huile de grignons d'olive. Auparavant, elle n'était réglementée ni par les normes communautaires, ni par la législation espagnole. Une autre contrepartie est l'engagement des bénéficiaires à atteindre une production pour la campagne 2001/2002 similaire à celle des trois campagnes précédentes. On garantit ainsi le développement du secteur des grignons et le retrait des résidus polluants.

(41) L'objectif de ces aides n'est pas simplement d'améliorer la situation financière du producteur sans contribuer au développement du secteur. Ces aides sont compatibles avec le Marché commun car elles représentent des mesures incitatives exigeant des contreparties de la part des bénéficiaires. De plus, il est inexact d'affirmer qu'elles sont octroyées exclusivement sur la base du prix, de la quantité, de l'unité de production ou de l'unité de facteurs de production. Outre une référence quantitative, la valeur des prêts est déterminée sur la base d'une série d'exigences obligatoires.

(42) La communication de la Commission concernant les aides d'État relatives aux crédits à court terme à taux d'intérêt bonifiés en agriculture ("crédits de gestion") (9) reconnaît que l'agriculture communautaire se trouve dans une situation défavorable par rapport à d'autres secteurs, tant du point de vue de la nécessité d'obtenir des prêts à court terme que du point de vue de sa capacité à les financer. Ces prêts ne doivent pas être utilisés pour apporter une aide sélective à certains secteurs ou opérateurs économiques du secteur agricole, pour des raisons qui ne seraient pas exclusivement liées à ces difficultés. Cependant, les aides d'État pour ce type de prêts peuvent exclure, d'après l'évaluation faite par l'État membre concerné, d'autres activités ou opérateurs économiques ayant moins de difficultés à obtenir des prêts à court terme.

(43) En conclusion, l'Espagne considère que:

- il s'agit d'un événement extraordinaire auquel pourrait s'appliquer la compatibilité établie à l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité,

- l'aide vise à pallier les conséquences de la suspension du marché due à une déclaration d'alerte sanitaire. Elle ne vise pas à placer les bénéficiaires dans une situation avantageuse, mais à maintenir une activité productive totalement nécessaire à la stabilité de l'environnement dans la chaîne de production oléicole,

- l'aide constitue une incitation dont l'octroi exige des contreparties de la part des bénéficiaires, contribuant ainsi au développement du secteur. Les dispositions de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité lui sont donc également applicables,

- l'absence d'aides à court terme entraverait le bon déroulement de l'activité de production de l'huile d'olive et paralyserait la chaîne de production. Les conditions des échanges s'en trouveraient donc gravement affectées et il en résulterait des dommages additionnels irrémédiables pour l'environnement, dans une mesure contraire à l'intérêt commun,

- le secteur concerné, face à cette situation exceptionnelle de perte de marché due au manque de confiance des consommateurs, a également perdu la confiance des banques dans sa capacité d'endettement pour le financement des campagnes. Cette situation exigeait de l'administration des aides pour faciliter le financement nécessaire.

(44) Par lettre du 2 avril 2004, l'Espagne a adressé des informations complémentaires. D'après ces informations, la suspension du marché due à une déclaration d'alerte sanitaire et l'adoption de nouvelles règles par les autorités publiques ont contraint à retirer l'huile de grignons d'olive du marché. Le secteur a procédé à son expédition vers les sites de mise en bouteille, afin qu'elle soit de nouveau raffinée, en vue d'en éliminer le contenu en hydrocarbures aromatiques polycycliques, puis reconditionnée et réétiquetée avant sa remise sur le marché.

(45) Les stocks d'huile de grignons concernés par la mesure publique ont été estimés à 50 000 tonnes. Le budget maximal estimé étant de 1 202 024,21 EUR, l'aide par tonne était de 24 EUR. Le coût d'une tonne d'huile de grignons étant de 600 EUR, le montant de l'aide a correspondu à 4 % du coût de l'huile.

(46) Les frais occasionnés au secteur par le retrait de l'huile, son déconditionnement, son retraitement et son reconditionnement en vue de sa commercialisation ont été très importants et ont entraîné des pertes considérables. Ces coûts sont très supérieurs au montant des aides accordées.

IV. APPRÉCIATION DE L'AIDE

Article 87, paragraphe 1, du traité

(47) L'octroi de prêts à taux d'intérêt bonifiés constitue une aide d'État en faveur des industries d'extraction, de raffinage et de mise en bouteille de l'huile de grignons. De plus, certaines de ces industries recevront une aide d'État sous forme de bonification d'une partie du coût de gestion des garanties de ces prêts bonifiés. Par conséquent, la Commission estime que ces mesures doivent être considérées comme des aides sélectives accordées par l'État.

(48) Les articles 87 et 88 du traité s'appliquent à tous les produits agricoles de l'annexe I soumis à une organisation commune de marché. Les industries d'extraction, de raffinage et de mise en bouteille de l'huile de grignons d'olive élaborent un produit, l'huile d'olive, soumis à une organisation commune de marché. Les articles 87 et 88 s'appliquent donc auxdites aides.

(49) Aux termes de l'article 87, paragraphe 1, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges commerciaux entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence, favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(50) Dans le cas d'espèce, les aides confèrent aux bénéficiaires un avantage réduisant les charges qui pèsent normalement sur leur budget. Elles sont accordées par l'État ou au moyen de ressources d'État. Elles sont spécifiques ou sélectives, dans la mesure où elles favorisent certaines entreprises ou productions et, concrètement, les industries d'extraction, de raffinage et de mise en bouteille de l'huile de grignons d'olive.

(51) Pour pouvoir relever du champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, les aides doivent aussi affecter la concurrence et le commerce entre États membres. Ce critère implique que le bénéficiaire de la mesure exerce une activité économique. D'après la jurisprudence constante concernant cette disposition, on considère que les échanges commerciaux sont affectés lorsque l'entreprise bénéficiaire exerce une activité économique qui fait l'objet d'échanges commerciaux entre les États membres. Le simple fait que l'aide renforce la position de l'entreprise concernée par rapport à d'autres entreprises concurrentes sur le marché intracommunautaire permet de considérer que les échanges commerciaux s'en trouvent affectés.

(52) Dans le cas présent, les bénéficiaires exercent une activité économique, l'extraction, le raffinage et la mise en bouteille d'huile de grignons d'olive, qui fait l'objet d'échanges entre les États membres. En 2000, les expéditions d'huile de grignons d'olive de l'Espagne à la Communauté représentaient une valeur de 7 160 250 EUR. Les entrées étaient de 2 941 310 EUR (10).

(53) En effet, les entreprises bénéficiaires opèrent dans un secteur particulièrement exposé à la concurrence. Il est indispensable de préciser que, dans le secteur de l'huile d'olive, il existe une forte concurrence entre les producteurs des États membres dont les produits font l'objet d'échanges intracommunautaires. Les producteurs espagnols participent pleinement à cette concurrence, puisqu'ils fournissent des quantités substantielles de produits agricoles à d'autres États membres.

(54) Par conséquent, ces aides peuvent affecter les échanges commerciaux d'huile d'olive entre les États membres. C'est ce qui se produit lorsque les aident favorisent des opérateurs actifs dans un État membre, au détriment de ceux d'autres États membres. Les mesures en cause ont une répercussion directe et immédiate sur les coûts de production de l'huile de grignons d'olive en Espagne. Elles offrent donc un avantage financier par rapport aux industries d'autres États membres n'ayant pas accès à des aides comparables. Ainsi, elles faussent ou menacent de fausser la concurrence.

(55) Compte tenu de ce qui précède, les aides en cause doivent être considérées comme des aides d'État répondant aux critères de l'article 87, paragraphe 1. Cependant, le principe d'incompatibilité exprimé à l'article 87, paragraphe 1, accepte des dérogations.

Article 87, paragraphe 2, point b), du traité

(56) L'article 87, paragraphe 2, point b), prévoit que les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires sont compatibles avec le Marché commun. L'Espagne a justifié ces aides en alléguant qu'elles étaient destinées à remédier aux dommages causés par un événement extraordinaire.

(57) D'après l'Espagne, il s'agit d'un événement extraordinaire dérivé de la suspension du marché décrétée par l'administration espagnole, pour des raisons de sécurité alimentaire, auquel pourrait être appliquée la compatibilité établie à l'article 87, paragraphe 2, point b).

(58) S'agissant des dérogations au principe général de l'incompatibilité des aides d'État avec le Marché commun, établi par l'article 87, paragraphe 1 du traité, la Commission considère qu'il faut donner une interprétation restrictive de la notion "d'événement extraordinaire" dont il est fait état à l'article 87, paragraphe 2, point b). Jusqu'à présent, la Commission a accepté que les guerres, les troubles internes ou les grèves, mais aussi, sous certaines réserves et selon leur étendue, de graves accidents nucléaires ou industriels ou des incendies soldés par de lourdes pertes peuvent constituer des événements extraordinaires. Étant donné les difficultés inhérentes aux prévisions en la matière, la Commission détermine si ces aides sont compatibles en les examinant cas par cas, eu égard aux pratiques antérieures dans le domaine considéré (point 11.2.1 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole).

(59) Dans le cas présent, le motif de l'attribution des aides est, selon les autorités espagnoles, la suspension du marché d'huile de grignons d'olive décrétée par l'administration espagnole, pour des raisons de sécurité alimentaire, à la suite de l'intervention des autorités publiques. Cependant, l'Espagne n'a pas prouvé que la suspension du marché constitue un événement extraordinaire au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité.

(60) Par conséquent, ces aides ne peuvent bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 2, point b), au titre d'aides destinées à remédier aux dommages causés par un événement extraordinaire.

Article 87, paragraphe 3, du traité

(61) Les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, ne peuvent être accordées que lorsque la Commission détermine que l'aide est nécessaire à la poursuite de l'un des objectifs considérés. Accorder le bénéfice de ces dérogations à des aides ne répondant pas à cette condition équivaudrait à autoriser des infractions dans les échanges commerciaux entre États membres et à fausser la concurrence de façon injustifiée à la lumière de l'intérêt communautaire. Cela reviendrait, par conséquent, à accorder des avantages indus aux opérateurs de certains États membres.

(62) La Commission considère que les aides en cause n'ont pas été octroyées comme des aides régionales pour la réalisation de nouveaux investissements ou pour la création d'emplois, ni pour compenser horizontalement des désavantages en matière d'infrastructure de l'ensemble des producteurs de la région, mais comme des aides au secteur agricole. Il s'agit par conséquent d'aides à caractère éminemment sectoriel qui doivent être évaluées sous couvert des dispositions de l'article 87, paragraphe 3, point c).

(63) L'article 87, paragraphe 3, point c), prévoit que les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun.

(64) L'adaptation des processus de production des industries aux nouvelles normes et spécifications prévues par l'arrêté du ministère de la Présidence du 25 juillet 2001 est l'une des conditions à remplir pour pouvoir bénéficier de ces aides. Cependant, ni le montant des prêts bonifiés, ni le montant de l'aide ne sont liés aux frais d'adaptation des processus de production. En effet, les montants maximaux unitaires des prêts par bénéficiaire seront tels qu'indiqués dans les reconnaissances de droits délivrées par le MAPA, par l'intermédiaire de l'Agence pour l'huile d'olive, basées sur la quantité garantie des stocks d'huile à tous les stades de la production industrielle de chaque industrie au 3 juillet 2001 et sur le volume d'huile livré aux industries de mise en bouteille pour la distribution commerciale. Les autorités espagnoles n'ont pas fourni d'informations montrant que les aides sont liées aux investissements en rapport avec les coûts éligibles énumérés par les lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole. De plus, et en supposant que ces aides soient liées aux investissements, l'Espagne n'a pas fourni non plus d'informations permettant de vérifier si ces aides à l'investissement répondent aux conditions prévues par lesdites lignes directrices.

(65) Dans ses observations, l'Espagne se réfère à la communication de la Commission concernant les aides d'État relatives aux crédits à court terme à taux d'intérêt bonifiés en agriculture ("crédits de gestion"), mais elle n'a pas fourni non plus d'informations permettant de vérifier si ces aides répondent aux conditions prévues par ladite communication.

(66) Ces aides doivent en particulier être offertes à tous les opérateurs économiques du secteur agricole, sans aucune forme de discrimination. Si certaines activités ou certains opérateurs sont exclus, l'État membre doit démontrer que tous les cas d'exclusion sont dûment justifiés. L'Espagne n'a fourni aucune information à ce sujet. L'aide doit uniquement compenser les désavantages. Ceux-ci doivent être quantifiés par l'État membre. L'Espagne n'a fourni aucune information à ce sujet. Par conséquent, ces aides ne répondent pas aux conditions prévues par cette communication.

(67) Dans sa lettre du 2 avril 2004, l'Espagne explique que la suspension du marché due à la déclaration d'alerte sanitaire a été décrétée par l'administration espagnole le 3 juillet 2001, pour des raisons de sécurité alimentaire. Cette situation a contraint les producteurs à retirer l'huile de grignons d'olive du marché et à l'expédier sur les sites de conditionnement, afin qu'elle soit de nouveau raffinée. Ce traitement permet d'éliminer son contenu en hydrocarbures aromatiques polycycliques. Elle doit ensuite être reconditionnée et réétiquetée pour être mise sur le marché.

(68) Le coût pour les industries du secteur pour procéder au retrait de l'huile, au déconditionnement, au raffinage, au reconditionnement et au réétiquetage, en vue de la commercialisation, a été très supérieur aux aides octroyées.

(69) La déclaration d'alerte sanitaire a été faite après que les analyses pratiquées au cours de plusieurs contrôles eurent révélé l'existence dans les huiles de grignons d'un contenu élevé en hydrocarbures aromatiques polycycliques dont le benzopyrène, un produit cancérigène d'après l'Organisation mondiale de la santé. En l'absence de législation spécifique en la matière, le ministère de la Présidence a pris un arrêté ministériel fixant les limites pour certains hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'huile de grignons d'olive.

(70) La Commission considère généralement que la responsabilité en matière de respect des conditions prévues par la législation communautaire ou nationale, afin de garantir la qualité et la sécurité de l'huile, incombe aux entreprises concernées. Les pertes résultant de la nécessité de raffiner à nouveau l'huile de grignons d'olive pour pouvoir la remettre sur le marché, parce qu'elle ne répond pas aux conditions légales en vigueur, doivent être considérées comme entrant dans le cadre du risque de l'entreprise assumé par les sociétés dans le secteur affecté. Normalement, la Commission ne pourrait donc pas considérer que le versement d'une aide pour compenser ces pertes est réalisé au nom de l'intérêt commun.

(71) Toutefois, dans le cas présent, la Commission a pris en considération le fait que, jusqu'en juillet 2001, aucune limite n'avait été fixée pour la présence de certains hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'huile de grignons d'olive, ni dans la législation communautaire, ni dans la réglementation nationale. Dans ces circonstances, les contrôles de présence d'hydrocarbures aromatiques polycycliques ne faisaient pas partie des points couramment examinés lors des inspections normales réalisées dans le secteur concerné. Le fait que les pertes résultant du retrait, du déconditionnement, du raffinage, du reconditionnement et du réétiquetage de l'huile en vue de sa commercialisation aient affecté la plupart des sociétés du secteur laisse supposer que, dans le cas présent, les pertes assumées sont exclues du champ normal des risques des entreprises.

(72) Il est possible d'établir une analogie avec le point 11.4 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole. Conformément à celui-ci, la Commission autorise les aides, jusqu'à concurrence de 100 % des coûts réels, en faveur de la lutte contre les maladies des animaux et des végétaux, dans le cadre d'un programme adéquat établi au niveau communautaire, national ou régional pour prévenir, surveiller ou éradiquer la maladie en cause. Pour cela, il doit exister une disposition législative, réglementaire ou administrative permettant aux autorités nationales compétentes d'agir face à la maladie concernée. Seules peuvent faire l'objet de mesures d'aide les maladies qui sont une source de préoccupation pour les autorités publiques, et non les mesures dont les agriculteurs pourraient raisonnablement assumer la responsabilité par eux-mêmes. Les aides doivent avoir pour objectif la prévention, l'indemnisation ou la prévention et l'indemnisation. Dans le cas présent, lorsque le problème est survenu, il n'existait aucune disposition nationale ou communautaire. Néanmoins, la rapide adoption, en juillet 2001, de règles fixant des limites pour la présence de certains hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'huile de grignons d'olive a clairement démontré la préoccupation de l'opinion publique à l'égard de ce problème.

(73) Dans ce contexte, la Commission a autorisé, sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, une aide pour la destruction de produits destinés à l'alimentation animale contaminés par la dioxine (aide NN 105-1998). Cette aide se limitait aux coûts du transport et de destruction de pulpes d'agrumes contaminées et d'aliments pour animaux d'une manière qui prenait en considération des préoccupations environnementales et de santé. Jusqu'à cette date, la législation communautaire n'avait pas fixé de plafond pour la présence de dioxine dans des matières utilisées pour la préparation d'aliments pour le bétail.

(74) Considérant ce qui précède, la Commission estime que cette aide facilite le développement des activités économiques dans le secteur de l'huile de grignons d'olive. De plus, dès lors que les coûts pour les industries du secteur liés au retrait de l'huile de grignons d'olive du marché et à son expédition dans les usines de mise en bouteille, en vue de son nouveau raffinage, pour l'élimination du contenu en hydrocarbures aromatiques polycycliques, et de son reconditionnement et réétiquetage pour sa mise sur le marché, auront été supérieurs au montant de l'aide accordée, la Commission considère que l'octroi de l'aide n'altérera pas les conditions des échanges commerciaux dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

V. CONCLUSIONS

(75) La Commission conclut que l'Espagne a concédé illégalement les aides considérées, en infraction avec les dispositions de l'article 88, paragraphe 3, du traité. Leur octroi était illégal, ayant eu lieu avant que la Commission ne se soit prononcée sur leur compatibilité avec le Marché commun. Cependant, ces aides sont compatibles avec le Marché commun et peuvent bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, comme mesures visant au développement du secteur.

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Les aides d'État accordées par l'Espagne en faveur des industries d'extraction, de raffinage et de mise en bouteille de l'huile de grignons sous forme de bonification des taux d'intérêt des prêts et du coût de gestion des garanties, prévues par l'arrêté du ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, du 14 novembre 2001, établissant une ligne de financement en faveur des industries d'extraction, de raffinage et de mise en bouteille de l'huile de grignons d'olive, sont compatibles avec le Marché commun.

Article 2

Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.

(1) JO C 93 du 18.4.2002, p. 2.

(2) Voir note 1 de bas de page.

(3) Boletín Oficial del Estado n° 178 du 26.7.2001, p. 27397.

(4) Boletín Oficial del Estado n° 278 du 20.11.2001, p. 42443.

(5) JO C 28 du 1.2.2000, p. 2.

(6) Rec. 1995, p. II-1675.

(7) JO L 172 du 30.9.1966, p. 3025/66. Règlement modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de 2003.

(8) Rec. 1979, p. 2161.

(9) JO C 44 du 16.2.1996, p. 2.

(10) Source: Eurostat.